Dix ans, jour pour jour, après l'attentat dans les locaux de Charlie Hebdo, Coco et Riss, dessinateurs de presse, et Richard Malka, avocat au barreau de Paris, racontent au micro de France Inter l'après janvier 2015. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-07-janvier-2025-3779780
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00:00Et avec Léa Salamé, nous vous proposons un plateau exceptionnel ce matin, à l'occasion
00:11donc des dix ans de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, une date, ça va
00:17sans dire, qu'on aurait préféré ne pas commémorer.
00:20Avec nous ce matin, trois figures, trois incarnations liées à Charlie Hebdo.
00:24Coco d'abord, dessinatrice à Libération et à Charlie Hebdo, bonjour à vous, merci
00:28d'être là.
00:29Riss, dessinateur, directeur de la publication de Charlie Hebdo, bonjour, et bonjour à Richard
00:35Malka, avocat au Barreau de Paris, avocat historique de Charlie Hebdo, vous sortez par
00:39ailleurs en cette rentrée, après Dieu, une nuit au Panthéon chez Stock.
00:43Et soyez tous les trois les bienvenus, Riss, on voudrait commencer en ce 7 janvier 2025,
00:50dix ans après l'attaque sidérante inédite du journal, dix ans après les larmes et la
00:55douleur, par votre édito du jour, dans le numéro spécial de Charlie que vous publiez
01:00aujourd'hui.
01:01On peut y lire sous votre plume « Quoi qu'il arrive, de dramatique ou d'heureux, l'envie
01:07de rire ne disparaîtra jamais ». Elle est encore là, l'envie de rire, dix ans après,
01:13c'est cette envie qui définit encore Charlie, Riss ?
01:17Ça ne définit pas seulement Charlie, moi je pense que c'est un aspect de la nature
01:21humaine.
01:22Tout le monde a envie de rire et a besoin de rire, quelles que soient les cultures, les
01:26pays, les civilisations, le rire est présent partout dans la culture humaine, donc abandonner
01:31le rire, c'est abandonner une parcelle d'humanité.
01:34Et donc voilà, pour nous, ça nous semble évident.
01:38Et en plus, s'il y a quelque chose d'universel dans le rire, c'est que là, on a publié
01:42des dessins faits par des dessinateurs qui viennent de 28 pays différents.
01:47Tous les dessins sont des dessins qui dessinent Dieu, qui ironisent sur Dieu.
01:51L'ironie, le rire, c'est universel, c'est un langage universel et Charlie est un journal
01:56universaliste et c'est une manière aussi de transmettre des idées, de partager des
02:00idées grâce au rire.
02:01Et c'est le titre de votre édito, « Increvable et universel », c'est ça que vous retenez
02:06dix ans après ?
02:07Oui, ce que je constate, c'est que souvent, on veut toujours franchouillardiser Charlie
02:13et l'esprit Charlie en disant qu'il n'y a qu'en France que ça existe.
02:16Mais en fait, on s'aperçoit, dès qu'on va à l'étranger, que les gens comprennent
02:19ce que c'est que Charlie.
02:20Il y a toujours des gens qui, entre guillemets, sont Charlie dans des pays parfois improbables.
02:25Comme là, dans ce numéro, il y a un reportage d'Antonio Fischetti au Nigeria où il a rencontré
02:28des gens qui sont des athées, qui se battent pour l'athéisme et qui connaissent Charlie
02:32et qui aiment Charlie.
02:33Donc, partout dans le monde, vous trouvez des gens qui comprennent ce que c'est que
02:36Charlie.
02:37Coco, quand on regarde, et on regardait hier encore vos dessins avec Nicolas, on est littéralement
02:41plié de rire.
02:43Il est important de rire, de faire rire, de continuer à dessiner ?
02:49Oui, absolument.
02:50Ries le dit très bien.
02:52C'est la vie aussi de rire.
02:55C'est ce qui nous emmène.
02:57Et puis, quand on est dans cette rédaction à Charlie, c'est à la fois un mélange
03:01d'actu, de travail, mais aussi beaucoup de déconnade parce que c'est ce qui porte
03:04le dessin, les gags.
03:06Et puis, ce qu'on a envie de dire aussi, c'est un langage vraiment à part entière,
03:10de rire.
03:11Richard Malka, dans votre plaidoirie au procès de Charlie Hebdo, vous insistiez aussi sur
03:19le rire.
