• la semaine dernière
Il n'y a pas si longtemps, et ce pendant dix ans, l'Armée rouge a mené une guerre sanglante en Afghanistan. À l'époque, le conflit bouleverse les équilibres géopolitiques et contribue à la chute de l'Union soviétique. Cette opération, supposée éclair pour les Soviétiques, tourne rapidement à l'enlisement. Les États-Unis dirigés par Ronald Reagan y voient une opportunité d'affaiblir leur ennemi juré et arment massivement la résistance afghane.
Pour en discuter, Jean-Pierre Gratien sera entouré de la présidente de l'association du cercle persan, Shakiba Dawod, du chercheur, Olivier Guillard et de l'ancien ambassadeur de France en Afghanistan, Jean-Yves Berthault.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat doc.
00:00:18Souvenez-vous, il n'y a pas si longtemps
00:00:21et pendant 10 ans, l'armée rouge a livré une guerre meurtrière
00:00:24en Afghanistan, une guerre qui, à l'époque,
00:00:27a bouleversé les équilibres géopolitiques
00:00:29qui contribuera à mettre à genoux l'Union soviétique.
00:00:32C'est ce que va nous rappeler le documentaire qui suit,
00:00:35Afghanistan, le tombeau de l'URSS.
00:00:38Là-bas, ce qui s'annonçait, vous allez le voir,
00:00:40comme une opération éclair pour les soviétiques,
00:00:43a rapidement tourné à l'enlisement
00:00:45quand aux Etats-Unis, de Ronald Reagan,
00:00:48ils y ont surtout vu une aubaine pour affaiblir leur ennemi juré
00:00:51en armant massivement la résistance afghane.
00:00:54Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai
00:00:57en compagnie de la présidente de l'association
00:00:59du cercle perçant, Shakiba Dawood,
00:01:02du chercheur Olivier Guillard
00:01:03et de l'ancien ambassadeur de France,
00:01:06Jean-Yves Bertheau, avec eux.
00:01:08Nous nous demanderons si l'Afghanistan,
00:01:10de nouveau dirigé par le mouvement islamique des talibans,
00:01:13est désormais condamné à l'isolement. Bon d'ac.
00:01:18Les chaussures, elles sont soviétiques.
00:01:21Non, peut-être tchèques.
00:01:23Les pantalons, soviétiques.
00:01:25L'arme, soviétique.
00:01:27Ceinturon, soviétique.
00:01:30La veste, soviétique, comme le prouvent les boutons.
00:01:33Le chargeur, soviétique.
00:01:35Le sac à dos, soviétique.
00:01:38Le pâcole, beret afghan.
00:01:39Et ça, c'est une bonne bouille d'Afghan.
00:01:55C'est Radio-Moscou, le service mondial.
00:02:55...
00:03:01Bruits de l'avion
00:03:04...
00:03:12Le 25 décembre 1979,
00:03:15quand les soviétiques sont entrés en Afghanistan,
00:03:18il était 23h, 23h30,
00:03:21quand soudain, nous avons entendu le bruit infernal
00:03:24des tanks et des avions.
00:03:26On s'est levés,
00:03:28on est sortis de la maison,
00:03:31et on a vu des milliers de tanks
00:03:34entrer en Afghanistan par la route du Nord.
00:03:39Et cela a duré des jours entiers.
00:03:44D'après les informations qu'on m'a données
00:03:47et que j'ai pu obtenir,
00:03:49100 000 soldats soviétiques
00:03:53ont ainsi envahi l'Afghanistan.
00:03:58Cette intervention soviétique n'est pas le fruit du hasard.
00:04:02L'Afghanistan est un état tampon
00:04:04coincé entre l'URSS au Nord, l'Iran à l'Ouest,
00:04:07le Pakistan au Sud et à l'Est,
00:04:09et la Chine au Nord-Est.
00:04:12L'URSS et l'Afghanistan ont toujours été
00:04:14les meilleurs amis du monde.
