Comme de tradition, Emmanuel Macron a présenté ses vœux aux Français ce mardi soir. Après une année marquée par la dissolution de l'Assemblée nationale, le président de la République a innové en entamant son allocution par une vidéo revenant sur les événements marquants de 2024.
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00:00Pour en parler, Christophe Barbier, éditorialiste politique BFM TV et puis Benjamin Morel nous rejoindra un peu plus tard.
00:11Christophe, est-ce que vous avez d'abord trouvé le chef de l'État plus humble que les années précédentes avec ce méa culpa sur la dissolution ?
00:19Oui, bien sûr, il y avait un exercice d'humilité incarné d'ailleurs par ce début très original, c'est-à-dire une rétrospective de l'année 2024 en image.
00:28Les Français ne peuvent plus voir Emmanuel Macron ni en peinture ni en image à la télévision.
00:34Donc en s'escamotant du début de ses voeux, je pense qu'il a fait preuve d'humilité et d'habileté.
00:40Il vaut mieux montrer ce qui a été réussi en 2024 avec la joie des Français, les Jeux olympiques, Notre-Dame, etc., plutôt que de se montrer, lui, en train de raconter les succès de 2024.
00:50Ça lui a permis de venir ensuite esquisser quelque chose de très modeste aussi pour l'année 2025.
00:56Le méa culpa sur cette dissolution qui a empiré la situation au lieu de l'éclaircir et puis la prudence quant à tout ce qui peut être fait en termes de réforme en 2025.
01:07L'instabilité politique est là et les esquisses de main tendue vers les Français pour d'éventuels référendums, ça faisait preuve aussi d'un exercice d'humilité.
01:16Justement, est-ce que l'année 2025 a des chances d'être plus stable, ce qui n'est pas vraiment difficile, plus stable que 2024 ?
01:24Oui, il y a une chance à partir de l'été, parce qu'à partir de l'été, il va se passer deux phénomènes.
01:29D'abord, le président retrouve le droit de dissolution, donc les parlementaires, avant de censurer un gouvernement, vont faire un peu attention.
01:35Et puis surtout, à partir de l'été, les grands partis politiques vont penser au municipal de 2026.
01:41Ils n'auront pas du tout envie d'avoir une crise politique nationale avec une dissolution ou des censures à répétition.
01:47Même ceux qui peuvent espérer gagner des législatives, par exemple le Rassemblement national, ils n'ont pas tellement intérêt à récupérer le gouvernement du pays à la fin de l'année 2025,
01:57avec deux mois pour faire un budget et puis la possibilité de tout gâcher d'ici la présidentielle 2027.
02:03Donc tout le monde va devenir beaucoup plus prudent, ça apportera peut-être un peu de stabilité.
02:08Benjamin Morel nous a rejoint, vous êtes politologue, politologue et maître de conférences en droit public à Paris 2, Panthéon-Assas.
02:14Merci de nous accompagner en ce 1er janvier.
02:17Je vais vous poser la même question qu'à Christophe.
02:19Benjamin, est-ce qu'on a des raisons d'être optimiste pour ne pas revivre une censure ou une dissolution en 2025 ?
02:28Vous voulez que je déprime vos téléspectateurs avant même de leur avoir souhaité la bonne année ?
02:32Écoutez, je pense qu'on a en effet de grands risques d'instabilité politique cette année.
02:38On voit qu'on a l'exécutif le plus faible de toute la Ve République.
02:41On a un président qui, à la différence des présidents de cohabitation, ne peut pas compter sur un groupe d'opposition puissant,
02:48des collectivités territoriales qui ne contrôlent même pas vraiment le groupe politique très minoritaire qui est le sien à l'Assemblée,
02:54le groupe qui est plus ataliste qu'il n'est macroniste et qui ne peut pas se représenter.
02:59De l'autre côté, on n'a absolument pas de majorité parlementaire et on a un Premier ministre qui dépend de son principal opposant politique aujourd'hui,
03:08c'est-à-dire du Rassemblement national qui, pour l'instant, a intérêt à ne pas le faire tomber.
03:12Ce sera probablement le cas le 14 janvier, mais qui, à terme, ne peut avoir que des intérêts divergents avec lui.
