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00:00Europains, Europains, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:08Une journée du souvenir, l'attentat de Charlize, c'était il y a dix ans.
00:13Bonjour à Géraldine Hamon, bonjour à Laurent Tessier, qu'on peut écouter chaque jour à 6h15.
00:19Je le rappelle à Fabrice Lafitte qui est à la réalisation, bonjour à notre ami Olivier Guenec qui est aux instruments.
00:26Bonjour Olivier Guenec dit Monsieur Boubouc aux instruments en tous genres.
00:31Bien sûr.
00:32Bien sûr et puis également notre ami Alexandre Omar qui est là bien sûr pour la programmation notamment de l'émission.
00:40Et puis Marc Vériot est donc avec nous ce matin au cœur du RAID.
00:44Lorsque je lis, bonjour, rebonjour Monsieur Vériot, lorsque je lis le bandeau qu'il y a sur votre livre au cœur du RAID,
00:53je lis il a survécu à deux tirs de Mohamed Merah, il a fait sauter la porte de l'Hypercacher
00:58et il a connu le Bataclan des missions en Afghanistan, en Colombie, des Go Fast 20 ans dans l'intimité d'un policier d'élite.
01:05Et lorsque je vous reçois, le journaliste que je suis ne peut que constater que tout le monde n'a pas la même vie
01:12et qu'on n'interroge évidemment pas tout le monde de la même manière.
01:16Lorsque le journaliste que je suis qui n'a jamais quitté au fond son siège dans un studio rencontre un homme d'action comme vous
01:26et qui a fait ce qu'il a fait, il peut évidemment se dire que toutes les vies professionnelles ne se valent pas
01:35et ne sont pas les mêmes et n'ont pas la même importance.
01:38Et c'est vrai que lisant ce que vous avez fait et notamment la traque des frères Kouachi,
01:47lorsque vous écrivez dans nos véhicules on avait tous la boule au ventre,
01:51on ignorait encore que cette traque nous tiendrait éveillés les prochaines 48 heures.
01:56Les traces des frères Kouachi étaient fraîches, il nous fallait aller au plus vite, leur fermer toute possibilité de fuite.
02:03Trois zones susceptibles de servir de retraite éventuelles avaient été délimitées.
02:08On est évidemment sans doute le 7 janvier et il est quelle heure ?
02:13Et bien quand les assassinats ont lieu, c'est aux alentours de 11h30, on est immédiatement mis en alerte.
02:18C'est-à-dire qu'on doit se mettre en noir et prêt à partir.
02:22D'habitude on va à la salle de réunion pour faire un dernier briefing.
02:27Quand c'est vraiment pressé on fait la réunion, le dernier briefing au niveau des voitures, sur la place d'armes.
02:32Mais là on n'a même pas pris ce temps-là, on est montés dans les véhicules et on est tous partis en convoi direction Charlie Hebdo.
02:39On savait que le briefing allait avoir lieu dans la voiture, par radio.
02:44Et à mi-chemin on a été déroutés et on nous a envoyés dans la région de Reims où était l'environnement familial des terroristes.
02:52A partir de là on a cassé les appartements pour avoir des indices.
02:57Et puis après on a été en attente et on a suivi toutes les indications.
03:03C'est vrai qu'il y a eu trois services de police judiciaire mis en oeuvre.
03:07L'ASAT, c'est-à-dire l'antiterrorisme parisien, l'ASDAT, la sous-direction de l'antiterrorisme au niveau national, et la DGSI.
03:16Donc ça faisait beaucoup d'enquêtes, d'enquêteurs.
03:19Et nous on était le bras armé. Cette forêt de Soissons a été divisée en trois.
03:24Une zone pour la BRI, une zone pour le GIGN, une zone pour nous.
03:28Et on répondait aux injonctions des services d'investigation.
03:32On allait à droite, on allait à gauche, on a fouillé des villages, on a fouillé des maisons suspects.
03:37On a donné des assauts sur des maisons où des passants avaient vu deux personnes autour.
03:43Et puis voilà, les 48 heures se sont passées comme ça. On a quasiment pas pris le temps de manger, boire et dormir.
03:49Alors dormir, c'est ça qui est toujours étonnant d'ailleurs.
03:52Vous êtes combien d'ailleurs à ce moment-là ?
03:55Sur une intervention normale, une petite trentaine.
03:57Mais là, tout le service était rappelé.
04:00Puisque voilà, il y en a qui ont été à Reims, il y en a qui sont restés du côté du Bataclan,
04:04il y en a qui ont été direct...
04:06De Charlie Hebdo, de la rue Nicolas Appert.
04:08Il y en a qui ont été directement dans la forêt.
04:11En fait, on s'est divisé en quatre équipes et on a quadrillé très vite, un petit peu partout.
04:21Deux équipes ont été à Reims.
04:23C'était il y a dix ans, jour pour jour, quasiment heure pour heure, si j'ose dire.
04:28Il est 11h09, donc l'attentat avait eu lieu, je pense.
04:34Oui, c'est ça, vers 11h30 je crois.
04:37Et évidemment, dix ans plus tard, ces minutes-là ne pèsent pas de la même manière dans votre vie.
04:44Elles sont inscrites et peut-être chaque minute, vous vous souvenez à dix ans d'écart de ce que vous avez fait.
04:50Bien sûr.
04:51On n'était pas surpris, nous, parce qu'on était confrontés à cette problématique-là depuis déjà pas mal d'années.
04:57Les anciens, parce que moi je suis arrivé au Raid en colonne d'assaut en 98,
05:01mais en 96, les anciens avaient déjà été confrontés au terrorisme, l'islamisme,
05:07notamment avec le gang de Roubaix.
