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Frédéric Martel, Guadeloupéen de 35 ans, a terminé lundi dernier son périple de 235,4 kilomètres sur les routes de Guadeloupe, à pied. Au-delà de l'objectif du projet « An nou pwan la wout », de marcher et de porter un message d'espoir quant à la sortie d'une addiction, le jeune homme est un exemple de lien à soi et de sagesse.
Voici l'intégral de notre entretien avec Frédéric MARTEL.
Transcription
00:00Là on est au Grand-Étang, et on va en direction de Moscou.
00:15Je m'appelle Frédéric, Frédéric Martel, j'ai 35 ans, et j'ai toujours vécu à
00:35veille, sauf 5 ans où j'ai vécu au bout.
00:39Alors, tu viens de relever un courageux défi que tu t'étais lancé, est-ce que tu peux
00:46nous en parler ? Alors, c'est un petit tour, je vais le remettre.
00:53De combien de kilomètres ? De 135,4, je crois, kilomètres.
01:00Oui, c'est un petit tour que j'ai voulu intituler « En nous pouvant la route », en
01:06hommage à l'ancien slogan, je crois qu'il est toujours d'actualité, de la sécurité
01:11routière, qui était « Si vous prenez la route, pas prenez la route », et c'était
01:15sur la symbolique des addictions, cause qui me touche particulièrement, puisque j'ai
01:23eu, pendant plus de 10 ans, une très grosse consommation d'alcool.
01:29Et ce qui m'a permis d'en sortir, en tout cas de franchir le pas, c'est ma relation
01:34avec la foi.
01:36Tu as fait ces 235 kilomètres en combien de temps, du coup ?
01:41J'avais prévu de le faire en 4 jours, j'avais annoncé 4 jours, mais ça m'a mis 6 jours,
01:47puisque la réalité est en ce qu'elle est.
01:51J'ai dû écouter mon corps et écouter la réalité du terrain, et oui, ça m'a pris
01:596 jours de le faire.
02:02Comment tu te sens l'issue fraîche de cette marche ?
02:08Je me sens bien, soulagé déjà que ça soit fini, content de l'avoir terminé, alors
02:17terminé, pas dans le sens achevé, mais dans le sens de l'avoir bouclé entièrement,
02:21de ne pas avoir abandonné ce projet.
02:29Mais je me sens très bien, physiquement ça va, mentalement ça va très bien.
02:34J'ai encore un peu de mal à réaliser, mais c'est bien que ça reste comme ça.
02:41Et qu'est-ce que tu as rencontré sur le parcours, à la fois comme moments de joie,
02:48des moments qui ont fait sens, et puis quelles difficultés est-ce que tu as peut-être rencontrées ?
02:56Tout au long du parcours, c'est un long parcours quand même, il s'est passé énormément de choses,
03:05mais les moments de joie, ça a été déjà le premier jour de partir, de me dire enfin j'y vais,
03:14enfin je me lance et j'ai arrêté d'hésiter, j'ai arrêté de procrastiner, ce qui à l'entrée
03:20était un tort de ma part, mais oui je me lance enfin et on est parti.
03:27Ensuite il y a eu toujours le premier jour, la partie où j'étais un peu dans le mal,
03:35dans le sens où j'ai pris mon départ dans de mauvaises conditions,
03:39enfin une condition parfaite n'existe pas, mais je m'étais moi-même handicapé en ne dormant pas,
03:45voire très peu les deux jours précédents au départ.
03:48Tu es parti très tôt le matin ?
03:50Je suis parti à 3h, 3h30, mercredi matin, et je n'avais pas non plus mangé les deux jours précédents,
04:00parce que j'ai tendance à oublier de manger ou à ne pas avoir faim,
04:06donc du coup mon corps m'a gentiment fait comprendre qu'il faut se calmer,
04:11et qu'il faut peut-être manger et dormir.
04:16Mais oui, ces conditions là, plus le temps plus vieux qu'on a eu,
04:20puis j'étais en pleine alentour et humide, on dirait que j'infectionne particulièrement,
04:26l'un dans l'autre ça m'a permis de rencontrer mes premières difficultés à la fois physiques et mentales,
04:32et de me transcender, d'aller au-delà de la difficulté,
04:39enfin mon corps et mon esprit ont accepté le fait que ça allait être difficile et compliqué,
04:43et qu'il va falloir se bouger.
