• il y a 20 heures
Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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Transcription
00:00Ma chère Sandrine, nous sommes ici au Théâtre de la Renaissance,
00:03théâtre dont Sarah Bernard avait repris les reines à la fin du XIXe siècle,
00:07ou du 1893, je crois, et où elle a créé Lorenza Cio.
00:11Oui, parce qu'elle aimait jouer les hommes.
00:13Elle en a joué plusieurs fois.
00:15Elle aimait découvrir des talents aussi.
00:17Elle a découvert Edmond Rostand.
00:19Elle aimait aller au bout de ses convictions.
00:21Quand elle avait un désir, elle y allait.
00:23Elle s'en fichait complètement de ce qu'il fallait faire ou pas,
00:26de quand il fallait rire ou pas,
00:28de quand il fallait penser quelque chose ou pas.
00:30Elle n'était vraiment jamais dans la masse,
00:33mais toujours avec son idée des choses.
00:35Et jouer un homme, ce n'était vraiment pas commun à la fin du XIXe.
00:39Elle a fait des choses, de toute façon, hors du commun toute sa vie.
00:41Elle avait fait Hamlet aussi.
00:43Hamlet, Les Glons, Rue Blas, grand succès.
00:46Elle a voulu jouer Cyrano de Bergerac,
00:48mais là, il lui a dit que c'était un peu too much.
00:50Mais non, mais elle était déjà, je pense,
00:53comme moi, d'ailleurs, avant de la jouer,
00:55une vision assez...
00:57Très réductrice.
00:58Très, très réductrice.
00:59Moi, je pensais toujours à une femme un peu poussiéreuse,
01:02tragédienne, vibrato.
01:04La voix qu'il porte.
01:06Oui, elle ne fait pas ta Sarah Bernard,
01:08pour ne pas être dans l'excès et tout.
01:10Et en fait, c'était surtout une femme courageuse,
01:12forte, autoritaire.
01:14On va y revenir, mais jouer un homme,
01:16vous-même, ça ne vous a jamais tenté ?
01:18Si, ça m'intéresserait de jouer Bowie, par exemple.
01:21En plus, je trouve qu'on a une garnation possible.
01:24Je lance un appel.
01:26Un petit recoupement, un appel.
01:28Je vais me lancer dans les bios, maintenant.
01:30Non, mais c'est intéressant.
01:32Alors, Sarah Bernard, autoproclamée la divine,
01:35l'ensorceleuse aussi, la scandaleuse, on disait,
01:38c'est une femme complètement dingue,
01:40parce que c'est à la fois la plus grande tragédienne de son temps,
01:43mais c'est aussi une femme qui explose absolument tous les carcans.
01:46Elle est à la fois en avance sur son temps,
01:49sexuellement, sentimentalement,
01:51dans ses choix, dans la manière de mener sa carrière.
01:54Oui, elle est plus moderne que nous tous, je trouve.
01:56Oui, elle a une modernité complètement dingue.
01:58En fait, ça pourrait être la Madonna de l'époque.
02:01Oui, ce serait même la réduire à quelque chose presque de trop scénique,
02:04parce qu'elle était touche à tout.
02:06Elle n'était pas que dans la démesure sur scène,
02:09où elle créait tout, elle dirigeait tout,
02:11elle voulait que tout vienne d'elle,
02:13les décors, les costumes, les bijoux, les ornements,
02:15elle dépensait tout.
02:17Mais elle était touche à tout, elle sculptait,
02:19elle découvrait les talents,
02:21elle faisait le tour du monde quand elle était en faillite,
02:23parce que plusieurs fois, son fils l'a mise en faillite,
02:25parce que c'était le seul truc où elle était aveuglée,
02:27c'était pour l'amour de son fils.
02:29Elle partait faire le tour du monde pour se refaire.
02:31Elle ne parlait pas l'anglais,
02:33mais elle disait que ça dépassait la langue,
02:35les émotions dépassaient la langue.
02:37Et d'ailleurs, il s'évanouissait autant sur son passage
02:40quand elle jouait aux États-Unis ou en Australie,
02:42qu'en plein Paris.
02:44Il y a des trucs dingues qu'on ne se figure pas.
02:46Les gens s'évanouissaient quand elle jouait l'agonie.
02:48Elle était spécialiste quand même de l'agonie.
02:50Elle aimait bien les agonies, oui.
02:52Vous avez eu l'impression d'arriver à approcher le mystère
02:54de cette femme en la jouant ?