00:04:16La Russie de Lénine a été la première à reconnaître l'Afghanistan
00:04:20lors de son indépendance en 1919.
00:04:23L'Afghanistan sera le premier pays
00:04:26à reconnaître l'Union soviétique en 1922.
00:04:31Tout au long du XXe siècle,
00:04:33les rapports entre les deux pays sont excellents.
00:04:36L'Union soviétique est très présente,
00:04:38avec de nombreux programmes de coopération
00:04:40dans divers domaines, comme l'agriculture,
00:04:43la construction d'infrastructures
00:04:45et la formation de l'armée afghane.
00:04:48Moscou est le premier partenaire économique de Kaboul,
00:04:52mais l'Afghanistan reste un pays indépendant,
00:04:54libre et souverain.
00:04:59Le mariage d'amour et de raison entre les deux pays
00:05:02va paradoxalement prendre fin le 27 avril 1978,
00:05:06le jour où les communistes afghans
00:05:09prennent le pouvoir par un coup d'état sanglant à Kaboul.
00:05:17Musique de suspens
00:05:19...
00:05:22Acclamations
00:05:24...
00:05:28Brejnev, au début, est opposé
00:05:30à l'intervention des troupes en Afghanistan.
00:05:32Il n'est pas opposé à l'idée d'envoyer de l'aide,
00:05:35y compris sous forme de conseillers militaires.
00:05:38L'Afghanistan est plongé dans une guerre civile sanglante.
00:05:41Il y a un chaos qui s'instaure.
00:05:42On ne sait pas trop comment va être résolue la crise
00:05:45au sein du Parti communiste au pouvoir.
00:05:47...
00:05:49Entre mars et décembre 1979,
00:05:53quand l'Union soviétique n'avait pas encore envahi le pays,
00:05:56plusieurs choses évoluent.
00:05:59D'une part, les tensions au sein du Parti communiste afghan en pirent
00:06:02et de plus en plus de membres du parti sont mis de côté.
00:06:05Et même les deux chefs du Parti communiste afghan,
00:06:08Mohamed Taraki et Hafizullah Amin,
00:06:12sont de plus en plus opposés l'un à l'autre.
00:06:15Ce qui va faire changer Brejnev, Davy,
00:06:18ce sont plusieurs choses.
00:06:20Le déclin de la détente.
00:06:23La détente, c'est un peu son bébé.
00:06:25Du point de vue américain,
00:06:27l'Union soviétique abuse de cette période de la détente
00:06:30pour renforcer son emprise sur le monde.
00:06:33Par exemple, en 1975,
00:06:35nous avons la chute de Saïgon au Vietnam du Sud
00:06:37et ensuite la réunification du Vietnam comme pays communiste.
00:06:41Et l'Afghanistan semble correspondre au même schéma.
00:06:45Brejnev, personnellement, était peu enclin à soutenir Amin.
00:06:49Publiquement, il a soutenu et accueilli Taraki à Moscou.
00:06:53Lors de sa visite en 1979,
00:06:56Brejnev lui a dit, ne t'inquiète pas,
00:06:58à ton retour en Afghanistan, tu auras tout notre soutien.
00:07:03Mais lorsque Taraki revient dans son pays,
00:07:05il est arrêté et assassiné.
00:07:07Et ça, Brejnev l'a vu et considéré comme une offense politique,
00:07:11mais aussi et surtout comme une insulte personnelle.
00:07:16Le camarade Amin, ayant tué son rival Taraki, l'ami de Brejnev,
00:07:21il entreprend de nouvelles réformes révolutionnaires,
00:07:23qui ne tiennent pas compte des cultures ancestrales
00:07:26et qui sont mal comprises par la population.
00:07:29Amin, loin de la doctrine Brejnev, n'écoute pas Moscou
00:07:33et provoque les autorités soviétiques
00:07:34en instaurant en Afghanistan une dictature qui opprime le peuple.