04:46Et cette partie là m'a énormément fait bien,
04:49parce que c'est tombé le premier jour, donc on s'est dit bon, on va s'organiser,
04:53partons de là, pour régler tout ça et faire au mieux.
04:58Après il y a eu les parties en grande terre, parce que la grande terre c'est pas spécialement mon terrain,
05:02puisque c'est chaud, c'est sec, et même les forêts ce sont des forêts sèches ou des falaises,
05:07ce qui ne sont pas mes forêts de prédilection.
05:15Bizarrement j'ai beaucoup aimé, puisque ça me changeait et ça me sortait de ma zone de confort,
05:20et ça rejoignait aussi l'esprit de ce que je voulais transmettre à travers cette vie,
05:26déjà qui est de remettre mes chaussures et reprendre mon chemin de vie.
05:30Mais ça signifiait aussi pour moi, cette partie,
05:34me rendre compte que dans mon chemin de vie, tout ne sera pas forcément comme j'aime,
05:38c'est-à-dire que ça ne sera pas que de la forêt humide ou des terrains que j'aime.
05:41Dans la vie, ce n'est pas toujours ce qu'on aime, il y a des conditions difficiles,
05:46et il faut s'adapter, et en s'adaptant on arrive à avancer quand même.
05:50Et oui, la grande terre m'a permis d'assimiler ça et de le vivre,
05:55et c'est pour ça que ça m'a...
05:58C'est un cheminement. Tout le parcours m'a appris.
06:01Chaque partie du parcours, chaque étape, chaque jour, chaque rencontre,
06:06m'a permis de comprendre pourquoi je faisais ça,
06:10et en quoi ça ressemblait au chemin de vie que j'ai mené, que je voulais continuer.
06:16Et tu avais identifié le parcours,
06:20c'est-à-dire que tu savais exactement par où tu devais passer,
06:24même en partant de Bailly, dans des endroits que tu connaissais davantage,
06:28mais il n'y a pas eu de moment où tu as hésité sur un chemin, par exemple ?
06:31Alors, j'ai fait un tracé,
06:34qui se basait sur une corde que j'avais tracée en 2018.
06:41Et du coup, pour revenir à la genèse du projet,
06:49il y a énormément de projets que j'ai faits dans cette période-là,
06:52dans ma période de consommation et d'addiction,
06:55que j'ai mis de côté, puisque j'étais occupé à boire,
06:59à m'handicaper moi-même.
07:02Donc oui, j'ai ressorti ce projet-là des tiroirs,
07:05et j'ai voulu commencer par ça.
07:08Et j'ai ré-agencé la carte,
07:11pour qu'elle corresponde à la réalité de 2024,
07:15et même en la retraçant, la réalité du terrain,
07:19des endroits où il y a eu des éboulements,
07:22des endroits où des arbres sont tombés,
07:25des terrains privés qui n'étaient pas là avant.
07:28En avançant, on se rend compte qu'il faut se réorganiser,
07:31il faut faire des détours, il faut s'arranger.
07:34Même si ça fait faire des rallonges de 1 ou 2 kilomètres,
07:37c'est une partie du jeu,
07:40et c'est ce qui permet de...
07:43Enfin, ça revient, ça revole,
07:46tout ne fonctionne pas toujours comme on a prévu,
07:49mais ça fonctionne quand même.
07:52C'est un beau parallèle avec l'âge.
07:55Parfois on est obligé de faire des détours pour retrouver son chemin.
07:58C'est exactement ça.
08:01Qu'avez-vous ressenti pendant cette marche ?
08:04Est-ce que c'est être face à soi ?
08:07Est-ce que ça a donné une sensation de purification,
08:10de nettoyage ?
08:13Qu'est-ce que vous avez ressenti ?
08:16Passer du temps avec moi,
08:19c'est quelque chose que j'ai pris l'habitude de faire,
08:22puisque ça fait maintenant un peu plus de 10 ans
08:25que je traîne en forêt.
