Voilà 35 ans, le couple Ceausescu était sommairement exécuté par ses opposants. Encore aujourd'hui le mystère plane sur le procès qui a mené à l'exécution de Nicolae et Elena Ceausescu, comme sur les origines de ce soulèvement sanglant. Peut-on, enfin, faire toute la lumière sur cette révolution roumaine qui fut la seule, dans l'ancien bloc de l'est, à avoir fait couler le sang ?Pour en débattre, Jean-Pierre Gratien sera en plateau, en compagnie de l'historien Traian Sandu, du correspondant, Paul Cozighian et du journaliste, Marc Semo.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP : https://bit.ly/2XGSAH5 Suivez-nous sur les réseaux ! Twitter : https://twitter.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPThreads : https://www.threads.net/@lcp_anInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletterRetrouvez nous sur notre site : https://www.lcp.fr/#LCP #documentaire #debat
Category
🗞
NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat doc.
00:00:18Souvenez-vous, voilà 35 ans,
00:00:20le couple Ceausescu était sommairement exécuté
00:00:23par ses opposants. Peut-on enfin faire toute la lumière
00:00:27sur cette révolution roumaine qui fut la seule
00:00:29dans l'ancien Bloc de l'Est à avoir fait couler le sang ?
00:00:32C'est l'ambition du documentaire qui va suivre,
00:00:35le procès Ceausescu, une révolution volée.
00:00:39Vous allez y revivre les heures clés de cette révolution,
00:00:42avec surtout ici les témoignages de ses principaux acteurs,
00:00:45dont ceux qui ont orchestré le procès
00:00:48et l'exécution du couple Ceausescu,
00:00:51dans des conditions où, vous allez le voir,
00:00:53on ne peut plus tromper. Je vous laisse le découvrir
00:00:57juste après sur ce plateau,
00:00:58en compagnie de l'historien Traian Sandu
00:01:01et des journalistes Paul Kosigian et Marc Semo,
00:01:04avec cette question,
00:01:06comment la Roumanie a-t-elle tourné la page
00:01:09du tristement célèbre génie des Carpathes ?
00:01:12Bon doc.
00:01:14Musique sombre
00:01:17...
00:01:22...
00:01:2725 décembre 1989.
00:01:29Les Roumains et le monde entier découvrent Médusé,
00:01:32le film du procès de Nicolae et Elena Ceausescu,
00:01:36le couple à la tête de la dernière dictature communiste d'Europe.
00:01:40...
00:01:45Tout sonne étrangement faux dans ces images.
00:01:48L'audience, sans enquête ni témoin, dure moins d'une heure.
00:01:52Moins d'une heure pour juger les crimes de Ceausescu,
00:01:55commis pendant 24 ans à la tête du pays.
00:01:58Moins d'une heure pour juger la répression de la Révolution
00:02:01démarrée il y a une semaine,
00:02:03une répression qui aurait fait des milliers de morts.
00:02:07Un immense charnier viendrait même d'être découvert à Timisoara,
00:02:11une ville à l'ouest du pays.
00:02:16Pourquoi un tel empressement a organisé ce simulacre de procès ?
00:02:20Qui sont ces mystérieux officiers qui font face aux accusés ?
00:02:23Auraient-ils provoqué la chute de leur ancien maître ?
00:02:28Le soulèvement contre les Ceausescu n'est peut-être pas aussi populaire,
00:02:32spontané, romantique
00:02:33que les médias du monde entier l'ont un temps raconté.
00:02:37Entre manipulation, rumeurs et faux-semblants,
00:02:41ce film se propose de regarder ce qui se cache
00:02:43derrière ces images emblématiques
00:02:45et de dévoiler les mécanismes à l'œuvre
00:02:48au cœur d'un événement appelé, peut-être trop simplement,
00:02:51la Révolution roumaine.
00:03:073 semaines avant de découvrir Nicolae Ceausescu
00:03:10dans le boxe des accusés,
00:03:12ce sont d'autres images que les Roumains regardent à la télévision,
00:03:16des images qu'ils ne supportent plus.
00:03:19Nous sommes le 20 novembre 1989.
00:03:22Le mur de Berlin est en plein délai de construire.
00:03:25Les rumeurs et faux-semblants
00:03:26de l'ancien empressement de Timisoara
00:03:29sont en train de s'éloigner de l'histoire romaine.
00:03:31Les rumeurs et faux-semblants de l'ancien empressement
00:03:35Le mur de Berlin est tombé 15 jours plus tôt.
00:03:40Nicolae Ceausescu, surnommé le Danube de la pensée
00:03:43ou le génie des Carpathes,
00:03:45inaugure le XIVe congrès du Parti communiste roumain,
00:03:48en compagnie de sa femme Héléna.
00:03:55Spectacle pathétique d'un peuple rassemblé par la Securitate,
00:03:59la police politique du régime,
00:04:01pour acclamer un vieux couple de dictateurs
00:04:03qui dirige d'une main de fer la Roumanie depuis un quart de siècle.
00:04:09Le système était tellement fermé
00:04:12qu'on ne pouvait parler que d'une seule chose,
00:04:15des grandes réalisations de Ceausescu,
00:04:19et de lui et de son épouse.
00:04:20C'était tout le temps ça, c'était épouvantable.
00:04:23Donc, entre nous, on parlait un petit peu,
00:04:27on se disait qu'il doit y avoir quelque part
00:04:31une issue, une sortie de cette situation.
00:04:36Sachez qu'en Roumanie, c'était la terreur,
00:04:39à la fois dans l'armée et dans la vie civile.
00:04:43La terreur s'installait,
00:04:46et ceux qui promouvaient cette terreur, c'était la Securitate,
00:04:50mise en place par Ceausescu, bien sûr.
00:04:54Donc, c'était très rare d'entendre des voix de résistance.
00:05:01En 1989,
00:05:03le pays est plongé dans une misère économique et sociale absolue.
00:05:07Le rationnement n'a jamais été aussi élevé.
00:05:10Il faut dire que Ceausescu a une obsession,
00:05:13le remboursement de la dette extérieure du pays.
00:05:16En trois ans, c'est chose faite.
00:05:18Résultat, les Roumains n'ont plus rien à manger.
00:05:22Le marché noir procure désormais 40 % des revenus.
00:05:25...
00:05:28Les magasins étaient vides.
00:05:29Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir cela.
00:05:33C'était quelque chose d'hallucinant.
00:05:35On marchait sur le boulevard du 1er mai,
00:05:37et les vitrines étaient vides, il n'y avait rien.
00:05:40...
00:05:46Un jour, je vois une professeure
00:05:50qui avait un grand sac comme ça.
00:05:52Je lui disais, qu'est-ce que tu fais avec ce sac ?
00:05:55Elle me dit, mais tu sais,
00:05:58cette nuit, on a dormi dans le métro,
00:06:02parce qu'il fait beaucoup plus chaud.
00:06:05A la maison, comme tu le sais, il y a 6-7 degrés.
00:06:08Dans le métro, il y avait 15-16 degrés.
00:06:12Je lui dis, mais il y avait beaucoup de gens, c'était plein.
00:06:16...
00:06:18Ce 20 novembre 1989,
00:06:20devant les 3330 délégués réunis pour le 14e congrès,
00:06:24Ceaușescu refuse l'évidence.
00:06:27Le système qu'il défend a échoué, son pays est à l'agonie.
00:06:31...
00:06:34Il se refuse aussi à accepter les conséquences
00:06:37de l'effondrement du Bloc de l'Est.
00:06:39...
00:06:41Je me rappelle très bien de l'atmosphère,
00:06:48de l'ambiance de ce congrès, ces jours-là.
00:06:52Plusieurs choses m'avaient impressionné.
00:06:55D'abord, il y a eu le slogan du congrès.
00:06:58Le slogan, c'était
00:07:02le congrès du triomphe du socialisme
00:07:05et de la victoire de l'indépendance de la Roumanie.
00:07:08...
00:07:13Un slogan totalement stupide.
00:07:16J'ai participé en Union soviétique à de nombreux congrès,
00:07:20surtout pour les jeunes.
00:07:23C'est-à-dire que j'avais plus ou moins une certaine connaissance
00:07:26sur le déroulement de ces événements.
00:07:30Mais ce que j'ai vu, moi, au 14e congrès de Roumanie,
00:07:33a tout simplement dépassé mon imagination.
00:07:36...
00:07:41...
00:07:47...
00:07:51...
00:07:56Applaudissements
00:08:01...
00:08:04Je vous dis, nous nous sommes sentis
00:08:07comme des gens venus d'un autre univers.
00:08:11Il y avait une atmosphère totalement inhabituelle.
00:08:14Même pour moi, qui venais du même monde.
00:08:17Applaudissements
00:08:22Il y a eu au moins 40 standing ovations.
00:08:26C'était assez amusant d'observer cela,
00:08:30alors qu'en Union soviétique, c'était la glasnost et la perestroïka.
00:08:35...
00:08:38Quelques jours plus tard, le 4 décembre 1989,
00:08:41Ceausescu est à Moscou avec les autres dirigeants
00:08:44des pays du pacte de Varsovie.
00:08:46M. Gorbatchev les informe du résultat de sa dernière rencontre
00:08:50avec le président américain, Georges Bush Peire.
00:08:53La guerre froide est désormais terminée.
00:08:58Ceausescu était le dernier représentant de la vieille garde.
00:09:04Tous les autres leaders étaient nouveaux, différents.
00:09:07Ils étaient issus des bouleversements politiques récents
00:09:13liés à l'effondrement de tous les régimes communistes,
00:09:16les uns après les autres.
00:09:19Gorbatchev aurait souhaité que quelque chose change en Roumanie,
00:09:24que la Roumanie adopte aussi la perestroïka dont il faisait la promotion.
00:09:28Mais je pense qu'à un moment donné, Gorbatchev a compris
00:09:31que c'était très compliqué d'attendre cela de Ceausescu.
00:09:35...
00:09:37Ceausescu refuse cette nouvelle politique d'ouverture
00:09:40défendue par Gorbatchev.
00:09:43Il a même une solution à proposer au maître du Kremlin
00:09:46qui permettrait de sauver le système communiste.
00:09:50Céslav Ciobanu a assisté à la rencontre.
00:09:56Je me souviens qu'il était très nerveux.
00:09:58Ses mains étaient moites.
00:10:00Il n'arrivait pas à fixer son regard sur son interlocuteur.
00:10:04Ceausescu a proposé d'organiser une conférence internationale
00:10:09des partis communistes et de gauche
00:10:11pour discuter de la nouvelle situation.
00:10:16Son idée était de bâtir un front commun
00:10:19pour défendre les acquis du socialisme.
00:10:22Et selon moi, Ceausescu était même prêt à accepter l'idée
00:10:26que Gorbatchev lui envoie l'armée soviétique
00:10:28pour défendre les acquis du socialisme.
00:10:32Alors là, Gorbatchev lui a demandé
00:10:34« Vous voulez que j'envoie l'armée rouge pour stopper tous ces changements ? »
00:10:37C'est ça ?
00:10:40Ceausescu a répliqué « Non, je ne veux pas dire ça. »
00:10:44Mais je suis sûr que c'était bien ça qu'il voulait dire.
00:10:49Il n'y a aucun doute.
00:10:54Le sommet de Moscou se termine.
00:10:57Ceausescu se trompe d'époque avec son idée délirante
00:10:59du recours à l'armée soviétique pour défendre le modèle communiste.
00:11:04Il vit dans un monde qui n'existe plus.
00:11:07Il rentre en Roumanie, plus isolé que jamais.
00:11:14Il est bien loin d'imaginer que deux semaines plus tard,
00:11:17un événement a priori anodin va tout changer.
