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00:00Et bien oui, Jean-Claude Brialy, pour la dernière émission de cette année, est bien heureux
00:04de recevoir le grand, le fou, mon ami, Gilbert Bécaud. Bonjour Gilbert.
00:10Bonjour Jean-Claude, ça va bien ?
00:11Tu vas bien ?
00:12Ah oui, tu es splendide. Tu viens du Sahel ou quoi ?
00:14Oui, je suis en vacances à Europe 1, depuis maintenant un an, et comme tu sais qu'ici...
00:18On bronze ici, oui.
00:19Oui, il y a la lumière de nos cœurs qui est bronzée.
00:23Alors Gilbert, je suis ravi que tu sois là, parce que tu es souvent en voyage,
00:27tu fais le tour du monde, on sait que bientôt va se créer une chose extraordinaire en Amérique,
00:34c'est Mme Rosa, sur laquelle tu travailles depuis très longtemps.
00:39Oui, ça fait bientôt 6 ans, tu te rends compte ?
00:416 ans, oui, mais je crois qu'en France, on est toujours méfiant avec les communes musicales,
00:47et qu'en Amérique, on est très difficile aussi.
00:52C'est très dur, oui, c'est-à-dire que tu as tout ce qu'il faut pour travailler, tu as tout,
00:56mais alors, c'est de 7h du matin à 8h du soir, non-stop, avec un petit café à midi, c'est tout.
01:01Et puis, quand on commence un spectacle en Amérique, ou bien ça vous plaît et on l'a pour 3 ans, 7 ans, 8 ans...
01:09Oui, 100 ans, c'est le fond.
01:11Et ici, je crois que vous voyez cette story, des grandes réussites, et puis quand ça ne vous plaît pas, ça dure 10 jours, 15 jours.
01:17Non, quelquefois une soirée.
01:19C'est ça, oui.
01:20Alors tu travailles quelquefois pour une soirée, ou bien tu travailles pour 20 ans, ça dépend.
01:25Alors ça va commencer à Washington, Baltimore...
01:28Ça commence à Baltimore, du 12 décembre au 19 janvier, et ensuite de ça, on verra.
01:36Alors déjà le 13 ou le 14 décembre, je te dirais si c'est bien ou si c'est mal.
01:40C'est le test, là.
01:41Alors ça, c'est le test, c'est-à-dire que ce n'est pas le workshop, comme on dit, mais c'est la vitrine, si tu veux,
01:46un producteur arrive, ce sont quand même des bagatelles qui coûtent 6 millions, 15 mille dollars, exactement.
01:54Tu t'imagines, alors.
01:55Oui, c'est bien quand on a travaillé 6 ans de savoir qu'il y a d'autres artistes, par les producteurs,
02:00parce qu'en Amérique, les producteurs sont aussi des artistes, parce que quand on croit à quelque chose, ils mettent le paquet, je veux dire.
02:07Ah oui, ils mettent 6 millions de 15 mille dollars, c'est pas mal.
02:10Oui, mais tu sais...
02:11Juste pour voir, comme au poker.
02:12On ne peut pas dissocier Selznick d'Autant n'importe le vent, je veux dire qu'il a été le producteur d'Autant n'importe le vent,
02:19qui était le film le plus cher de l'époque et qui rapportait le plus d'argent de l'histoire du cinéma.
02:24Donc je veux dire qu'en Amérique, ce qui est bien, c'est que le producteur, il y a d'abord l'artiste, le créateur, l'auteur,
02:29puis il y a les interprètes, puis il y a le producteur qui est un homme important.
02:32Alors c'est vrai que si d'un coup il s'aperçoit qu'il peut perdre des milliards, il s'en va tout de suite.
02:36Mais donne les moyens.
02:38Je te dis, une journée ou bien une semaine, et puis ça s'arrête net.
02:43Ou bien 15 ans.
02:44Ou bien plus que ça.
02:45Ou bien regarde West Side Story, c'est déjà beaucoup plus vieux que 15 ans et c'est relativement nouveau.
02:51Regarde Cage of Folk, il est parti pour longtemps là.
02:54Alors ça, on le sait, c'est inspiré de la vie de François, d'Émile Hachard, enfin Romain Cary.
03:00Et comment l'idée est venue de Mme Rosa ? C'est parce que tu as vu le film ou parce que...
03:05Non, les Américains me demandaient depuis longtemps de faire une comédie musicale,
03:09parce que j'ai la chance que beaucoup de chansons soient connues dans ce pays-là.
03:12Et très connues.
03:13Et ils m'aiment bien comme compositeur.
03:15Bon, j'ai fait beaucoup de films en musique, des choses comme ça.
03:18Des dessins animés aussi, beaucoup, qu'on ne connaît pas.
03:22Et ils voulaient absolument monter une comédie musicale.
03:26Ils avaient essayé une chose, mais sans moi, qui s'appelait Beko Tonight.
03:32Ce soir, Beko, c'est une histoire vaseuse.
03:34Vous avez pris quelques musiques à moi ou quelques chansons
03:38et avez tourné une histoire phallote autour qui n'avait aucun intérêt.
03:42Et ça a craqué tout de suite.
03:44Et ils continuent à m'appeler en me disant, mais trouvez-nous, faites-nous.
03:47Je dis, ben, trouvez un sujet.
03:49Alors, quelqu'un m'a dit, mais il y a un film qui vient de sortir aux Etats-Unis
03:53où Simone Signori, d'ailleurs, a eu un Oscar.
03:57C'était La Vie de Vançois.
03:59Ah oui, oui, Mme Rosa.
04:01Alors, je suis allé voir Mme Rosa.
04:04Et j'ai dit, alors, ça, c'est une bonne histoire avec plein de choses dedans.
04:07C'est-à-dire, vraiment, il se passe tout le temps quelque chose.
04:10Et ça, pour la scène, c'est absolument nécessaire.
04:13C'est un film, enfin, un roman d'abord, un film ensuite, et je pense...
04:16Plein d'amour.
04:18Oui, plein d'amour, mais d'événements aussi.
04:20Il se passe tout le temps quelque chose.
04:22Sur scène, c'est tout à fait nécessaire qu'il se passe quelque chose.
04:24C'est Georgia Brown qui va créer le rôle ?
04:26Georgia Brown, oui.
04:29Oui, toi, tu dis mieux. Moi, je dis...
04:31Non, mais je n'ai pas compris.
04:33Je n'ai carrément pas compris.
04:35Je n'ai pas compris. C'est Georgia Brown qui crée le rôle.
04:38D'ailleurs, avec une autre fille qui est très, très bien aussi,
04:40parce qu'elles sont deux ou trois en même temps sur le rôle.
04:42Oui, le rôle est très dur.
04:44Parce qu'à l'entracte, tout bouge de cinq ans en avant.
04:48On vieillit de cinq ans au bout de quatre ans.
04:51C'est compliqué, le casting.
04:53Le casting est assez compliqué.
04:55Alors, cet hiver, tu as fait ton 22ème récital Olympia.
04:59Un sensé.
05:0122ème récital Olympia.
05:03Et 80% de jeunes dans la salle.
05:05Et 76.
05:07Oui, 76.
05:09Vous savez combien il est honnête ?
05:12Un soir, tu n'es pas venu.
05:14Ah, tu es gentil.
05:16Je suis allé t'applaudir, menteur.
05:18Alors, on va entendre la chanson la plus célèbre
05:21de Jules Merbeco, qui a sans doute fait le tour du monde
05:24depuis les peuplades les plus éloignées.
05:27C'est un peu comme Brigitte Bardot, le général de Gaulle.
05:31C'est un homme étonnant, mais chanté par un camarade à toi,
05:34Franck Sinatra.
05:35Francky ?
05:36Allons-y, Francky, go ahead, man.
05:38Je suis ravi, parce qu'il n'y a pas longtemps,
06:01nous étions Gilbert et moi pour une télévision,
06:03on était allés, et il a chanté justement et maintenant.
06:06Et j'étais fasciné, on ne peut pas expliquer mais on peut dire pourquoi, comment, une chanson que tu chantes depuis très longtemps, bien sûr,
06:15tu la chantes toujours avec une émotion, une sincérité, c'est bouleversant. Comment ça se passe ? On n'est pas usé, comment ça se passe ?
06:26Tu sais très bien comment ça se passe, tu es un acteur, tu sais très bien.
06:29Oui, mais quand on est auteur et qu'on a chanté une chanson depuis si longtemps...
06:33C'est-à-dire qu'il y a deux principes, enfin pas deux principes, il y a deux solutions si on veut.
06:40C'est ou bien avoir une technique d'acier et faire passer des choses que tu ne penses pas, alors ça je suis incapable,
06:45ou tu réinventes tous les soirs la chanson, tu la réécoutes en la chantant et tu y crois,
06:53ou bien tu la chantes sans la technique, il n'y a pas 36 façons, tu la chantes techniquement et tu essaies de faire passer une émotion.