00:07:39Au sein de l'armée afghane,
00:07:40beaucoup de militaires désertent et rejoignent le Maquis.
00:07:50À l'automne 1979,
00:07:52les Soviétiques ont très peur que les Américains
00:07:54prennent avantage de cette situation en Afghanistan.
00:07:58Il leur paraissait probable qu'Amin les provoquait volontairement
00:08:01pour déstabiliser la région.
00:08:04En plus, les Soviétiques apprennent qu'Amin aurait rencontré des Américains.
00:08:08Cela s'expliquait simplement.
00:08:10Il avait étudié aux États-Unis.
00:08:13Et soudainement, ces aspects de sa biographie
00:08:15sont devenus suspects aux yeux des Soviétiques.
00:08:20Ils pensaient qu'Amin était un agent de la CIA.
00:08:35Dans le plus grand secret, fin décembre 1979,
00:08:39l'armée rouge envahit l'Afghanistan.
00:08:41Amin est assassiné par les Soviétiques
00:08:44et remplacé par un pion de Moscou fidèle au Kremlin,
00:08:47Babrak Karmal.
00:08:48Un pont aérien sur Kaboul marque le début d'une guerre sanglante
00:08:51qui sera le dernier conflit de la guerre froide.
00:08:54Un conflit qui scellera le sort du bloc communiste
00:08:57et de l'Union soviétique, entraînant sa chute.
00:09:00Une guerre qui va changer la face du monde.
00:09:40Au moment de la réunion
00:09:42entre Brejnev et ses plus proches conseillers,
00:09:45lorsqu'on décide finalement d'intervenir en Afghanistan,
00:09:49d'envoyer les troupes en Afghanistan,
00:09:51le document dont on dispose actuellement,
00:09:53qui est le seul document écrit dont on dispose,
00:09:57s'appelle Sur la situation dans A.
00:10:01Et on met la lettre A entre guillemets.
00:10:03Donc, une espèce de climat ultra-secret,
00:10:06Une partie des membres du Politburo n'est pas mise au courant tout de suite.
00:10:10Ils ne l'apprendront qu'au début de 1980.
00:10:12Alors, que dire de la population soviétique ?
00:10:14Evidemment qu'il y a eu un contingent limité
00:10:18suite à une demande du régime afghan
00:10:21qui était envoyée simplement pour les aider
00:10:24dans un contexte un peu difficile à rétablir l'ordre.
00:10:27Mais ce contingent ne restera pas.
00:10:29Et de toute façon, on n'est pas là.
00:10:31C'est un pays ami, on est là pour l'avenir.
00:10:33Quand on m'a envoyé pour la 1re fois en Afghanistan,
00:10:36la seule question que je me posais était de savoir
00:10:39combien de temps j'allais y rester.
00:10:41Car en Union soviétique, c'était la vie paisible
00:10:44quelle qu'elle soit et quoi qu'on en dise.
00:10:47Et là, je me suis brusquement retrouvé
00:10:50dans une situation tout à fait différente.
00:10:53Je me suis retrouvé à la guerre.
00:10:55Certes, c'était inattendu pour tout le monde.
00:10:58L'objectif était clair, mais il fallait s'y arrêter.
00:11:01L'objectif était clair,
00:11:03mais il aurait fallu déterminer dès le début
00:11:06combien de temps on met pour l'atteindre
00:11:09pour ensuite pouvoir repartir.
00:11:11Les Soviétiques voulaient se retirer d'Afghanistan
00:11:14presque aussitôt arrivés sur place.
00:11:16Ils y sont restés 10 ans, de 1979 à 1989,
00:11:19mais ils n'en avaient pas l'intention.
00:11:21Ils ont cherché une solution pour sortir du pays
00:11:24dès le début de l'année 1980.
00:11:26Lorsqu'ils ont pris cette décision,
00:11:29ils ont fait une erreur.
00:11:31Ils n'ont pas parlé de la durée de l'occupation.
00:11:34Pendant combien de temps nos armées allaient rester ?