03:18Donc on ne va pas vers une année de stabilité politique, ça, c'est tout à fait évident.
03:22On verra si on a un budget et on peut espérer qu'on ait un budget.
03:25Et ensuite, selon le grippage des rouages, on ira peut-être en effet vers une nouvelle dissolution qui peut-être également ne règlera rien,
03:35parce qu'aujourd'hui, la tripolarisation de la vie politique, ce n'est pas un accident.
03:39On voit qu'elle s'inscrit dans la sociologie électorale.
03:42Benjamin Morel, le président de la République a aussi ouvert la voie à de potentiels référendums.
03:47On sait que le référendum, c'est très encadré par la Constitution.
03:50Concrètement, sur quel sujet pourraient être sondés les Français par un référendum ?
03:56Il faut être extrêmement prudent, d'abord parce qu'Emmanuel Macron a promis des référendums à peu près tous les ans depuis 2017.
04:01C'était le cas sur la Convention sur le climat, sur le grand débat, sur les rencontres de Saint-Denis,
04:07sur également la réforme constitutionnelle envisagée en 2018,
04:09qu'il avait imaginée d'ouvrir le champ du référendum en 2019, comme il l'avait imaginé également en 2022.
04:14Donc, fondamentalement, on a quand même aujourd'hui quelque chose qui ressemble plus à un serpent de mer,
04:19d'autant que le mot n'a pas été prononcé.
04:21Et ensuite, en effet, parce que les cadres du référendum eux-mêmes sont très restreints.
04:25On ne peut pas avoir des sujets qui relèvent par exemple du droit pénal ou du droit civil.
04:28Ça exclut la fin de vie.
04:30Ça exclut également tout un tas, la majorité des dispositions qui peuvent être imaginées en matière d'immigration.
04:36On peut imaginer quelque chose sur les institutions, par exemple les sujets relatifs au mode de scrutin, à la proportionnelle.
04:42On peut imaginer également des grandes réformes des services publics, économiques.
04:46Mais autant vous dire qu'un budget constant ou moindre à ces réformes-là risque de ne pas être très, très populaire.
04:53Et surtout, il y a un risque pour le chef de l'État.
04:55C'est le précédent 69, c'est-à-dire que si jamais...
04:58Alors justement, je vais poser la question à Christophe Barbier qui nous écoute attentivement.
05:02Un référendum, c'est à double tranchant parce que les Français, Christophe, ne répondent pas toujours à la question qui est posée.
05:08Oui, bien sûr. Ils ont souvent envie de dire oui ou plutôt non au président de la République qui pose la question.
05:13Mais la tradition de démissionner parce qu'on est déjugé par le peuple dans un référendum,
05:18elle n'a pas eu beaucoup de postérité après avril 69 et le courage du général de Gaulle.
05:23Jacques Chirac a perdu un référendum, il est resté en poste.
05:26François Mitterrand avait dit en 92 que sur Maastricht, il ne partirait pas s'il était déjugé.
05:32Les présidents après de Gaulle ont disjoint leur sort personnel du résultat des référendums.
05:38Emmanuel Macron est totalement impopulaire.
05:40Il est rejeté par la population et il ne peut pas se représenter.
05:43Donc dans un référendum, peut-être peut-on espérer que les Français répondraient à la question posée
05:49plutôt que de vouloir infliger un camouflet à celui qui la pose.
05:52Mais faire un référendum, est-ce que ce n'est pas quelque part une façon de contourner l'Assemblée, Christophe Lorvier ?
05:57Bien sûr, c'est une manière de contourner l'Assemblée.
05:59On l'a vu par exemple en 1962 quand le général de Gaulle a imposé l'élection du président de la République au suffrage universel.
06:06Il l'a fait contre l'Assemblée qui a renversé son gouvernement, qui s'y est opposé.
06:10Le Sénat a tout fait avec son président Gaston Monnerville pour casser cette initiative.
06:16Et néanmoins, grâce à l'article 11, la consultation directe du peuple par le président, par l'exécutif,
06:22grâce à l'article 11 de la Constitution, la voix du peuple, Vox Populi, Vox Dei, s'est imposée au Parlement.