00:11:23Le 16 décembre, à Timisoara,
00:11:25une ville de 300 000 habitants à l'ouest du pays,
00:11:28un rassemblement est organisé devant cette église.
00:11:33La raison ?
00:11:34László Tokés, un jeune pasteur connu pour son opposition au régime,
00:11:38doit en être expulsé.
00:11:42J'ai vu qu'il y avait du monde qui était rassemblé,
00:11:45et donc je suis descendu voir ce qui se passait,
00:11:47car j'étais très curieux.
00:11:52En même temps, je savais que cela devait être
00:11:55quelque chose d'ordre politique,
00:11:58car László Tokés, un dissident, était présent.
00:12:01Des gens criaient des slogans, et moi aussi j'ai crié.
00:12:05« Abba, chao sesko ! » C'était le premier slogan que j'ai crié.
00:12:08À partir du moment où les événements ont explosé
00:12:11autour du pasteur Tokés,
00:12:13et que la foule a manifesté,
00:12:15j'ai senti que c'était le moment d'agir,
00:12:18de faire quelque chose.
00:12:25Dans les heures qui suivent,
00:12:27le quartier de la cathédrale devient l'épicentre
00:12:29de la contestation.
00:12:33Il y avait quelques milliers de personnes,
00:12:36alors que ce n'était pas une si grande région.
00:12:39C'était quelque chose d'extraordinaire
00:12:41de crier « liberté »
00:12:43après 45 ans de communisme.
00:12:49Dès le lendemain, 17 décembre,
00:12:51Chao Sesko ordonne à l'armée de réprimer le mouvement,
00:12:54avec la plus extrême violence.
00:12:57Le téléphone a sonné, c'était le signal de l'alerte.
00:13:00Le code était « Radu le beau ».
00:13:02En tant que militaire, il fallait que j'y aille.
00:13:05Ce code opérationnel, « Radu le beau »,
00:13:08signifie que l'armée est mise en état d'alerte
00:13:10en raison d'une invasion extérieure imminente.
00:13:14Ce qui s'est passé en décembre 1989,
00:13:16c'est un scénario en cours d'élaboration.
00:13:19Nicolai Chao Sesko crée ce scénario,
00:13:22et il l'a fait.
00:13:24Nicolai Chao Sesko crée ce scénario de guerre
00:13:28pour justifier l'intervention à Timisoara.
00:13:49À côté de moi, un manifestant, un camarade,
00:13:53a reçu une balle dans la gorge, dans la carotide.
00:13:58Son sang giclait,
00:14:02et a éclaboussé mes vêtements, mes mains,
00:14:07mon visage, mon manteau et mon pantalon.
00:14:14Ensuite, j'ai été pris pour cible.
00:14:19On m'a tiré dans le fémur.
00:14:22Ma participation à la révolution a duré environ 4 heures.
00:14:26Mais c'était comme si elle avait duré une semaine,
00:14:29ou même un mois.
00:14:30C'était comme si elle avait duré toute une vie,
00:14:32car je n'avais rien vécu de pareil.
00:14:39Rien de pareil.
00:14:46Au soir du 18 décembre,
00:14:48il y a près de 70 morts dans les rues de Timisoara.
00:14:51Parmi les officiers supérieurs impliqués dans la répression,
00:14:55il y a le général Stéphane Gouza, chef d'état-major,
00:14:58et le général Victor Stankulescu.
00:15:01C'est ce même général Stankulescu
00:15:03que l'on reconnaît sur ces images.
00:15:07Quelques jours après avoir défendu le régime,
00:15:10il changera de camp
00:15:11et sera le grand organisateur du procès des Chao Sesko.
00:15:15Pour l'heure, il est toujours fidèle à son maître.
00:15:18Nous sommes le 21 décembre, à Bucarest.
00:15:21Il est 12h30.
00:15:24Timisoara s'est soulevé 5 jours plus tôt.
00:15:27Chao Sesko veut reprendre la main.
00:15:30Il a décidé de s'adresser à son peuple
00:15:32pour dénoncer un complot de l'étranger.
00:15:34Selon lui, des agents du KGB, des terroristes,
00:15:37cherchent à le renverser avec l'aide des Occidentaux.
00:15:45Dans la matinée du 21 décembre,
00:15:48je suis sorti pour mettre en route la voiture
00:15:51et emmener mes enfants à l'école.
00:15:55Quand je suis sorti dans la rue,
00:15:57il y avait plein de gens contrariés, gelés, tristes,
00:16:00et ça m'a beaucoup surpris.
00:16:02Je ne savais pas que ces gens-là allaient à un meeting.
00:16:05La Securitate rassemble plus de 100 000 personnes
00:16:08sur la place du comité central,
00:16:11comme aux plus belles heures du régime.
00:16:14Chao Sesko, chao Sesko !
00:16:17Chao Sesko, chao Sesko !
00:16:20Chao Sesko ne doute pas du succès de l'initiative.
00:16:23N'a-t-il pas été ovationné
00:16:25lors du dernier congrès du parti, un mois plus tôt ?
00:16:28...initiatorilor
00:16:30...organizatorilor
00:16:33...acestei mare manifester
00:16:36...populare
00:16:38...din Bukuresti,
00:16:40...considerant aceasta...
00:16:42Et puis, l'impensable se produit.
00:16:45...
00:16:56Les caméras sont immédiatement tournées
00:16:58vers les façades d'immeubles de la place.
00:17:01Il ne faut pas montrer le régime en train de vaciller.
00:17:04...
00:17:07...
00:17:10J'écoutais la radio,
00:17:12et là,
00:17:15une énorme surprise.
00:17:17Le discours sur le balcon du comité central
00:17:20a été interrompu.
00:17:22...
00:17:24C'était une chose complètement inhabituelle.
00:17:27La foule s'est mise à vociférer.
00:17:31...
00:17:33Allo !
00:17:35Allo ! Allo !
00:17:37...
00:17:40Pour la première fois en 24 ans de règne,
00:17:43le peuple défie directement Ceausescu.
00:17:46Le vieux dictateur parviendra à reprendre son discours.
00:17:50Mais une nouvelle étape vient d'être franchie.
00:17:53Après Timisoara, Bukarest se soulève.
00:17:56...
00:17:59...
00:18:06...
00:18:08Une ou deux heures après, on a eu les premières informations
00:18:12comme quoi des gens sur la place criaient
00:18:15« abat le communisme ».
00:18:17Au sein de l'agence TASS, on a eu un débat.
00:18:20Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on annonce
00:18:23que sur la place, des gens crient « abat le communisme » ?
00:18:27Parce qu'à Moscou, le régime était encore officiellement communiste.
00:18:31Les plus âgés ont dit
00:18:34« moi, j'ai dit non ».
00:18:37On transmet tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend,
00:18:40tout ce qu'on apprend des gens.
00:18:42Ces informations ont été reprises par toutes les grandes agences
00:18:46de l'époque, AP, Reuters, France Presse, toutes.
00:18:49Elle citait l'agence TASS, ce qui était assez inhabituel,
00:18:52car elle était alors considérée
00:18:55comme l'instrument de la propagande communiste.
00:18:58...
00:19:03Alors que le monde entier apprend
00:19:05que la contestation contre Ceausescu
00:19:07gagne désormais Bucarest, une barricade est dressée
00:19:10par des étudiants non loin du comité central,
00:19:13entre l'hôtel intercontinental et l'université.
00:19:17...
00:19:19Moi, j'arrive vers 3h30 à la barricade.
00:19:24Ce qui était frappant pour moi tout de suite,
00:19:29c'était qu'il y avait beaucoup de jeunes,
00:19:32mais vraiment jeunes, 15, 16, 17 ans.
00:19:37Et ces jeunes-là, c'était...
00:19:41le vrai noyau de la barricade, la vraie énergie de la barricade.
00:19:44...
00:19:47Comme à Timisoara, Ceausescu ordonne la plus extrême violence
00:19:51pour réprimer les manifestations.
00:19:53L'armée et la Securitate exécutent les ordres.
00:19:57Elle tire à vue, elle tire pour tuer.
00:20:00...
00:20:0520 minutes avant minuit,
00:20:07alors là, ils ont commencé à tirer sur nous.
00:20:10Je me suis dit, je vais mourir aussi,
00:20:13et personne ne saura où je suis.
00:20:16...
00:20:19C'était un bain de sang.
00:20:21On a fait le compte après,
00:20:23nous étions à ce moment-là 81,
00:20:27et ils ont tué horriblement 39.
00:20:30...
00:20:33A 6h30 du matin, je suis arrivé à la station de métro
00:20:36de la place de l'université.
00:20:38J'ai vu qu'on lavait la plateforme et les escaliers du métro.
00:20:41Ils étaient pleins de sang, de morceaux de chair.
00:20:44J'étais sous le choc, je ne pouvais pas y croire.
00:20:48Il y avait des travailleurs plus loin,
00:20:51et je leur ai demandé ce qui s'était passé.
00:20:54Ils m'ont répondu qu'ils ont tiré sur les jeunes ici.
00:20:57Au matin du 22 décembre,
00:21:00le bilan de la répression est effroyable.
00:21:03Il y a 49 morts, 463 blessés
00:21:06et 698 personnes emprisonnées.
00:21:10...
00:21:13Mais malgré ce carnage,
00:21:15plus rien ne peut arrêter le peuple de Bucharest.
00:21:18Des dizaines, des centaines,
00:21:20puis des milliers de Roumains descendent dans la rue
00:21:23et se dirigent vers le siège du comité central
00:21:27à l'intérieur duquel Ceausescu s'est réfugié.
00:21:30Je marche comme tous les autres et j'arrive ici,
00:21:33sur cette place qui était déjà pleine de gens.
00:21:38Il y avait déjà des dizaines,
00:21:41peut-être plus de 100 000 personnes qui étaient déjà ici.
00:21:44...
00:21:48L'atmosphère était véritablement explosive.
00:21:51Personne ne savait ce qui allait se passer ensuite.
00:21:55...
00:21:58L'armée, qui avait tiré sur la foule,
00:22:01commençait maintenant à se rallier à nous,
00:22:04mais rien n'était clair.
00:22:07...
00:22:1011 heures, ce 22 décembre.
00:22:14La foule encercle totalement le siège du comité central.
00:22:17Ceausescu annonce la nomination
00:22:20d'un nouveau ministre de la Défense.
00:22:23Qui ? Un de ses plus proches collaborateurs,
00:22:26un de ceux qui a dirigé la répression à Timisoara,
00:22:29le général Stankulescu.
00:22:32Ce fidèle d'entre les fidèles prend la décision
00:22:36la plus surprenante qui soit.
00:22:39Il trahit son chef et ordonne à ses hommes
00:22:42de ne plus tirer sur la foule.
00:22:45...
00:22:48Quelques minutes après, on voit l'hélicoptère
00:22:51qui vient ici,
00:22:54sur le côté droit du building,
00:22:58et on voit l'hélicoptère
00:23:01qui essaie de voler, de décoller.
00:23:04...
00:23:07Il décolle avec beaucoup de difficultés,
00:23:10comme s'il était trop plein, ce qui est effectivement le cas.
00:23:13Et il disparaît.
00:23:16Quelqu'un dit que Ceausescu n'est plus là.
00:23:20Il a pris la fuite.
00:23:23Cette image de l'hélicoptère de Ceausescu
00:23:26qui tend la capitale vers un lieu inconnu
00:23:29fait le tour du monde.
00:23:31La dernière dictature communiste d'Europe
00:23:34vient de s'effondrer en 6 jours.
00:23:38Comme des centaines d'autres manifestants,
00:23:41Pétré-Roman entre dans le bâtiment du comité central,
00:23:44monte au 1er étage et pénètre sur le balcon.
00:23:47...
