Rétablir l'électricité "dans chaque foyer" d'ici "fin janvier, empêcher la reconstruction des bidonvilles... François Bayrou a présenté son plan "Mayotte debout" lors de sa visite sur l'archipel, dévasté par le cyclone Chido, ce lundi.
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00:00Pour en parler, Benjamin Morel, politologue et maître de conférences en droits publics à Paris 2 et Panthéon Assas, on est également avec vous Nouriaty Mohamed, adjointe au maire de Bouenich.
00:12Je commence avec cette question pour vous Nouriaty Mohamed, est-ce que vous avez été convaincue par les annonces du Premier ministre ou est-ce que comme beaucoup vous restez extrêmement sceptique ?
00:20Bonjour à tous, en effet on reste tous sceptiques parce que dans tous les cas il avait déjà préparé et tracé l'ensemble des annonces qu'il a fait ici sans forcément concerter les élus locaux ni même évaluer les dégâts et les besoins réels de la population.
00:40Donc effectivement je reste sceptique, sceptique de venir nous annoncer que le 13 janvier on fait la rentrée quand on sait qu'on n'a pas eu de rentrée réellement, on n'a pas eu de vacances plus tôt réellement puisque la veille des vacances le cyclone Chilo a frappé Mayotte.
00:56Donc depuis ce temps les écoles sont occupées et beaucoup des établissements également sont complètement plus accessibles, donc ces établissements notamment concernant l'éducation, la rentrée du 13 janvier, la question qui se pose aujourd'hui, nous collectivités qui avons justement la charge d'organiser ces rentrées, restons sceptiques parce que les établissements sont tous cassés, donc il faut pouvoir évaluer, s'assurer qu'on va pouvoir sécuriser.
01:26Les élèves que l'on va accueillir dans ces établissements.
01:29Autre annonce du Premier ministre, reconstruire Mayotte en deux ans avec une comparaison qu'il a faite plusieurs fois entre Mayotte et la cathédrale Notre-Dame.
01:38Est-ce que cette durée de deux ans vous semble réaliste et est-ce que cette comparaison vous convient ?
01:45Ce n'est pas comparable puisque Mayotte a toujours été le dernier, donc ce n'est pas aujourd'hui parce qu'il y a eu Chilo qu'on va pouvoir faire un défi, relever un défi qui n'a jamais pu être relevé.
01:56Donc il faut dire les choses, moi sincèrement ça m'étonnerait bien fort quand on voit que l'ensemble des bidonvilles sont déjà debout et qui n'ont pas été stoppés.
02:06Au moment qu'il fallait le stopper, c'était au moment que tout de suite Chilo est passé, il fallait mettre en place l'ensemble de la sécurité civile et les militaires qui étaient prévus
02:16pour pouvoir protéger rapidement et interdire, stopper à ce que ces bidonvilles ne soient pas reconstruits.
02:21Ils sont là, ils sont déjà tous debout.
02:23Tous les matins on compte le nombre et donc ça m'étonnerait, j'aimerais bien voir de quelle manière il va pouvoir stopper cela quand bien même c'est déjà fait.
02:32Il y a un autre problème, c'est celui de l'accès à l'eau potable. Concrètement, de quoi est-ce que vous avez besoin aujourd'hui, deux semaines et demie après le cyclone en matière d'eau potable ?
02:41A savoir qu'en temps normal, on n'est pas alimenté en eau potable régulièrement mais il y a des tours d'eau depuis déjà deux ans voire même plus.
02:50Donc quand il parle d'eau potable, il faut voir comment il va s'organiser parce que jusqu'à maintenant, la production par jour c'est 2500, c'est même pas 4000 comme il annonce ici.
03:03Il est en train de nous annoncer qu'éventuellement d'ici fin juin, on aura 4000 mètres d'eau produit par jour.
03:12On veut bien voir de quelle manière, quand bien même au moment normal, ce qui était éventuellement possible n'a pas été.
03:19Aujourd'hui, on n'a rien, les usines sont fermées parce qu'elles sont dégravées.
03:23On va se tourner vers Benjamin Morel pour la partie politique législative. Une loi d'urgence, Benjamin, bonjour, sera présentée vendredi en Conseil des ministres.
03:31À quoi va servir cette loi ?
03:33Cette loi, il va falloir voir en effet ce que l'on met dedans. On peut débloquer éventuellement des crédits, on sait qu'on n'a pas de budget donc c'est un problème.
03:40On peut avoir un certain nombre de mesures qui sont des mesures de facilitation, on parle d'exonération aux entreprises,
03:46on peut avoir des mesures de facilitation en matière de sécurité civile.
03:50Une loi ne va pas tout régler malgré tout. Ce qui était dit tout à l'heure est profondément ancré dans la population mahoraise.
03:57Il faut voir qu'on a avec Mayotte le dernier département français, le dernier territoire à avoir été départementalisé.
04:02Il y a une promesse de cette départementalisation et donc là aussi d'un changement de normes mais qui n'a pas vraiment produit ses fruits.
04:09On a fait ensuite des promesses avant la dissolution.
04:11Ces promesses ont été dissoutes avec l'Assemblée nationale et donc aujourd'hui on a un territoire qui est en crise,
04:18pas depuis un mois, qui est en crise en réalité, structurelle et larvée.