00:11:37Un mois ? Un an ? Deux ans ? Trois ans ?
00:11:40Et à mon avis, c'était très important.
00:11:42Et les événements qui ont suivi l'ont démontré.
00:11:45Cette intervention, le déploiement des troupes,
00:11:48a été très positivement accueillie par les Américains
00:11:52parce qu'ils le souhaitaient.
00:11:54Ils voulaient que l'Union soviétique
00:11:57intervienne militairement quelque part.
00:12:00Et il y a eu l'Afghanistan.
00:12:02Quoi de mieux pour eux ?
00:12:04Ils étaient très contents.
00:12:06Car c'était clair que les Etats-Unis
00:12:09et les autres pays occidentaux
00:12:11faisaient tout pour que l'Union soviétique
00:12:14s'enlise dans une guerre pour l'affaiblir
00:12:17économiquement, militairement, politiquement.
00:12:20Et avec l'Afghanistan,
00:12:22c'est exactement ce qui s'est passé.
00:12:26L'armée, les militaires professionnels,
00:12:29comme nous le savons,
00:12:31n'étaient pas très heureux de cette décision.
00:12:34Et ils ont même prévenu les dirigeants civils
00:12:37que c'était une grosse erreur.
00:12:39L'armée soviétique était destinée
00:12:42à combattre une guerre en Europe.
00:12:45C'était leur premier but.
00:12:47Leur mission principale était de protéger
00:12:50l'Union soviétique contre une nouvelle seconde guerre.
00:12:53Contre une attaque de l'OTAN.
00:12:55Et d'être prêts en cas d'attaque nucléaire.
00:12:58Mais ils ne voulaient pas se battre dans les maquis,
00:13:01dans une guérilla en Afghanistan.
00:13:03Et ils le savaient.
00:13:05Ils savaient que ce n'était pas pour cela
00:13:08qu'ils étaient entraînés.
00:13:10Et bien sûr, ils comprenaient
00:13:12que si la guerre ne se passait pas bien,
00:13:15ils seraient tenus comme les seuls responsables.
00:13:18Et ils auraient une mauvaise image.
00:13:22Nous avions de bonnes relations avec les Afghans.
00:13:25Et notre intervention, le déploiement de nos troupes,
00:13:28a été reçu avec joie par la population.
00:13:31Ils nous ont bien accueillis.
00:13:33Mais aussitôt, il y a eu la prétendue résistance.
00:13:37Je souligne ce mot prétendu.
00:13:39Car ils ont tout de suite commencé
00:13:41à recevoir beaucoup d'argent du Pakistan.
00:13:44C'est clair que c'était les Américains
00:13:47qui, à travers le Pakistan,
00:13:49ont reçu beaucoup d'argent.
00:13:51Ca leur était égal contre qui faire la guerre.
00:13:54Ils étaient habitués à le faire
00:13:56pendant toute leur vie.
00:13:58Ils étaient toujours en état de guerre contre quelqu'un.
00:14:01La résistance afghane fondamentale,
00:14:03si j'ose dire,
00:14:05était véritablement spontanée et populaire.
00:14:08Les campagnes se sont soustraites
00:14:10à l'obéissance au gouvernement central,
00:14:13devenu oni, parce que tellement anti-musulmans,
00:14:16entre autres.
00:14:18Nous étions un groupe d'environ 20 ou peut-être 30 moudjaïdines.
00:14:22Beaucoup étaient très jeunes.
00:14:24J'avais de très bons amis dans ce groupe.
00:14:26Qu'ils reposent en paix, que Dieu leur pardonne.
00:14:29Ce sont des martyrs.
00:14:31Nous avons donc programmé
00:14:33et bien préparé l'attaque.
00:14:35J'aurais demandé,
00:14:37vous avez des balins sans bière ?
00:14:39Ils m'ont répondu, oui, on en a.