06:59Et pour moi, si tu veux, il m'est impossible de le faire sans la technique, parce que si je chante 249 fois dans l'année,
07:08et maintenant sans la technique, je me fais sauter les plombs.
07:12Non mais tu ne peux pas, enfin je ne sais pas toi, mais moi je ne peux pas.
07:15Donc ça me demande moins d'effort d'y croire à nouveau, alors je suis obligé, si tu veux, de me réfugier dans la sincérité vraie.
07:24Ah moi c'est comme ça et je ne pourrais pas le faire autrement, je ne saurais pas le faire autrement, je ne pourrais pas le faire autrement.
07:29Ça fait combien de temps que tu chantes professionnellement ?
07:3134 ans.
07:3234 ans, moi 30 ans de métier, toi t'as 91.
07:35Alors tu t'es appelé François Silly ?
07:38Oh ça c'est une longue histoire ça, c'est une histoire familiale.
07:41T'es né à Toulon, un mois d'octobre, et c'était donc Scorpion.
07:47Ah oui.
07:48Alors tu as changé de nom, Silly, parce que ça voulait dire en anglais, faible d'esprit ?
07:52Non c'est beaucoup plus compliqué que ça.
07:54Ah c'est une légende.
07:55Ma maman était mariée avec un monsieur Silly.
07:57Et mes frères et soeurs s'appelaient Silly parce que c'était ses enfants à lui.
08:01Par contre elle a dû faire une petite faute à 5h à l'heure du thé, et il m'a fabriqué avec un monsieur qui s'appelait Beko.
08:10Seulement monsieur Silly ne le savait pas, et dans la foulée il m'a filé son nom en même temps, tu vois ce que je veux dire ?
08:17Alors quand je suis devenu adulte, j'ai voulu remettre les choses à l'heure, et je me suis appelé de mon véritable nom,
08:23qui était auparavant un pseudonyme, mais qui était mon véritable nom.
08:28Et je l'ai fait titulariser, et toute ma famille s'appelle Beko automatiquement.
08:34Alors tu es en enfance à Nice, rue de Verdi, c'est ça ? Dans un quartier populaire.
08:41Ton papa était contrôleur des jeux de casino, et ta maman, Léocardie elle s'appelle ?
08:47Léocadie.
08:48Léocadie, ah oui c'est très joli Léocadie.
08:50Lily.
08:51C'est très joli Léocadie.
08:52Elle a 96 ans, elle est en pleine forme.
08:54Et elle t'a beaucoup aidé.
08:56Ah oui.
08:57Tu avais donc deux aînés, un frère Jean et une soeur Odette.
09:00Et Odette c'est ta chouchoute.
09:03C'est elle qui m'a élevé en partie, et j'aime beaucoup ma soeur.
09:09Il y a une complicité.
09:12Avec mon frère aussi.
09:14Oui bien sûr, mais elle va plus avec ta soeur non ?
09:16Non, peut-être.
09:18Tu es très famille toi.
09:20Je suis clan.
09:21Oui c'est ça.
09:22Je suis roulotte.
09:25Alors au début de ta vie, il n'y avait peut-être pas beaucoup d'argent, mais il y avait beaucoup d'amour.
09:30Beaucoup d'argent non.
09:31Non mais il y avait beaucoup d'amour.
09:33Oui, beaucoup d'amour.
09:34Je sais que ma mère vendait des bouteilles pour la consigne, tu sais, à la fin du mois.
09:38Pour finir la fin du mois.
09:39C'est ça, pour continuer à manger.
09:42Mais ça, ça se voit que quand des gens étaient élevés comme ça, avec beaucoup de bonté,
09:47et beaucoup de générosité, après quand ils arrivent et qu'ils deviennent artistes,
09:51ils éclatent sur scène.
09:52C'est-à-dire qu'ils ont besoin de partager aussi.
09:54Bien sûr.
09:55Ah donne-moi mon partage.
09:56Je te dirai ce que tu veux, mais dis-moi d'abord que tu m'aimes.
09:59Oui.
10:00C'est ça.
10:01Alors la musique, toi, c'est à te commencer très tôt.
10:04Je n'ai pas souvenance de ne pas en avoir fait.
10:07C'est ça.
10:08C'est fascinant de penser que dès ton enfance, tout petit petit, t'aimais ça.
10:15Je me souviens pas avoir fait autre chose, avoir joué au train électrique, ou avoir
10:18fait autre chose que ça.
10:19Non, c'était le piano.
10:20Les filles, c'est venu plus tard.
10:22Les filles, c'est venu plus tard.
10:24Et puis ton premier récital, c'est à la caserne où ton frère fait son service militaire
10:28à Istres, c'est ça ?
10:29Oui, il m'a dit.
10:30Ah, c'est Chantal qui a fait tout ça.
10:33Chantal, elle a travaillé comme une folle.
10:35Elle a dormi avec toi deux nuits dans ses rêves.
10:37En Chantal de vos connaîtres.
10:40J'imagine ce tout petit garçon dans une caserne qui se met au piano, qui joue du classique
10:45et qui joue bien, même si tu dis que tu es tapé, qui a faim, il joue la marseillaise
10:49et tout le monde se lève et il t'en va en pleurant.
10:51T'as eu peur ?
10:52Non, je sais pas que j'ai eu peur, mais avec tous les soldats qui sont levés quand
10:55ils ont entendu la marseillaise, je croyais qu'ils partaient.
10:57Déjà.
10:59Ça m'a pas plu du tout.
11:01Ton instinct a dit.
11:03Je suis parti en pleurant.
11:04On dit pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai ? J'ai joué mal et tout.
11:07Qu'est-ce que j'ai fait ?
11:08T'étais un petit garçon.
11:10Je m'en souviens plus.
11:11T'as eu toujours peur ?
11:12Oh là là.
11:14Ça se voit pas, ça, vraiment.
11:15Heureusement que ça se voit pas, les pauvres gens qui sont là.
11:18Ils ont payé trop cher d'ailleurs pour voir un acteur.
11:22Mais plus maintenant.
11:23Il y a des paniques.
11:24Ah si.
11:25Toujours.
11:26Un endroit est plus bizarre.
11:27Un chapiteau.
11:28Où tu veux, en Turquie.
11:31Je panique presque.
11:33Et c'est très très dur.
11:35Il m'arrive de commencer.
11:37Mais t'arrives à l'Olympiade, de commencer avec la deuxième chanson, carrément.
11:41Bon.
11:42Panique derrière moi aussi.
11:43Tu te rends compte ?
11:44Oui, oui.
11:45Des trucs comme ça.
11:46Des moments de trac énormes.
11:47Je t'ai vu changer de chanson en cours de route à l'Olympiade.
11:53Parce que j'avais peur.
11:54Et ça m'arrive de temps en temps.
11:56De toute façon, j'ai toujours une nuit de retard, tu sais, pour dormir.
12:01Et je dors peu et vite.
12:04Mais tu es remercié de bon Dieu d'avoir une santé comme tu l'as.
12:07J'ai une bonne santé, oui.
12:08On va entendre Bing Crosby.
12:10Ah si tu veux.
12:11Il a enregistré, juste avant de mourir, une chanson de moi.
12:14Est-ce qu'il s'appelle Seasons ?
12:16Seasons, oui.
12:17J'ai presque bien dit.
12:18Seasons.
12:25I watch the seasons come and go And I have seen them all
12:33The sunshine turning into snow And the summer into fall
12:42In early spring when I was young The song of life was boldly sung
12:50Instead of walking I would run And life had begun
12:56Alors, M. Becaud, je suis content de vous recevoir.
12:59C'est Jean-Claude Brialy.
13:01Je vous avais reconnu aussi.
13:03Oui.
13:04Dis-moi, Gilbert, on parle un petit peu de ta petite jeunesse.
13:07De tes débuts au piano à 5 ans.
13:10Et puis, tu étais un enfant rêveur, contemplatif, un peu espiègle quand même.
13:16Je n'étais pas tellement rêveur et contemplatif.
13:19J'ai toujours été un bon scorpion.
13:22Tu aimais bien vivre dans la rue quand même, au soleil.
13:25Oui, mais je me battais dans la rue.
13:26Ah, tu te battais ?
13:27Oui.
13:28Ah, ce n'est pas le petit poète assis comme ça, qui regardait les étoiles.
13:32Non, ce n'est pas le petit Hamad.
13:34Non ?
13:35Non, non, non, non.
13:36J'étais assez...
13:38Turbulent ?
13:39Turbulent.
13:40Et tu vas à l'école au parc impérial de Nice ?
13:43Ou après...
13:44D'abord, tu as commencé à Sacerno.
13:46Sacerno, à l'école communale.
13:48C'est ça.