03:20Je vous cite « Ce journal continue à faire vivre le rire.
03:23Ce journal continue à vivre.
03:25Il vit dans un bunker, mais il vit.
03:27Il vit entouré de policiers, mais il vit.
03:30Et vous ajoutiez, il pourrait tous nous tuer, ça ne servirait plus à rien parce que Charlie
03:36est devenue une idée et Charlie pourrait disparaître aujourd'hui, cette idée vivrait
03:40encore.
03:41La caricature, la satire, l'outrance, tout cela a survécu, l'idée de Charlie n'a
03:47pas été tuée il y a dix ans ? »
03:49Bien sûr que non, et elle ne le sera jamais.
03:53Mais c'est l'idée de la liberté, c'est indomptable dans la condition humaine.
04:00Mais le rire, c'est évidemment Charlie, mais moi ça me fait toujours penser au nom
04:06de la rose.
04:07C'est l'arme contre l'intégrisme, c'est l'arme contre les religions dogmatiques
04:12qui oppressent.
04:13Quand vous faites rire un fanatique, vous ouvrez une brèche.
04:16Il ne restera pas autant fanatique qu'il l'a été.
04:19C'est un outil démocratique le rire.
04:21Vous parliez du procès de Charlie, moi je pense au précédent, celui des caricatures,
04:26où effectivement à un moment, je leur dis aux représentants de la mosquée de Paris
04:30et de l'EOIF, mais vous voulez vraiment avoir le même traitement que les autres religions
04:35puisque vous prétendez qu'il y a deux poids, deux mesures.
04:37Je vais vous montrer ce qu'on fait sur la religion chrétienne.
04:39Et là, je montrais de telles horreurs qu'eux-mêmes ont fini par exploser de rire.
04:44Et là c'était gagné.
04:45Et c'est pour ça qu'ils ne supportent pas le rire.
04:49C'est parce que ça fait exploser le système en fait.
04:51Ça fait exploser le système de prédation, de domination, d'oppression que sont ces religions.
04:59On voulait commencer par le rire, c'était important pour nous de commencer ce grand
05:02entretien aujourd'hui, dix ans après, par le rire, mais c'est vrai que c'est un rire
05:05contraint.
05:06Et c'est vrai que, et c'est toujours surprenant quand on vous reçoit, Rhys, pour vous c'est
05:11une normalité, mais quand on passe dans le couloir pour venir vous dire bonjour, il y
05:15a dix agents de sécurité qui vous attendent à la sortie de ce studio.
05:19Et c'est ça aussi, ces dix ans, c'est qu'ils sont là, ils sont toujours là et que vous
05:23avez une liberté qui est contrainte.
05:25Et du coup, aujourd'hui, évidemment, on se souvient des douze personnes tuées ce matin-là.
05:30Et je vais les citer de Cabu, de Charbes, d'Honoré, de Tignous, de Wolinsky pour les
05:34dessinateurs, de la psychanalyste Elsa Kayad, de l'économiste Bernard Maris, du correcteur
05:38Moustapha Hourad, mais aussi de Frédéric Boisseau, qui était le chargé de la maintenance
05:42de l'immeuble, la première personne tuée lors de l'attentat, de Michel Renault, invité
05:46de la rédaction ce matin-là, et des deux policiers, Franck Brinsolaro et Ahmed Merhabet,
05:51peut-être aussi de Simon Fieschi, le webmaster de la rédaction, qui est mort en octobre
05:54et dont vous dites, Coco, qu'il est une victime à retardement.
05:57Est-ce que la douleur est toujours aussi intense ce matin ?
06:05Je crois qu'elle est toujours présente, en fait, pour les gens qui étaient là ce
06:09jour-là, parce que c'est des sensations physiques dont vous ne pouvez pas vous défaire.
06:14Ça fait partie de votre mémoire presque sensorielle.
06:18La sensation de la violence, quand vous la rencontrez, après, vous ne pouvez plus vous
06:22en défaire.
06:23Donc, c'est vrai qu'en fait, je crois qu'on y pense tous les jours, plus ou moins, sans
06:30même s'en rendre compte.
06:31À un moment donné, on y pense dans la journée, même furtivement.
06:34Donc, c'est quelque chose qui fait partie de notre vie, en fait, et on ne peut pas effacer
06:40ce moment de notre vie.