00:23:50Quand j'arrive ici et je vois d'ici
00:23:53cette multitude, alors j'ai le souffle coupé
00:23:56et j'essaie de parler,
00:23:59et toute la place se remplit de ma voix.
00:24:03Compatriotes, nous,
00:24:06aujourd'hui, ici,
00:24:09nous avons perdu la dictature sur Ceausescu !
00:24:12...
00:24:15Nous avons perdu
00:24:18la dictature sur Ceausescu !
00:24:22...
00:24:25...
00:24:28...
00:24:31Après la disparition de Ceausescu, les événements se précipitent.
00:24:34Le peuple roumain prend possession de la télévision publique,
00:24:38un des hauts lieux de la propagande communiste.
00:24:41Désormais, la révolution est filmée en direct
00:24:44et diffusée dans le monde entier.
00:24:47...
00:24:50Les regards se tournent vers un homme de 59 ans,
00:24:53un homme que des jeunes révolutionnaires
00:24:57comme Pétré-Roman ou Guilhou Voïkan reconnaissent
00:25:00comme leur chef.
00:25:03Il s'appelle Ion Iliescu.
00:25:06Il n'a pourtant rien du dissident charismatique.
00:25:10Il a été membre du comité central avant d'être écarté par Ceausescu
00:25:13au début des années 80.
00:25:16Il représente une sorte d'opposition interne au système.
00:25:19C'est cet homme qui annonce la création
00:25:22du Front de salut national à la télévision.
00:25:25...
00:25:36...
00:25:39...
00:25:42Nous l'avons adopté immédiatement.
00:25:45Nous l'avons accueilli comme l'homme providentiel,
00:25:49celui dont on avait besoin à ce moment-là.
00:25:52Il devait incarner tous nos espoirs,
00:25:55nous permettre d'exprimer et mettre en place
00:25:58ce à quoi nous aspirions.
00:26:01C'était sûrement quelqu'un qui admirait Gorbatchev.
00:26:04Mais à l'époque, tout le monde admirait Gorbatchev,
00:26:07il faut bien le dire.
00:26:11Donc il avait la faveur, je crois, de l'ensemble du pays.
00:26:14C'était en quelque sorte l'espoir
00:26:17vers un régime beaucoup plus ouvert
00:26:20comme dans les autres pays socialistes
00:26:23et comme en Union soviétique.
00:26:26...
00:26:30...
00:26:34On avait reçu des lettres d'émigrés roumains
00:26:37de France, des Etats-Unis, d'Israël.
00:26:40...
00:26:43Elles parlaient d'un Gorbatchev roumain.
00:26:46Il s'agissait de Ion Iliescu.
00:26:49C'est comme ça qu'il était décrit.
00:26:52...
00:26:56Ces lettres demandaient à Gorbatchev
00:26:59d'imposer Iliescu au pouvoir
00:27:02afin de sauver la Roumanie de la tyrannie de Ceausescu.
00:27:05...
00:27:08Ce contexte particulier de la fin de la guerre froide
00:27:11a-t-il poussé Gorbatchev à s'impliquer dans le dossier roumain ?
00:27:14Le numéro 1 soviétique aurait-il ordonné au KGB
00:27:18de renverser Ceausescu et de placer un homme comme Iliescu
00:27:21au coeur du processus révolutionnaire ?
00:27:24Le KGB n'avait pas un intérêt très grand.
00:27:28Le KGB ne s'intéressait pas beaucoup
00:27:31à ce qui se passait à l'intérieur de la Roumanie.
00:27:34Il y avait toujours des réunions hebdomadaires
00:27:37organisées entre les services de sécurité des pays de l'Est,
00:27:41entre les ministres de ces pays,
00:27:44mais la sécurité était alors isolée.
00:27:47...
00:27:50Les Roumains n'étaient même plus invités.
00:27:53Ils étaient vraiment marginalisés.
00:27:56...
00:27:59...
00:28:02...
00:28:06N'oubliez pas que M. Gorbatchev devait résoudre
00:28:09des problématiques internes très complexes.
00:28:12Il essayait alors de sauver l'Union soviétique
00:28:15et de convaincre ses députés d'accepter sa vision de l'avenir,
00:28:18ses choix.
00:28:21Et donc, d'une certaine façon,
00:28:24il consacrait beaucoup moins de temps
00:28:28à ce qui pouvait se passer dans les pays voisins.
00:28:31...
00:28:34Gorbatchev et le KGB ne sont donc pas
00:28:37à l'initiative du mouvement populaire
00:28:40qui a démarré à Timisoara le 16 décembre.
00:28:43La chute de Chaoucesscou résulte d'un processus interne.
00:28:47C'est bien le rôle joué par le général Stankoulescou
00:28:50dans le bâtiment du comité central le 22 décembre
00:28:53en fin de matinée, qui a été l'élément déclencheur.
00:28:56...
00:28:59Il avait promis d'obéir l'ordre de Chaoucesscou,
00:29:02de disperser les gens, de tirer, donc.
00:29:05Or, la 1re chose qu'il fait, c'est de dire
00:29:09que les militaires doivent se retirer dans la caserne
00:29:12et, à ce moment-là, on commence à dire
00:29:15que l'armée est avec nous.
00:29:18Et effectivement, il y a une fraternisation
00:29:22Donc moi, je reste convaincu que Stankoulescou,
00:29:25il avait mis Chaoucesscou dans l'hélicoptère
00:29:28pour s'en débarrasser.
00:29:30Après la fuite de Chaoucesscou en hélicoptère,
00:29:33le comité central devient le nouveau quartier général
00:29:37de la Révolution En Marche.
00:29:39Partout dans cet immense bâtiment, des réunions s'organisent,
00:29:42dans la plus grande effervescence et la plus grande confusion.
00:29:45...
00:29:49...
00:29:52Tout allait très vite
00:29:55dans un flot hallucinant d'événements.
00:29:59On courait d'un lieu à un autre.
00:30:02Personne ne savait ce qui allait se passer la minute d'après.
00:30:05Ion Iliescu, lui,
00:30:08a eu la lucidité de prendre le risque
00:30:11de saisir les reines du pouvoir
00:30:14avec un groupe d'inconnus
00:30:17qui était autour de lui.
00:30:21...
00:30:24C'est ça, l'essence de la révolution roumaine.
00:30:27La totale impréparation.
00:30:30Ce qui advient soudainement,
00:30:33c'est la révolte du peuple,
00:30:36qui fait changer et qui bascule tout.
00:30:40Evidemment, ensuite,
00:30:43commence dans les coulisses,
00:30:46parmi ceux qui étaient politiciens.
00:30:49Chacun veut se placer de manière optimale
00:30:52pour se trouver sur les chaises
00:30:55ou sur les strapentins du pouvoir.
00:30:58Sûrement, Iliescu commence à parler
00:31:01de comment il va construire un pouvoir politique.
00:31:05...
00:31:08Ce groupe informel autour de Ion Iliescu
00:31:11a besoin du soutien de l'ensemble des forces de sécurité
00:31:14pour espérer organiser une transition politique
00:31:17et éviter le début d'une guerre civile.
00:31:20C'est chose faite le 22 décembre au soir
00:31:23dans les bureaux du comité central.
00:31:27Les plus hauts responsables militaires rejoignent le mouvement.
00:31:30...
00:31:33Il s'est créé une sorte de cellule de crise,
00:31:36un comité militaire, quelque chose comme ça.
00:31:39Dans une salle avec une télévision sur un bureau,
00:31:42il y a deux hommes.
00:31:45Le chef de la securité et Stéphane Gouza,
00:31:49le chef d'état-major de l'armée.
00:31:52Ils sont tous les deux au téléphone, ils parlent.
00:31:55On comprend qu'ils donnent des ordres, qu'ils reçoivent des rapports.
00:31:58...
00:32:01Ces deux hommes étaient, il y a quelques heures à peine,
00:32:04les plus fidèles soutiens de Ceausescu,
00:32:08le général Gouza ayant même participé à la répression à Timisoara.
00:32:12...
00:32:15...
00:32:18...
00:32:21Dans cette compétition pour le pouvoir, qui naît d'une révolution,
00:32:24quand ceux qui étaient au pouvoir partent,
00:32:27il se crée un vide.
00:32:30Et alors, Iliescu, l'armée,
00:32:34...
00:32:37l'appareil du parti avec l'administration,
00:32:41ont créé un groupe qui a contrôlé tous les mécanismes du pouvoir.
00:32:44L'élément clé à l'époque, c'était l'armée.
00:32:47...
00:32:50Cette alliance de circonstances entre des civils et l'armée
00:32:53ne stabilise pas la situation.
00:32:57Les rumeurs les plus folles circulent dans tout le pays.
00:33:00Alors que Ceausescu vient de s'enfuir, le peuple roumain craint son retour.
00:33:03Des terroristes se battraient dans les rues
00:33:06pour le ramener au pouvoir avec l'aide de mercenaires libyens.
00:33:09Ils auraient même empoisonné l'eau de Bucarest
00:33:12pour faire le plus de victimes possible.
00:33:15Il y avait toutes sortes de fake news, comme on dit aujourd'hui.
00:33:19Toutes sortes de fausses nouvelles.
00:33:22C'était une société fermée, étanche, et elle a explosé.
00:33:25Tout ce qui se disait était considéré comme la vérité.
00:33:28Que l'eau avait été empoisonnée,
00:33:31que des hélicoptères arrivaient et allaient attaquer.
00:33:34...
00:33:38A un moment donné, j'étais dans le bâtiment de la télévision
00:33:41et j'interviewais le patriarche de Roumanie.
00:33:45Tout à coup, les gens ont commencé à fuir le bâtiment.
00:33:48En quelques secondes.
00:33:51J'ai appris ensuite que quelqu'un avait dit
00:33:54qu'un groupe de parachutistes avait sauté sur la télévision.
00:33:57Et donc, tout le monde s'est mis à courir, et moi aussi.
00:34:00C'était vraiment une vraie psychose, à l'époque.
00:34:04Il était très difficile de savoir d'où venaient les informations.
00:34:07Il fallait vérifier d'où apparaissent ces chiffres.
00:34:10Avec d'autres gens, j'arrivais vers la place du palais
00:34:13et l'hystérie s'est emparée de nous.
00:34:16Apparemment, Ceausescu allait nous attaquer avec ses hélicoptères.
00:34:19Parce que pendant 20 ans, il s'était vanté d'avoir des hélicoptères.
00:34:22Et donc, on était sûrs qu'il allait s'en servir contre nous.
00:34:26...
00:34:29Au milieu de cette psychose collective, l'impensable se produit.
00:34:32Dans la ville de Timisoara,
00:34:35le problème où la révolution a commencé.
00:34:38Nous sommes alors le 22 décembre.
00:34:41Une quarantaine de familles recherchent les corps de leurs proches
00:34:44tués par les hommes de Ceausescu au début de la révolution.
00:34:47Une rumeur fait état de cadavres retrouvés dans un cimetière de la ville.
00:34:51L'histoire du charnier de Timisoara commence.
00:34:54...
00:34:57Les images du charnier de Timisoara...
00:35:00Les habitants ont découvert la nuit dernière un charnier
00:35:03dans lequel se trouvaient non seulement des hommes, des femmes
00:35:06et des enfants assassinés, mais aussi torturés, voire mutilés.
00:35:09...
00:35:13...
00:35:16Impossible de trouver les mots justes pour qualifier
00:35:19la vraisemblable boucherie perpétrée ici par la police politique.
00:35:22Monsieur, combien de cadavres a-t-on découvert ici, dans ce charnier ?
00:35:25Je ne sais pas, mais les hommes disent qu'environ 4 000.
00:35:28...
00:35:32Brinduza Armanca est alors journaliste à Timisoara.