13:49Et ensuite, je suis allé au parc impérial pensant que j'allais mieux faire.
13:52Mais ça n'a pas été d'une évidence totale.
13:54Non, pas un très bon élève.
13:55Non, non.
13:56J'étais un demi-succès.
13:57Oui, oui.
13:58Un succès d'estime même pas.
14:00Oui, oui.
14:01Et puis, à 12 ans, tu rentres au conservatoire de Nice, en classe de piano et de composition.
14:06Là, tu as un professeur qui s'appelle Tadelewski.
14:09Oui, Tadelewski, qui était d'ailleurs...
14:11Disciple de Paderewski.
14:12Exactement.
14:13Qui d'ailleurs, tu vas dédier en 1956, le pianiste de Varsovie.
14:17Exact.
14:18Tu travailles beaucoup, parce que ça, il faut le dire, parce que je le sais moi, mais que
14:22tu travailles 12 heures par jour.
14:24Pas 12 heures, mais bien 8, 9 heures.
14:26Tu sais, on ne peut pas être au conservatoire, faire du contrepoint, faire du piano, faire
14:33des choses comme ça, et le faire comme ça du bout de lèvre.
14:36C'est impossible.
14:37Tu es obligé pratiquement de faire 8 heures de musique par jour.
14:41C'est ton instinct qui te guidait plus que la technique, quelque chose, c'est ton âme
14:46qui...
14:47Quand tu choisissais, tu commençais par Chopin et tu finissais par toi.
14:51Ou par moi.
14:52C'est ça.
14:53Je me souviens d'avoir attaqué au conservatoire, alors à Paris, là.
14:57Je ne me souviens plus quelle oeuvre.
15:00Je crois que c'était un Debussy assez délié, tu sais, où il fallait vraiment avoir les
15:06doigts bien en place.
15:08Et je commence, et je commence à jouer ça.
15:10J'étais bien, maintenant.
15:11J'étais bien.
15:12Et tout d'un coup, j'arrive à un trait, tu vois.
15:14Les pianistes savent très bien de quoi je parle.
15:16Et là, paf ! Et je me cogne un mur, évidemment.
15:19Et j'entends la cloche qui fait ding, ding, ding.
15:21Et si vous jouiez dans le ton !
15:23J'ai carrément changé de ton.
15:24Ah, carrément.
15:25Et j'étais bien dans ce ton-là, mais...
15:27Tu étais parti, quand même, là.
15:28J'étais parti, complètement heureux, détaché.
15:30Et c'était Georges Sand qui avait tiré la petite tournée.
15:32Oui, le gars m'a dit, si vous jouiez en mi-bémol, vous allez voir, ça marche mieux.
15:37Et alors, pour gagner ta vie, tu fais des petits boulots, comme ça,
15:40sireur, laveur de voitures, ramasseur de balles de tennis, maître nageur, tout ça ?
15:45J'étais maître nageur, j'ai fait les plages, j'étais chasseur, j'étais cordonnier.
15:50Là, tu avais quel âge ? 14, 15 ans ?
15:52Euh... Non, un peu plus, là.
15:5416 ans ? 7 ans ?
15:55Euh... 16, 17, oui.
15:56Là, tu commences à plaire aux dames et tout.
15:58Ah oui, oui, mais je plaisais déjà aux dames avant, oui.
16:01Après, t'as pas commencé à 12 ans, quand même ?
16:02Ben, dans le midi, on commence de bonne heure.
16:04Ah, bon, excuse-moi.
16:05Comment vous faites dans le Nord, vous ?
16:06Moi, je suis dans l'Algérie, alors je suis...
16:08Ah, bon, excusez-moi.
16:09Vous commencez à 5 ans, imbécile.
16:13En 1942, tes parents montent à Paris.
16:16Et là, c'est bien pour que tu puisses travailler la musique, hein ?
16:20Et puis, vous habitez Boulevard du Rat.
16:22Non, là, je connais mon...
16:24Je connais mon vrai père, pour la première fois.
16:26Ah, là, en 1942 ?
16:27Oui, je connais mon vrai père.
16:30Si tu veux, je te fasse un petit flashback.
16:33Pour te dire l'ambiance qu'il y avait à Nice, dans les quartiers près de la mer,
16:37ce qu'on appelle le Babazouk, où j'habitais en partie,
16:42c'est que j'étais le souffre-douleur à l'école, à l'école communale.
16:47Je sais pas pourquoi, peut-être parce que je travaillais pas très bien,
16:49parce que j'avais du mal à travailler, étant donné que mes études de musique,
16:52c'était très dur de tout faire en même temps.
16:54Et ça demandait beaucoup d'heures de présence.
16:57Et j'avais un petit garçon qui s'appelait normalement Albert Dubois,
17:02et qui m'avait fait une tête comme ça pendant des mois et des mois.
17:04J'avais beaucoup de mal à quitter l'école,
17:06et tous les soirs, j'inventais un nouveau système
17:09pour arriver à quitter l'école sans couper rien.
17:11Et en général, je me réveillais sur le sable, à côté du Payon, à Nice,
17:16et je me réveillais sur le sable avec une tête comme ça,
17:18et on me faisait une grosse tête tous les soirs à la sortie de l'école,
17:21et j'ai jamais su pourquoi.
17:22Et quand j'ai rencontré mon père, et que je l'ai vu la première fois,
17:27ça m'a donné un courage d'acier.
17:30Je lui ai raconté ça, et il m'a donné des sous
17:33pour prendre le train et descendre à Nice,
17:35pour aller lui faire une tête à l'autre.
17:38Ben oui, j'en pouvais plus.
17:40J'aurais pas pu commencer une vie d'homme sur un truc pareil.
17:43J'avais une boule, là.
17:45En plus, tu vois les marques que j'ai un petit peu partout sur la figure,
17:48c'est-à-dire que je les dois.
17:50Et je me souviens toujours, j'arrive à Nice par le train,
17:53je fonce, je fonce quand même, j'ai pris un Fiaco, je sais pas quoi,
17:57à toute vitesse, à l'endroit où il habitait,
18:00et j'arrive en bas et je vois sa mère,
18:02« Ah, vous venez voir Albert, c'est gentil, ça va lui faire plaisir.
18:04Montez, c'est au premier étage. »
18:06Je savais pas ce qu'il attendait.
18:08Et j'arrive, et je vois ce jeune homme
18:12dans un fauteuil avec une couverture sur les genoux.
18:16Il était passé sous un tramway, il s'était fait couper les deux jambes.
18:21Ça a été la frustration de ma vie.
18:24Je l'en ai haï davantage.
18:26C'est comme un conte, un Edgar Poe.
18:28Je sais pas.
18:29C'est beau. Ah oui, c'est beau.
18:31Mais j'en voulais encore plus.
18:33Ah oui.
18:34Que le tramway lui passait avant moi.
18:37Ah oui, vraiment, et tu l'as jamais revu ?
18:39Ben non, j'ai rien dit, j'ai dit, je suis une diabo.
18:41On voit que c'est joli ça.
18:42Ben bien.
18:43Je peux pas y foutre de ma drague.
18:45C'était un peu beaucoup.
18:47Alors j'ai repris mon train et j'ai dit ça à mon père.
18:50Mais dans un film de Mel Brooks, il lui aurait foutu une pêche.
18:53Il lui aurait foutu une pêche, c'est ça.
18:57Dernière question.
18:59Épisode 6.
19:01Les origines du film.
19:10Oui, je reçois Gilbert Beko.
19:12Je suis bien content, parce qu'on est en train de vagabonder
19:15dans sa jeunesse, son adolescence.
19:17Alors, en montant à Paris en 1942,
19:19tu fais la connaissance de ton vrai papa.
19:22Tu rejoins ton frère,
19:23du réseau de renseignement dans le maquillé du Vercors ?
19:26C'était en Savoie, au col de Sisi.
19:29Agent de liaison ?
19:31Bien, c'est-à-dire, étant donné qu'il était très actif,
19:35médaille militaire, machin, tout ce que tu peux imaginer,
19:38très actif, extrêmement patriote, presque fanatique,
19:42c'est-à-dire extrêmement pur, le regard, c'est un humble dévot,
19:45je dis ça en moquant parce que, je m'en moque pas,
19:49c'est un clin d'œil.
19:51Mais étant donné qu'il était très actif dans les services d'enseignement,
19:55et qu'il était en même temps dans la police à Nice,
20:00pour cette cause-là, il était dans la police,
20:03il faisait donc son double travail,
20:06il avait appris que les gens devaient arrêter La Chapelle,
20:09parce qu'il s'appelait La Chapelle,
20:12et il devait arrêter son frère pour essayer de récupérer La Chapelle.
20:15Il l'a su juste à la seconde près, et il m'a fait kidnapper,
20:18parce que sinon, qu'est-ce que tu veux que je fasse à 14 ans,
20:21je sais pas quel âge dans la résistance.