05:10Donc il y avait eu parmi nous un blessé très grave,
05:13qui avait pris une balle de Kalashnikov dans la poitrine et une dans la bouche.
05:17Donc voilà, ça c'était 96.
05:20Après, il y a eu tous les attentats,
05:22parce que nous, même quand ça ne nous arrive pas à nous, on s'y prépare.
05:26C'est les attentats d'Espagne, RER, en Turquie, à Moscou, le théâtre, enfin bon.
05:37Et puis après, c'était revenu sur nous en 2012 avec Mera.
05:41Moi dans l'affaire Mera, je prends deux balles, une balle dans le casque, une balle dans l'épaule.
05:44Donc en janvier 2015, on nous apprend la tuerie de Charlie Hebdo,
05:49on sait qu'on s'inscrit dans ce genre d'intervention
05:53où il y aura forcément des blessés, parce que c'est difficile.
05:58Enfin, on est dans des situations, avec le terrorisme islamiste,
06:01on est dans des situations de guerre,
06:04puisque les terroristes sont armés comme des militaires,
06:08puisque c'est de la Kalashnikov.
06:10Koulibaly à Charlie Hebdo, à l'Hypercacher, avait deux kilos d'explosifs.
06:16Les frères Kwashi de Charlie Hebdo avaient un lance-roquette,
06:20plus compétitif encore que les RPG-7 que connaissent ceux qui regardent les films de Deuxième Guerre Mondiale.
06:27C'était un RBR M80 en 1964, c'est un lance-roquette moderne.
06:32Bon, en novembre, on a reçu des grenades à Saint-Denis.
06:37Donc on sait que quand on s'inscrivait dans cette poursuite,
06:41on savait que ça n'allait pas être banal et qu'on allait avoir affaire à du lourd, du militaire.
06:45La traite des frères Kwashi, c'est ce que vous allez nous raconter.
06:48Et puis on reviendra évidemment ce matin, vous avez peut-être écouté Philippe Val,
06:52qui était l'invité à 7h10 de Dimitri Pavlenko.
06:55Philippe Val qui a dirigé Charlie Hebdo,
06:58qui avait quitté Charlie Hebdo en 2015 bien sûr,
07:00mais qui est arrivé sur le lieu et qui raconte qu'il n'a pas vu,
07:04grâce à Manuel Valls, ses amis tués.
07:08On marque une pause, on est donc avec Marc Verriott,
07:11vous êtes sur Europe 1, il est 11h12,
07:13merci d'être avec nous pour cette journée du souvenir.
07:16Europe 1.
07:17Pascal Proé, vous de 11h à 13h sur Europe 1, avec votre invité Pascal,
07:21Marc Verriott, ancien membre du rédacteur.
07:23Et qui nous parle effectivement de ce qui s'est passé il y a dix ans,
07:27notamment dans la traque des frères Kwashi.
07:30Mais avant ça, je voulais qu'on réécoute Philippe Valls,
07:33c'est l'ancien directeur de Charlie Hebdo, je l'ai dit,
07:35il était ce matin sur Europe 1
07:38et il raconte le moment où il est arrivé sur place.
07:41Je suis arrivé en même temps que Manuel Valls,
07:44qui est décomposé et qui monte dans la salle de rédac,
07:47qui me dit attends moi,
07:49et je reverrai toujours toute ma vie cette scène qui me repasse
07:54encore dans la tête la nuit,
07:56et il redescend au bord de l'évanouissement
08:01et il me dit ne monte surtout pas.
08:03Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une espèce de gratitude pour Manuel Valls,
08:07déjà parce que je l'aime bien, c'est un ami,
08:10et grâce à lui, je n'ai pas cette image dans la tête à chasser,
08:19voilà, je n'ai pas vu quoi.
08:22Philippe Valls, dix ans plus tard, qui fait une sorte d'analyse
08:26sur ce qui se passe dans la société française.
08:28Je pense que la population n'a pas oublié,
08:31je pense que ce qu'a oublié,
08:32il y a des tas de gens qui n'ont pas oublié,
08:34les journaux, beaucoup de journaux,
08:37de chaînes d'info, des radios comme Europe,
08:40n'ont pas oublié et sont vigilants,
08:42sont devenus vigilants contrairement à ce qu'on pense au fil de ces années.
08:46Mais on doit le dire, hélas,
08:48il y a toute une partie du monde intellectuel
08:51sous l'influence de la France Insoumise
08:53et d'une espèce de morale soi-disant de gauche
08:56qui assigne les Arabes qui doivent être musulmans,
09:00leurs femmes doivent être voilées,
09:03bref, vous voyez,
09:05une espèce de...
09:07le monde est comme ça, le journal Le Monde est comme ça,
09:10ces gens-là n'ont toujours pas compris,
09:12ils n'ont toujours pas compris et ils confondent
09:14la vigilance vis-à-vis d'un islam médiéval
09:17qui déteste la France, qui déteste l'Europe,
09:20qui déteste les libertés, qui déteste l'égalité homme-femme,
09:23qui déteste la liberté de la sexualité pour les homosexuels,
09:26tout cet islam dangereux,
09:29ils pensent que quand on le critique, on est raciste,
09:32mais c'est monstrueux !
09:33Il faut beaucoup de courage aujourd'hui pour dire ça
09:35dans l'espace médiatique et Philippe Valle en a beaucoup,
09:38et puis il a une autorité aussi intellectuelle, morale,
09:41qui lui permet de dire ces choses-là
09:44et espérons qu'elles soient entendues.
09:46Manuel Valle, c'était à l'époque Premier ministre,
09:48il est ministre des Outre-mer aujourd'hui
09:51et il s'est exprimé sur RMC.