06:41Dans votre livre, paru en décembre, Charlie Liberté, le journal de leur vie, Rhys, vous
06:47écriviez « Notre mémoire n'est pas celle d'un mois, celui de janvier 2015, ni celui
06:52d'un jour, le mercredi 7, mais celui des secondes où claquent les balles, des minutes
06:56où on se voit mourir et des heures où l'on croit qu'ils vont revenir achever des survivants
07:00dans leur lit.
07:01La violence des émotions de ces instants est ineffaçable ». Ce sont ces secondes-là
07:07encore qui scandent votre mémoire ?
07:09C'est toujours présent en moi et je pense qu'aussi dans la mémoire de ceux qui ont
07:15traversé ça.
07:16C'est vrai que quand on y pense attentivement, c'est toujours là et c'est toujours aussi
07:26angoissant.
07:27Ça n'a pas disparu, donc il faut cohabiter avec ça.
07:32Coco, vous redoutiez cet anniversaire, ces dix ans, voir remonter les souvenirs, voir
07:38leur visage sur toutes les chaînes de télé, à la radio, leur nom scandé.
07:43Vous aviez peur de cet anniversaire, de ce triste anniversaire des dix ans ?
07:47Peur, non, parce que ça fait dix ans qu'on se rend aux commémorations, ça fait dix
07:56ans maintenant que ce jour arrive.
08:00Non, pas peur, mais c'est un jour particulier quand même, le 7 janvier, pour nous.
08:10On se retrouve, c'est sûr que c'est toujours là, même dans le fait que quand on dessine,
08:18si vous voulez, moi je dessine comme ce que m'a transmis Cabu, donc j'ai l'impression
08:25qu'il est toujours un peu là.
08:26C'est toujours un peu bizarre de dire qu'on a l'impression qu'ils sont là, ils sont
08:30là, mais c'est vrai, ils nous accompagnent dans nos pensées, dans les souvenirs, mais
08:36surtout dans la liberté qu'ils ont transmise, dans leur humour, leur force, et puis leur
08:44engagement politique des dessins qu'on porte, il y a toujours ça d'eux en nous, j'ai l'impression
08:52de ça.
08:53Parfois ça fait du mal, c'est sûr, de penser au 7, parce que ça nous ramène à des sensations
09:01qui nous ont complètement imprégnées, intégrées, et qui ne nous quitteront pas.
09:06J'ai l'impression que c'est de traverser de la presse ce 7 janvier, on la fera encore
09:12longtemps et jusqu'au bout, mais j'aime à penser que le plus important c'est qu'on
09:21est là avec le journal vive, ça c'est quelque chose de vital.
09:28Est-ce que vous pensez ce matin à la douceur de Cabu, au sourire de Wolinsky, à l'humour
09:33ravageur de Charbes, au gauchisme élégant, donc le Bernard, Bernard Maris, Richard Malca.
09:39Evidemment on y pense, c'est une partie de notre vie, on a commencé ensemble en 1992,
09:50c'était une famille, c'était notre tribu, c'était une tribu de travail, mais aussi
09:57une tribu de rire, beaucoup de rire, de joie, de gaieté, et ça nous manque terriblement.
10:02Et Coco a raison, moi ce qu'ils m'ont appris, et par-dessus tout, c'est la liberté.
10:07C'est rare en fait, ils nous ont appris la liberté, l'émancipation, ne respecter
10:16aucun tabou.
10:17Aucun totem, c'est ça Charlie Hebdo, aucune puissance, même pas la mort, et même pas
10:24Dieu.
10:25Et ça, on leur doit, moi je… Ah oui, comme Riss, comme Coco, on y pense, ça nous traverse,
10:32ça fait partie de nous, c'est nous en fait.
10:37Donc bien sûr, ça pèse lourd, mais en même temps, notre manière d'y faire face, en
10:45tout cas la mienne, et je crois que c'est aussi celle de Riss et de Coco, c'est de
10:48continuer à nous battre pour leur conviction, pour cette liberté qu'ils incarnaient.
10:53D'ailleurs dans votre livre, Riss, vous dites « La mémoire des événements du 7 janvier
10:59n'est pas facile à entretenir.