20:23Donc il m'a enlevé, et l'ennemi est venu chez moi,
20:27il est venu chez nous, je crois, 2 ou 3 heures après mon départ.
20:31C'est une belle histoire aussi, ça.
20:33C'est marrant.
20:34Oui, c'est marrant.
20:35Je me suis retrouvé à Albertville, en Savoie.
20:37Mais grâce à ça, ton service militaire a été un petit peu raccourci en 1952 ?
20:41Ah oui, parce que, étant donné que j'avais fait du service armé à un âge
20:45où on joue au train électrique,
20:48quand je suis arrivé au service militaire, à la base aérienne du Bourget, à la BA 104,
20:55ils m'ont dit, mais dites donc, vous avez déjà donné ?
20:58Vous avez déjà donné, j'ai dit oui.
21:00Oui, oui.
21:01D'autant plus que j'étais surcitaire à cause de mes études,
21:04et que j'avais déjà un enfant qui s'appelait Gaïa.
21:07Alors tu comprends que quand tu as 21 ans,
21:10vous allez avoir 18,
21:11que tu es en train de faire des classes,
21:13alors que tu étais dans les tranchées jusqu'au cou,
21:17quelques années avant,
21:18et qu'on te file un fusil,
21:19et que tu sais mieux t'en servir que d'un balai,
21:23ils m'ont dit, mais qu'est-ce que vous faites là ?
21:25Mais ça c'était aussi un peu d'inconscience,
21:27c'est parce que tu avais de l'admiration pour ton frère ?
21:29Pas du tout.
21:30Enfin, j'avais de l'admiration pour mon frère,
21:32mais les circonstances ont été telles qu'il a été obligé de me kidnapper
21:35pour pas que les Allemands m'enlèvent,
21:37si tu veux, pour le récupérer.
21:39Sinon, sans doute, ils auraient fait un chantage sur lui, j'imagine.
21:44Ton père est dans l'hôtellerie,
21:46il est Ruvano, c'est ça ?
21:48Oui, nous habitons Ruvano, dans le 7ème, oui.
21:51Et puis, tu n'arrêtes pas de travailler,
21:53tu fais des concerti, des symphonies, oratorios,
21:58Ah oui, mais mon père m'a mis au pas tout de suite,
22:02il faut que tu gagnes ta vie, mon garçon.
22:04Les cours coûtent très cher, c'est ça ?
22:06Les cours coûtent très très cher,
22:08et tant que mon père ne parlait pas l'anglais,
22:11aussitôt que l'anglais est arrivé en France,
22:13un maître d'hôtel, ou un caviste,
22:15comme il était, devait parler anglais.
22:18Étant donné qu'il ne parlait pas,
22:20la situation déclinait légèrement,
22:22étant donné que les cours avec les grands professeurs de piano
22:25sont hors de prix, ou il était en tout cas à ce moment-là,
22:28et que le conservatoire ne suffit pas complètement,
22:31il faut un additif de cours particuliers
22:35pour le goût, pour l'enthousiasme,
22:39ce truc qu'il y a en plus.
22:41Tu comprends qu'un cours collectif, c'est nécessaire.
22:44Alors je suis donc entré comme chasseur à l'hôtel de Noailles,
22:48rue de la Michaudière, en face du théâtre de la Michaudière.
22:50C'est ça, Groum.
22:52Alors j'étais Groum le jour et Concierge de nuit la nuit.
22:54Et puis dans ta première commande, c'est une partition
22:56dessinée à illustrer un court-métrage
22:58de Jacques Boulay, c'est ça ?
23:01Oh là là, il m'a dû parler.
23:02Oui, il s'appelait Candart.
23:03Il s'appelait Banlieue.
23:04Banlieue, oh là là, que non.
23:06J'ai travaillé, j'ai travaillé,
23:08je crois que ce court-métrage, à l'époque,
23:11On t'a fait aussi jeu de main.
23:12Tu étais primé à Punta d'Aleste.
23:15Oui.
23:16Quand même.
23:17C'est un peu loin, mais enfin.
23:19Mais enfin, quand on a des prix, il faut les dire.
23:22Exactement.
23:24Alors là, tu rencontres Kiki, ta première femme.
23:27Elle jouait dans la quadrature du cercle
23:30montée par Vitalier Lauchette.
23:32Et puis, tu as deux fils.
23:35Je connais, Gaïa et Pilou.
23:37Et Philippe, oui.
23:40Et puis voilà.
23:41Et là, tu continues à travailler.
23:45Tu deviens pianiste brasserie aussi.
23:47Oui, je fais tous les métiers.
23:49Au Petit Bar d'Auteuil.
23:51Oui, oui.
23:52Au Petit Bar d'Auteuil, c'est là où tu rencontres Vidalin.
23:54Exactement.
23:55Mais là, il m'était arrivé un truc aussi.
23:57Tu sais, on mettait une assiette comme là.
23:58Oui.
23:59Alors, le gars, il me disait,
24:01je jouais à l'heure de l'apéritif, tu vois.
24:04Il me dit, il faut mettre une scoop.
24:06Et puis, pour faire comprendre au client
24:08que le pourboire, ça marche bien,
24:11vous amorcez la pompe, comme il disait,
24:13vous mettez un billet de 500 francs à l'époque.
24:15Mais ancien.
24:16Oui.
24:17500 francs.
24:18Et le premier jour, au lieu de m'en mettre,
24:19ils m'ont piqué mon billet de 500 francs.
24:21Dans ma scoop.
24:23Alors après, je l'ai collé avec un double collant en dessous.
24:25Tu vois ce que je veux dire.
24:26Faut pas qu'il te pique.
24:27Quand il piquait mon billet, il piquait l'assiette avec.
24:30Ça s'entendait au moins.
24:32Alors avec Vidalin, tu composes la femme du combrioleur.
24:34Oui.
24:35C'est un chef d'oeuvre.
24:36Un chef d'oeuvre.
24:37Absolument.
24:38Et alors là, vous allez en finale du grand prix de la chanson à l'ABC.
24:40Alors l'idée de la chanson...
24:41Attends, mais attends, c'est marrant,
24:42parce que l'idée de la femme du combrioleur,
24:44c'est rigolo par rapport...
24:45Parce que c'est une chanson qui parlait des deux femmes,
24:47la femme du combrioleur et la femme du flic.
24:49Oui.
24:50Et qui était tout le temps en colère
24:52de ne jamais voir leur mari la nuit,
24:54parce que l'un était en train de voler
24:55et l'autre était en train de courir après l'autre.
24:56C'était amusant.
24:57Une jolie idée.
24:58Un triomphe.
24:59C'est un grand tube international.
25:01Mais non, c'est d'ailleurs...
25:02Plus tard, Sacha Guiris s'est inspiré de votre chanson
25:04pour faire Assassins et voleurs,
25:05avec Poirier et Ferrand, je te signale.
25:07Ah ben bon, alors voilà.
25:08C'est tout ce que j'avais voulu.
25:09Ah ben alors, tu vois,
25:10j'ai pas été complètement inutile.
25:12Non, non.
25:13Et alors là, tu vois Pierre Delannoyer aussi.
25:15J'étais pianiste Marie Bizet.
25:17C'est ça.
25:18Et lui, il venait lui écrire des chansons.
25:20Et Jacques Pils,
25:21vous avez écrit Un midi sur les Champs-Élysées ?
25:24C'est quoi ça, ces chansons ?
25:26Tu connais pas ce chef d'oeuvre ?
25:28Non.
25:29Un midi sur les Champs-Élysées ?
25:30Qu'est-ce que c'est, Un midi sur les Champs-Élysées ?
25:32Un midi sur les Champs-Élysées.
25:34Immortel.
25:35Personne connaît, laisse tomber.
25:39En fait, ça m'a quand même fait faire le tour
25:42de l'Amérique du Sud.
25:43Ah oui ?
25:44Parce que Pils me dit,
25:45bon ben, on va chanter ça si vous y tenez vraiment.
25:48Mais par contre,
25:49vous pourriez me l'accompagner à l'Amérique du Sud.
25:51Et il m'avait dit, voilà,
25:53alors je ne vous paye pas beaucoup.
25:55J'aime pas quand ça commence comme ça.
25:57Oui.
25:58C'est mauvais signe.
25:59Enfin.
26:00Je ne vous paye pas beaucoup.
26:01Par contre, vous êtes nourris, logés,
26:03vous vivez la grande vie avec moi et tout ça.
26:05Et j'ai fini quand même au bordel.
26:07Ah.
26:08Non, attention.
26:09Ni comme client, ni comme pensionnaire.
26:12Comme pianiste.
26:13Non, non plus.
26:14J'habitais là parce que c'était moins cher.
26:16Ah oui.
26:17C'est pas désagréable.