09:53Charlie a été... parce que ça a été un attentat,
09:55ils le disent eux-mêmes, profondément politique,
09:57on a attaqué la France pleinement pour ce qu'elle était.
10:00Charlie, des policiers, les français juifs,
10:03et quelques mois après, bien évidemment, il y a eu le Bataclan,
10:06c'est-à-dire un mode de vie.
10:07Moi j'en appelle un esprit de résistance.
10:11Il ne faut pas avoir peur,
10:13mais il faut regarder aussi le danger dans les yeux.
10:16Et ce danger, c'est l'islamisme,
10:18ce sont les frères musulmans,
10:19et c'est tous ceux qui d'une certaine manière sont complices de cela.
10:23Mais tous ceux, il faudrait peut-être aussi les nommer,
10:25les tous ceux.
10:26Et c'est là que le débat commence.
10:27Philippe Vallée, il les nomme les tous ceux.
10:29Et le ministre Manuel Valls,
10:31peut-être peut-on l'interroger sur ce sujet.
10:34Je vous propose d'écouter François Hollande en 2015,
10:37quelques heures après l'attentat de Charlie Hebdo.
10:39Cette fusillade d'une violence extrême
10:42a tué 12 personnes et en a blessé plusieurs.
10:45Des dessinateurs de grands talents,
10:47des chroniqueurs courageux, sont morts.
10:50Ils avaient marqué par leur influence,
10:53par leur insolence,
10:55par leur indépendance des générations et des générations de français.
10:59Je veux ici leur dire
11:03que ce message, ce message de la liberté,
11:06nous continuerons à le défendre en leur nom.
11:09Et puis écoutons Jean-Luc Mélenchon,
11:12ce qu'il disait en 2015,
11:13et voyons comme les choses ont changé.
11:15A l'époque, il était ami de Charb,
11:17qui est l'une des victimes de l'attaque,
11:20et il lui rendait hommage.
11:22Charb, tu as été assassiné,
11:25comme tu le pressentais,
11:26par nos plus anciens,
11:27nos plus cruels,
11:28nos plus constants,
11:29nos plus bornés ennemis.
11:32Les fanatiques religieux,
11:34crétins sanglants,
11:35qui vocifèrent de tout temps,
11:37abat l'intelligence, vive la mort.
11:39Charb, ils n'auront jamais le dernier mot,
11:43tant qu'il s'en trouvera
11:45pour continuer notre inépuisable rébellion.
11:48Et il s'en trouvera toujours,
11:50parce que tu as fait ta part du travail,
11:52pour qu'il en soit ainsi.
11:54Ton crayon a des seins entre les dents.
11:57Sauf que l'ancien homme politique humaniste,
12:01hérité du siècle des Lumières,
12:03a compris qu'en flattant un certain électorat,
12:07il pourrait gagner des voix.
12:09D'où le changement de ton,
12:11de style et d'esprit de Jean-Luc Mélenchon.
12:15Je le répète, nous sommes ce matin avec Marc Vériot,
12:19et nous parlons des frères Kouachi,
12:21puisque vous étiez à l'époque au Raid,
12:23et vous nous expliquez ce qui s'est passé,
12:2548 heures durant lesquelles vous n'avez pas dormi,
12:28vous nous avez dit combien les frères Kouachi
12:30étaient armés lourdement,
12:32et on en arrive évidemment à cette traque finale.
12:36Les frères Kouachi ont fini par être repérés
12:38vendredi 9, en début d'après-midi,
12:40ils se terraient dans une imprimerie
12:43à Damartin en Joël,
12:45c'était en zone gendarmerie,
12:47on a laissé le GIGN opérer,
12:49au même moment, nous avons été appelés en urgence
12:51à 40 km au sud, à 13h41,
12:53un terroriste en lien avec les Kouachi,
12:55armé de fusils d'assaut,
12:57venait de prendre l'hypercacher de la porte de Vincennes
12:59en otage, il avait menacé nos négociateurs
13:01de tuer ces 26 otages,
13:03si le GIGN ouvrait le feu sur les Kouachi.
13:06Et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
13:08Eh bien, on s'était mis d'accord avec le GIGN
13:12pour faire un assaut conjoint,
13:14puisque les terroristes étaient en contact,
13:17mais ça a été troublé par le fait
13:19que finalement, c'est les frères Kouachi
13:21qui ont donné l'assaut au GIGN,
13:23donc ils étaient maîtres du timing,
13:27et donc nous, on a été embarrassés,
13:29tous les feux n'étaient pas ouverts,
13:31parce que cette épicerie,
13:33c'est pas facile à donner l'assaut sur une épicerie comme ça,
13:35les portes, forcément, sont des portes
13:37qui sont faites pour résister aux cambrioleurs,
13:39et donc, tout ce qui résiste aux cambrioleurs
13:42nous résiste à nous,
13:44il y avait 26 otages,
13:46c'est quelque chose qu'on n'avait jamais fait,
13:48et puis, il était fortement armé,
13:50il avait deux VZ-58,
13:55des Kalashnikovs un petit peu de moins bonne qualité,
14:01tchécoslovaques, mais il avait aussi deux Tokarev C-62.
14:04Pour les auditeurs qui nous écoutent,
14:06je propose qu'on ne donne pas les références
14:08toujours de l'armement,
14:10parce que j'ai peur que les uns et les autres
14:12soient un peu perdus,
14:13et qu'on comprenne que l'armement est très lourd,
14:15et qu'il est un armement de guerre.
14:16Et ce que je veux dire,
14:17c'est qu'on a été obligé de donner l'assaut,
14:18alors que les feux n'étaient pas ouverts.