00:35:36Elle s'est rendue dans le cimetière des pauvres,
00:35:39appelé aussi le cimetière du petit vampire,
00:35:42dès la découverte du charnier.
00:35:45...
00:35:48Quand je suis arrivée, mon corps était étendu sur des draps blancs.
00:35:51Aujourd'hui, je me demande toujours qui a apporté ces draps.
00:35:55Je ne l'ai jamais su.
00:35:58...
00:36:01Au milieu de tous ces corps, il y avait ce cadavre de femme,
00:36:04celui avec le petit bébé placé dessus.
00:36:07Cela a ému tout le monde.
00:36:10...
00:36:13...
00:36:16Une fois que j'avais réussi à dépasser mon émotion,
00:36:20je me rappelle que j'avais été très surprise
00:36:23par le fait que presque tous les corps étaient nus,
00:36:26ne portaient aucun vêtement.
00:36:29...
00:36:32Il y avait un câble qui liait leurs jambes,
00:36:35parfois leurs mains même.
00:36:38Et là, on pense à des tortures, à ce genre de choses.
00:36:42...
00:36:45Des chiffres aussi précis que délirants circulent alors.
00:36:48Certains parlent de 4 632 cadavres,
00:36:51d'autres de 60 000.
00:36:54Dans cette Roumanie à peine libérée de la tyrannie de Ceausescu,
00:36:57l'incroyable est toujours possible, donc crédible.
00:37:00...
00:37:04On croyait tous qu'il y avait des milliers de morts
00:37:07et peut-être même des dizaines de milliers
00:37:10cachés quelque part, enterrés.
00:37:13Et cette recherche fiévreuse des corps s'expliquait
00:37:16par le fait que personne n'était sûr de rien.
00:37:19Et cela a enflammé notre imagination.
00:37:23...
00:37:27Mais ce charnier n'existe pas.
00:37:30Il est une construction émotionnelle rendue possible
00:37:33par des années d'effroi et de répression
00:37:36endurées par le peuple roumain.
00:37:39Une fois la peur retombée, c'est une toute autre vérité qui apparaît.
00:37:42Ces 11 corps filmés par les caméras du monde entier
00:37:46n'ont rien à voir avec la Révolution.
00:37:49Ce sont de simples victimes de maladies et d'accidents
00:37:52ayant subi une autopsie puis enterrés dans ce cimetière des pauvres,
00:37:55sans famille.
00:37:58Quant à la quarantaine de corps recherchés par leurs proches
00:38:01à l'origine de cette affaire, ils ont subi un tout autre sort.
00:38:04...
00:38:07Tués dès le début de la répression, ces hommes et ces femmes
00:38:11sont de véritables victimes de la Révolution.
00:38:14Leurs corps ont été secrètement transportés,
00:38:17sur ordre de la Securitate, de la morgue de l'hôpital de Timisoara,
00:38:20vers le crématorium de Bucharest.
00:38:24Personne ne devait savoir que c'était suite aux ordres
00:38:27de Ceausescu qu'on avait tirés sur les étudiants et les ouvriers
00:38:30à Timisoara. Vous me comprenez ?
00:38:33C'est pour cette raison que ces morts ont été emmenés
00:38:36de Timisoara à Bucharest pour y être brûlés.
00:38:39...
00:38:43Nommé responsable de cette enquête début 1990,
00:38:46Dan Voinea a interrogé le responsable du crématorium.
00:38:49...
00:38:52J'ai demandé combien de corps avaient été brûlés.
00:38:55Il m'a répondu qu'il ne savait pas.
00:38:58Mais il m'a dit qu'il avait fait une marque sur le mur
00:39:01avec un clou pour chaque corps. J'ai compté,
00:39:0541 personnes avaient été brûlées dans ce crématorium.
00:39:08...
00:39:11Pour faire disparaître les dernières traces du massacre,
00:39:14la Securitate a jeté les cendres des cadavres
00:39:17dans cette bouche d'égout de la banlieue de Bucharest.
00:39:20Le soleil a depuis été élevé pour rendre hommage
00:39:23à ces 41 héros de la Révolution.
00:39:27Dans un surprenant mélange des mémoires,
00:39:30et comme si le charnier avait bel et bien existé,
00:39:33un monument a aussi été érigé dans le cimetière des pauvres
00:39:36de Timisoara, alors qu'aucune victime de la Révolution
00:39:39n'y a jamais été tuée ou enterrée.
00:39:42...
00:39:45...
00:39:49Retour au 22 décembre 1989,
00:39:52le jour de la découverte du charnier.
00:39:55Alors que l'armée a rejoint la Révolution,
00:39:58partout, des tirs se font entendre.
00:40:01Des terroristes au service de Ceausescu seraient à l'oeuvre.
00:40:05Des hommes et des femmes tombent. Le niveau de violence
00:40:08est extrême. Le pays sombre dans le chaos.
00:40:11...
00:40:14Ceux qui tiraient sur les gens étaient des terroristes ou pas ?
00:40:17...
00:40:20...
00:40:23...
00:40:27La Révolution roumaine entraîne la mort de 1024 personnes,
00:40:30en très grande majorité des civils.
00:40:33162 sont tués avant le 22 décembre,
00:40:36jour de la fuite de Ceausescu,
00:40:39et 862 dans les jours qui suivent.
00:40:42Que se passe-t-il donc à partir du 22 décembre ?
00:40:45Titire. Pourquoi y a-t-il autant de morts ensuite ?
00:40:49...
00:40:52Pour beaucoup, la vérité se trouve dans ces images
00:40:55filmées justement le 22 décembre au siège du Comité central.
00:40:58...
00:41:01Des images qui ne raconteraient pas seulement le basculement
00:41:04des plus hautes autorités militaires du côté de la Révolution,
00:41:08mais qui constitueraient surtout la preuve de la pire des trahisons.
00:41:11...
00:41:14...
00:41:17Le régime Ceausescu était fini. Ils le savaient très bien.
00:41:20Ils avaient leurs problèmes.
00:41:23Ils avaient été la répression ordonnée par Ceausescu
00:41:26et ils voulaient se repositionner favorablement.
00:41:30Ces hommes se sont toujours les mêmes.
00:41:33Il y a le général Vlad, chef de la Sécuritate,
00:41:36le général Gouza et l'inévitable général Stankulescu,
00:41:39qui n'apparaît pas sur ces images.
00:41:43Ils auraient ordonné à des troupes de francs-tireurs
00:41:46d'organiser le chaos afin de faire croire à l'existence
00:41:49d'éléments restés fidèles à Ceausescu.
00:41:52C'est ce qu'on appelle la diversion militaire.
00:41:56Une diversion que ces officiers supérieurs contrôlaient donc
00:41:59et pouvaient arrêter au moment opportun
00:42:02en fonction de leurs intérêts.
00:42:05Vous devez comprendre la mentalité de ces personnes,
00:42:08la façon dont elles ont fonctionné.
00:42:11Ces personnes ont réprimé, elles ont tué,
00:42:14elles ont toutes du sang sur les mains.
00:42:18Leur premier instinct, c'est celui de la survie.
00:42:21Donc elles se cherchent un nouveau maître, un nouveau Ceausescu.
00:42:24Ces gens n'ont aucune conception de la démocratie,
00:42:27comment se fait une révolution, ce que veulent les citoyens,
00:42:30le changement de régime ou de système.
00:42:33Il ne faut pas oublier que, surtout dans la Sécuritate,
00:42:37mais aussi bien dans l'armée,
00:42:40dans la formation, ils ont travaillé à ce moment-là.
00:42:43Forcément.
00:42:45Et pour que cette diversion militaire aboutisse,
00:42:48il lui faut un dernier élément essentiel,
00:42:51la mort de Ceausescu.
00:42:53L'arrestation du couple dans la petite ville de Targoviste,
00:42:56à une centaine de kilomètres de Bucharest,
00:43:00le 22 décembre dans l'après-midi, est une aubaine.
00:43:03...
00:43:06On a proposé de les supprimer.
00:43:09Ce qui a personnellement soutenu l'idée
00:43:12d'un acte de justice révolutionnaire.
00:43:15Ion Iliescu, qui est un humaniste, a hésité.
00:43:18On a accepté comme compromis
00:43:22la formule d'un procès dans le cadre
00:43:25d'un tribunal militaire extraordinaire.
00:43:28Et il a signé le décret de sa main.
00:43:31...
00:43:34Il n'était pas dit ouvertement
00:43:37qu'ils allaient être condamnés à mort.
00:43:40Mais c'était clairement sous-entendu.
00:43:44...
00:43:47Un procès expéditif satisfait aussi bien
00:43:50les civils réunis autour d'Iliescu que les militaires.
00:43:53Les premiers veulent montrer au pays
00:43:56qu'un retour de la dictature est impossible.
00:43:59Pour les seconds, il s'agit d'atteindre les limites.
00:44:02Et c'est toujours le général Stankulescu
00:44:06qui est à la manoeuvre.
00:44:09Stankulescu, le général qui était à Timisoara,
00:44:12a tout organisé.
00:44:15En fait, il a voulu empêcher Chausescu de parler
00:44:18afin qu'il ne divulgue pas ce que lui, Stankulescu,
00:44:21et d'autres officiers avaient commis
00:44:24dans le cadre de la répression.
00:44:28Et Chausescu n'en a pas parlé.
00:44:31Le 25 décembre 1989,
00:44:34un véhicule blindé transportant les Chausescus
00:44:37s'arrête devant la caserne de la ville de Targoviste.
00:44:40...
00:44:43Chausescu, je l'ai pris par le bras, je l'ai reconnu.
00:44:46Il marchait un peu difficilement, car dans le blindé,
00:44:50il était resté dans une position difficile.
00:44:53Il était en train de se débrouiller.
00:44:56Il était en train de se débrouiller.
00:44:59Il était resté dans une position difficile.
00:45:02Dans le bâtiment, Stankulescu a organisé le procès.
00:45:05Les salles où devaient se faire la visite médicale
00:45:08et la salle de jugement.
00:45:12...
00:45:15Le général Stankulescu ordonne aux jeunes officiers
00:45:18d'organiser à l'avance l'exécution de la sentence
00:45:21que rendra le tribunal.
00:45:24Il m'a demandé de composer le peloton d'exécution
00:45:27constitué de trois personnes.
00:45:30Deux soldats se sont proposés eux-mêmes d'en faire partie.
00:45:34Après quoi, Stankulescu m'a demandé,
00:45:37nomme le troisième.
00:45:40Je me suis proposé de l'être.
00:45:43Il m'a pris à part, m'a regardé dans les yeux
00:45:46et m'a demandé, t'es capable, capitaine, de faire ça ?
00:45:49Le moment était terrible, car il s'est approché de moi,
00:45:53les yeux dans les yeux, et me faisait un peu peur.
00:45:56J'ai dit, oui, j'en suis capable.
00:45:59...
00:46:02...
00:46:05Une fois dans la caserne,
00:46:07Ceaucescu est examiné par un médecin.
00:46:10Comme s'il fallait s'assurer que son état de santé
00:46:14soit compatible avec sa présence sur le banc des accusés,
00:46:17alors même que le verdict est déjà écrit.
00:46:20Puis l'audience commence.
00:46:23...
00:46:26...
00:46:29...
00:46:33...
00:46:36...
00:46:39J'ai retenu contre Ceaucescu
00:46:42ce que je pouvais retenir contre un dictateur,
00:46:45c'est-à-dire les crimes les plus graves,
00:46:48à la hauteur de ses responsabilités de chef d'Etat.
00:46:51Le génocide, la spoliation de l'économie.
00:46:55Je ne pouvais pas retenir à son encontre
00:46:58des petits délits, alors que toute la population
00:47:01s'était dressée face à lui.