00:14:41Alors, je leur ai demandé
00:14:43de se renseigner où serait, dans le convoi soviétique,
00:14:46le véhicule qui transporte la réserve de carburant.
00:14:49Dites-moi s'il est au début ou au milieu du convoi.
00:14:52On a attendu que le convoi arrive dans une montée.
00:14:55Et puis, on a d'abord tiré sur le véhicule
00:14:58avec la citerne de réserve de carburant.
00:15:02Ensuite, le convoi a été bloqué.
00:15:05Les blindés ont pris feu
00:15:07et les soviétiques ont tous été tués.
00:15:09Voilà comment ça s'est passé.
00:15:11Et après cette attaque,
00:15:13on a pu récupérer 30 ou 40 armes.
00:15:16Musique sombre
00:15:19...
00:15:48Un de nos groupes s'est retrouvé dans une embuscade.
00:15:57Un de mes amis, que tout le monde connaît ici,
00:16:00commandait ce groupe.
00:16:02Les combats ont été très violents.
00:16:04Certains ont eu la tête coupée
00:16:06ou ont leur crevé les yeux.
00:16:10La première chose que tu ressens
00:16:12quand ton ami est mort,
00:16:14c'est l'envie de le venger.
00:16:17C'est l'envie de me venger.
00:16:23Je pense à ce chargeur
00:16:25qui est dans mon arme
00:16:27et j'ai envie de le vider
00:16:29sur ses ennemis.
00:16:31Oui, le sentiment de vengeance
00:16:34l'emporte sur tout le reste.
00:16:36...
00:16:38La réaction soviétique
00:16:40a été très forte.
00:16:42La réaction soviétique
00:16:44a été ce qu'on pourrait appeler
00:16:46une sorte de génocide par déportation.
00:16:49Pousser toutes les régions
00:16:51situées entre la route circulaire
00:16:53qui relie les villes afghanes
00:16:55entre elles
00:16:56et la frontière pakistanaise
00:16:58ou iranienne.
00:16:59Pousser toutes ces populations
00:17:01de la grosse frontière
00:17:03vers l'extérieur
00:17:05en fonction de la stratégie soviétique
00:17:08utilisée en Asie centrale
00:17:10dans les années 30
00:17:12en cercle, isole, écrase.
00:17:14Cela a mis 3 millions d'Afghans
00:17:16entre les mains des Pakistanais
00:17:18et 2 millions d'Afghans
00:17:20entre les mains des Iraniens,
00:17:22permettant tant aux Pakistanais
00:17:24qu'aux Iraniens
00:17:26de jouer leurs propres cartes
00:17:28et leurs propres préférences
00:17:30dans ce qui devenait
00:17:32une résistance afghane généralisée.
00:17:35...
00:17:37La société soviétique
00:17:39est tenue dans l'ignorance
00:17:41la plus totale de ce qui se passe
00:17:43en Afghanistan.
00:17:44Elle est tenue dans l'ignorance
00:17:46parce que les médias soviétiques
00:17:48sont aux mains du Parti communiste,
00:17:50sont contrôlés,
00:17:51la presse, la radio, la télévision.
00:17:53On n'apprend jamais
00:17:55ce qui se passe réellement
00:17:57à l'étranger
00:17:58à travers les médias soviétiques
00:18:00qui sont filtrés, contrôlés.
00:18:02La popularité du régime soviétique
00:18:04avant l'intervention
00:18:06est très faible.
00:18:07Vous avez un désintérêt au moins,
00:18:09voire une dépolitisation
00:18:11envers le régime.
00:18:12On ne croit pas trop dans le communisme.
00:18:14Vous avez des pénuries
00:18:16pour les choses les plus simples.
00:18:18Un régime qui ne sait pas nourrir
00:18:20son peuple,
00:18:21qu'est-ce que c'est que ce régime ?
00:18:23Cet esprit fragile de rapprochement
00:18:25avec l'Occident
00:18:26va définitivement être tué
00:18:28par l'Afghanistan,
00:18:29puisque les conséquences,
00:18:31on les connaît.