14:20Et donc, on a forcé les portes,
14:24et puis, sans attendre que tout soit à notre main,
14:30on a donné l'assaut,
14:31parce que le terroriste avait dit
14:33qu'il tuerait les otages
14:36si jamais les frères Kwashi mouraient,
14:38c'est ce qui s'était passé,
14:39il avait un ordinateur,
14:40il suivait les informations,
14:42heureusement, il n'avait pas mis le son,
14:44et il n'avait pas vu que le bandeau
14:47en dessous des informations
14:48montrait que les frères Kwashi.
14:49Donc, ça nous a laissé un quart d'heure
14:50pour nous organiser,
14:51et on a réussi à donner l'assaut,
14:53et à libérer les 26 otages,
14:55sans qu'il y ait un blessé.
14:56Et vous racontez ça par le menu,
14:57si j'ose dire,
14:58c'était une porte de grande taille,
15:00très renforcée,
15:01avec un pare-feu,
15:02et une couche d'isolant
15:04qui nuirait sûrement à l'efficacité
15:05de la charge explosive.
15:07Elle était constituée de deux bâtons métalliques
15:09qu'il fallait tirer pour ouvrir.
15:11On m'a désigné pour aller au charbon.
15:13Ok, j'ai renversé mon sac
15:16de montage d'explosifs,
15:17j'ai choisi celui qui me convenait le mieux,
15:20j'ai ajouté de la matière par-ci,
15:22j'en ai retiré par-là,
15:23j'ai expliqué à mon binôme
15:25où je comptais les positionner sur la porte.
15:28C'est-à-dire que là, vous êtes le premier client ?
15:31La première tâche,
15:32face à une intervention,
15:33la première tâche délicate,
15:34c'est d'ouvrir les issues.
15:36Et là, il n'y avait que deux possibilités possibles.
15:38Enfin, maintenant, on sait ouvrir les murs,
15:41on sait ouvrir les toits,
15:42on sait ouvrir les plafonds,
15:43mais il y avait aussi 19 otages de l'autre côté.
15:47Au premier étage, il y avait 19 otages,
15:48plus les 7 cachés dans les frigos.
15:50Mais il fallait ouvrir violemment,
15:53très vite,
15:54parce qu'un terroriste,
15:57ça tire 600 coups par minute,
15:59une Kalachnikov.
16:00Donc, ça veut dire que chaque seconde,
16:02c'est 10 coups de feu,
16:03donc on est pressé.
16:04La porte, quand on s'y attaque,
16:06il faut qu'elle s'ouvre très vite.
16:07Et on ne peut pas mettre des doses inconsidérées,
16:10d'explosifs,
16:11parce que, déjà, techniquement,
16:12ce n'est pas parce que tu mets des grosses doses
16:13que la porte s'ouvre.
16:14Notamment, on avait une porte tirante,
16:16ça veut dire que si tu la pousses trop,
16:17elle s'encastre dans le montant.
16:19Enfin, bon, bref.
16:20On avait deux issues très délicates à ouvrir,
16:23et c'est la première tâche,
16:24parce que, bien sûr,
16:25on ne peut pas envoyer la colonne d'assaut
16:27si les portes ne s'ouvrent pas.
16:29Donc, la première tâche délicate, c'était ça.
16:31On a réussi à ouvrir les deux issues,
16:33parce que s'il y en avait une
16:35sur laquelle on avait échoué,
16:37eh bien, on serait rentré par l'autre côté.
16:39Moi, mon ouverture,
16:41c'était côté porte de service.
16:43Ça a attiré le terroriste vers nous.
16:46Il a vu le halo de fumée
16:49et le halo de lumière.
16:51Il a tiré dans notre direction.
16:52Ça a permis à la colonne d'assaut du RAID
16:54de s'organiser sur la porte principale,
16:56qui était une porte en verre
16:58et une porte métallique,
17:00un volet tirant,
17:01un volet en roulant.
17:03On a réussi notre assaut
17:05sans blesser aucun otage,
17:07ce qui n'était pas facile.
17:10Notre première priorité,
17:12c'est de sauver les otages.
17:14Ensuite, d'essayer d'avoir le terroriste vivant
17:17pour attraper le plus de complices.
17:19Et ensuite seulement, sauver nos vies.
17:21Ça faisait trois choses difficiles dans ce contexte.
17:24Marc Vériot est avec nous,
17:26au cœur du RAID.
17:27C'est publié aux éditions Les Arènes.
17:29Vous étiez au cœur de la traque des Frères Kouachi.
17:32Vous étiez à l'hyper cachère.
17:34La porte a sauté, écrivez-vous là encore.
17:37Elle s'est offerte superbement,
17:39comme si quelqu'un nous invitait calmement à entrer.
17:41J'avais bien osé épositionner les charges.
17:44C'est ça qu'on apprend aussi.
17:45C'est que vous, vous faites.
17:47Précisément, c'est vous qui décidez la charge ou pas.
17:50La scène a été filmée par les caméras de surveillance parisiennes.
17:53J'ai inspiré une bouffée d'air.
17:55Et je me suis rempli d'un sentiment de fierté.
17:58Une fois la porte de l'hyper cachère ouverte,
18:00le BRI a enfin débarqué,
18:02lentement à l'abri derrière leur bouclier Ramsès,
18:04à roulettes de 180 kilos.
18:07Et quand je dis que chacun n'a pas la même vie
18:10que dans nos vies à nous,
18:12nous n'éprouvons évidemment pas ce type de sentiment
18:16que vous avez dû ressentir ce jour-là.
18:19Ces questions, chacun vous les pose d'ailleurs.
18:22Parce que vous avez une famille.
18:24Que vous dit votre famille lorsque vous entrez ?
18:26Les risques que vous prenez ?
18:28Le père que vous êtes ?