00:47:04Il fallait traduire les malheurs du peuple,
00:47:07qui correspondaient à ces crimes,
00:47:10le génocide, la spoliation de l'économie.
00:47:13...
00:47:17...
00:47:21L'acte d'accusation fait donc des Ceaucescu
00:47:24les uniques responsables des exactions du régime
00:47:27comme de la répression des 1ers jours de la Révolution.
00:47:30Ils sont donc les 2 seuls ennemis du peuple roumain,
00:47:33les 2 seuls ennemis de l'histoire en marche.
00:47:36Leur élimination programmée, acte final de la Révolution,
00:47:40doit permettre un changement de régime
00:47:43et surtout exonérer les militaires de leurs responsabilités.
00:47:46...
00:47:50Au bout de 45 petites minutes de débat,
00:47:53le procureur Voinea prononce le réquisitoire
00:47:56et la peine demandée est évidemment sans surprise.
00:47:59...
00:48:13A peine 20 minutes plus tard,
00:48:16le président énonce le verdict.
00:48:19...
00:48:50Ce n'est pas du tout un procès
00:48:53dans les normes de l'Etat de droit, loin de là.
00:48:56C'est un procès qui se déroule
00:48:59dans les normes juridiques de Ceaucescu.
00:49:02C'était selon la justice de Ceaucescu.
00:49:06Ils ont voulu le liquider pour ne pas...
00:49:09Comment dire ?
00:49:12Pour ne pas débattre de ce que représentait le communisme.
00:49:15Pour ne pas identifier les coupables,
00:49:18ne pas déterminer les causes de ce qui s'était réellement passé.
00:49:21Les Roumains avaient besoin de vérité.
00:49:24Ils avaient besoin de parler à voix haute.
00:49:27Ils se taisaient depuis 50 ans.
00:49:31Le procès a empêché tout cela de se réaliser.
00:49:34...
00:49:37Il faut se replacer dans le contexte.
00:49:40Ca, c'est très important.
00:49:43A l'époque, à ce moment-là,
00:49:47plus de 99 % des Roumains ne voulaient qu'une chose.
00:49:50Que Ceaucescu disparaisse.
00:49:53La haine contre lui était énorme, indicible.
00:49:57...
00:50:00Dans la caserne de Targoviste, le procès touche à sa fin.
00:50:04Les Ceaucescu refusent de faire appel du jugement.
00:50:07...
00:50:10...
00:50:13Trois parachutistes qui étaient sous mes ordres
00:50:17sont entrés avec des cordes pour les ligoter.
00:50:20...
00:50:23...
00:50:26...
00:50:29...
00:50:32...
00:50:36...
00:50:39Les soldats font ensuite sortir les Ceaucescu de la salle
00:50:42pour les conduire dans la cour de la caserne.
00:50:45...
00:50:48...
00:50:51On a reculé à 6 ou 7 pas des condamnés.
00:50:54Et là, j'ai donné l'ordre de tirer à l'arme automatique.
00:50:58J'ai crié feu.
00:51:01...
00:51:04...
00:51:07...
00:51:10...
00:51:13Il est 14h45, ce 25 décembre 1989.
00:51:16Nicolae et Elena Ceaucescu viennent d'être exécutées.
00:51:20Le soir même,
00:51:23le monde entier découvre ces images.
00:51:26...
00:51:29A travers toute la Roumanie,
00:51:32les tirs des mystérieux terroristes cessent brusquement,
00:51:35comme si par la grâce d'un procès de moins d'une heure,
00:51:38la Révolution roumaine avait trouvé son épilogue.
00:51:42...
00:51:45Le nouveau pouvoir peut s'installer autour de Ion Iliescu,
00:51:48futur premier président du pays.
00:51:51...
00:51:5430 ans après, on ne sait toujours pas qui est responsable
00:51:57de la mort des 862 Roumains,
00:52:00tués à partir du 22 décembre 1989.
00:52:04Les principaux responsables de la supposée diversion militaire
00:52:07sont aujourd'hui décédés.
00:52:10Ils ne s'expliqueront jamais sur ces événements tragiques.
00:52:13En avril 2019, le parquet général roumain
00:52:16décide de renvoyer devant une cour d'assises
00:52:19pour crimes contre l'humanité Ion Iliescu et Guillou Voïkan
00:52:22pour leur rôle supposé dans cette affaire.
00:52:26Quel que soit le verdict, ce procès peut être
00:52:29une occasion unique pour le peuple roumain
00:52:32de se confronter aux ambiguïtés de ces journées décisives
00:52:35de 1989.
00:52:38En conjuguant un impératif de justice
00:52:41avec celui de l'exigence mémorielle, le pays pourra enfin
00:52:44dépasser ses traumatismes et ses souffrances,
00:52:48se réapproprier son histoire pour mieux se réconcilier
00:52:51avec lui-même.
00:52:54...
00:52:57Après 35 ans, le couple Ceausescu était donc sommairement
00:53:00exécuté par ses opposants et ce documentaire réalisé
00:53:04par Vincent De Quintet a tenté, vous venez de le voir,
00:53:07de faire toute la lumière sur cette révolution roumaine
00:53:11qui fut la seule dans l'ancien bloc de l'Est
00:53:14à avoir fait couler le sang.
00:53:17Mais comment la Roumanie a-t-elle tourné la page
00:53:20du tristement célèbre génie des Carpathes ?
00:53:23Nous allons poser la question à nos invités présents
00:53:26sur ce plateau de débats d'octobre.
00:53:29Marc Semo est avec nous. Bienvenue.
00:53:33Vous collaborez notamment pour le quotidien Le Monde
00:53:36et le magazine Challenge et vous avez, par ailleurs,
00:53:39des racines roumaines parce que vos parents ont fui
00:53:42le régime communiste instauré en Roumanie à la fin
00:53:46des années 40 et vous êtes également un témoin
00:53:49de l'histoire sur ce plateau.
00:53:51Puisqu'en décembre 1989, vous étiez l'envoyé spécial
00:53:54du quotidien Libération en Roumanie lors des événements
00:53:57de Timisoara et de Bucarest.
00:54:01Paul Kosigian est également avec nous.
00:54:03Bienvenue à vous. Vous êtes journaliste
00:54:05correspondant permanent en Roumanie pour le Figaro,
00:54:08Radio France et nos confrères de France Télé.
00:54:11En 1989, vous étiez, vous aussi, sur place à Bucarest.
00:54:14Vous étiez alors étudiant à la faculté de cinéma
00:54:17de Bucarest et vous étiez caméra à l'épaule
00:54:21aux premières loges de cette révolution.
00:54:24Et vous vous dites, d'ailleurs,
00:54:26ce fut la première journée de ma vie où j'ai été journaliste.
00:54:29On y reviendra, bien sûr, dans un instant,
00:54:32avec Traian Sandu, qui est également à nos côtés.
00:54:35Bienvenue à vous. Vous êtes historien,
00:54:37professeur d'histoire contemporaine
00:54:39à l'université Sorbonne-Nouvelle-Paris III
00:54:42et nous vous devons, entre autres,
00:54:44Chaouchescu, le dictateur ambiguë,
00:54:46publié aux éditions Perrin.
00:54:49Revenons donc sur ces événements,
00:54:51ces fameux événements de décembre 1989.
00:54:53C'est vrai que ce documentaire s'interrogeait.
00:54:56S'agit-il d'une révolution volée ?
00:54:58Voilà, c'était la question posée
00:55:00à travers le film que nous venons de voir.
00:55:02On se pose toujours et encore cette même question.
00:55:05Avons-nous eu affaire, en décembre 1989,
00:55:09à une révolution ou à un coup d'Etat en Roumanie
00:55:12après avoir vu ce film ?
00:55:14La question de la révolution volée est essentielle.
00:55:17En même temps, il faut voir les résultats.
00:55:19La Roumanie est membre de l'Union européenne,
00:55:22membre de l'OTAN, une société démocratique,
00:55:24même si, on y reviendra peut-être dans le débat,
00:55:27il y a encore des tensions.
00:55:29En revanche, si l'on fait l'histoire,
00:55:31par exemple, on voit qu'en Roumanie,
00:55:33il n'y a toujours pas un livre d'histoire,
00:55:36un historien qui fasse référence,
00:55:38qui soit accepté par tout le monde,
00:55:40dans ce qui s'est passé.
00:55:42Cette révolution...
00:55:43Il n'y a pas un livre, aujourd'hui, en Roumanie,
00:55:45d'histoire qui nous raconte cette fameuse révolution.
00:55:48Il n'y a pas de consensus, au moins sur les faits,
00:55:51on peut diverger sur les interprétations véritables
00:55:54de ce qui s'est passé.
00:55:55Surtout, ce qu'il y a, c'est que toute révolution,
00:55:58notamment pour la révolution russe, d'octobre 17,
00:56:01est un mélange de mouvements de masse
00:56:03et de coups d'Etat.
00:56:05C'est-à-dire d'organisations qui préparent la révolution,
00:56:08qui l'organisent, qui en profitent, qui s'emparent du pouvoir.
00:56:11Dans cette révolution roumaine, il y a eu les deux.
00:56:14-"Le documentaire évacue le scénario
00:56:17selon lequel l'Union soviétique serait intervenue".
00:56:20Voilà, alors, le documentaire l'évacue.
00:56:22Ensuite, bon, les Russes, évidemment, étaient au courant,
00:56:25mais les hommes qui ont été les hommes de cette révolution,
00:56:29commencés par Ion Iliescu, étaient très proches de Gorbatchev.
00:56:33Il y a un personnage que l'on ne voit pas dans le film,
00:56:36mais qu'il ne pouvait pas interviewer
00:56:38parce qu'il est mort, qui était Silviou Broukane,
00:56:41un des cerveaux et de l'éminence grise de cette révolution.
00:56:44C'est un homme qui, en 88 ou 87, je ne me souviens plus,
00:56:47s'était élevé en comité central contre Ion Iliescu,
00:56:50donc il avait été sanctionné, viré du parti,
00:56:53chassé de chez lui, etc.
00:56:55En même temps, il ne lui est rien arrivé d'autre
00:56:57parce qu'il était sous la protection des Soviétiques.
00:57:00C'était un homme qui avait une carrière brillante.
00:57:03C'est le seul cas, en Europe de l'Est,
00:57:05où quelqu'un a été à la fois un de ceux,
00:57:08même s'il était très jeune à l'époque,
00:57:10qui ont instauré le régime en 48-49 et qui ensuite l'a défait.
00:57:13D'ailleurs, il disait, je le connaissais assez bien,
00:57:16qu'il essaierait de faire que la révolution soit un succès.
00:57:19Et lui, par exemple, après avoir été chassé de ses fonctions,
00:57:23il a pu faire une tournée en Europe,
00:57:25ce qui est exceptionnel à l'époque, et revenir.
00:57:27On savait déjà qu'il y avait Ion Iliescu,
00:57:30qu'il y avait quelqu'un comme Sylvou Broukane,
00:57:33qui était là.
00:57:34Par exemple, on voit le Premier ministre Pétré-Romagne
00:57:37dans le film, qui était le premier Premier ministre
00:57:40de la Révolution.
00:57:41On ne lui pose pas la question,
00:57:43comment est-il devenu Premier ministre ?
00:57:46Il racontait des choses très drôles.
00:57:48Il disait, voilà, Pétré-Romagne, il présente bien,
00:57:50il parle les langues étrangères,
00:57:52et c'est le fils d'un bon camarade,
00:57:54c'était Walter Rohmann,
00:57:56qui était un des piliers du Comintern,
00:57:58qui avait été officier des brigades internationales en Espagne.
00:58:02Je terminerai là-dessus.