11:00Comment les maintenir dans la mémoire collective, autrement qu'avec des commémorations et
11:04des dépôts de gerbes ? Et au-delà du 7 janvier, comment maintenir le souvenir de
11:10ces hommes, de cette femme qui ont été tuées ce jour-là, vivant ? Pour les jeunes
11:16notamment que vous rencontrez, d'ailleurs vous dites, je sais plus où j'ai lu ça,
11:20vous dites « Quand je rencontre des jeunes du lycée, ils avaient 5 ans, 10 ans au moment
11:23de Charlie Hebdo, pour eux c'est un événement historique, pour moi c'est du vécu.
11:26»
11:27C'est vrai que durant ces 10 années, en fait, on a vu tout doucement cet événement
11:31passer de l'actualité à l'histoire.
11:34C'est vrai que maintenant, au bout de 10 ans, c'est un événement qui doit être
11:38abordé de manière historique, qui doit être transmis à des nouvelles générations
11:42qui ne l'ont pas vécu ou qui n'ont pas le souvenir, comme un événement historique.
11:45Donc c'est vrai que c'est un peu bizarre, on est à la fois dans une mémoire personnelle
11:49de ce qu'on a vécu, de son ressenti personnel, mais en même temps, il faut aussi presque
11:54en parler, pas comme des historiens, mais presque, quand vous avez des lycéens, il
11:58faut refaire un peu l'historique de tout ce qui s'est passé, de l'histoire des
12:01caricatures.
12:02Qu'est-ce que c'est que Charlie ? Quand est-ce que ça a été créé ? Il faut presque
12:04faire un travail maintenant d'historien, mais ils écoutent parce que ce qui les intrigue
12:09quand on rencontre des lycéens ou des étudiants, il y a une question qui est récurrente, c'est
12:14c'est quoi les limites à la liberté d'expression ? Ils sont inquiets de comprendre c'est quoi
12:18la liberté, en fait ? Et donc, on essaye de leur expliquer comment nous, on vit notre
12:23liberté, comment on essaye de la créer, de la protéger, parce que c'est des questions
12:28qu'on se pose quand on a 15-16 ans et c'est légitime et je pense qu'il faut leur donner
12:33un peu des... les aider un peu à trouver des réponses.
12:35Oui, parce qu'il y a ce sondage que vous publiez dans le numéro anniversaire qui était étonnant.
12:39Il y a 76% des Français qui estiment que la liberté d'expression est un droit fondamental
12:44dans une écrasante majorité, mais il y a toujours, quand on regarde dans le détail,
12:48les 15-24 ans, c'est pas le cas.
12:52Alors les 15-24 ans...
12:53Où c'est très divisé, en tout cas c'est pas aussi massif.
12:55Quand on les rencontre, en fait, ils sont aussi un peu hésitants.
12:59C'est vrai que quand vous faites un journal, vous savez ce que vous faites, vous êtes
13:03déterminés, vous ne doutez pas, vous êtes combattifs, mais c'est vrai que quand on
13:07se souvient de ce qu'on était à 15-16 ans, on est encore en gestation, donc c'est une
13:13période où, au contraire, c'est le moment où il faut leur parler, parce que c'est là
13:15qu'ils se construisent.
13:16Donc on peut comprendre que dans un sondage, ils sont un peu hésitants ou un peu prudents,
13:21mais c'est à nous de leur donner confiance dans la liberté.
13:23Moi ce que je dis, il ne faut pas que vous ayez peur d'être libres.
13:27Richard Malka.
13:28Alors, ce sondage est évidemment passionnant à plusieurs égards.
13:32Nous, il nous donne du courage et il dit que le soutien à Charlie Hebdo et surtout le
13:39soutien à la possibilité de critiquer les religions de rien de tout, explose et beaucoup
13:44plus important aujourd'hui, et ça, ça va à l'encontre de certaines idées reçues.
13:48Et puis il dit aussi, et c'est le côté négatif, que comme vous le disiez Léa, chez une partie
13:53de la jeunesse et plus particulièrement les adhérents de LFI, il y a un recul très
13:59net du soutien à la liberté d'expression, un rejet de la liberté d'expression, ce qui
14:04est complètement fou pour un parti qui dit se situer à gauche.
14:08Mais là où c'est encore plus intéressant, moi j'irais plus loin, en fait, qu'est-ce
14:12qui est rejeté dans la liberté d'expression ? C'est la liberté de critique des religions.
14:17Il n'y a que ça qui fait sujet en fait.
14:19Donc vous avez une majorité d'adhérents, de sympathisants d'un parti de gauche qui
14:26refusent la possibilité de critique des religions.
14:30C'est tout simplement hallucinant.