08:28Oui, que je traîne en forêt.
08:31Mais oui, ça permet toujours de faire le point avec soi-même,
08:34de savoir où on en est,
08:37de se poser les bonnes questions,
08:40de savoir sur quoi on peut avancer,
08:43où on en est sur nos projets,
08:46sur nos réalisations, sur nos relations avec les autres,
08:49nos relations avec nos proches.
08:52Oui, ce tour m'a vraiment permis
08:55d'à nouveau faire le point.
08:58Et un bon point, puisque c'est un projet
09:01que j'ai voulu mener pour, entre guillemets,
09:04reprendre possession de mon corps et de ma volonté,
09:07de choses que j'avais perdu
09:10par rapport à ma consommation à l'époque.
09:13Oui, donc faire le point par rapport à ça
09:16et de savoir où j'en suis
09:19maintenant que je remets mes chaussures
09:22et que je reprends mon chemin de vie,
09:25qu'est-ce que j'ai envie de créer, où j'ai envie d'aller,
09:28quel type de relation j'ai envie de créer,
09:31quelle vie j'ai envie de mener, quel projet je veux mener.
09:34Voilà, ça m'a vraiment permis de faire le point avec moi-même.
09:37Même en ayant des contacts avec d'autres personnes extérieures
09:40et toutes les personnes qui sont venues m'encourager sur les trajets,
09:43personnes que je remercie d'ailleurs.
09:46Oui, c'est un voyage avec moi et au fond de moi.
09:53Et comment est venue à vous la marche,
09:56l'idée, la compréhension
09:59que, tiens, c'est pas en remettant les chaussures,
10:03ça veut dire que vous marchiez peut-être déjà avant,
10:06et comment est venue le fait que la solution se soit
10:09par le fait de marcher ?
10:16Je me suis rendu compte,
10:19la période où j'étais au gros de ma consommation,
10:22où justement je sortais pour refaire le plein de leçons,
10:25je passais par un chemin,
10:28il s'appelait Oudeur de Baille, vers Saint-Louis,
10:31il y a une rivière, la rivière de Saint-Louis,
10:34que je me sentais bien à cet endroit-là.
10:37Parce que juste en passant, je me suis posé auprès de la rivière
10:40et j'ai ressenti un bien-être.
10:43Bien-être qu'au début je ressentais avec l'alcool
10:46et que là je ressentais naturellement,
10:49juste en étant là.
10:52Quelconque, mais en tout cas un endroit
10:55où il y avait des bouilles de l'eau,
10:58des bouilles de feuilles,
11:01c'était la nature et c'était apaisant.
11:04Et je me suis dit peut-être que le contact avec la nature
11:07me ferait du bien,
11:10et donc j'ai voulu rechercher ça de plus en plus souvent.
11:13Et c'est d'ailleurs ce qui m'a permis de faire la transition
11:16avec ma consommation,
11:19puisque pour sortir en forêt et apprécier la forêt,
11:22il fallait que je sois sobre.
11:25Pour être sobre, il fallait que j'arrête de consommer
11:28au moins 10-12 heures avant,
11:31et ça m'a permis d'espacer mes consommations.
11:34Et plus je voulais être en forêt souvent,
11:37moins je consommais, et ça m'a permis de faire la transition.
11:40Et partant de là, mes premières sorties,
11:43c'était pas du tout ça,
11:46puisque avec la consommation, physiquement,
11:49j'étais peut-être pas en forme.
11:52Je marchais 3-5 minutes et j'étais essoufflé, je n'avais pas soif.
11:55Et je me suis dit que j'ai envie d'être en forêt,
11:58mais je n'ai pas envie d'être en forêt dans ces conditions.
12:01Donc plus j'ai augmenté
12:04mon temps passé en forêt,
12:07mieux je me sentais,
12:10et moins je consommais,
12:13et ça m'a permis de me sentir de plus en plus en forme,
12:16de faire de plus longues distances.
12:19C'est pas que je sois né prédisposé à faire de longues distances,
12:22c'est juste qu'en commençant par marcher 3 minutes
12:25et en m'arrêtant 10 minutes pour reprendre mon souffle,
12:28on peut finir à la portée de tout le monde.