18:30Les enfants que vous avez peut-être ?
18:32Evidemment, ça nous interroge toujours sur pourquoi vous faites ça.
18:37Alors heureusement, mon épouse était sportive.
18:40Elle était en équipe de France de judo aussi.
18:42Donc quand on est sportif,
18:44on a un recul par rapport à la blessure.
18:47Parce qu'un sportif qui craindrait de se blesser à chaque épreuve
18:50ne pourrait pas performer.
18:52Eh bien moi, au Red, j'ai continué sur cette mentalité-là.
18:56Alors je savais, t'es pas dupe.
18:58On avait déjà trois morts dans l'unité,
19:00une trentaine de blessés par balle.
19:02Donc on sait que l'enjeu n'est pas exactement le même qu'en sport.
19:06C'est que tu peux y laisser ta peau.
19:08Donc on développe une espèce de capacité de concentration.
19:12Moi, des fois, on nous flatte en nous disant qu'on est courageux.
19:16Mais objectivement, moi je me trouve plus apte à la concentration
19:19qu'apte au courage.
19:21C'est-à-dire que face à une intervention,
19:23je me concentrais uniquement sur le présent.
19:25Je pensais pas au passé, je pensais pas au futur d'une éventuelle blessure.
19:29Je pensais pas à mon égo, à mon nombril.
19:31Mais je pensais à la tâche technique.
19:33Parce qu'en fait, comme un sportif, la tâche technique est primordiale.
19:36Moi, si cette porte s'ouvre pas, c'est une catastrophe.
19:39Donc en fait, il faut se concentrer, il faut avoir 100% de son cerveau
19:42orienté sur cette porte qu'on doit ouvrir.
19:45Et ça permet de ne pas laisser de place aux émotions,
19:48à la peur de se blesser, à la peur de perdre son épouse, ses enfants.
19:52Et ça aide, savoir bien se concentrer sur le présent,
19:55aide à agir.
19:57Mais je pense que c'est dans tous les métiers, même si les enjeux ne sont pas les mêmes.
20:00Oui, les enjeux ne sont pas les mêmes.
20:02Parce que l'erreur, si nous faisons une erreur avec Géraldine Amon,
20:06à ce micro, surtout elle n'a aucune importance.
20:09Elle n'a aucune importance.
20:11C'est-à-dire qu'on va se tromper d'un bobineau,
20:13on va lancer une pub à la place d'autre chose,
20:15elle n'a aucune importance.
20:17Si vous vous trompez sur la charge, ce jour-là,
20:21si vous n'évaluez pas précisément ce que vous devez faire,
20:25si le professionnel que vous êtes est peut-être moins aguerri,
20:29ou moins expérimenté, ou moins bon tout simplement,
20:32les conséquences sont dramatiques.
20:34Oui, exactement.
20:35Alors là, il faut être aussi des grands professionnels.
20:37C'est ça que je veux dire.
20:38Au-delà de la psychologie, au-delà du caractère,
20:41vous êtes un grand professionnel.
20:43Moi c'est devenu une obsession,
20:45c'est-à-dire que je ne pouvais pas aller chez des amis
20:47sans discrètement regarder la porte,
20:49en me disant comment je ferais pour l'ouvrir.
20:51Je ne pouvais pas me promener dans Paris
20:53sans voir une porte,
20:55en me disant combien je pourrais mettre,
20:57où il faudrait que je mette.
20:58Parce qu'en fait, les portes, en 20 ans,
21:01de 1998 à 2018,
21:03elles ont beaucoup évolué,
21:06avec les normes de sécurité,
21:08parce que les cambriolages s'envolent,
21:10avec les normes aussi d'isolation.
21:15Enfin bon, donc il fallait passionner.
21:17On va marquer une pause.
21:18Mais il y en a un qui vous ressemble dans notre équipe.
21:20Un seul, c'est Olivier Guenec.
21:22Parce qu'il a fait exploser les portes.
21:24Les portes des studios.
21:25Les portes des radios.
21:27Croyez-moi.
21:28Je me suis dit, mais où est-ce qu'il m'emmène ?
21:30Il a mis des charges explosives un peu partout,
21:33et il a pu pénétrer dans cet univers de la radio.
21:35Ah bah il a fallu !
21:36N'oubliez pas que je rentre !
21:38On a tous des portes à ouvrir.
21:40On a tous des plafonds de verre à repousser.
21:42Bon, il est 11h28,
21:44c'est passionnant de vous écouter.
21:46On lira la fin.
21:48Je lirai la fin, effectivement,
21:52de ce qu'il s'est passé dans l'Hyper Cacher.
21:54Parce que ce qui est formidable dans le livre,
21:56c'est combien vous racontez précisément les choses.
22:00Et d'ailleurs, peut-être, il faut-il citer
22:02Karim Ben Ismail,
22:04qui vous a accompagné.
22:06C'est un journaliste qui travaille à l'équipe.
22:08Voilà, dans l'écriture de ce bouquin.
22:12Parce que je trouve que c'est passionnant.
22:14Toutes les questions qu'on se pose,
22:16vous y répondez.
22:18Et vraiment, le livre se lit d'une traite.
22:20Il est 11h29 à tout de suite.
22:22Et si vous voulez interroger notre invité Marc Viryot,
22:24n'hésitez pas à composer le 01 80 20 39 21.
22:26Il est 11h29.
22:28Vous écoutez Pascal Praud sur...
22:3011h13.
22:32Pascal Praud sur Europe 1.
22:34Avant de terminer avec Marc Viryot
22:36au cœur du RAID,
22:38je pense que nous sommes avec Théo Grévin
22:40qui, dans quelques instants...
22:42Théo, bonjour.
22:44Bonjour Pascal.