14:32Et pour aller encore plus loin…
14:34Mais une fois que vous dites que c'est hallucinant, c'est comment les convaincre de votre position ?
14:39C'est ça la question ?
14:40En réalité, c'est même pas la critique des religions qui leur pose problème.
14:47Il faut nommer les choses et dire les choses.
14:49C'est uniquement la critique de l'islam.
14:51Parce que la critique du christianisme ou du judaïsme, ça leur va très bien.
14:54Donc à ces adhérents-là, à ces sympathisants-là, à ces personnes qui rejettent la liberté
15:00de critique des religions et de l'islam en particulier, moi je voudrais dire qu'ils
15:04ne sont pas du côté de la lutte contre les discriminations en faisant cela.
15:09Ils sont du côté de l'oppression.
15:10Ils ne sont pas du côté du progressisme.
15:13Ils sont du côté de l'obscurantisme.
15:15Ils ne sont pas du côté des musulmans.
15:17Ils sont du côté de l'islam.
15:19Non pas en tant que religion personnelle et que spiritualité personnelle, ce qui ne pose
15:24aucun problème à personne, mais en tant que système de croyance prosélite et oppressif.
15:30Vous partagez l'analyse, Riz ?
15:33Oui, bien sûr.
15:35Mais je crois aussi, si on devait analyser le rapport que la gauche a avec ce type de
15:40liberté, il ne faut pas oublier aussi que dans l'histoire de la gauche, il y a des
15:43courants très différents dans l'histoire et je dirais qu'il y a aussi une tradition
15:47un peu autoritariste dans une gauche, je ne vais pas dire stalinienne, mais qui a encore
15:53des réactions comme ça, d'intolérance vis-à-vis de libertés trop grandes.
15:57Donc, ça existe aussi.
15:58Il y a aussi malheureusement une tradition totalitaire dans l'histoire de la gauche
16:02et je crois qu'il y a une frange de la gauche qui est encore fidèle à ça, qui ne supporte
16:06pas que les gens qui ont trop de liberté.
16:09Et c'est un peu ce qui s'exprime parfois dans ces tendances-là qui sont décrites.
16:13Et Coco, qu'est-ce que ça vous inspire ?
16:14Pour rejoindre ce que dit Richard, c'est vrai qu'il suffit de replonger un peu dans
16:20les discours de Mélenchon en 2015 pour voir à quel point il a changé, il réfutait le
16:27terme d'islamophobie, il n'était pas du tout dans ce discours politique-là.
16:32Sur Eléphi, on voit bien que c'était assez navrant tout ça et sur les jeunes, moi j'ai
16:41toujours l'impression qu'il suffit d'un peu de pédagogie, il suffit un peu d'aller
16:45à leur rencontre, de leur expliquer.
16:49Ça s'est fait avec le journal qui a été réalisé à Strasbourg avec les jeunes lycéens
16:55et ça se fait régulièrement dans l'année en province ou en banlieue avec l'association
17:00DCL, Dessiné, Créé, Liberté, qui a été créée après l'attentat par Charlie Hebdo
17:05suite à tous les dessins qu'on a reçus.
17:07Et là, moi j'y participe parfois et il y a toujours des échanges qui sont constructifs,
17:13des gamins qui sont toujours contents de dessiner et qui sont en demande de comprendre ce que
17:20c'est le dessin, ce que c'est Charlie Hebdo, qui étaient les dessinateurs qui participaient
17:24et pris dans l'élan de Liberté, de Rire, ils dessinent, ils se mettent au boulot, ils
17:30sont bien.
17:31Il y a eu le 11 janvier, 4 millions de personnes dans les rues de France pour dire « je suis
17:37Charlie, nous sommes Charlie ». Que reste-t-il de cet élan national 10 ans après, selon
17:43vous, Richard Malcaux ?
17:44Il reste ce soutien viscéral à la liberté de pouvoir s'exprimer, c'est le droit le
17:54plus précieux de l'homme, selon la belle formule de Mirabeau dans la Déclaration des
17:58droits de l'homme.
17:59On voit à quel point cette liberté est rare dans le monde, et on le voit encore en Algérie,
18:07où quelqu'un est emprisonné à simple raison qu'il écrit des livres et des articles.