12:31Juste qu'on démarre de là où on démarre,
12:34que c'est par étapes.
12:37Ça ne se fera pas en 2 jours ni en 1 semaine,
12:40il faut juste continuer à apprécier ça.
12:43Et le fait de témoigner, d'oser dire,
12:46c'est très courageux,
12:49est-ce que ça fait partie aussi du chemin de guérison,
12:52d'avancée en tout cas ?
12:55Oui, ça fait partie du chemin de guérison,
12:58mais c'était surtout
13:01pour être la personne
13:04que j'aurais voulu trouver
13:07à cette période-là.
13:10Parce que quand j'étais dans cette phase-là,
13:13j'aurais aimé rencontrer quelqu'un
13:16qui passait par là,
13:19qui était passé par là et qui aurait pu me dire
13:22ne t'inquiète pas, tu vas t'en sortir,
13:25c'est possible de s'en sortir,
13:28certes aujourd'hui tu ne vois pas de sortie,
13:31tu ne sais même pas comment tu vas arrêter,
13:34c'est possible, et regarde j'ai réussi,
13:37donc toi aussi tu peux le faire.
13:40Cette personne-là j'aurais aimé la rencontrer,
13:43mais le souci c'est que
13:46par pudeur, par honte ou par fierté,
13:49c'est le genre de sujet
13:52qu'on n'aborde pas en public.
13:55Donc je me dis que si moi je peux aider
13:58une autre personne,
14:01ça sera tout bénéfique pour moi.
14:04Le but de ma démarche c'est à la fois de moi avancer,
14:07mais de permettre à quelqu'un d'autre,
14:10même si ça tombe dans l'oreille de personne,
14:13qu'on se dise que ça existe,
14:16c'est pas tabou, on peut en parler,
14:19on peut se rapprocher les uns des autres,
14:22et on peut prendre soin les uns des autres,
14:25juste qu'il faut oser.
14:28Personne n'est seul.
14:31Et je crois justement qu'il existe une communauté
14:34qui a été créée sur WhatsApp,
14:37dans le cadre de ce projet,
14:40et qui est présentée peut-être comme une communauté
14:43de soutien et d'entraide.
14:46Est-ce que vous avez reçu des messages,
14:49est-ce que des personnes ont rejoint ce groupe
14:52en voulant entrer en contact avec vous,
14:56Le groupe WhatsApp a été créé pour rassembler
14:59toutes les personnes qui suivaient le projet,
15:02puisque sur Instagram c'est pas forcément évident
15:05de communiquer les uns avec les autres,
15:08on mit sous les commentaires,
15:11mais on n'a pas forcément le suivi sur chaque publication,
15:14donc le fait de rassembler tout le monde sur un seul groupe
15:17permettait déjà d'échanger les uns avec les autres,
15:20et de créer un élan.
15:24Et sur le groupe, on a eu des personnes qui ont témoigné,
15:27qui disaient qu'eux ils passent par des phases difficiles,
15:30qu'ils ont une consommation excessive,
15:33et même sur Instagram, dans mon Instagram perso,
15:36dans les messages, j'ai eu pas mal de personnes
15:39qui m'ont envoyé des messages pour me dire
15:42moi aussi je suis addict à telle ou telle substance,
15:45et je sais pas comment sortir, est-ce que tu serais disponible
15:48pour qu'on se fasse une sortie et qu'on en parle.
15:52Donc ça m'a permis de rencontrer des personnes,
15:55et ça a permis à des personnes de faire le lien,
15:58en tout cas de sortir de l'ombre.