00:58:03Ceux qui se sont dressés contre Ceausescu,
00:58:06c'étaient, d'une certaine façon, les vieux communistes,
00:58:09ceux qui avaient encore une certaine idée du communisme,
00:58:12qui avaient vu ce qui se passait ailleurs,
00:58:14comme Sylvou Broukane, ambassadeur aux Etats-Unis, à l'ONU,
00:58:18et qui voyaient à quel point ce national-communisme
00:58:20obscurantiste, complètement régressif de Ceausescu,
00:58:24était une tragédie, y compris
00:58:27pour ce qu'on appelait le camp socialiste,
00:58:30même si, à une époque, il avait dit qu'il prenait une autonomie,
00:58:33qu'il y avait une voie roumane spécifique, etc.
00:58:36Si j'ai bien compris ce que vient de nous dire Maximo,
00:58:39ce n'est pas une révolution populaire en tant que telle,
00:58:42c'est pas un coup d'Etat, c'est un peu des deux.
00:58:45Vous êtes d'accord avec ça ?
00:58:46Oui, tout à fait. Il faut comprendre
00:58:48que le peuple entier, tous les Roumains,
00:58:51étaient au bout du rouleau.
00:58:52Tous les Roumains voulaient se débarrasser de Ceausescu.
00:58:56Le peuple, les gens ordinaires, les gens de la campagne,
00:58:59mais également les élites, les services spéciaux,
00:59:03l'armée, les hauts dignitaires de l'armée,
00:59:05avaient du mal, puisqu'il y avait une crise économique telle,
00:59:09personne ne trouvait de quoi manger, de quoi se chauffer l'hiver.
00:59:12De ce point de vue, tout le monde était d'accord
00:59:15et voulait ce changement.
00:59:16Vous parlez des mêmes élites que Maximo,
00:59:20c'est-à-dire des élites qui étaient aussi
00:59:23des apparatchiks du parti
00:59:25et qui ont décidé à un moment T, de l'intérieur,
00:59:27de faire basculer le régime ?
00:59:30Ils s'étaient tous mis d'accord,
00:59:32mais ils avaient besoin d'une...
00:59:34Comment on l'appelle ?
00:59:35D'un catalyseur, mais qui ne venait pas.
00:59:37Alors, certes, le mur de Berlin tombe,
00:59:40donc ça vient apporter un poids
00:59:44aux énergies qui devaient, à un moment ou à un autre, exploser,
00:59:48mais toujours est-il que rien ne se passait.
00:59:50C'est là où les choses se compliquent un peu,
00:59:53parce que sans l'aide des services secrets,
00:59:56cette révolution n'aurait pas pu se mettre en marche.
00:59:59C'est Timi Chohara, en fait, qui donne le la à cette révolution.
01:00:03Donc le catalyseur, il vient du KGB ?
01:00:05Le catalyseur... Non, le KGB, c'est autre chose.
01:00:09La Securitate avait un penchant plutôt occidental.
01:00:14Le KGB, c'était plutôt...
01:00:17L'armée roumaine avait un penchant plutôt KGB.
01:00:20C'est l'armée qui demande l'autorisation
01:00:23à l'Union soviétique de faire quelque chose.
01:00:26Il y a un général de l'armée qu'on voit sur ces images,
01:00:29qui participe à cette fameuse réunion.
01:00:32Sur l'image, on voit Exclusivité France 3.
01:00:34C'est des images que j'ai tournées,
01:00:36j'ai travaillé avec France 3 à l'époque,
01:00:38ça a fait un scandale énorme.
01:00:40C'est un général de l'armée, un haut dignitaire,
01:00:43qui dit, mes braves gens,
01:00:46on va donner comme nom à ce mouvement
01:00:49le Front de salut national, puisque ça existe depuis six mois.
01:00:53C'est une preuve formelle...
01:00:54C'est une preuve formelle que ces gens-là étaient déjà réunis
01:00:58pour prendre le pouvoir.
01:01:00Toujours, ce monsieur raconte,
01:01:02dans un interview à la BBC, six mois après,
01:01:04qu'il avait contacté l'ambassade de l'Union soviétique
01:01:07pour lui demander, si en Roumanie, quelque chose se passe,
01:01:11quelle sera la réaction de Moscou.
01:01:1248 heures plus tard, la réponse est arrivée.
01:01:15Citation, l'URSS ne se mêlera pas des affaires des autres pays.
01:01:19En quelque sorte, le feu vert était donné.
01:01:21Quelle position avez-vous sur cette question ?
01:01:24Je pense qu'on a entendu des choses très sensées.
01:01:28Pour l'éclatement de la Révolution,
01:01:32avec certainement un feu vert soviétique,
01:01:34et peut-être même des interventions
01:01:37des services spéciaux soviétiques à Yachs,
01:01:39parce qu'avant Timisoara, il y avait eu Yachs
01:01:42quelques jours auparavant, le 14 décembre.
01:01:44Ceux qui étaient parvenus à maîtriser la situation en Moldavie.
01:01:48Ensuite, ça s'est allumé de l'autre côté du pays, à Timisoara.
01:01:53Et là, peut-être qu'il y avait des contacts
01:01:56entre les services hongrois et l'Asselte-Kech,
01:01:58donc pas totalement impossible qu'il y ait les services hongrois.
01:02:02En fait, à Bucarest, il y avait des...
01:02:05Il y avait des...
01:02:08Peut-être des membres des services bulgares.
01:02:11Donc, il y a eu certainement des infiltrations,
01:02:16au moins pour informer, peut-être même pour inciter,
01:02:19parce que l'étincelle dont parlent mes deux collègues,
01:02:22c'est l'étincelle qui a eu lieu au moment
01:02:24de cette manifestation du 21 décembre
01:02:26et du discours interrompu.
01:02:28On a parlé de plusieurs choses, on pourra peut-être y revenir.
01:02:31On a parlé de plusieurs choses comme des altercations ponctuelles
01:02:36qui, tout à coup, se transforment en bagarre générale
01:02:40et, tout à coup, après, enflent en opposition à Ceaușescu.
01:02:44Mais il y a une autre dimension que celle,
01:02:47qui est simplement de l'étincelle,
01:02:49qui est celle de la situation de la société civile.
01:02:53Et Paul a dit que tout le monde était contre Ceaușescu
01:02:56à ce moment-là.
01:02:57Il a lu mon livre, je l'écoute, je sais ce qu'il pense.
01:03:00Je sais ce qu'il pense.
01:03:02Je ne suis pas tout à fait d'accord sur cette question.
01:03:05On pourra y revenir sur l'état de la popularité de Ceaușescu
01:03:10à la fin de l'année 89.
01:03:12On va écouter quelqu'un qui témoigne dans le film.
01:03:16Il s'agit de Stelian Tanas, qui est un opposant du régime.
01:03:19Il nous parle de ce fameux procès du 25 décembre 1989.
01:03:25Ils ont voulu le liquider
01:03:28pour ne pas... Comment dire ?
01:03:31Pour ne pas débattre de ce que représentait le communisme.
01:03:35Pour ne pas identifier les coupables,
01:03:38ne pas déterminer les causes de ce qui s'était réellement passé.
01:03:41Les Roumains avaient besoin de vérité.
01:03:44Ils avaient besoin de parler à voix haute.
01:03:47Ils se taisaient depuis 50 ans.
01:03:51Le procès a empêché tout cela de se réaliser.
01:03:55Il faut se replacer
01:03:58dans le contexte.
01:04:00C'est très important.
01:04:02À l'époque, à ce moment-là,
01:04:06plus de 99 % des Roumains ne voulaient qu'une chose,
01:04:10que Ceaușescu disparaisse.
01:04:12Ça recoupe ce que vous nous avez dit tout à l'heure.
01:04:15Marc Semot, à propos de ce fameux procès du 25 décembre 1989,
01:04:19cette exécution,
01:04:20vous dites notamment que le moment fondateur de démocratie
01:04:23aurait dû être le procès du dictateur.
01:04:25Et ça a été une parodie de justice,
01:04:27mais une révolution qui commence par un tel déni de justice
01:04:30restera une révolution qui restera profondément malade.
01:04:34Est-ce que ce procès n'est pas finalement le péché originel
01:04:39qui empêchera le travail mémoriel
01:04:42par la suite post-communiste en Roumanie ?
01:04:45En grande partie, c'est vrai,
01:04:46parce que le procès de Ceaușescu aurait été
01:04:49très spectaculaire,
01:04:51mais je pense que personne
01:04:54n'avait très envie de ça,
01:04:57parce que Ceaușescu aurait raconté
01:05:00comment il était reçu dans toute l'arène internationale,
01:05:03les soutiens dont il avait disposé.
01:05:05Ça aurait mis à jour toutes les complicités,
01:05:08ceux qui avaient profité du régime.
01:05:10Il y a un parallèle, c'était le procès Mussolini,
01:05:13entre guillemets,
01:05:14c'est-à-dire où les partisans italiens
01:05:17ont liquidé Mussolini sans autre forme de procès,
01:05:21un peu pour les mêmes raisons, c'est-à-dire la peur...
01:05:24-...d'ailleurs, son corps, celui de sa maîtresse,
01:05:26à Milan.
01:05:28-...pour la même raison, pour éviter...
01:05:30Effectivement, et là-dessus,
01:05:32Trajan Sandhu en partie a raison,
01:05:34tous les régimes dictatoriaux
01:05:36profitent d'un consensus passif
01:05:38et les gens n'ont pas envie d'être confrontés à ça.
01:05:41Il y a une très belle phrase de Václav Havel,
01:05:43le célèbre dissident tchèque, qui dit...
01:05:45-"Il a été président par la suite."
01:05:47-"Il a été président, poussé par les révolutions."
01:05:50Il dit qu'il ne faut pas vous interroger
01:05:52sur ce que vous avez fait,
01:05:54mais sur ce que vous n'avez pas fait.
01:05:56C'est-à-dire que le consensus passif
01:05:58est la chose la plus terrible.
01:06:00C'est là-dessus que tiennent les dictatures.
01:06:03D'une certaine façon, le procès de Ceaușescu,
01:06:05personne n'en avait envie.
01:06:07Mais en même temps, à cette époque,
01:06:09il y avait des combats dans tout le pays,
01:06:11c'était une confusion générale.
01:06:13La nécessité de montrer que Ceaușescu n'était plus
01:06:16pour définitivement montrer que la page était tournée,
01:06:19y compris en termes de sécurité par rapport à toutes les violences,
01:06:22à tout ce chaos dans le pays, avait une certaine logique.
01:06:26-"Paul Kosidian",
01:06:27est-ce que c'est pas ça, le pochet originel,
01:06:29pour reposer ma question,
01:06:31qui a empêché, finalement, la suite du travail mémoriel ?
01:06:34Parce que ceux qui ont mené ce procès,
01:06:36ils seront au pouvoir par la suite,
01:06:38et ils le seront pendant de longues années.
01:06:41La suite de l'histoire, c'est que le PC roumain
01:06:43devient le parti social-démocrate,
01:06:45et que ce parti social-démocrate
01:06:47occupera pendant...
01:06:49-"Occupe toujours."
01:06:50-"Occupe toujours."
01:06:51-"Plus de 25 ans."
01:06:52-"Premier ministre."
01:06:53C'est quasiment les rouages du gouvernement, du pouvoir.
01:06:58Oui, le parti social-démocrate est toujours le principal parti
01:07:01du pays, parce qu'il a hérité de tout l'emplacement communiste
01:07:06dans les régions, dans les villages,
01:07:08donc c'était très simple pour eux.
01:07:10Ils ont juste dire bonjour.
01:07:13We take it from here,
01:07:15comme peuvent dire les Américains dans les bons films.