00:18:32Sanctions prises à l'encontre
00:18:34de l'Union soviétique,
00:18:35embargo sur les céréales,
00:18:37embargo sur les technologies,
00:18:39boycott des Jeux olympiques
00:18:41de Moscou de 1980.
00:18:43En termes d'images,
00:18:44l'Afghanistan a été
00:18:45absolument catastrophique
00:18:47pour l'URSS.
00:19:05On arrive à la mort de Brejne.
00:19:07Ces obsèques vont durer
00:19:10plusieurs jours.
00:19:13À la télévision,
00:19:14on verra le cercueil
00:19:16sur la Place Rouge.
00:19:21Je me souviens
00:19:22de ce spectacle
00:19:23absolument soporifique
00:19:25de vieux croutons
00:19:26portant le cercueil
00:19:27des gens du Politburo
00:19:29qui avaient tous plus de 70 ans.
00:19:34Le spectacle affligeant
00:19:36de ces funéras
00:19:37et de ces obsèques
00:19:38est à l'image
00:19:39d'un régime qui est en agonie.
00:19:42À l'agonie,
00:19:43l'Union soviétique l'est.
00:19:45Et la vieille garde au pouvoir
00:19:46désigne un vieil homme malade
00:19:48pour succéder à Brejnev,
00:19:50Youri Andropov.
00:19:53Youri Andropov,
00:19:54on le connaît
00:19:55comme l'homme du KGB.
00:19:56Il a dirigé le KGB.
00:19:58Le KGB,
00:19:59ce sont les services secrets russes,
00:20:00la police politique,
00:20:01double fonction,
00:20:02police politique,
00:20:03service secret,
00:20:04entre 67 et 82.
00:20:06C'est celui
00:20:07auquel on attache
00:20:09une période d'âge d'or au KGB.
00:20:11Grandes opérations
00:20:12qui avaient été lancées
00:20:14sous Andropov à l'étranger,
00:20:16des opérations du KGB
00:20:18en Afrique,
00:20:19en Amérique latine.
00:20:21C'est l'époque
00:20:22où on arrête les dissidents,
00:20:24on les enferme
00:20:25dans les hôpitaux psychiatriques,
00:20:26l'époque
00:20:28des répressions.
00:20:30Alors Andropov
00:20:32a le souci d'engager
00:20:34un dialogue
00:20:36avec les Etats-Unis,
00:20:37mais de fait,
00:20:39lorsqu'il arrive au pouvoir,
00:20:41la situation est presque conquistée.
00:20:43Les relations américano-soviétiques
00:20:45sont très mauvaises.
00:20:46On peut même dire
00:20:47que les relations est-ouest
00:20:48sont très mauvaises.
00:20:49Elles sont entrées
00:20:50dans une phase
00:20:51qu'on ne peut pas qualifier
00:20:52de guerre froide,
00:20:53mais plutôt de guerre fraîche,
00:20:54puisqu'on n'est pas
00:20:55dans l'intensité
00:20:56de la vraie guerre froide,
00:20:57mais on est quand même
00:20:58dans une dégradation
00:21:00des relations est-ouest,
00:21:02qui finalement
00:21:03ne date pas de son accession
00:21:06au secrétariat général
00:21:08qui est antérieur,
00:21:09puisque la dégradation
00:21:11des relations commence
00:21:12en fait dans la seconde moitié
00:21:13des années 70.
00:21:34Je suis pilote
00:21:35dans les forces aériennes
00:21:36de l'armée soviétique.
00:21:38Je m'appelle
00:21:39Vladimir Koleshnikov.
00:21:43Avant de venir ici
00:21:44en Afghanistan,
00:21:46j'avais qu'une vision subjective
00:21:48basée sur ce qu'on me racontait,
00:21:51c'est-à-dire absolument rien
00:21:53en réalité.