22:46Et merci d'être avec nous,
22:48puisque un hommage va donc être rendu
22:50à tous ceux qui sont décédés
22:52il y a dix ans,
22:54jour pour jour et heure pour heure.
22:56Et vous êtes présent
22:58là où cet hommage va être rendu.
23:00Oui, tout à fait.
23:02Nicolas Aper, c'est dans le 11ème arrondissement
23:04de la capitale, adresse des anciens
23:06locaux de Charlie Hebdo,
23:08là où il y a dix ans, jour pour jour,
23:10le frère Kouachi allait tuer huit membres
23:12de la rédaction, les dessinateurs
23:14Cabu, Charles Bonoré,
23:16Tignous. Alors, cérémonie très sobre
23:18à prévoir qui va débuter dans quelques
23:20instants. Il manque
23:22le chef de l'État qui va arriver d'ici
23:24quelques minutes. Une annonce vient d'être
23:26faite. Cérémonie très sobre,
23:28une minute de silence, des gerbes de fleurs,
23:30une marseillaise également sera
23:32entonnée. Parmi les personnalités
23:34présentes ici, plusieurs élus de la
23:36ville de Paris, des ministres
23:38et bien sûr des familles de victimes.
23:40J'ai pu, il y a quelques minutes, échanger avec
23:42la fille aînée de Georges Wolinski,
23:44le dessinateur tué
23:46ici il y a dix ans. Elle m'expliquait
23:48larmes aux yeux, avoir le souvenir de
23:50conférences de rédaction auxquelles
23:52elle assistait avec son père. Très
23:54peu de choses finalement ici, c'est ce que je peux vous dire,
23:56rappellent cet événement
23:58terrible. Il y a une fresque avec
24:00les portraits des victimes peintes
24:02sur la façade d'un immeuble de cette
24:04rue, Nicolas Aper.
24:06Et donc beaucoup de personnes ici, même
24:08si
24:10évidemment le
24:12dispositif de sécurité est très important
24:14étant donné que le Président de la République va arriver
24:16dans quelques instants pour cette cérémonie.
24:18Et on peut peut-être rendre hommage
24:20précisément à Cabu et Charbes
24:22et la meilleure manière de leur rendre
24:24hommage c'est de les écouter.
24:26Il y a de l'autocensure peut-être, mais on peut
24:28toujours se moquer des
24:30politiques et des religieux. Alors c'est ça qui a
24:32changé peut-être en vingt ans, c'est qu'il y a eu
24:34des intégrismes de toutes les religions
24:36se manifestent de plus en plus
24:38et nous empêchent de faire des caricatures.
24:40C'est notre boulot quand même de maintenir
24:42une charge contre
24:44toutes les idéologies parce qu'on
24:46prend ces religions
24:48comme des idéologies. On doit pouvoir critiquer
24:50toutes les idéologies.
24:52Donc on continue à le faire
24:54évidemment, mais on ne va pas se prendre pour
24:56des héros non plus. On essaie de faire
24:58rire d'abord. Mais je pense qu'en France, on peut
25:00encore rire de tout. Il faut maintenir ce
25:02niveau d'esprit critique.
25:04Vous voyez, c'est intéressant parce que c'est Cabu
25:06en 2012 et il
25:08dit toutes les religions parce que lui-même
25:10a sans doute la volonté en 2012
25:12de ne pas pointer
25:14une religion. La vérité
25:16oblige à dire que
25:18c'est l'islam qui tue. Que je
25:20sache, ce n'est pas des
25:22intégristes, bien sûr, des fondamentalistes,
25:24bien évidemment, des
25:26islamistes. C'est
25:28évident, mais que je sache
25:30il n'y a pas de mort
25:32aujourd'hui au nom
25:34du catholicisme.
25:36Je ne le crois pas. Écoutons
25:38Charbes, toujours en 2012
25:40et cette fois, il est encore micro d'Europe 1.
25:42On ne peut pas caricaturer Mahomet
25:44en France. Si, évidemment qu'on peut caricaturer
25:46Mahomet. On peut caricaturer tout le monde en France.
25:48Moi, je vis sous la loi française
25:50et je ne vis pas sous la loi coranique.
25:52Le seul sujet qui pose problème visiblement, c'est
25:54quand on parle de l'islam radical.
25:56On n'a pas le droit de rigoler des
25:58intégristes musulmans.
26:00C'est une nouvelle règle qu'il va falloir
26:02s'inscrire, mais on ne la respectera pas.
26:04Vous voyez, Charbes, lui, il pointe
26:06la responsabilité
26:08des intégristes musulmans.
26:10Et puis, Camus avait dit aussi, on peut le
26:12réécouter si vous voulez, qu'il était protégé par la police.
26:14Au moment du procès des caricatures
26:16danoises, vous savez, qu'on a publié,
26:18j'étais protégé
26:20par la police.
26:22Ça vous fait rire ?
26:24Ça fait rire, oui. Ça a duré
26:26une semaine seulement.
26:28Actuellement, je peux vous dire que
26:30Risse, Charbes et Luz
26:32sont toujours protégés par deux policiers, chacun.
26:34Il y a toujours des menaces de mort.
26:36Pour un dessin, vous vous rendez compte.
26:38Théo Grévin est avec nous, il est journaliste
26:40européen. Il est présent à l'hommage dans le
26:4211e arrondissement de Paris, à l'ancien
26:44siège de Charlie Hebdo, rue Nicolas Rappert.
26:46Et je pense, Théo, que vous
26:48interviendrez lorsque le président de la République
26:50va arriver tout à l'heure. Je ne sais pas s'il est prévu
26:52par exemple une prise de parole du président de la République ?