26:19Je ne sais pas si c'est désagréable.
26:21Je connais pas votre expérience,
26:23mais la mienne était normale.
26:25Ah bon, tu ne montais jamais dans les chambres ?
26:27Une fois de temps en temps.
26:29Ah ben quand même.
26:30Oui, parce que je ne pouvais pas en rester là.
26:32Il fallait bien faire quelque chose.
26:34Il fallait être poli, disons.
26:35Puis là, vous écrivez une belle chanson,
26:36Carte Postale, que Montand va chanter.
26:38Oui.
26:39Alors ça, c'est quand même le début.
26:40Là, ça commence à bouger.
26:41Exact.
26:42Ça commence à bouger.
26:43Je me souviens, j'étais allé voir Simone et Montand.
26:46Et il a chanté.
26:47Il a très bien chanté.
26:48Carte Postale, en noir ou en couleur.
26:51Et pour Pierre, j'ai crié,
26:52j'ai crié Sa gueule, sa madame, j'étais dans la peau.
26:57Je ne sais plus quoi d'autre.
26:58Enfin, plein de choses.
26:59Et tu deviens le pianiste de Jacques Pils, donc.
27:02Et là, on apprécie ta présence de pianiste,
27:04parce que tu n'étais pas seulement un pianiste ordinaire,
27:06tu participais au spectacle.
27:09Mais enfin, étant donné qu'il n'y avait pas d'orchestre,
27:11il n'y avait que le piano et le chanteur,
27:12il fallait quand même qu'il se fasse quelque chose.
27:14Puis j'aimais bien.
27:16Moi, je n'ai jamais vu chanter Jacques Pils.
27:18C'était vraiment, il avait beaucoup de charme.
27:21C'était exactement ce qu'on ne voit plus aujourd'hui.
27:24C'était, si tu veux, un André Claveau réveillé.
27:29C'est une jolie définition.
27:32Tu vois ce que je veux dire.
27:33André, tu le connais bien.
27:34Moi aussi, je l'aime beaucoup.
27:36Mais c'était un chanteur de charme, bien clair, net.
27:39Tandis que Pils bougeait un peu.
27:42Alors André, c'était charme, charme.
27:44Alors que Pils, il chantait un peu moins bien,
27:47mais il bougeait un peu plus.
27:49Donc vous apportez « Jeter dans la poire » à Édith Piaf.
27:51Édith Piaf prend la chanson et Pils.
27:53Elle prend la chanson et Pils.
27:54Et moi, on me laisse sur le carreau.
27:55Mais la grande chose qu'elle a fait d'extraordinaire,
27:57c'est qu'elle m'a présenté Louis Hamad.
28:14Alors Gilbert Becaud, on en est à monter à Paris.
28:16Tu es le pianiste de Jacques Pils.
28:18Vous avez fait une très, très belle chanson pour Édith Piaf,
28:21« Jeter dans la peau ».
28:22Et puis, Édith, pour laquelle tu as une admiration inconditionnelle,
28:27en tout cas pour la chanteuse,
28:29parce que c'est un personnage extraordinaire,
28:32te présente Louis Hamad, qui est poète et sous-préfet de Versailles.
28:37C'est comme dans un conte de Pagnol ou d'Odé.
28:40Et Louis, à ce moment-là, c'est une grande histoire entre nous.
28:46Une grande tranche de vie, si tu veux.
28:48Et on écrit une chanson, la première, qui s'appelait « Les Croix ».
28:54Je ne peux pas te citer le nombre de chansons qu'on a écrites avec Louis,
28:57parce que ce serait trop long.
28:59Mais la dernière qu'on a écrite ensemble,
29:02c'est « Les âmes de l'allée » pour faire un raccourci saisissant.
29:07C'est le grand cadeau qu'elle m'a fait.
29:08Louis, il écrivait des poèmes comme ça,
29:12c'est parce qu'il n'a pas écrit des chansons pour d'autres.
29:14Non, il écrivait avec Valberne des chansons,
29:17il écrivait avec d'autres et pour d'autres.
29:19Ah, déjà ?
29:20Oui, oui.
29:21Et c'est un jour, Yvannot, où Louis m'a dit
29:25« Écoute, mon Gilbert, je ne sais pas le tout, il faudrait que tu chantes tes chansons. »
29:30Alors, j'ai dit « Chanter mes chansons ? »
29:34« Chanter ? Ah, chanter. »
29:37« Mais oui, mais oui, dit-il. »
29:39Le soir, je me souviens qu'avec mon ex-femme, on a tellement ri.
29:42Mais tellement ri.
29:45Parce que je lui ai dit « Tu sais, je crois que je vais chanter. »
29:50Tu t'imagines, la crise de rire.
29:53La crise de rire de la soirée.
29:55Moi, chanteur, tu t'imagines ?
29:58Mais d'ailleurs, franchement, honnêtement,
30:01c'est très drôle dans la vie, quand je me regarde dans la glace le matin et que je me rase,
30:05je me dis « Je suis chanteur, tu vois, chanteur. »
30:08Je n'arrive pas à m'y faire.
30:10D'autres aussi, d'autres non plus.
30:13Alors, tu fais aussi une chanson très belle avec Asnavour, qui s'appelle « Viens ».
30:16On en a fait beaucoup, on a fait « Viens », « Méké, méké ».
30:21Plein de chansons.
30:22« Les Croix », ça devient un énorme succès.
30:25« Triomphe ».
30:27Edith le chante, d'ailleurs.
30:28Et c'est la première chanson, il faut le rappeler,
30:31qui est diffusée sur Europa en 1955, à son démarrage.
30:37C'est-à-dire, d'ailleurs, le mot « Europe 1 »,
30:39c'est un mot qui est né dans mon salon, au Chenet.
30:44Et on a décidé, à cette époque-là, avec Merlin, avec Lucien Maurice,
30:48toute l'équipe de l'époque, d'appeler ça « Europe n°1 ».
30:53Et la première chanson qui est passée sur l'antenne de « Europe n°1 »,
30:56c'est « Les Croix ».
30:57C'est « Les Croix ».
30:58C'est marrant.
30:59Ça serait bien de l'entendre, « Les Croix ».
31:00C'est sympa. Bonjour tout le monde. Champagne pour tout le monde.
31:08Alors, Gilbert Bécaud, je suis content que tu sois avec nous cet après-midi.
31:11Moi, ce que je serais content, c'est que les gens qui nous écoutent actuellement,
31:16s'ils pouvaient écouter ce que l'on dit entre les moments où il se passe des pubs,
31:20ou des trucs comme ça.
31:21Ça, c'est pour la postérité, ça.
31:23Pour plus tard.
31:24Ce que tu m'as dit tout à l'heure.
31:25Tu sais, au moment où tu m'as dit,
31:26« Il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec ce qu'on dit,
31:29c'est-à-dire qu'ils ne sont pas d'accord avec ce qu'on dit,
31:31c'est-à-dire qu'ils ne sont pas d'accord avec ce qu'on dit,
31:34Ce que tu m'as dit tout à l'heure.
31:35Tu sais, au moment où tu m'as dit.
31:39Ça, ils auraient adoré ça, les gens.
31:41Oui, c'est un poète.
31:44Alors, on enchaîne, ses auteurs, c'est Louis Hamad,
31:46on en a parlé tout à l'heure,
31:47Delanoé, instance à Nauvoo,
31:48Vidana viendra, plus tard,
31:49Alors, les premières chansons,
31:51«Balade et baladin, m'équer, mequer, viens, c'était mon copain,
31:54je t'attends, quand tu danses, mes mains, en mes mains,
31:57je crois que tous les matins, je me mettais ça, les mains,
32:00et puis tu fais ton service militaire comme caporal aviateur
32:03à la base aérienne du Bourget
32:05qui est un raccourci à cause de tes exploits de résistants
32:09et puis c'est dans cette tenue que tu chantes en public pour la première fois
32:13à Versailles
32:14le 24 décembre 1952 au Rotary Club. Tu t'en rappelles de ça ?
32:18Oui je me souviens.
