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00:00Monsieur le Premier ministre, cher Michel,
00:04vous avez dit que nous nous connaissions depuis longtemps.
00:09C'est absolument vrai.
00:11Notre 1er engagement ensemble,
00:13c'était dans un mouvement qu'on appelait les Rénovateurs.
00:19Et en effet, c'est une tâche qui est encore devant nous aujourd'hui.
00:24Je veux commencer
00:27en vous exprimant un sentiment de gratitude.
00:32Gratitude de citoyens
00:35pour le risque que vous avez pris
00:40de vous engager dans cette fonction,
00:43pour avoir affronté la difficulté des temps,
00:48et Dieu sait que cette difficulté des temps est importante,
00:53pour le désintéressement que vous avez manifesté,
01:00qui donne de l'engagement politique
01:04une image que vous et moi
01:06et beaucoup de millions de Français nous aimons.
01:09Et donc, je voulais vous dire merci pour cet engagement
01:12et pour ce risque.
01:14Alors, je ne serai pas très long pour ne pas m'exposer
01:18à des incidents
01:22que je redouterais, étant donné votre verve.
01:28Je veux dire des choses très simples.
01:31La 1re de ces choses, c'est que nul plus que moi
01:36ne connaît la difficulté de la situation.
01:41J'ai pris des risques inconsidérés dans ma vie politique
01:47pour poser, dans les élections les plus importantes,
01:51dans les échéances électorales essentielles,
01:54la question de la dette et des déficits.
01:59J'ai même conduit des campagnes présidentielles sur ce thème,
02:03et tout le monde,
02:04nous en disions un mot avec le sourire tout à l'heure,
02:07tout le monde disait, mais il est complètement fou,
02:10on ne fait pas une campagne sur la dette.
02:13Eh bien, je crois que cette question-là
02:16de déficit et dette,
02:18c'est une question qui pose un problème moral,
02:21pas un problème financier seulement,
02:24un problème moral,
02:26parce que se débarrasser de ses charges
02:30sur ses enfants,
02:33dans les pays comme les nôtres,
02:35dans les pays de montagne, d'enracinement,
02:39c'est très mal vu, à juste titre.
02:43Et donc, votre message sur la gravité de la situation,
02:49je le reçois et je le partage.
02:54C'est le premier point.
02:55Et c'est pourquoi,
02:57devant une situation d'une telle gravité,
03:02ma ligne de conduite sera de ne rien cacher,
03:06de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté.
03:10Je sais que la tentation est dure.
03:12Écoutez, prenez un ou deux sujets,
03:14concentrez-vous là-dessus et laissez faire le reste
03:20dans la médiocrité.
03:22Je ne choisirai pas cette ligne.
03:25Je pense que nous avons le devoir,
03:29dans un moment aussi grave pour le pays, pour l'Europe
03:34et devant tous les risques de la planète,
03:37nous avons le devoir d'affronter, les yeux ouverts,
03:42sans timidité,
03:44la situation qui est héritée
03:49de décennies entières,
03:51dans lesquelles on n'a pas regardé
03:54comme nécessaire et urgent
03:57la recherche des équilibres
03:58sans lesquels on a du mal à vivre.
04:01Disons simplement que, les dernières années,
04:02l'accumulation de crises a été telle
04:06que les explications
04:09sont parfaitement compréhensibles.
04:16Je veux dire simplement que j'ai deux obsessions.
04:23La première obsession,
04:26qui est pour moi un des risques les plus graves,
04:29c'est le mur de verre qui s'est construit
04:33entre les citoyens et les pouvoirs,
04:37entre la base,
04:40les femmes et les hommes, les familles,
04:42ceux qui travaillent, ceux qui cherchent du travail,
04:45ceux qui sont à la retraite,
04:47ceux qui mènent la vie
04:51des Français dans le voisinage,
04:57ceux qui affrontent
05:01des difficultés dont ils ne voient pas
05:04le relais dans la vie publique.
05:07Ce mur de verre, cette séparation,
05:10cette rupture,
05:12pour moi, c'est un ennemi à combattre,
05:15et notamment la compréhension de ce que nous disons,
05:19les mots qu'on utilise pour décrire la situation,
05:23les éléments de langage qu'on dit.