06:29Donc oui, c'est une manière de dire aux parlementaires, vous êtes incapables de prendre des décisions,
06:33c'est le peuple qui va les prendre à votre place.
06:36Dans toutes les options que vous évoquez depuis quelques minutes, on n'a pas parlé d'une possible démission.
06:41C'est vrai que le président a déjà rejeté cette idée plusieurs fois, mais est-ce qu'il faut la garder en tête ?
06:48Est-ce que si vraiment l'instabilité est trop grande, c'est quelque chose, c'est une décision qu'Emmanuel Macron pourrait prendre, Christophe ?
06:55L'instabilité au Parlement, elle ne découragera pas Emmanuel Macron.
06:59Au contraire, à chaque fois, on l'a encore vu hier, il essaye de faire porter la faute sur les partis incapables de s'entendre
07:04et de se renforcer un petit peu en s'adressant au peuple.
07:08En revanche, l'instabilité dans la rue, oui, ça, ça peut pousser un président à la démission.
07:13N'oublions pas qu'à la fin du mois de mai 1968, on s'est demandé si De Gaulle n'allait pas démissionner.
07:18Au moment des Gilets jaunes, l'Elysée a été quasiment prise d'assaut.
07:21La question s'est posée et dans notre histoire, sous des régimes moins démocratiques,
07:25on a vu beaucoup de chefs de l'exécutif poussés dehors par la foule.
07:29Ça a été le cas de Charles X en 1830 ou de Louis-Philippe en 1848.
07:32Oui, l'instabilité dans la rue, ça, ça peut pousser un président à démissionner.
07:37Mais est-ce que la France, dans les difficultés économiques actuelles, un pays âgé, un pays qui souffre, est-ce que la France a l'âme révolutionnaire ?
07:45Pour l'instant, on n'en voit pas de signe.
07:48Il n'y a pas de convergence des luttes.
07:49Mais le propre de ce genre de mouvement, c'est d'être imprévisible.
07:52Merci, Christophe.
07:54Une dernière question, Benjamin Morel.
07:55On est le 1er janvier, on est au calme.
07:57C'est la trêve hivernale.
08:00Vous connaissez parfaitement les rouages de l'Assemblée nationale et du Sénat.
08:04À quel moment l'instabilité va reprendre ?
08:07À quel moment la rentrée politique va réellement se passer ?
08:12Aujourd'hui, on a un prend-sur-bayrou qui dépend essentiellement de, un, du vote du budget et, deux, du fait que Marine Le Pen ne le renverse pas.
08:21Donc la question qui va se poser, ce n'est pas tant le 14 janvier, c'est au mois de février, au mois de mars.
08:26Est-ce qu'il y a une pression suffisante sur les députés RN de la part de leur base, de leur circonscription,
08:31dans le cadre d'une dissolution potentielle qui peut avoir lieu cinq mois plus tard, pour que le RN trouve plus opportun de censurer ?
08:39C'est-à-dire que quand vous reposez sur votre principal opposant politique,
08:42ce principal opposant politique ne vous soutient que tant qu'il y a intérêt.
08:46Et là encore, on revient à cette affaire potentielle de démission.
08:49Il y a deux façons de faire tomber un président historiquement.
08:52Soit vous refusez tous les budgets, et c'est le choix entre la démission ou la crise économique.
08:56Soit vous rejetez tous les gouvernements.
08:57C'est comme ça que tombe Alexandre Millerand sous la Troisième République.
09:00Et vous avez le choix entre l'effondrement politique ou la démission.
09:04Si demain, les forces d'opposition veulent jouer ce jeu-là,
09:07notamment parce qu'on les aurait potentiellement contournés par un référendum,
09:10c'est un jeu qu'ils peuvent être tentés de jouer.
09:12Donc en effet, il est possible que 2025 soit encore une année de pas très grande stabilité.
09:16Bon, moi je vais retenir quand même la partie optimiste de vos propos.
09:20On est tranquille jusqu'en février-mars.
09:22C'est ce que j'ai compris, à peu près en tout cas.
09:25Merci beaucoup à tous les deux.
09:26C'était passionnant et on reviendra évidemment toute la journée sur ces voeux d'Emmanuel Macron
09:30avec beaucoup de messages politiques hier soir.