32:20La première fois où je chantais en public
32:25c'est parce que
32:27ma femme et moi on était fauchés
32:31et puis il y avait un petit garçon Gaillard
32:33je me souviens plus s'il était en gestation ou s'il était déjà là
32:36on n'avait plus de sous, on n'avait pas de quoi se payer
32:41un gueuleton pour Noël
32:42alors il m'avait
32:44offert 500 anciens francs
32:47mais à l'époque c'est comme 5 francs aujourd'hui si tu veux
32:49et un gueuleton
32:50et j'ai chanté devant
32:52à Versailles. Ça c'était pas le coup du Rotary
32:57le Rotary c'était plus tard
32:59et je ne me souviens plus comment ça s'appelait
33:01j'ai fait un bide évidemment monstrueux parce que je hurlais encore plus qu'aujourd'hui
33:05tu sais quand on ne sait pas chanter on crie
33:07on se protège
33:10et voilà alors on avait eu notre gueuleton avec ma femme quand même pour la Noël
33:13mort de rire parce qu'elle me disait ce que c'est mauvais tu peux pas savoir
33:16c'est à hurler je lui ai dit oui
33:22Enfin un Rotary Club tu as un triomphe, un accueil enthousiaste et puis
33:26Ahmad te dit l'an prochain
33:28pour Noël où que ce soit ton cagette de réveillon sera de 100 000 francs
33:32et c'est lui qui
33:34te prend comme un poulain, il s'occupe de toi. Oui non mais c'est vrai
33:38il était à la base de tout. Ce qui était formidable c'est qu'il m'arrivait
33:41après quand ça commençait à marcher un petit peu
33:43j'arrivais à faire
33:453, 4 ou 5 camarades dans la soirée tu sais
33:49et je m'accompagnais au piano il y a un jour il m'est arrivé un accident
33:53tu vois ce pouce qui est là
33:55où il y a une marque, le pouce à la main gauche donc une petite cicatrice
33:59et j'avais un gros pansement, une grosse poupée impossible de m'accompagner
34:03et là il fallait que je prenne un pianiste
34:05et tu sais comme c'est difficile
34:07quand un interprète passe
34:10c'est comme si tu avais mis Brassens sans sa guitare
34:13tu vois le portrait
34:15tu vois Brassens sans sa guitare, tu vois Brassens, les bras pendants devant le micro
34:20l'enfer, le mètre ou le mètre et demi ou les deux mètres qui te séparent
34:25du piano
34:26à passer devant comme un vrai chanteur
34:30ces deux mètres là sont infernales ou infernaux comme tu veux
34:34c'est épouvantable, c'est épouvantable, je me souviens Louis m'a dit ce soir là
34:37bon mon Gilbert si c'est comme ça demain, c'est une catastrophe, il faut tout laisser tomber
34:42je n'avais jamais chanté, j'étais protégé par mon piano, protégé par ma commode
34:46tu comprends j'étais protégé derrière mon truc
34:48tu vas, tu viens, tu parles
34:51et que tu chantes debout ça n'a plus rien à voir
34:53et là tu n'as plus de micro je te dis tout de suite
34:56c'est pas grave, c'est pas stéréo, vous êtes maintenant en FM machin
35:01non mais c'est extrêmement différent
35:03oui mais est-ce que tu sentais quand même quelque part
35:05est-ce que tu avais un pouvoir sur le public
35:08j'ai eu conscience immédiatement du trou et du silence
35:13ça je m'en souviens comme si c'était hier
35:16conscient du silence, quand tu joues quelque chose
35:18et que d'un coup tu plaques un silence
35:20tu plaques si je dois dire un silence
35:23tu bloques tout et tu fais un silence
35:25et ce silence là a une certaine qualité que tu connais toi
35:28et ça j'en ai toujours été extrêmement conscient
35:31tu t'en souviens de ça ?
35:31du silence
35:33alors tu fais, j'ai un contrat avec Patel Marconi
35:36qui était à ce moment là, vous avez chez eux
35:39excusez-moi du peu
35:40Charles Trainet, Tino Rossi, Edith Piaf et Luis Mariano
35:43et le béco il entre dans tout ça tranquille
35:46Luis Mariano est un très bon ami à moi
35:48un type fantastique
35:51humainement ?
35:52humainement et puis un type de qualité
35:56alors le 2 février 53 t'enregistres ton premier disque
35:59le soir de la naissance de ton fils
36:01oui j'étais en train d'enregistrer Les Croix
36:03il y a eu le téléphone
36:04et on m'a dit c'est un garçon
36:07alors j'ai payé un coup à tout l'orchestre
36:08parce que m'enregistrer dans une direction là
36:10ça m'a coûté une fortune, j'ai eu beaucoup de temps à m'en remettre
36:12mais c'était un garçon et c'était Gaillard
36:14c'était un beau cadeau
36:16ouais
36:17alors et puis là je vais te dire
36:19c'est là où j'ai un souvenir très précis avec toi
36:21parce que la première personne que j'ai connue
36:23qui me connait c'est toi
36:25car on m'a emmené chez tonton
36:27au Libertis, où tu passais
36:30et j'avais 20 ans
36:33et j'ai vu celui-là qui a chanté
36:35ah c'était magnifique
36:35Oudrador ou un truc comme ça
36:37il y avait Marguerite Moreno qui disait
36:39elle passait de mal armée à Verlaine
36:42on n'imagine pas aujourd'hui dans un...
36:44avec des tunnels à la folle de Chaillot
36:45oui avec des tunnels à la folle de Chaillot
36:46et puis Gilbert
36:48et Gilbert qui...
36:49et Fernand Sardou le père de...
36:51et Fernand Sardou
36:52et puis on ne peut pas imaginer que ces gens-là
36:53qui étaient de bonne qualité
36:55il y avait entre Lagacan
36:57le roi de Scie, le prince de Saint-Denis
37:00cassaient aucune chaise
37:01mais ils étaient pétrifiés
37:03oui parce que je chantais très fort
37:05et avec mon jouant très fort du piano
37:06ah oui je me rappelle de ça
37:08ça a toujours été un peu la peur qui m'a donné ça
37:10ah c'était beau ça, c'était bien
37:12il y a quand on m'a souvent accusé, si tu veux
37:15parce qu'à l'époque c'était une accusation
37:16maintenant on permet tout
37:17alors donc ça va
37:18on permet trop même
37:20c'est de chanter de dos au public
37:22c'était uniquement pour récupérer
37:24dans les yeux de mes camarades
37:25des musiciens qui étaient derrière moi
37:26une force, tu vois ce que je veux dire
37:28parce que je dépensais trop à la face
37:30il fallait absolument que je récupère
37:32et je le fais encore
37:34mais inconsciemment
37:35c'est-à-dire je me tourne de dos
37:36souvent pour récupérer de la puissance chez eux
37:41mon magasin est né
37:42et il repartira avec la dernière
37:44tu vois que finalement
37:45on est marqué à jamais
37:47par son enfance, sa jeunesse
37:48et tous ses débuts
37:49parce qu'on se...
37:50même encore aujourd'hui où il y a beaucoup de métiers
37:52l'émotion, la peur
37:55le besoin de donner
37:57on le retrouve au moment où le réseau se lève
38:00c'est sûr mais tu sais quand tu dis le mot métier
38:01je veux dire tu sais très bien que ça veut rien dire
38:03non rien
38:04je veux dire ça veut rien dire pour des gens comme nous
38:06parce que je veux dire on donne tellement
38:08mais c'est vrai il faut bien le dire à un coup
38:09de temps en temps, c'est vrai
38:11on nous donne tellement aussi, attention
38:13mais on donne tellement que le métier
38:16moi je m'aperçois pas que j'ai du métier si tu veux
38:19j'ai quelques parades
38:20j'ai quelques parades qui m'empêchent de tomber
38:22voilà c'est ça je veux dire
38:23mais c'est tout, c'est d'une fragilité
38:40alors Gilbert on a parlé de tes débuts là
38:43qui deviennent maintenant
38:45tu deviens de venette là
38:46après Tonton tu vas chanter au Drador à la Villa d'Est
38:49tu fais 3-4 cabarets
38:51à la Villa d'Est il y a un plateau du toner
38:53il y avait Aznavour, Brassens
38:54attends il y avait Aznavour, Brassens, Daio, Moreno
38:58attends des comiques je me souviens plus
39:04Jean-Henri Montreux comme ça
39:06Beko et il y a une cuisine derrière
39:09oui je me rappelle moi
39:10tu te souviens il y avait une cuisine derrière
39:11et on buvait du vin rouge toute la soirée
39:13on sortait défoncé de cette boite
39:15je me souviens pire que les clients
39:16juste à côté de la Villa d'Est il y avait l'Amiral
39:21exactement
39:22où il y avait Roger Pierre, Jean-Marc Thibault, Jacqueline Maillot, Jean-Richard
39:26c'est ça Jean-Richard, Jean-Richard
39:28moi j'étais à ce moment là avec
39:30et on finissait tous au bistrot d'à côté pour dîner le soir
39:32Virginie Vitry qui passait en attraction
39:34à la fois chez Solidor qui était en face
39:36Solidor
39:37tu te rappelles de ça ?