16:01Et oui, moi ce qui m'a aidé à l'époque
16:04c'est de me rapprocher du centre d'addictologie de Basse-Terre,
16:07j'ai écrit aussi le caroïd qui existe,
16:10et en fonction de ce qu'on veut faire,
16:13en tout cas du suivi qu'on veut,
16:16on peut se rapprocher d'un des centres,
16:19à l'époque je savais même pas que ça existait,
16:22mais il y a une époque où j'étais vraiment mal,
16:25et je me suis dit je vais jamais m'en sortir tout seul,
16:28même en équilibrant avec la forêt, je vois que je replonge,
16:31et je suis pas fier de moi,
16:34et le fait de me punir en moi-même,
16:37ça m'a jamais avancé, donc je me suis rapproché d'eux,
16:40et je me suis rendu compte que ça existait,
16:43des structures où on avait des psychologues,
16:46des médecins, des assistantes sociales,
16:49tout ça gratuitement, pour t'accompagner,
16:52et qu'il n'y a pas de jugement, c'est de la bienveillance,
16:55même si je viens aujourd'hui, la semaine d'après je reviens,
16:58mais que j'ai consommé, il n'y aura pas de reproche,
17:01on va juste t'accompagner,
17:04et en fonction de la structure,
17:07je crois qu'il y en a une,
17:10qui accompagne vers le sevrage,
17:13et je crois que le K1 c'est l'accompagnement
17:16pour gérer la consommation,
17:19pour ceux qui n'ont pas spécialement prévu de s'arrêter,
17:22mais qui juste veulent être accompagnés dans leur consommation,
17:25pour éviter les accidents, les surdoses, etc.
17:28Mais oui, ça existe,
17:31et on peut en parler,
17:34mais c'est le but de la communauté,
17:37de créer un lien et de faire la transition vers des professionnels,
17:40c'est mon expérience,
17:43et c'est l'avantage de la communauté.
17:49Est-ce que vous êtes satisfait d'avoir réussi
17:52à relever ce défi,
17:55à vous être prouvé que vous pouviez le faire,
17:58et que le corps pouvait suivre aussi ?
18:01Est-ce que ça vous donne d'autres idées ?
18:04C'est vrai que c'est frais,
18:07mais est-ce que vous avez d'autres projets de cet ordre-là ?
18:10Il y a un côté très spirituel aussi à toute cette démarche,
18:13c'est vrai que quand on parle de chemin et de cheminement,
18:16le chemin de Saint-Jacques,
18:19on sent bien cet aspect-là aussi.
18:22Et vers quoi est-ce que vous pensez aller maintenant,
18:25pour continuer sur votre chemin ?
18:32C'est vrai que c'est tôt,
18:36mais je voudrais bien réitérer l'expérience,
18:39justement l'année prochaine,
18:42mais d'en faire un projet communautaire en tout cas,
18:45qui incluerait beaucoup plus tout le monde.
18:48D'être plusieurs à marcher ?
18:51C'est ça, que certains aient des addictions ou pas,
18:54mais juste se dire qu'on revit tous nos chaussures,
18:57et on fait un bout de chemin ensemble
19:00pour se soutenir les uns les autres.
19:03Qu'on marche un kilomètre ou quatre cents,
19:06c'est pas un souci, mais juste se dire qu'on a fait l'action
19:09de remettre nos chaussures,
19:12pour ceux qui marchaient pieds nus.
19:15Mais juste de marcher, de bouger,
19:18de se sentir ensemble et de se sentir soutenus
19:21les uns les autres.
19:24Du coup, oui, je veux bien réitérer cette expérience,
19:27sûrement l'année prochaine,
19:30en rapprochant des structures spécialisées
19:33pour en tout cas mettre ça en place avec eux,
19:36qui est un vrai suivi en tout cas,
19:39pour les personnes qui seraient dans la demande.
19:42Et oui, après,
19:45sur le plan personnel,
19:48pas forcément, parce qu'il y a une personne
19:51pas forcément très organisée.
19:54Je fonctionne plus sur des coups de tête,
19:57mais oui, si j'ai envie de faire un truc maintenant,
20:00je le ferai.
20:03Mais rien de prévu pour l'instant,
20:06hormis éventuellement réitérer l'événement.
20:09J'avais une question,
20:12mais quel est le message que vous voulez faire passer
20:15mais que vous en avez parlé ?
20:18Peut-être l'origine de Freddo,
20:21puisque c'est vrai qu'il est joliment trouvé,
20:24ce pseudo.
20:27Je pense que c'était le pseudo Instagram à la base.
20:30Freddo, c'est mon pseudo Instagram,
20:33et il vient du fait que je m'appelle Frédéric,
20:36donc Freddo,
20:39et que la nature,
20:42la nature, la fraîcheur de la nature,
20:45l'eau, c'est l'ensemble de tout ce que je ressens
20:48en forêt.