02:57Ce serait prétentieux de dire que j'ai compris Sarah Bernard,
03:00j'ai compris son mystère et tout,
03:02mais je pense que j'ai été au plus juste
03:05de ce que j'ai imaginé d'elle.
03:07Il y a toute sa part de démesure dans tout,
03:10dans le fait de jamais s'arrêter de jouer,
03:12d'en faire des fêtes le jour, la nuit.
03:14Je pense qu'elle ne dormait pas,
03:16elle avait une opinion sur chaque chose.
03:18Elle osait aller trouver des Olas
03:21pour lui demander de s'intéresser à Dreyfus
03:23quand personne ne le faisait.
03:25Elle était contre la peine de mort.
03:27Elle osait coucher avec des femmes.
03:29Elle osait dire non quand un mec...
03:33Tout le monde n'ose pas refuser,
03:36n'ose pas dire non, n'ose pas dire oui.
03:38Elle, c'était tout le temps libre.
03:40Et ça, ça devait être exceptionnel de connaître
03:42quelqu'un comme ça. C'est très séduisant.
03:44C'est quelqu'un en plus qui n'a pas l'air,
03:46je trouve, d'avoir conscience de sa séduction.
03:49C'est juste... Elle était, quoi.
03:51Vous avez déjà joué trois personnages
03:53ayant réellement existé.
03:55On parle ici de Sarah Bernhardt,
03:57on parle de Simone de Beauvoir, dans Le Violette,
03:59et on parle de vous-même dans 10%.
04:02Ah oui, d'accord.
04:04Lequel de ces trois personnages vous a le plus impressionné ?
04:06Le mien.
04:07Le mien, c'est moins facile.
04:09C'est évident.
04:11Non, je rigole, ce n'est pas la plus impressionnante.
04:13La plus impressionnante, c'est de loin Sarah,
04:15mais parce que c'est tout infime sur mes épaules.
04:18Et puis parce que c'est elle.
04:20Elle est ce qu'elle est.
04:23C'est quand même un destin fou,
04:25une femme incroyable dont on aurait hyper besoin aujourd'hui.
04:28Elle vivait avec un...
04:30Avec des bassins au mariage.
04:32Un puma au bout d'une laisse.
04:34Elle répétait dans un cercueil
04:36parce qu'elle avait vu sa soeur mourir dans un cercueil
04:38et que c'était un truc qui la hantait.
04:40Et après, c'est devenu une façon, je pense,
04:42de faire un pied de nez à la mort
04:44comme elle faisait avec le jeu des agonies.
04:46Elle devait être sympa, les pyjamas partis chez elle.
04:48Oui, ça avait l'air sympa en même temps.
04:50Oui, ça avait l'air très vivant.
04:52Parce que ça n'arrêtait pas.
04:54Les jours ressemblent aux nuits.
04:56On ne sait pas quand ça s'arrête, son truc.
04:58Et je trouve qu'elle avait aussi une façon,
05:00pour moi, très étrange,
05:02parce que là, je ne me reconnais pas du tout là-dedans,
05:04de jouer en permanence.
05:06Elle met tout en scène.
05:08Parce que quand elle est toute seule,
05:10elle est beaucoup plus dark.
05:12Elle ne devait pas trop aimer son intimité
05:14qui la replongeait sans doute
05:16dans un truc qu'elle n'aimait pas.
05:18Donc elle mettait tout en mouvement tout le temps.
05:20Le film, c'est un tourbillon de ça.
05:22Ce mouvement entouré tout le temps.
05:24Elle n'est jamais seule.
05:26Il y a ou son serviteur qu'elle engueule en permanence,
05:28mais qu'elle adore,
05:30ou son médecin qui la suivra aussi toute sa vie.
05:32Ses amis, elle est fidèle à eux.
05:34C'est une personne quand même insensée.
05:36Extraordinaire.
05:38Et la fameuse devise de Sarah Bernhardt,
05:40« quand même ».
05:42Comment vous l'entendez-vous, ce « quand même » ?
05:44Ça lui va vachement bien,
05:46parce que c'est vivre quand même,
05:48c'est avancer quand même,
05:50c'est se relever quand même,
05:52c'est aimer quand même.
05:54Il y a la mort au bout,
05:56mais on vit quand même.
05:58Elle était très là-dedans, je pense,
06:00une conscience aiguë de la mort.
06:02C'est beau quand même.
06:04C'est très négatif aussi,
06:06dans le truc de « quand même ».
06:08Il y a un truc qui impose
06:10que c'est difficile.
06:12Donc on y va quand même.

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