39:38oh Solidor
39:39et Suzy les vieux combattants
39:40oh oui mais c'est ça je te jure
39:42mais c'est ça
39:43c'est les anciens
39:44non non c'est les anciens c'était merveilleux
39:46et en face il y a Yann Sancart qui vous cause
39:48ah non c'est beaucoup plus drôle
39:49tu te souviens Tréville
39:50oui
39:51étranger
39:52je me souviens de la pianiste de Solidor
39:54elle était couchée sur le piano
39:55c'était une pauvre vieille dame
39:56il n'était pas couché
39:57non sur le piano
39:59elle était terrorisée par Solidor
40:00et Solidor disait
40:01maintenant voici Suzy Solidor
40:05et la fausse pianiste se réveillait
40:07et chantait Nico Hélan
40:09ah oui c'était excellent
40:11alors ton premier adressario c'est Johnny Stark
40:14oui
40:15ah je ne savais pas ça
40:16je lui dois des sous encore
40:17ah bon
40:18et puis après Émile Hébé
40:19Félix Marwani
40:20et aujourd'hui c'est Charlie
40:21Charlie Marwani
40:22j'adore l'Africain comme l'appelle Barbara
40:24elle l'appelle l'Africain ?
40:25oui elle l'appelle l'Africain
40:26j'adore Charlie
40:27moi je l'appelle le marabout
40:28c'est pas loin
40:29ou le chameau de temps en temps
40:32d'ailleurs ton premier gala hors de France
40:34c'était à Casablanca
40:35tu vois que tout s'enchaîne
40:36d'être à Casablanca
40:38et puis tu es vedette à l'Olympia pour la première fois
40:41le 5 février 1954
40:44tu étais vedette américaine du spectacle
40:46avec Lucienne Delisle
40:47Aimée Bareilly
40:48Aimée Bareilly
40:49hein ?
40:50c'est là que tu as trouvé ton costume bleu
40:54ta cravate à poil
40:56et tout ça
40:57écoute je vais te dire franchement
40:59j'ai tellement menti sur ma cravate à poil
41:01que moi même je ne m'y retrouve plus
41:03tu vois ça c'est malin
41:04je ne sais plus où est la vérité
41:05je pourrais être vraiment honnête
41:07j'ai beaucoup menti
41:08c'était France Dimanche
41:09ici Paris
41:10Rustica
41:11oh là là Rustica
41:13le chasseur
41:15j'ai tellement menti
41:17honnête je ne sais plus
41:19tu avais ton costume bleu
41:20et ta cravate à poil
41:22oui je crois que c'est à l'époque
41:24les propriétaires
41:26particuliers
41:28et très gentils de la ville à l'est
41:30qui t'avaient offert ton costume
41:31oui
41:33avec des chaussures en dents
41:35c'était un peu spécial
41:37ça tu l'as changé
41:39ça j'ai changé oui
41:41mais c'est beau d'être fidèle
41:42c'est vrai qu'on se rappelle maintenant
41:43de la robe noire d'Edith
41:45et de ton costume bleu
41:46et ta cravate à poil
41:47c'est important d'avoir une silhouette
41:49et d'avoir
41:51tu sais si je l'ai gardé
41:53c'est parce que je n'ai pas eu le courage
41:55de l'enlever d'abord
41:56et si je l'ai adopté
41:58je ne m'en suis pas aperçu
41:59tu vois ce que je veux dire ?
42:00il y a des enchaînements
42:01et actuellement
42:03est-ce que tu es superstitieux ?
42:05non
42:07il croise ses doigts et il me fait des signes
42:09non
42:10il est fou ce bécot
42:11oui
42:12alors bon
42:14au moment où tu passes en face de ta table olympia
42:16tu décides de consacrer la matinée
42:18qui précède la soirée de la première au jeûne
42:20ah non mais c'est après
42:22c'était au deuxième passage
42:24c'était six mois après je crois très vite
42:26alors là tu fais une matinée pour les jeunes
42:28oui on était en train d'ailleurs
42:30de déjeuner avec Bruno
42:32Cocatrix
42:34et on avait dit sur présentation des cartes d'étudiants
42:36vous venez ou gratuitement ou admittail
42:38je m'en souviens plus
42:39enfin je crois que c'était gratuitement
42:41et on était en train de déjeuner tranquillement tous les deux
42:43enfin lui déjeunait parce que moi je ne déjeune jamais
42:45et là quand on est arrivé
42:47on s'est dit qu'est-ce qui s'est passé
42:49on avait fait ça comme ça
42:51tu sais s'il n'y avait pas de planning
42:53comme on fait aujourd'hui
42:55c'est un truc extraordinaire
42:57c'était un peu de l'artisanat encore
42:59on ne s'était pas rendu compte de l'impact que ça avait donné
43:01il y avait une foule énorme
43:03qui cassait tout
43:05au lieu de rentrer un par un
43:07ils rentraient 100 par 100
43:09ce qui changeait tout le problème des portes
43:11alors on passait à travers les portes
43:13vous étiez vraiment l'idole des jeunes
43:15c'est ça
43:17non mais c'est vrai
43:19et alors là ils ont tout cassé
43:21c'était un délire
43:23oui mais c'était pas tout cassé d'une façon désagréable
43:25c'était pas que je te déboulonne les fauteuils
43:27non c'était pas ça
43:29c'était sympa
43:31t'étais heureux
43:33alors t'es devenu un peu le fétiche de l'Olympia
43:35parce que finalement t'es le seul
43:37à avoir fait autant l'Olympia
43:39ben je n'ai jamais changé de théâtre
43:41oui t'as toujours été
43:43j'ai jamais chanté au palais des congrès
43:45j'ai jamais changé d'auteur
43:47j'ai très rarement changé de musicien
43:49avec les femmes t'as changé un petit peu
43:51on va enchaîner
43:53je n'ai pas changé beaucoup
43:55non ça c'est vrai
43:57allons jusqu'au fond
43:59des choses
44:01finis tes phrases
44:03finis tes phrases
44:19on est en train de délirer
44:21sur ta jeunesse, sur tes succès
44:23sur tes débuts
44:25on a parlé beaucoup de l'Olympia qui est une maison
44:27qui te doit beaucoup
44:29et que tu aimes
44:31c'est une maison magique
44:33faut pas s'y tromper
44:35Bruno Cocatrix c'était quelqu'un
44:37ouais
44:39il prenait des risques considérables
44:41qu'il a pu prendre comme risque
44:43des coups de folie
44:45non des risques tout court
44:47des risques
44:49en 54 tu reçois le grand prix du disque
44:51c'est Vincent Oriol
44:53les mains de Jean Cocteau
44:55c'était un plus
44:57formidable
44:59en 55 ta première tournée aux Etats Unis
45:01où tu deviens là une star
45:03et puis
45:05c'est pas tout à fait vrai ce que tu dis
45:07j'ai jamais été une star
45:09un chanteur star aux Etats Unis
45:11t'es très connu
45:13toutes tes chansons sont très connues
45:15c'est pas pareil
45:17les chansons sont beaucoup plus connues que moi
45:19et
45:21et ça en est devenu
45:23non pas à cause de beats successifs
45:25parce que je faisais beaucoup de succès à chaque fois
45:27et j'en viens d'ailleurs
45:29je viens de faire une série de concerts
45:31mais c'est trop astreignant
45:33c'est à dire qu'à ce moment là il faut habiter les Etats Unis
45:35c'est grand tu les fais pas 2000 par 2000
45:37au moins il faut les faire 2 millions par 2 millions
45:39c'est pas pareil
45:41alors moi j'ai jamais voulu ça
45:43parce que je peux pas vivre vraiment aux Etats Unis
45:45je peux y travailler mais vivre je peux pas
45:47en 60 tu crées la télévision
45:49une très jolie cantate l'enfant à l'étoile
45:51hein
45:53mondovision
45:55en 62 c'est l'opéra d'Aran
45:57d'Aran
45:59Aran, non mais ça c'est en français
46:01ah oui parce que j'ai vu que tu regardais les yeux
46:03d'un coup j'ai dit ça rime plus
46:05l'opéra d'Aran
46:07l'opéra d'Aran sort
46:09on l'a fait
46:11au théâtre des Champs Elysées
46:13et puis en 63
46:15tu fais des longues tournées dans le monde
46:17et puis Nathalie c'est un triomphe
46:19qui fait le tour du monde là encore
46:21bon après on va pas énumérer toutes les chansons
46:23et tous les succès
46:25simplement en 74 tu es nommé
46:27Chevalier de la Légion d'Honneur et maintenant
46:29tu es officier
46:31et le cinéma dans tout ça
46:33alors explique moi le cinéma pour moi c'est une
46:35je comprends pas
46:37tu as fait du cinéma parce que tu as débuté
46:39en vedette avec
46:41par n'importe qui Marcel Carnet
46:43dans le Pays d'Où Je Viens
46:45qui était scénario et dialogue de Marcel Achard
46:47avec Françoise Arnoul
46:49où Claude Brasseur faisait des
46:51débuts
46:53c'était le premier rôle de Claude
46:55tu avais composé la musique du film, le film a été un succès non ?