01:07:18Mais pour revenir un peu à ce procès,
01:07:20bien évidemment que pour nous, ça a été un choc,
01:07:23puisqu'on voulait le laisser parler.
01:07:25Vous savez, moi, je dis toujours,
01:07:27et je suis pas très aimé à Bucharest quand je dis ça,
01:07:30et je suis roumain, donc je pense que j'ai le droit de le dire,
01:07:33nous, les Roumains, nous sommes tous coupables
01:07:36de ce qui s'est passé pendant ces 40 ans,
01:07:38parce qu'on n'a pas bougé,
01:07:40et c'est une des raisons pour lesquelles la Roumanie
01:07:43n'a pas été reçue en Europe lors du grand élargissement
01:07:46qui a eu lieu en 2004.
01:07:48La Roumanie et la Bulgarie ont été tenues à l'écart.
01:07:51J'étais correspondant pour la télévision roumaine ici,
01:07:54et les journalistes roumains étaient furax.
01:07:57Comment est-ce possible ?
01:07:58Qu'est-ce qu'on a fait, nous, les Roumains ?
01:08:01On n'a pas eu un Vaclav Havel, le printemps de printemps,
01:08:04la Pologne.
01:08:05On les compte sur les doigts d'une main,
01:08:07les vrais dissidents du système roumain.
01:08:09Donc, on a été un peu...
01:08:12On a baissé la tête et on a laissé faire.
01:08:14Par conséquent, pour une partie des Roumains,
01:08:17c'était bien que Ceausescu ne parle pas.
01:08:19Mais en même temps, on aurait appris
01:08:22que Ceausescu n'était pas vraiment au courant
01:08:24de toutes les réalités du pays.
01:08:26Pourquoi ? Parce que son entourage proche,
01:08:29pour garder leur place,
01:08:31il racontait n'importe quoi.
01:08:33Il rapportait des chiffres, que le Congrès est formidable,
01:08:36que les chiffres du ramassage du blé,
01:08:39l'industrie, tout va formidablement bien,
01:08:43on n'a plus de dettes extérieures.
01:08:45Ceausescu, quelque part,
01:08:46croyait que son pays était à tel point...
01:08:48Vous vous rendez compte ?
01:08:50Peut-être qu'il serait enfui avant le début de la Révolution
01:08:54s'il n'avait toujours pas confiance en son peuple,
01:08:57ce que peut-être les téléspectateurs ne savent pas.
01:09:00On ne voit pas cette scène, elle n'a pas été filmée.
01:09:03Ceausescu, le 22 décembre,
01:09:04sort avec une porte à vosses et essaie de parler aux manifestants
01:09:08qui étaient en train d'investir le bâtiment
01:09:10avant qu'ils prennent la fuite dans son hélicoptère.
01:09:13Lui, il pensait pouvoir encore convaincre son peuple.
01:09:16C'est assez étonnant pour quelqu'un
01:09:19qui était au courant de tout, donc il fallait pas qu'il parle.
01:09:22-"Ce n'était pas si étonnant que ça."
01:09:25Parce que ce que disent les derniers ouvrages
01:09:29que j'ai lus, mais qui vont dans le sens de ce que tu dis,
01:09:33c'est qu'en fait, Ceausescu était populaire
01:09:36et Ceausescu, jusqu'au bout,
01:09:38les lettres sont là pour en témoigner,
01:09:41avait encore une partie de la population avec lui,
01:09:44sur la vieille lancée de la popularité antisoviétique,
01:09:47d'ailleurs.
01:09:49Antisoviétique remonte à 1968, lorsqu'il s'est opposé
01:09:53à l'entrée des troupes soviétiques du Pacte de Varsovie à Prague.
01:09:57Et toute son ouverture vers l'Occident,
01:10:00l'assouplissement de la société, fin des années 60,
01:10:03dans les années 70, prouve qu'il était populaire
01:10:06très longtemps, et jusqu'au congrès de novembre 89,
01:10:09il reçoit encore des lettres anonymes.
01:10:11Ce ne sont pas des flagorneurs qui montrent sa popularité.
01:10:15Une partie de la société est effectivement hostile,
01:10:18beaucoup dans les villes, etc.,
01:10:20mais une partie de la société,
01:10:21qui ne sont pas seulement des gens simples
01:10:24de la campagne, mais qui sont des gens
01:10:26qui ont été mobilisés, selon les méthodes bolcheviques,
01:10:30de régénération de la société,
01:10:32la création d'un homme nouveau, d'une société nouvelle,
01:10:35et dont il a profité, en réalité, jusqu'au bout.
01:10:38Donc, c'était un risque de guerre civile,
01:10:40une vraie guerre civile.
01:10:41Il y a partout de l'histoire révisionniste,
01:10:44mais si vous voulez se baser sur les lettres,
01:10:46la même personne pouvait très bien envoyer une lettre
01:10:50aux chers camarades, tout en pensant par devers lui,
01:10:53de la réalité...
01:10:55Il y a un proverbe roumain qui dit
01:10:58qu'on embrasse la main que l'on ne peut pas couper.
01:11:01Donc, quand on a besoin de Ceausescu
01:11:03pour essayer d'espérer d'avoir un petit bout de poulet
01:11:06dans un magasin où il n'y a plus rien,
01:11:08quand on a besoin de Ceausescu et du régime
01:11:11pour survivre, vous envoyez des lettres.
01:11:13Je pense que ce que vous oubliez, c'est le degré d'humiliation
01:11:16dans lequel vivaient les Roumains.
01:11:18C'est vrai qu'à une époque, il a été populaire,
01:11:21dans les années 68, quand il avait condamné
01:11:23l'intervention en Tchécoslovaquie, mais ensuite, il y a eu un drame
01:11:27quand Ceausescu a été en Corée du Nord et en Chine.
01:11:31Il a vu ces régimes totalitaires.
01:11:33A ce moment-là, ça a fait tilt dans sa tête.
01:11:35Il s'est dit qu'il allait faire pareil en Roumanie.
01:11:38C'est là qu'a commencé un cycle qui a amené la Roumanie
01:11:41à devenir un pays exempt, qui a remboursé toutes ses dettes
01:11:45extérieures, mais avec une population qui a vécu
01:11:48dans l'humiliation, le froid, quasiment la faim,
01:11:50et qui ne lui a jamais pardonné.
01:11:52Je voudrais qu'on dise un mot de Liann Liliescu.
01:11:55Liann Liliescu, c'est le leader qui sort de ce mouvement.
01:11:58Il deviendra le premier président d'une Roumanie démocratique.
01:12:03Il le restera assez longtemps, jusqu'en 1996.
01:12:06Il sera même réélu entre 2000 et 2004.
01:12:09Est-ce que lui et ceux avec qui il a exercé ce pouvoir
01:12:12à ce moment-là sont responsables du fait
01:12:15qu'on n'ait pas vraiment tourné la page
01:12:18de Ceausescu en Roumanie ?
01:12:20Je ne dirais pas.
01:12:22Il vient du système.
01:12:23On savait, par exemple, j'étais au courant depuis 1986,
01:12:27grâce à un article du Time magazine,
01:12:29où c'était marqué que Ceausescu était malade
01:12:32et que c'est un certain Liann Liliescu,
01:12:3456 ans à l'époque, un proche de Gorbatchev,
01:12:37qui se prépare pour prendre sa place.
01:12:39Quand je l'ai vu arriver en 1989, j'ai dit que c'était bon.
01:12:42On a quelqu'un qui est dans les affaires,
01:12:45qui sait ce qu'il faut faire.
01:12:47J'étais parmi les manifestants au siège du Comité central.
01:12:50On n'a pas besoin encore des communistes.
01:12:52Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter.
01:12:54Il sait, il se prépare.
01:12:56Il y a eu tout ce débat.
01:12:57Liliescu a ouvert très vite le pluripartitisme.
01:13:00Il a fait venir, d'ailleurs,
01:13:02dans un long interview que j'ai fait pour Le Figaro,
01:13:04il y a 4 ans de cela, je crois, ou 5 ans,
01:13:07Liliescu parle, il a presque les larmes aux yeux
01:13:10en se souvenant de l'époque, tout de suite, en 90,
01:13:14quand il a ouvert des négociations avec tous les partis politiques,
01:13:18les partis historiques, le Parti national paysan, les libéraux,
01:13:21sauf que le représentant avait vécu à l'étranger.
01:13:24Pour les Roumains, pour faire suite à ce que vous dites,
01:13:27les Roumains disaient non,
01:13:29il n'a pas mangé ici notre salami pourri,
01:13:31on ne va pas choisir un libéral qui a vécu à Paris ou à Londres.
01:13:35Nous, on va choisir M. Liliescu.
01:13:37Donc, Liliescu a surfé, il a gagné la première élection
01:13:40avec presque 90 %, ce qui est formidable,
01:13:42mais tout le monde avait voté, la plupart des gens,
01:13:45ça n'a pas été une élection truquée, comme en 47,
01:13:48ça, c'est clair.
01:13:49Il y a Liliescu, il doit rendre des comptes,
01:13:52aujourd'hui, devant la justice roumaine.
01:13:54Il est poursuivi, mais...
01:13:55Il est poursuivi pour crime contre l'humanité
01:13:58et il doit rendre des comptes sur les fameux 862 morts
01:14:01des trois jours qui ont suivi le 22 décembre 1989.
01:14:05Où en est-on de ce procès qui est fait aujourd'hui à Liliescu ?
01:14:09Il y a cinq ans, je vous avais répondu à ça,
01:14:11j'étais persuadé que le procès aura lieu dans une autre émission.
01:14:15J'étais confiant à l'époque, je suis moins confiant maintenant,
01:14:18puisque le dossier traîne.
01:14:20Le dossier, en ce moment, se trouve à la haute cour de cassation
01:14:24qui doit donner un avis, ou pas,
01:14:26sur la légalité de l'instruction du dossier.
01:14:30Il se peut que ce procès retourne au parquet militaire
01:14:33pour refaire à zéro.
01:14:35Même moi, j'ai dû témoigner, puisque j'étais témoin des événements,
01:14:38j'ai dû déposer mes images là-bas.
01:14:40J'étais interrogé par les procureurs militaires,
01:14:43jour par jour, heure par heure,
01:14:45tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai vu, etc.
01:14:48Toujours est-il qu'il y a autant de familles
01:14:50qui ont perdu leurs proches
01:14:52et qui ne peuvent toujours pas faire leur deuil de ces drames,
01:14:56mais les crimes ne seront jamais prescrits.
01:14:58Dans le film, il y a un procureur, Dan Vojnay,
01:15:02et qui, d'ailleurs, c'est celui qui a amené ce dossier
01:15:06devant la Cour européenne des droits de l'homme
01:15:09pour obtenir la non...
01:15:11Nous ne sommes pas encore au bout de ce procès,
01:15:14du côté de la Roumanie.
01:15:16Y a-t-il encore des nostalgiques de Ceausescu en Roumanie,
01:15:20aujourd'hui, en 2024 ?
01:15:22Et si oui, qui sont-ils ?
01:15:23Et pour les raisons dont je vais reprendre
01:15:26de façon un peu synthétique les remarques de mes collègues...
01:15:29Je réponds à votre question.
01:15:31Aussi bien en 1971,
01:15:33il y a aussi une révision historiographique
01:15:36d'un livre qui est sorti dessus qui montre qu'en réalité,
01:15:39Ceausescu ne s'est pas inspiré des exemples asiatiques,
01:15:44qui montre aussi que d'autres ouvrages qui montrent,
01:15:49et dont le mien,
01:15:50qui montrent qu'en fait,
01:15:52les combats entre le 22 et le 25 décembre
01:15:56n'étaient pas une manipulation de l'armée
01:15:59pour faire oublier sa répression d'avant le 22 décembre
01:16:04et pour se donner une belle image,
01:16:06c'était des vrais combats.