26:54Écoutez, ça n'a pas été
26:56précisé, en tout cas par l'Élysée,
26:58mais l'hommage
27:00sera très sobre. C'est vraiment le
27:02souhait des familles et il va se poursuivre.
27:04C'est un hommage en trois temps.
27:06Les commémorations vont se poursuivre
27:08ensuite avec un recueillement
27:10face au 62 boulevard Richard Lenoir,
27:12en mémoire du policier
27:14Ahmed Merabet, tué juste après l'attaque
27:16du journal. Et donc, dans un instant,
27:18la première cérémonie, celle de Charlie Hebdo,
27:20qui va débuter avec l'arrivée du
27:22chef de l'État.
27:24Ces images de ce policier, d'ailleurs,
27:26sont terribles parce que chacun les a vues, parce qu'elles
27:28ont été filmées, Marc Vérillotte,
27:30c'est-à-dire qu'il est là
27:32lorsque les frères Kouachi
27:34sortent, qu'ils ont déjà tué
27:36toute l'équipe de Charlie Hebdo,
27:38que ce policier veut intervenir
27:40et que son intervention lui
27:42coûte sa vie.
27:44Oui, on a tous vu ces images-là, elles étaient révoltantes.
27:46On l'a entendu supplier,
27:48oui, en effet. Mais nous aussi,
27:50on trouve que la faute est du côté
27:52des politiques, puisque
27:54nous, la police française, on juge
27:56qu'elle a toujours été une des meilleures
27:58polices du monde, depuis
28:00Georges Clemenceau et les Brigades du Tigre,
28:02l'évolution de la police
28:04judiciaire, l'évolution de la police scientifique,
28:06on a toujours été à la pointe.
28:08Et aujourd'hui, on est quand même
28:10dans un pays où on n'arrive pas à sécuriser
28:12une prison,
28:14une pièce de prison de 4 mètres sur 4.
28:16Et ce n'est pas à cause de la police,
28:18c'est à cause de la politique.
28:20Pour terminer sur
28:22l'opération de l'hyper-cacher
28:24que vous racontez précisément,
28:26je lis les dernières lignes, un seul opérateur
28:28de l'équipe d'intervention est parvenu à pénétrer
28:30dans le magasin. Son périple
28:32solitaire de 17 secondes
28:34a été hallucinant.
28:36Il s'est engouffré côté gauche,
28:38mais s'est vite retrouvé face à une colonne
28:40d'otages. Il a alors obliqué
28:42vers la droite. Là, il a essuyé
28:44des coups de feu multiples,
28:46ceux de Coulibaly face à lui
28:48et ceux des collègues par l'arrière.
28:50Il a riposté vers l'avant,
28:52comme on nous l'enseigne.
28:54Coulibaly lui avait tendu un piège simple
28:56mais efficace. Il avait répandu de l'huile
28:58alimentaire sur le sol de l'entrée.
29:00Il sera neutralisé
29:02et finira par s'effondrer sans vie
29:04au pied du groupe d'assaut. La menace
29:06Coulibaly en moins, il a fallu
29:08entrer pour libérer les otages, puis exécuter
29:10une fouille minutieuse.
29:12Lorsque vous entrez
29:14et qu'il est mort Coulibaly, vous pouvez
29:16penser qu'il y a d'autres
29:18personnes, d'autres complices ?
29:20Oui, on soupçonne un deuxième
29:22terroriste, notamment son épouse.
29:24Mais
29:26une intervention c'est toujours un chaos.
29:28Et donc on sait que ça ne se passe jamais
29:30comme prévu. Alors on a des schémas
29:32tactiques, on a des entraînements, on a des automatismes.
29:34Mais on sait qu'il va falloir
29:36improviser à la seconde
29:38et que la réussite d'une intervention
29:40ça va être quand chacun
29:42de la colonne d'assaut va prendre la bonne
29:44initiative. Quand on rentre,
29:46même
29:48quand le terroriste est mort, on ne sait pas ce qui peut
29:50arriver. On sait qu'il a deux
29:52kilos d'explosifs, on ne sait pas
29:54si ces deux kilos sont initiés, cachés
29:56quelque part.
29:58Quel est le piège ?
30:00Comment déclencher le piège ? On ne sait pas
30:02s'il y a un deuxième terroriste, s'il y en a un troisième.
30:04Rien n'est clair.
30:06Est-ce qu'il y a une euphorie
30:08à ce moment-là ?
30:10Est-ce qu'il y a un moment de joie
30:12si particulier que vous avez eu
30:14parce que tous les otages sont vivants
30:16ou est-ce qu'on n'a pas le temps
30:18de profiter de ce moment-là ?
30:20Je vous parlais de concentration
30:22et en fait l'euphorie,
30:24dans ces moments-là, on est tellement concentré
30:26qu'on ne laisse pas trop de place aux émotions
30:28qu'elles soient positives ou
30:30négatives parce que de toute façon
30:32on connaît la musique. Nous,
30:34le lendemain, on sait qu'on va continuer
30:36parce que même si l'intervention
30:38n'est pas terminée médiatiquement, aux yeux des gens,
30:40nous on sait que demain,
30:42on va aller chercher sûrement celui
30:44qui a fourni les voitures, celui qui a fourni les armes,
30:46celui qui a fourni le logement
30:48et donc nous, après
30:50Vincennes, pendant 15 jours,
30:52on a très mal dormi,
30:54on s'est levé à 2h du matin pour intervenir
30:56parfois à 4h, parfois
30:58à l'heure légale de 6h et donc
31:00en fait, rien ne prête à rire
31:02et puis surtout il y a déjà 4 morts.