20:52Le nom était trouvé pour ça.
20:55Après, c'est vrai qu'il y a peut-être eu la confusion
20:58entre mon pseudo Instagram et le nom du projet,
21:01qui n'était pas forcément Freddo,
21:04mais qui était plus en haut point la route.
21:07Mais oui, le pseudo vient de là,
21:10principalement de mon nom.
21:13C'est le nom de la communauté aussi,
21:16si quelqu'un vous cherche par exemple sur WhatsApp,
21:19est-ce que c'est le même nom ?
21:22Sur WhatsApp, je regarde,
21:25puisque je n'ai pas vraiment géré la partie WhatsApp.
21:28C'est plus une de mes amies proches qui s'y connaît plus que moi
21:31et qui a pris en main cette partie-là,
21:34puisque je savais que je n'aurais pas forcément été très connecté
21:37durant l'aventure,
21:40donc j'ai préféré laisser la gestion
21:43de tout ce qui était organisation et relationnel
21:46à d'autres personnes pour rester concentré
21:49sur la partie aventure et l'aventure.
21:55Et je pense, dans ce que tu m'avais dit,
21:58ça s'est décidé vers la fin du mois d'octobre, c'est ça ?
22:01Oui.
22:04C'était un projet que vous aviez depuis longtemps qui était là
22:07et le fait de s'y lancer, ça s'est décidé très peu de temps
22:10avant de vraiment se mettre en route ?
22:13Oui, c'est vrai.
22:16Je l'avais mis de côté, je l'avais ressorti
22:19en fin octobre.
22:22Je voulais partir
22:25début décembre,
22:28première ou deuxième semaine de décembre
22:31et en réfléchissant, je me suis dit
22:34qu'est-ce qui aura changé dans trois semaines ?
22:37Je ne serais pas plus prêt à faire 200 km
22:40dans deux semaines que maintenant.
22:43Et je me posais la question
22:46de ne serait-ce pas encore une fois une esquive ou une fuite
22:49pour tomber dans la procrastination ?
22:52Je ferais ça plus tard ou je vais arrêter demain ou je vais commencer demain.
22:55Je me suis dit qu'à un moment, il faut se lancer
22:58et les départs parfaits n'existent pas.
23:01Donc allons-y, on se lance
23:04et on verra comment ça se passe.
23:07Effectivement, je me suis lancé
23:10dans les pires conditions
23:13mais il n'y a pas de pires conditions.
23:16Et ça m'a permis aussi de comprendre
23:19que ce n'est pas le départ qui compte, ce ne sont pas les conditions.
23:22Et si on s'arrête sur le fait de réunir
23:25les conditions parfaites pour partir, on ne partira jamais.
23:28Autant pour ça que pour les projets qu'on a dans la vie
23:31que pour ce qu'on a envie de commencer ou arrêter.
23:34Il faut se lancer, peu importe là où on est.
23:37Et ça révèle même que c'est là, c'est sans préparation physique particulière
23:40au-delà du fait d'être un grand marcheur par ailleurs
23:43mais du coup, ça montre qu'il y a bien quelque chose
23:46de mental qui agit aussi à ce moment-là
23:49et qui fait que le corps va être capable de suivre
23:52parce qu'il y a cette volonté
23:55et aussi l'esprit, bien sûr.
23:58Tout ça, c'est savoir que dans tous les cas
24:01le corps va lâcher un moment
24:04puisque le corps n'est pas spécialement fait pour partir de zéro
24:07en tout cas n'étant pas entraîné pour ça, faire 200 km.
24:10Mais quand il lâche, qu'est-ce qu'on fait ?
24:13Est-ce qu'on arrête ou est-ce que le mental et la volonté
24:16prennent le rôle ?
24:19Et c'est ce que je voulais expérimenter
24:22et c'est ce que je voulais me prouver à moi-même
24:25et montrer un peu à tous ceux
24:28qui auraient voulu se lancer là-dedans
24:31ou en tout cas qui vivent leur aventure de l'autre côté
24:34de se dire que
24:37même quand tout lâche, on peut continuer
24:40parce qu'on a décidé qu'on finirait
24:43et j'ai décidé que je finirais, donc je vais finir.