00:21:55Mais naturellement,
00:21:57j'ai eu l'occasion
00:21:59d'entraîner
00:22:01mais naturellement,
00:22:03j'avais mes doutes.
00:22:05Et je savais qu'en venant ici,
00:22:08tout pouvait m'arriver.
00:22:10Progressivement,
00:22:11bien entendu,
00:22:12les doutes vont apparaître
00:22:14et les doutes apparaissent
00:22:16d'autant plus
00:22:17qu'on va voir
00:22:19des pertes énormes
00:22:21et que les jeunes soldats
00:22:23qui reviennent
00:22:25pour ceux qui rentrent vivants
00:22:28vont tout de même parler
00:22:29et commencer à raconter
00:22:31les atrocités qu'ils ont subies
00:22:33ou qu'ils ont accomplies
00:22:34puisque les violences
00:22:35ont lieu de part et d'autre.
00:22:37Et tout cela, progressivement,
00:22:39va susciter des critiques.
00:22:42Aujourd'hui,
00:22:44ma mission a été
00:22:45de rechercher des caravanes
00:22:47et d'abattre des cibles.
00:22:51Je pense que les seules personnes
00:22:53qui peuvent comprendre
00:22:54ce que je ressens
00:22:55et ce qu'on vit ici,
00:22:57ce sont ceux
00:22:58qui ont fait la guerre du Vietnam.
00:23:00Ils ont vécu la même chose.
00:23:04Ils étaient exposés
00:23:06aux mêmes dangers que nous.
00:23:07Dans tous les pays,
00:23:08dans toutes les sociétés,
00:23:09les gens s'occupent
00:23:10de leur propre vie,
00:23:12de leurs problèmes du quotidien
00:23:13et en Union soviétique,
00:23:14les gens ignorent tout
00:23:15de ce qui se passe ici
00:23:16en Afghanistan.
00:23:18Mais à notre retour,
00:23:20il y a des gens
00:23:21qui nous poseront des questions.
00:23:23Ils nous poseront des questions,
00:23:26mais je sais déjà
00:23:27qu'ils ne comprendront rien
00:23:28de ce que nous vivons ici,
00:23:29car ici,
00:23:30c'est vraiment
00:23:31une sale guerre.
00:23:34Les fameux cercueils de zinc,
00:23:35selon l'expression terrible,
00:23:37qui renvoient au fait
00:23:38que les dépouilles reviennent
00:23:40dans des cercueils clos
00:23:42et que les familles
00:23:43se sentent finalement
00:23:44privées de leur deuil
00:23:46et évidemment
00:23:49encore plus angoissées
00:23:50parce qu'elles imaginent
00:23:51le pire.
00:23:52Tout cela va participer
00:23:53d'une dégradation,
00:23:56évidemment,
00:23:57de l'image de cette guerre
00:23:59qui n'est plus du tout légitime
00:24:01et qui suscite
00:24:02des interrogations
00:24:04et beaucoup de colère
00:24:06de la part
00:24:07de cette population soviétique
00:24:09qui se rend compte
00:24:10qu'on lui ment,
00:24:11qui se rend compte
00:24:12que finalement,
00:24:13l'armée n'a jamais été
00:24:15la bienvenue en Afghanistan
00:24:17et tout cela va susciter
00:24:19de plus en plus
00:24:20d'incompréhension
00:24:21devant une guerre
00:24:23dont la population
00:24:25ne conçoit plus du tout
00:24:27la moindre légitimité.
00:24:39Il nous arrive
00:24:40de rapporter des cercueils
00:24:41à la maison, au pays,
00:24:45mais je ne me trompe pas
00:24:46quand je dis
00:24:47que le plus difficile
00:24:48dans notre mission,
00:24:49pour moi, mes camarades,
00:24:51c'est de transporter
00:24:52et de ramener des cercueils
00:24:54parce qu'aucune mère
00:24:55n'accepte nos explications
00:24:57sur le fils qui a bien rempli
00:24:59son devoir international
00:25:02et qui était un bon militaire.