05:27Si je peux,
05:28j'ai une absolue conscience de la difficulté de la tâche,
05:33si je peux, j'essaierai de débarrasser
05:37notre vie publique et nos débats
05:41des paroles artificielles,
05:43des mots dont on a le sentiment
05:45qu'ils étaient écrits bien avant qu'on les prononce,
05:49et d'ailleurs qu'on aurait pu deviner à l'avance.
05:52On aurait pu deviner à l'avance
05:54ce que ceux qui les prononcent allaient dire.
05:58Ca, c'est le 1er point.
05:59Le 2e point,
06:01qui était l'essentiel de la promesse
06:05du président de la République élu en 2017.
06:09Ce que le président de la République élu
06:13avait porté devant les Français,
06:17c'était l'idée qu'on ne pouvait pas
06:21se trouver devant un destin dont on n'était plus maître
06:24et dans lequel on n'avait aucune chance de progression.
06:31Et c'est pourquoi, naturellement, je pense à l'école,
06:34dont je me suis occupé pendant des années
06:38et qui n'a pas cessé d'être dans ma vie un point fixe.
06:45L'idée que, parce qu'on est né dans un quartier
06:50ou dans un village, on aurait tort d'oublier les villages.
06:54Parce qu'on est né dans un quartier, dans un village.
06:57Parce qu'on porte un nom.
07:00Parce qu'on pratique une religion
07:03ou qu'on est attaché à cette religion.
07:08L'idée que, en réalité,
07:11les portes ne sont pas ouvertes pour vous.
07:15L'idée que c'est ceux qui ont les codes
07:19qui savent comment se diriger.
07:23Ceux-là connaissent la carte
07:27et ont la boussole pour se diriger dans la vie.
07:32Et si vous ne les avez pas, cette carte et cette boussole,
07:36ces connaissances, ces réseaux, ces moyens,
07:40alors vous vous trouvez, aujourd'hui, je le crains,
07:44dans une situation qui est moins ouverte
07:48qu'elle ne l'était il y a quelques décennies.
07:51Et pour moi, ceci est insupportable.
07:56Je viens de là.
08:00Je viens au pied des Pyrénées bleues.
08:04Je viens de milieux sociaux et de villages.
08:08Et j'ai fait toute ma vie sans les quitter.
08:12Je viens de milieux sociaux et de villages
08:15qui n'ont pas la chance d'être protégés, favorisés.
08:22Je trouve que notre devoir
08:26de citoyen, de père de famille,
08:30notre devoir de républicain,
08:34c'est que nous soyons obsédés
08:38pour rendre des chances à ceux qui n'en ont pas.
08:43C'est, pour moi, un devoir sacré.
08:47Et je n'ai pas l'intention de le négliger.
08:51C'était la promesse du président de la République
08:54et c'est à cette promesse que je compte être fidèle
08:58dans les fonctions si difficiles
09:02que vous me transmettez.
09:06Je sais que les chances de difficultés
09:11sont beaucoup plus importantes que les chances de succès.
09:15Je n'ignore rien de l'Himalaya
09:20qui se dresse devant nous de difficultés de toute nature,
09:24la première est budgétaire, naturellement,
09:26puis politique, et puis de l'éclatement
09:29de la société où nous sommes. Je sais tout ça.
09:32Je pense qu'il faut essayer.
09:35Et je pense que si on essaie,
09:37peut-être pourra-t-on trouver un chemin inédit
09:41et ce chemin, en tout cas, je sais de quoi il est marqué.
09:45Il est marqué de la volonté de réconciliation.
09:49Il se trouve que, comme tout le monde l'a noté,
09:53c'est aujourd'hui l'anniversaire de la naissance d'Henri IV.
09:58Comme vous savez, c'est un ami pour moi.
10:02Un des seuls amis que j'ai eus toute ma vie
10:06et un des seuls qui m'a vraiment donné un coup de main.
10:11Je lui ai consacré beaucoup de livres,
10:14et c'est une figure très importante.
10:18Il a fondé sa rencontre avec la France
10:22dans des temps aussi difficiles et plus difficiles
10:26que ceux que nous vivons aujourd'hui.
10:28Il a fondé cette rencontre sur la nécessité
10:32de sortir des guerres stupides ou des guerres secondaires
10:37pour se retrouver sur l'essentiel qui est l'avenir du pays.
10:41Si je peux, à mon tour,
10:44j'essaierai de servir cette réconciliation nécessaire.
10:48Et je pense que c'est là le seul chemin possible vers le succès.
10:53Merci de votre présence et de votre amitié.

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