04:23Et cette crise-là, elle implique des investissements, elle implique un travail de fonds sur le tissu économique, sur le rapport avec les comores, etc.
04:31Ce travail-là, il est assez probable qu'il prête plus que deux ans et que donc finalement les promesses qui là-dessus ont été engagées,
04:38tombent un peu dans les oreilles de sourds.
04:40Justement, vous parliez de cette crise politique.
04:42Est-ce que dans ce contexte d'instabilité, il y a un risque que le plan Mayotte-Debout puisse être barré par les députés ou du moins modifié ?
04:50Alors, est-ce qu'il peut être modifié ?
04:52La réponse, c'est probablement oui.
04:54Est-ce que les députés ont intérêt à le modifier ?
04:56Il faut voir parce qu'évidemment, ça alourdirait un processus législatif qui est déjà aujourd'hui en grande partie chaoteux
05:06et donc ce faisant, ça lui ferait perdre du temps.
05:08Or, aujourd'hui, il y a des besoins qui sont des besoins très rapides sur Mayotte.
05:11Donc il faudra voir, il peut y avoir des modifications, il peut y avoir, malgré toute une commission mixte paritaire conclusive, on peut quand même aller assez vite.
05:18Vous savez, le record pour voter un mois sous la Ve République, c'est un jour et demi.
05:21Le problème, c'est qu'on a mis le Parlement en vacances jusqu'au 14 janvier, donc il ne pourra pas se passer grand-chose avant le 14 janvier.
05:28Ensuite, la question qui va se poser, c'est celle de l'après du suivi.
05:33Et là, ça renvoie directement à une autre question qui est celle de la durée de vie de ce gouvernement.
05:39On a un François Bayrou qui arrive sur place alors que la durée de vie prête à son gouvernement est aujourd'hui relativement limitée.
05:46Est-ce que vraiment il pourrait le suivre ?
05:48On a l'impression que les gouvernements d'Emmanuel Macron, quels qu'ils soient finalement, enchaînent les plans depuis 2017.
05:54Ce mot plan, on l'a beaucoup entendu.
05:56Vous, vous êtes observateur attentif de cette vie politique.
05:59Est-ce qu'il existe en fait des dispositifs de suivi pour savoir si ces multiples plans, quels qu'ils soient, aboutissent ?
06:06Et donc, si ce plan maillote debout va vraiment voir le jour ?
06:10Ce qu'on appelle en termes de plan, c'est comme la question du haut commissariat sur lequel on nous interroge depuis quelques jours.
06:16Ce sont souvent des éléments de communication pour essayer de donner une valeur dans l'opinion et d'incarner une politique.
06:23C'est pas mal en soi, mais fondamentalement, ça n'implique pas forcément de dispositifs particuliers.
06:29Il faut voir qu'il y a quelques principes, notamment ceux de l'annualisation budgétaire,
06:33qui fait que vous pouvez imaginer et vous projeter, malgré tout, chaque année.
06:37Ça peut être remis sur le tapis, ça peut être raboté, notamment au moment du vote du budget.
06:42Or, le principe d'un plan, c'est que souvent, ça coûte un peu d'argent pour avoir une forme de développement.
06:47Ensuite, dans les idées de plan, ça ne sera pas le cas avec maillot, vous avez souvent l'idée d'expérimentation.
06:52L'expérimentation donne très rarement lieu, en France, à une évaluation.
06:57Et donc, on généralise ensuite, après, en fait, s'être gargarisé du fait que ça allait forcément réussir.
07:03La preuve, c'est qu'on l'avait tenté.
07:04Et donc, ce faisant, il est vrai que cette idée de plan est plus un fétiche de communication qu'une vraie idée.
07:10Si ça permet de se projeter dans le temps, eh bien, pourquoi pas ?
07:13Mais encore une fois, là encore, les promesses n'engagent que ceux qui y croient.
07:19Les promesses d'un gouvernement qui...
07:21— Nouriaty Mohamed, je voulais juste vous faire réagir sur ces images d'Elisabeth Bande qu'on a pu voir hier,
07:25qui a été interpellée par des enseignants. Qu'est-ce que vous avez pensé de ces images ?
07:31— Écoutez, encore une fois, des personnes qui ne maîtrisent pas du tout le territoire et qui ne sont pas si sensibles que ça.
07:37Donc moi, j'ai juste envie de dire... Ne disons pas « maillot debout », c'est la France qui doit se mettre debout.
07:44Et franchement, « maillot », la France debout, la France pour permettre à Mayotte de se mettre debout,
07:50parce que c'est juste des balades. Et on l'a bien vu, la ministre chargée de l'Éducation qui vient sur place
07:56et qui prend pas le temps d'écouter un professeur, c'est grave.
07:59Ou peut-être elle ne maîtrise pas forcément le sujet. Et dans ce cas-là, bonne question.
08:05Elle était première ministre. Elle était venue déjà sur le territoire.
08:09Et donc encore une fois, ça se confirme que les compétences sont douteuses. Voilà.
08:14— La première ministre qui n'a de plus réagir a dit qu'elle était ouverte au dialogue.
08:18Et évidemment, on pourra en juger dans les jours et dans les semaines qui viennent. On vous remercie tous les deux.