18:12Mme Sançal, je voudrais le citer avant que cette émission se termine, parce qu'il est
18:17toujours en prison et j'espère qu'il n'est pas en train de crever en prison, et qu'on
18:21ne le laisse pas crever en prison, parce que c'est ça dont il s'agit, et c'est pour
18:25les mêmes raisons que Charlie Hebdo, par sa contestation de la religion, des dogmes,
18:31simplement pour ses opinions.
18:32C'est un droit précieux, c'est le socle de toutes les libertés, de la démocratie,
18:40de l'état de droit, de la possibilité d'avoir la vie que l'on veut, la vie privée que
18:47l'on veut.
18:48C'est le socle de l'égalité, c'est précieux.
18:51Quels souvenirs vous gardez de ce 11 janvier, Riss et Coco d'ailleurs, de ces 4 millions
18:57de personnes ?
18:58Pour ma part, j'étais un peu loin de tout ça, puisque j'étais à l'hôpital, et c'est
19:02vrai que je ne cherchais pas trop à savoir ce qui se passait, parce que tout me stressait
19:08et m'agressait.
19:09Même un acte aussi important, un événement aussi important, me mettait un peu mal à
19:15l'aise.
19:16C'est vrai que c'était étrange, parce que deux jours avant, on avait essayé de
19:21nous effacer de la surface de la Terre, et deux jours après, il y avait presque la Terre
19:26entière qui nous soutenait.
19:27C'était quand même assez étrange comme variation, c'était un peu violent.
19:34J'avais un peu de mal à assumer tout ça.
19:37Et vous Coco ?
19:38Oui, j'ai un peu le même sentiment aussi, surtout qu'il y avait eu un appel aux dons
19:43aussi, quelques mois avant janvier 2015, le journal n'était pas en grande forme financière.
19:50C'est vrai qu'après, tout ce soutien, c'était très étonnant, surprenant, et
20:01on ne s'est pas rendu compte tout de suite, évidemment, parce que pris un peu dans ce
20:09chaos, le journal à refaire, le traumatisme, ces choses-là, moi non plus, c'est vrai
20:15que j'ai dit que j'étais là, j'étais pas totalement là, mais ça a fait chaud
20:21au cœur malgré tout.
20:22Alors, on est en ligne avec un lecteur inconditionnel de Charlie, bonjour Jean-Pierre !
20:27Eh bien bonjour à tous !
20:29On vous écoute !
20:30Bonjour !
20:31Alors, d'ailleurs, je vais essayer de respirer parce que je suis très ému de vous avoir,
20:36et bonjour à tous ceux de Charlie, moi je dis ça depuis très longtemps, inconditionnel
20:45aussi, si, avec des conditions, les miennes, mais je vais pas embêter les gens avec mes
20:51conditions pour lire ou ne pas lire, non, j'ai été choqué ou étonné d'entendre
20:58dans mon autre journal de 8 heures, là, une jeune fille qui comprenait pas les caricatures
21:03sur les procès de Mazan, là, et moi j'ai suivi le procès de Mazan grâce à Charlie,
21:09alors c'est sûr, il y a eu des dessins, mais c'est ça qui nous permet de désamorcer
21:18toute cette émotion, toute cette charge.
21:21Il y a des dessins qui vous choquent, vous, Jean-Pierre, parfois ?
21:24Non, non, jamais, et pourtant, je suis de racine, comment dire, chrétienne, mais j'adore
21:30au contraire, tout à l'heure vous avez parlé du film « Au nom de la rose », mais je crois
21:35qu'il va falloir recultiver les gens, rouvrir l'esprit des gens avec tout cet aéropage
21:45de culture qu'on peut avoir quand même en Europe, on a les choses.
21:50Et ça se fera en ce qui vous concerne, avec un numéro de Charlie Hebdo en main, plusieurs
21:55auditeurs demandent des nouvelles de Philippe Lanson.
21:58Écoutez, je ne vais pas parler à sa place, mais je crois qu'il ne se porte pas trop mal.
22:03Il parle longuement dans Libération.
22:05Il se préserve aussi de toutes ces épreuves, parce que pour nous tous c'est difficile,
22:12mais je crois qu'il est toujours là, toujours avec nous, il a toujours envie d'écrire,
22:18et il sait que le journal est toujours à sa disposition pour qu'il puisse s'exprimer.
22:22Merci à tous les trois.
22:25Merci.
22:27Nicolas Demorand • R.I.S.C.O.C.O.
22:28Richard Malka.
22:29Merci infiniment.