24:46Après, j'ai fini en plus de 4 jours, j'ai fini en 6 jours
24:49mais c'est pareil, ça revient à ce qu'on disait
24:52sur le tracé.
24:55Parfois, ce qu'on a prévu de faire prend un peu plus de temps qu'après
24:58mais c'est pas grave, on va quand même le faire
25:01et l'important, c'est de l'avoir fait, c'est pas le délai.
25:04Donc se lancer, qu'importe les conditions,
25:07s'accrocher, même si le tracé, le parcours qu'on a choisi
25:10n'est pas...
25:13le parcours qu'on fait ne revient pas vraiment à celui qu'on a choisi
25:16et continuer à s'accrocher même si c'est un peu plus long que prévu
25:19donc continuer et arriver à notre objectif.
25:22C'est vraiment ce que moi j'ai appris
25:25durant ce recensement.
25:28Et vous avez bouclé la boucle.
25:31C'est ça, vraiment.
25:34Et de ce que m'avait dit Julien, tu dormais et tu mangeais quand tu en ressentais le besoin
25:37donc sans forcément, en fonction peut-être aussi des conditions extérieures,
25:40de la chaleur, il t'est arrivé de marcher la nuit aussi
25:43et quand vraiment la fatigue par exemple était là, tu t'arrêtais
25:46et tu te reposais ?
25:49Alors ça a été très compliqué
25:52pour mes proches d'accepter, de comprendre
25:55que tout le monde s'inquiétait
25:58plus que moi pour moi
26:01puisque quand je suis parti, on me dit
26:04qu'est-ce que tu vas manger, où tu vas dormir et tout,
26:07c'est pas des questions que je me pose. Je sais que je pars,
26:10j'ai pris un peu de monnaie pour acheter des trucs,
26:13j'en ressens besoin, mais où je dors,
26:16où je mange, je pars, c'est tout.
26:19Je pars, je verrai et ça se fera tout seul.
26:22Et je sais que forcément,
26:25mon corps m'aurait demandé à dormir.
26:28Quand il va me dire, allons dormir, on va dormir,
26:31ça soit contre un arbre
26:34ou des machins, c'est pas grave, juste il a besoin de repos,
26:37on va lui donner le repos et après on repart.
26:40Mais de m'organiser à dire
26:43au 25ème kilomètre, je vais dormir tant d'heures
26:46et repartir à telle heure,
26:49c'est pas ma façon de fonctionner et j'aurais eu du mal
26:52à fonctionner de façon oxyparée.
26:55C'est peut-être un tort de ma part,
26:58mais j'ai pris l'habitude de fonctionner comme ça.
27:01Ça montre bien que tu te connais, que tu es à l'écoute
27:04non seulement de toi, mais de ce qui se passe autour
27:07et tu t'adaptes à tout ça.
27:10Il y a une simplicité dans ce que tu aimais
27:13et ça ne peut que nous interpeller tous, je crois.
27:16Est-ce que tu as rencontré des habitants
27:19qui sont venus vers toi
27:22et qui te demandaient ce que tu faisais ?
27:25Est-ce que tu as le souvenir de rencontres particulières sur cette route ?
27:28J'ai rencontré un couple avec leur enfant
27:31au Moule, qui peut sembler venir à ma rencontre
27:34puisque je lui ai arrêté
27:37et il m'a fait ravitailler et j'ai discuté avec d'anciens collègues
27:40qui sont venus à la rencontre
27:43en me disant que ça fait depuis mercredi
27:46qu'on suit le petit point.
27:49Donc on a fait le déplacement pour vous voir
27:52même si on n'a pas d'addiction particulière
27:55avec de l'alcool ou certaines substances
27:58mais on trouve ça beau le projet
28:01et on voulait vous soutenir.