31:04Les otages, est-ce qu'il y a un moment
31:06d'euphorie parce qu'ils sont passés si près
31:08de la mort ? Est-ce qu'il y a des réactions
31:10que vous avez vues
31:12dont vous vous souvenez encore ?
31:14Non, je n'ai pas le souvenir
31:16de sourire
31:18parce que personne ne peut sourire dans ces conditions-là
31:20il y a 4 ou 5
31:22enfin il y a 4 morts
31:24plus la fille la veille
31:26les gens sont encore sous le choc
31:28tant qu'ils ne sont pas
31:30chez eux et même chez eux
31:32ils ont encore les images
31:34je n'ai rarement discuté
31:36avec des gens ou des otages
31:38mais même nous, la joie
31:40est très mesurée dans ces cas-là
31:42Vous avez revu parfois ces otages ?
31:44Alors ça ne se fait pas en règle générale mais là exceptionnellement
31:46on les avait revus, c'est là qu'ils nous ont dit
31:48l'un nous avait dit
31:50qu'ils sauvent une vie, ils sauvent
31:52l'humanité
31:54donc forcément avoir le regard
31:56de temps en temps de victimes
31:58c'est réconfortant pour nous
32:00qui prenons des risques pour eux alors qu'on ne les connaît pas
32:02Parait-il que dans la vie
32:04il n'y a qu'une chose qui rend heureux, c'est l'estime de soi
32:06ce qu'on souvent réfléchit
32:08au sens de la vie
32:10est-ce que vous êtes fier de vous ?
32:12Oui, oui, il ne faut pas avoir
32:14peur de...
32:16quand on réussit sa tâche
32:18moi notamment c'était ouvrir cette porte
32:20que même ma hiérarchie pensait
32:22qu'on n'allait pas réussir à ouvrir
32:24ils se disaient même s'il n'y a que le boom
32:26ça suffira peut-être pour attirer le terroriste à l'arrière
32:28mais réussir
32:30cette ouverture
32:32elle n'est pas personnelle, elle est résultat
32:34d'une collaboration avec le 1er
32:36PMA, avec
32:38le GIPN de Strasbourg, avec les SAS
32:40j'ai quiche, je sortais d'un stage de 3 semaines
32:42ouvrir une porte
32:44blindée ou semi-blindée, tirante
32:46ce n'était pas banal
32:48et donc quand tu réussis ta tâche
32:50et bien forcément tu es fier
32:52et il n'y a pas
32:54en avoir honte, on fonctionne
32:56on fonctionne à ça, à l'estime
32:58du travail bien fait
33:00merci d'être passé
33:02par le studio d'Europe 1
33:04je pense qu'effectivement
33:06c'est des trajectoires si particulières
33:08des vies si particulières
33:10des professionnels aussi que vous êtes
33:12si particuliers, je ne sais pas aujourd'hui
33:14dans quelle activité, dans quel monde
33:16professionnel vous êtes
33:18je donne des conférences aux entreprises sur comment conserver
33:20ses compétences sous pression
33:22ça nous
33:24intéresse, ça peut nous intéresser
33:26mais dans l'entreprise
33:28soyons honnêtes
33:30il n'y a pas des circonstances
33:32les enjeux ne sont pas les mêmes
33:34il y a des gens qui se suicident
33:36il y a quand même des morts
33:38il y a des gens qui se suicident parce qu'ils sont malheureux
33:40ou qu'ils n'arrivent pas à performer
33:42parce que la pression de l'objectif
33:44ce n'est pas des balles de Kalachnikov
33:46que vous soyez un lycéen
33:48qui se suicide parce qu'il a trop de stress
33:50ou que vous soyez un homme dured
33:52le résultat est quand même le même
33:54ce n'est pas une balle de Kalachnikov
33:56donc ce stress, il tue même au lycée
33:58on ira
34:00vous écouter pourquoi pas ces conférences
34:02parce que ça pourrait être un deuxième chapitre
34:04de votre intervention au micro d'Europe 1
34:06c'est comment
34:08vaincre le stress
34:10ou réagir en situation
34:12de pression
34:14dans votre vie personnelle
34:16il n'y a
34:18jamais aujourd'hui
34:20de moment où vous flanchez
34:22moi je me juge même
34:24plutôt anxieux
34:26mais ça m'a servi en sport
34:28vous faisiez quel sport ?
34:30du judo, j'étais en équipe de France de 90 à 95
34:32mais
34:34en fait, être un peu anxieux
34:36c'est plutôt bien, ça te pousse à travailler
34:38sinon si tu te crois arriver, tu ne travailles pas
34:40donc être un peu anxieux
34:42c'est pas une mauvaise chose
34:44c'est positif, mais par contre aujourd'hui
34:46il faut savoir verrouiller ça
34:48c'est là que ça se passe
34:50comme le track
34:52c'est bien d'avoir du track avant d'entrer en scène
34:54mais si tu commences à avoir du track
34:56et ça m'est arrivé moi au début
34:58forcément au début de ta carrière
35:00quand tu as le track pendant l'émission
35:02ou que le track arrive pendant
35:04que tu es en train de faire, alors ça c'est très mauvais
35:06oui parce qu'il mange 10%, 20%, 30%
35:08de votre cerveau
35:10et c'est 10, 20, 30% de votre cerveau qui va vous manquer
35:12bah écoutez merci
35:14parce que c'est des sujets qui nous passionnent toujours
35:16bien évidemment et là où vous avez raison
35:18c'est qu'il y a une correspondance
35:20dans nos vies
35:22de tous les jours, d'entendre votre expérience
35:24et de la rattacher à nous
35:26merci beaucoup de votre invitation, ça a été un plaisir pour moi
35:28merci grandement Marc Vérillotte
35:30et je rappelle au coeur du Red
35:32édition Les Arèdes

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