46:57oui, le film a été un succès
46:59c'était en 56
47:01le film a été un succès en suite de ça
47:03mais il y a un truc bizarre avec le cinéma et les chansons
47:05Casino de Paris en 57 avec une belle
47:07De Sica et Catarina Valente
47:09Croque Mitoufle
47:11tu tournes de Claude Barma
47:13et puis tu fais la musique de
47:15Babette Savate en guerre
47:17le film de Christian Jacques avec la belle
47:19merveilleuse Brigitte Bardot
47:21et puis tu tournes pas, alors il y a une chose que je comprends pas
47:23parce que il y a beaucoup de chanteurs
47:25qui sont des vedettes
47:27de cinéma aujourd'hui comme Yves Montand
47:29ou Jacques Brel
47:31ou Gilles Berbicou
47:33le seul de l'exemple
47:35ou les deux seuls peut-être serait
47:37Yves
47:39qui a arrêté de chanter
47:41pour faire du cinéma
47:43dans un but précis
47:45Aznavour qui va très bien
47:47mais qui est quand même épisodique
47:49je pense que c'est pas
47:51je ne pense pas
47:53il y a du mal
47:55la seule amie que j'ai dans les chanteurs dans le monde
47:57c'est mon seul complice
47:59parce que je connais pas beaucoup
48:01de chanteurs en fait
48:03et Charles je sais pas comment il se rend compte
48:05on a un petit truc qui
48:07on est ensemble
48:09bon
48:11je veux dire que c'est pas une grande vedette de cinéma
48:13il joue
48:15merveilleusement bien
48:17et quand je le vois à chaque fois je me laisse piéger
48:19parce qu'il est formidablement
48:21un grand acteur
48:23il doit y avoir
48:25un mystère
48:27Jacques Brel n'a pas réussi non plus
48:29à être une vedette de cinéma
48:31quand on est une énorme vedette de la chanson
48:33à part Montand qui a abandonné la chanson
48:35on peut pas devenir
48:37je crois qu'il y a toujours l'image du chanteur
48:39qui est là
48:41mais mes affirmations sont des questions en fait
48:43que je comprends pas
48:45moi je pose la question de savoir
48:47tu dis on n'est pas
48:49une grande vedette au cinéma
48:51mais quand même
48:53quand on voit Charles Asnavour affiché avec
48:55Michel Serrault dans le Fantôme du Chapelier
48:57je parle d'un des derniers films que j'ai vu de Charles
48:59avec
49:01le faible Chabrol où il est remarquable
49:03on met quand même Michel Serrault
49:05et Charles Asnavour
49:07donc je comprends pas
49:09la question que je pose c'est que toi
49:11qui a une tronche, qui a une gueule
49:13qui a le tempérament, qui peut jouer une chose émouvante
49:15et tu es aussi quelqu'un de gay
49:17quelque part
49:19gay à Jailly
49:21comment
49:23les metteurs en scène ne t'ont pas utilisé
49:25je veux dire que
49:27on t'a pas fait de proposition
49:29ou toi t'y as refusé
49:31les films se font quand même longtemps en avance
49:33je veux dire
49:35un petit peu longtemps en avance
49:37et souvent très près
49:39qu'est-ce que vous faites au printemps
49:41au printemps je suis pris
49:43voilà
49:45quelqu'un qui t'aime peut t'attendre
49:47six mois
49:49pour en venir à la réalité
49:51ce que je voudrais maintenant
49:53c'est un appel désespéré à un SOS
49:55je vais faire un trois ou
49:57quatrième rôle
49:59on était toujours à Sète
50:01au festival de Georges Brassens
50:03je chantais
50:05et je le disais
50:07à Lelouch
50:09avec lequel on a fait toute une vie ensemble
50:11je jouais mon personnage qui est très difficile
50:13de se jouer soi-même
50:15c'est pas du jeu
50:17ou si c'est du jeu c'est beaucoup plus difficile
50:19bien sûr absolument
50:21et je lui en parlais
50:23et il m'a promis d'y penser
50:25de voir ça avec moi
50:27mais comment ça va deuxième troisième rôle
50:29parce que je ne veux pas
50:31parce que d'abord je ne suis pas capable de soutenir un film moi tout seul
50:33et d'une si tu me mets en vedette personne ne viendra
50:35et c'est normal
50:37ça je le conçois assez bien
50:39par contre un deux ou troisième rôle
50:41ce que joue Aznavour si tu veux souvent
50:43où il joue comme dans le tambour
50:45un troisième rôle un truc comme ça
50:47un rôle important
50:49marquant je veux dire quelque chose
50:51donnez moi quelque chose à manger j'en crève
50:53j'en crève j'adore ça
50:55j'en peux plus j'adore ça
50:57tu sais quoi tu vas faire comme Bette Davis
50:59qui a eu trois oscars
51:01elle a acheté une page dans Variety
51:03elle a dit j'ai 60 ans
51:05je ne tourne plus depuis 4 ans
51:07pourquoi
51:09j'ai eu trois oscars
51:11et j'ai envie de tourner ça ça
51:13le lendemain Robert Aldrich l'a appelé
51:15il lui a dit voulez-vous tourner Baby Jane avec Madame John Crawford
51:17et sa carrière est repartie
51:19tu veux que je loue une page de François pour dire
51:21qu'on veut faire du cinéma
51:23ce soir en Europe 1 c'est mieux que François
51:25si tu permets
51:27et tu as lancé ton appel du 18 juin
51:29j'espère que Félini t'as entendu
51:31parce que Europe est reçu partout en Europe
51:33et c'est normal
51:35c'est ce qui s'appelle Europe 1
51:37et donc tu vas t'étonner
51:39quand Félini va te demander de passer
51:41ah oui je vais même faire des
51:43bouts d'essai
51:45c'est ça n'importe quoi
51:47on te met un piano au loin
51:49et tu passes à côté du piano et tu ne t'arrêtes pas
51:51et je passe dans le fond
51:53et pourquoi pas
51:55tu me comprends moi
51:57en plus je veux dire
51:59moi spectateur et moi acteur
52:01moi metteur en scène
52:03quand je te vois je te connais
52:05depuis longtemps et je sais
52:07c'est important la présence
52:09la présence que tu as quand on voit la télévision
52:11je ne parle pas de scène bien entendu
52:13c'est encore une autre chose
52:15mais sur la télévision la présence, le regard, la voix
52:17non mais je suis bon
52:19c'est parce que je sais que je suis bon
52:21et ce que je voudrais maintenant
52:23c'est un appel désespéré à un SOS
52:25alors quand tu auras l'idée
52:27d'ici 5-10 ans après le succès
52:29de Madame Rosa
52:31justement ce que je vais te dire
52:33tu fais une toute petite communauté musicale
52:35mais toute petite
52:37avant de rentrer dans ces gros projets
52:39qui sont des toutes petites communautés musicales
52:41et qui coûtent beaucoup de tout
52:43petits millions
52:45je te propose en tout cas officiellement
52:47comme musicien de musique
52:49de certaines de tes pièces de création
52:51je suis là pour te servir
52:53comme il est mignon
52:55et on pensera à la communauté musicale un autre jour
52:57ou bien on jouera à Madame Rosa au Bouffe Parisien
52:59ah oui d'accord, comme il aura amorti là-bas
53:01ah oui c'est ça
53:03alors écoute avant de se quitter
53:05on va écouter
53:07parce que quand même on aime bien quand tu chantes
53:09et quand tu composes des belles chansons
53:11tu vois comme tu es, tu me cites déjà ma carrière cinématographique
53:13ah non mais non tu feras les deux
53:15alors on va écouter encore une fois
53:17c'est une chanson que tu as écrite avec qui encore une fois ?
53:19avec Didier Barmolivien
53:21alors on va écouter encore une fois
53:23et puis Gilbert j'espère que tu passeras des longues vacances
53:25pas trop longues parce que sinon
53:27tu ne travailles plus
53:29je ne suis pas vraiment en vacances, jamais
53:31jamais
53:33je passe d'une chose à l'autre
53:35et puis que demain tu vas être très surpris
53:37quand un des metteurs scène que tu aimes
53:39au cinéma
53:41qui va t'appeler en disant
53:43je ne sais pas sauter
53:45ou quelqu'un qui va être
53:47l'un des metteurs scène que tu aimes bien
53:49je ne sais pas comment je vais glisser dans les 249 concerts
53:51comment je vais glisser
53:53enfin on va quand même s'y débrouiller
53:55un petit rôle, super, voilà ce que je voudrais
53:57je m'éclate avec ça
53:59comme Picasso faisait de la poterie
54:01tu veux aller au cinéma ?
54:03si c'est comme Picasso ça va comme ça
54:05c'est ce que je voulais dire
54:07Arletti dit il n'y a pas de petit rôle
54:09il y a des petits acteurs
54:11il n'y a pas de petit rôle
54:13je l'aime déjà
54:41abonnez-vous
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