28:04Et ça m'a touché
28:07puisque je ne suis pas habitué à ça
28:10mais c'était touchant
28:13puisque ça a quand même une portée
28:16et les gens s'intéressent
28:19et ils trouvent ça beau
28:22et comme la dame me le faisait remarquer
28:25il n'y a pas que l'alcool et les substances
28:28il peut y avoir plein de choses
28:31pour certains le sucre, la nourriture
28:34le sommeil
28:37chacun a un petit truc
28:40mais oui c'est une chose
28:43qui peut toucher tout le monde
28:46que ce soit directement ou par le biais d'un proche
28:49mais c'est être ça
28:52et personne qui claque son nez sur le bord de la route
28:55mais ça m'a encouragé
28:59de reprendre conscience que c'était pas que pour moi
29:02c'était pour tout le monde
29:05et que ça parlait à beaucoup de gens
29:08c'est un message qui va même au delà
29:11parce qu'aujourd'hui on a beaucoup d'artifices
29:14dans nos vies qui nous sont proposés
29:17et ce retour à cette simplicité, ce naturel
29:20le fait de s'écouter et de ressentir les choses
29:23c'était vraiment ça, partir
29:26et c'est ce qui m'a posé problème
29:29parce que les deux jours avant j'ai préparé dix mille sacs
29:32que j'ai fait, défait, refait
29:35et le matin du départ je me suis dit
29:38mais ça me ressemblait pas
29:41ce qui me ressemble c'est mettre mon short
29:44tes chaussures, prendre mon t-shirt que j'attache sur ma tête
29:47mon sac, une bouteille d'eau
29:50et je suis parti, un chargeur ou deux pour charger mon téléphone
29:53mais c'est tout, pas me charger avec des vêtements
29:56des tonnes de nourriture
29:59du coup j'ai tout retiré de mon sac et je suis parti
30:02comme j'aime le faire
30:05et je me suis dit il faut que ça me ressemble
30:08parce que là je vais m'embarrasser avec des choses qui ne font pas partie de moi
30:11et je veux que ça soit moi
30:14je veux vivre mon aventure
30:17comme j'aime la vivre
30:21t'embête pas avec ça
30:24fais comme tu as l'habitude de faire et ça va bien se passer
30:27et je suis parti comme ça
30:30et la petite équipe qui te suivait de près
30:33a répondu présente aussi
30:36même au fait que tu te lances plus tôt
30:39ils ont été là et ça c'est une belle preuve aussi d'amitié
30:42et d'affection
30:45ils ont eu confiance dans le projet
30:48ils ont été touchés par la cause
30:51et ils ont eu envie de soutenir là-dedans
30:54et de se lancer
30:57il y a aussi quelque chose pour des personnes qui n'ont rien à voir avec ça
31:00qui n'ont rien demandé de se lever à 2 ou 3h du mat
31:03pour venir faire un départ
31:06pour bouger, aller traverser
31:09ils m'ont amené une pizza très gentille
31:12et de venir pour m'amener des chaussures
31:15quand j'avais besoin d'en changer
31:18on s'inquiétait toute la journée
31:21est-ce que tu as assez d'eau, il te manque quelque chose
31:24même moi, je ne suis pas habitué à fonctionner comme ça
31:27j'ai l'habitude de traîner
31:30ça fait 10 ans que je suis en forêt mais tout seul
31:33j'ai l'habitude de fonctionner tout seul en autonomie
31:36je fais mes tracés pour croiser des rivières assez en amont
31:39pour pouvoir puiser de l'eau là-dedans
31:42être en totale autonomie
31:45avoir des personnes qui sont derrière
31:48et qui te disent si tu as besoin, on t'amène quelque chose
31:51c'était aussi pour moi
31:54apprendre à fonctionner avec les autres
31:57et à arrêter d'être tout seul
32:00c'était aussi une expérience pour moi
32:03et ça fait du bien
32:06de se dire que le combat que tu mènes, tu ne le mènes pas tout seul
32:10arrête de vouloir tout faire tout seul
32:13dire que tu n'es pas tout seul
32:16des gens sont là avec toi
32:19tu peux t'appuyer sur eux
32:22tu n'es pas obligé d'être la personne la plus forte du monde
32:25tu peux arrêter d'être la personne la plus forte du monde
32:28juste laisse-toi aider
32:31c'est aussi une leçon que j'ai apprise durant ce tour
32:34merci beaucoup

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