01:16:08Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'il dit dans ce documentaire.
01:16:12C'est un début de guerre civile.
01:16:13Toute la popularité de Ceausescu est due à ces deux axes.
01:16:17Le premier axe, c'est que c'est une popularité
01:16:20qui a existé jusqu'en décembre 89
01:16:22et qui ne s'est écornée que sur la fin,
01:16:25dans les années 80, mais pas totalement.
01:16:27Et aussi, c'est dû à la dureté de la transition après 1989.
01:16:32Il y a eu les années 90,
01:16:34durant lesquelles des affairistes locaux
01:16:37ont mis la main sur le potentiel productif roumain.
01:16:40Et à partir de 2000,
01:16:42avec les perspectives d'intégration roumaine,
01:16:45il y a eu des affairistes occidentaux
01:16:47qui ont mis la main dessus.
01:16:48Un simple exemple que j'ai déjà donné,
01:16:51je peux vous le rendre,
01:16:53de monsieur Bernard Arnon,
01:16:55qui payait ses ouvriers dans la chaussure,
01:16:58pour des chaussures made in Italy,
01:17:00qui étaient made in Roumania,
01:17:02il payait ses ouvriers jusqu'à il y a peu d'années
01:17:04133 euros par mois.
01:17:06Donc, le capital occidental a trouvé...
01:17:09-"Une main-d'oeuvre".
01:17:11-"Une main-d'oeuvre".
01:17:12C'est un peu cher du côté roumain.
01:17:14Ca la rend Ceaușescu, avec son industrie locale,
01:17:17son prestigieux occidental.
01:17:19Ca la rend populaire.
01:17:20Il faut être sérieux sur un certain nombre de choses.
01:17:23Qu'il y ait des nostalgiques de Ceaușescu,
01:17:25comme dans tous les pays de l'Est,
01:17:27il y en a, des vieux, etc.,
01:17:29c'est ce qu'on appelle les perdants de la transition,
01:17:32mais c'est extrêmement marginal.
01:17:34Pour la plupart des Roumains,
01:17:35indépendamment de ce qu'ils pensent et de leur rejet de la classe,
01:17:39la fin du communisme a été l'occasion de pouvoir aller ailleurs.
01:17:42Il y avait 5 millions de Roumains dans la diaspora.
01:17:45En France, ils sont très nombreux,
01:17:47qui prospèrent, qui ensuite reviennent,
01:17:50notamment, c'est très frappant, en Italie,
01:17:52au pays, pour, avec souvent des capitaux
01:17:55donnés par ceux qui avaient été leurs employeurs,
01:17:58c'est très frappant, en Italie,
01:18:00où Timiçoara est devenu quasiment l'arrière-cours
01:18:03de la Vénétie,
01:18:04qui est une des zones italiennes les plus développées.
01:18:07Pourquoi ? C'est simple.
01:18:08Vous mettez une nuit de camion pour aller de Timiçoara
01:18:11à la Trévise ou les régions de la Vénétie.
01:18:14A tous ces gars...
01:18:15-"Il nous reste peu de temps."
01:18:17Il en reste très peu.
01:18:19Il en reste très peu.
01:18:20En revanche, il y a un courant politique
01:18:22qui s'exprime dans les votes de l'extrême droite,
01:18:25qui cultive cette ambiguïté par rapport à la mémoire de Ceausescu,
01:18:30par rapport à la mémoire du communisme,
01:18:32et, si vous voulez,
01:18:34une des conséquences de ce non-travail de mémoire
01:18:37de la Roumanie, c'était aussi l'explosion
01:18:40aux dernières élections présidentielles
01:18:42et législatives de l'extrême droite.
01:18:44Un candidat à l'extrême droite, un certain Kalline Giorgiscu,
01:18:48qui a fait la surprise avec, notamment...
01:18:50Il est arrivé en tête à l'élection présidentielle.
01:18:53Une élection qui a été entièrement annulée
01:18:55par le Conseil constitutionnel rouvain.
01:18:58Au-delà même de ce que représentent
01:19:00les manipulations sur les réseaux sociaux,
01:19:03il y a ce courant, aujourd'hui, nationaliste,
01:19:06xénophobe, qui est en train de monter,
01:19:08et cette réhabilitation relative de Ceausescu en fait partie.
01:19:13D'accord avec ça ?
01:19:14Oui, tout à fait, mais peut-être qu'en conclusion,
01:19:18je voulais juste rappeler,
01:19:20parce que vous parlez de la fin du communisme,
01:19:23j'étais sur le balcon du Comité central le 22 décembre
01:19:26quand Diliescu arrive pour parler à la foule,
01:19:28et tout de suite, dans son discours, il dit
01:19:31« Mes chers camarades »,
01:19:33et la foule, il y avait peut-être un demi-million de gens en bas,
01:19:36commençait à crier « Sans les communistes, sans les communismes ! »
01:19:40Et c'est ça qui leur a fait peur,
01:19:42et c'est après ce moment-là, qu'une demi-heure plus tard,
01:19:45le coup d'Etat commence.
01:19:46Ce n'est pas un coup d'Etat contre Ceausescu.
01:19:49Moi, je parle plutôt d'un coup d'Etat
01:19:51contre la nouvelle Roumanie,
01:19:53celle qui a émergé à Timisoara,
01:19:56à Iache, à Brasov et à Bucarest dans la nuit du 21 décembre.
01:20:01Le coup d'Etat, à mon sentiment,
01:20:03c'est donné par Diliescu et sa clique,
01:20:06qui, pour mettre la main sur le pouvoir,
01:20:09a déclenché un chaos dans le pays,
01:20:11afin que les gens se retirent,
01:20:13qu'ils restent tranquillement à la maison
01:20:16et qu'Iliescu arrive comme un sauveur.
01:20:18Souvenez-vous, pour les téléspectateurs,
01:20:20qu'ils ont dit qu'il y a des terroristes,
01:20:22des Palestiniens qui tirent sur la foule.
01:20:25Donc, on n'a trouvé aucun terroriste.
01:20:28Jamais. 35 ans plus tard,
01:20:30on n'a pas trouvé un seul terroriste palestinien
01:20:34qui est venu en Roumanie semer la terreur
01:20:37ou tirer des hélicoptères. C'est faux, tout ça.
01:20:39Mais ça nous a fait peur à tous. On s'est retirés à la maison.
01:20:43Et, pour finir...
01:20:44Sur le lien qu'a fait Marc Seymour avec l'extrême-droite
01:20:47et les scores réalisés aujourd'hui par l'extrême-droite
01:20:51en Roumanie, que ce soit à l'élection législative,
01:20:53où les scores sont non négligeables...
01:20:56Et cette présidentielle, annulée, purement et simplement,
01:20:59au premier tour, le leader de l'extrême-droite roumaine
01:21:02s'est arrivé en tête.
01:21:03Il y a une énorme frustration en ce moment en Roumanie.
01:21:06Les gens sont très fâchés
01:21:08parce qu'ils n'ont pas pu aller voter pour le deuxième tour.
01:21:11Ils sont très fâchés contre l'actuelle classe dirigeante.
01:21:15Et je crois qu'au mois de mars...
01:21:18Et parmi eux, parmi ces hommes, parmi ces femmes
01:21:21qui sont très fâchées, on a des nostalgiques du Ceausescu ?
01:21:24Vous êtes d'accord avec Marc Seymour ?
01:21:26Il y en a, des nostalgiques, qui disent, par exemple,
01:21:29Ceausescu a construit le métro,
01:21:30il a construit le canal d'Annube-Mer-Noire,
01:21:33il a fait un tas de choses, et qu'est-ce que...
01:21:36Il a fait une autoroute.
01:21:37Nous, on n'est pas capables, depuis 35 ans,
01:21:40de construire une deuxième autoroute dans ce pays.
01:21:43C'est un peu exagéré,
01:21:44mais il y a un nombre de plus en plus limité,
01:21:46puisqu'ils sont de plus en plus âgés,
01:21:49mais il y a quand même, parmi les enfants,
01:21:51parmi ma génération, il y en a des gens qui disent
01:21:54que c'est mélangé, c'est parce qu'on était jeunes,
01:21:57qu'on n'avait pas de soucis, qu'on cherchait pas du boulot,
01:22:00on était sûrs d'avoir un travail,
01:22:02alors que maintenant, il faut ramer pour trouver un boulot, etc.
01:22:06Dernière question, et c'est l'historien
01:22:08auquel je m'adresse.
01:22:10Il y a, semble-t-il, un seul musée
01:22:12qu'aumémente cette révolution roumaine aujourd'hui,
01:22:15dans le pays, c'est à Timisoara.
01:22:19C'est bien peu.
01:22:20Il y a aussi la reconstitution, aujourd'hui, qui existe.
01:22:23Ce sont les premières images du documentaire
01:22:26que nous avons vues, du lieu où a lieu ce fameux procès
01:22:29du 25 décembre 1989.
01:22:31Il n'y a pas beaucoup de lieux, finalement,
01:22:33qui font référence à cette révolution roumaine, aujourd'hui.
01:22:37Pas à cette révolution roumaine,
01:22:39mais il y a des lieux de mémoire,
01:22:41aux prisons qui se trouvent à Sighet,
01:22:43et notamment à la répression stalinienne,
01:22:45de l'époque stalinienne,
01:22:47de l'installation du régime communiste,
01:22:49qui a éliminé l'ancienne classe dirigeante
01:22:51de l'Entre-deux-Guerres.
01:22:53Pas sur la période Ceausescu ?
01:22:55Pas sur la période Ceausescu, pour une raison,
01:22:57et je tiens à y revenir.
01:22:59Ca serait le mot d'affaire.
01:23:00Les niveaux de popularité de Ceausescu,
01:23:03dans les sondages, sont autour de 60-70 %,
01:23:05comme meilleur chef politique
01:23:07que la Roumanie ait connu dans son histoire.
01:23:10Ce sont des niveaux extrêmement forts.
01:23:12On attend des gens qui n'ont jamais vécu cette période.
01:23:15Certains l'ont vécue, d'autres non.
01:23:17Il y a 35 ans.
01:23:18D'autres l'ont pas vécue, mais ils ont vécu la transition
01:23:21à l'étranger.
01:23:22Ils ne trouvent pas d'emploi,
01:23:24sauf des emplois payés à 130 euros par mois.
01:23:27Maintenant, le salaire a un peu augmenté.
01:23:29Sauf des emplois à l'étranger.
01:23:31Des emplois à l'étranger.
01:23:33Je rappelle quand même que les Roumains,
01:23:35la prostitution européenne
01:23:37est assurée à un tiers par des Roumaines.
01:23:39Donc, ce sont aussi ce type-là d'emplois.
01:23:42Ou alors, les médecins qui ont quasiment déserté la Roumanie.
01:23:45La moitié sont partis.
01:23:46C'est le mot de la fin.
01:23:48Un grand merci à tous les trois
01:23:49d'avoir participé à ce Débat doc
01:23:51qu'on s'écrit aujourd'hui
01:23:53aux fameux événements de décembre 1989 en Roumanie,
01:23:56ce procès Ceaușescu,
01:23:57cette exécution du couple Ceaușescu
01:24:00et cette fameuse révolution roumaine.
01:24:03Vos réactions, ça sera sur hashtag Débat doc, bien entendu.
01:24:07Merci à Félicité Gavalda, Victoria Bellet,
01:24:10qui m'ont aidé à préparer cette émission.
01:24:12Je vous retrouve pour un prochain Débat doc,
01:24:14ça sera bien entendu avec son documentaire et son débat.
01:24:17A très bientôt.
01:24:19SOUS-TITRAGE ST' 501