00:25:04Pour le cœur d'une mère,
00:25:06l'aimant n'a aucune importance
00:25:08et rien ne pourra remplacer
00:25:09son fils tué.
00:25:12Les consoler, pour nous,
00:25:15c'est vraiment très, très dur.
00:25:27Par le biais de ces fameux
00:25:30cercueils de zinc,
00:25:32va entrer en lice,
00:25:34pourrait-on dire,
00:25:35l'opinion civile,
00:25:37la société civile,
00:25:38les femmes, les mères de soldats
00:25:40qui, finalement,
00:25:42vont incarner une forme
00:25:44de rejet
00:25:45de cette guerre
00:25:47en Afghanistan.
00:25:50C'est une guerre
00:25:51qui est très difficile
00:25:52pour la société civile.
00:25:54C'est une guerre
00:25:55en Afghanistan.
00:25:58Si la société russe
00:25:58rejette cette guerre,
00:25:59l'intervention soviétique
00:26:00en Afghanistan
00:26:01est une aubaine
00:26:02pour les États-Unis
00:26:03qui justifient ainsi
00:26:04leur politique internationale.
00:26:09En 1983,
00:26:10vous avez Reagan au pouvoir
00:26:15et c'est l'année
00:26:15du fameux discours
00:26:16de l'Empire du Mal.
00:26:18Ronald Reagan a construit
00:26:19toute sa campagne électorale
00:26:22sur un message
00:26:23anti-soviétique
00:26:24versus Jimmy Carter
00:26:26qui était accusé,
00:26:27finalement,
00:26:28d'avoir été très faible
00:26:30et d'avoir, finalement,
00:26:32trop donné
00:26:33au moment des négociations
00:26:34pendant la détente
00:26:36et, finalement,
00:26:37de ne pas avoir tiré
00:26:38au mieux son épingle du jeu.
00:26:39Donc, c'est ce message
00:26:40extrêmement fort
00:26:42de Reagan
00:26:43qu'il développe
00:26:44entre, finalement,
00:26:451981 et 1983.
00:26:47Et la thématique
00:26:49de l'Empire du Mal,
00:26:50c'est aussi une façon
00:26:51de justifier les choix
00:26:53qui ont été les siens,
00:26:54les déclarations
00:26:55qui ont été les siennes
00:26:56dans la période électorale.
00:27:02Un discours qu'il prononce
00:27:03devant une assemblée
00:27:05religieuse.
00:27:06Reagan est très conscient
00:27:08qu'aux États-Unis même,
00:27:09il y a un pacifisme
00:27:11de nature religieuse
00:27:12qui peut être un obstacle
00:27:15dans sa politique
00:27:16extrêmement belliciste
00:27:18à l'égard de l'URSS.
00:27:22Reagan sera dépeint
00:27:23dans la propagande soviétique
00:27:24comme le va-t-en-guerre absolu,
00:27:25comme un cow-boy
00:27:26toujours prêt à dégainer
00:27:27et à tirer.
00:27:38Est-ce que nous sommes
00:27:39des occupants,
00:27:40comme ils disent
00:27:41aux États-Unis,
00:27:42en Occident ?
00:27:43Est-ce que nous sommes
00:27:44des occupants
00:27:45comme ils disent
00:27:46aux États-Unis,
00:27:47en Occident ?
00:27:48Est-ce que nous sommes
00:27:49des occupants
00:27:51en Occident ?
00:27:56Est-ce que nous habitons
00:27:57ou occupons
00:27:58dans des palais
00:27:59ou maisons des Afghans ?
00:28:03Non, nous vivons
00:28:04sous des tentes
00:28:05ou dans des maisons
00:28:06que nous avons construites
00:28:08avec nos matériaux.
00:28:13Nous mangeons
00:28:14notre propre nourriture,
00:28:15importée du RSS
00:28:17pour subvenir
00:28:18à nos besoins.
00:28:21La seule chose
00:28:22que l'on prend sans payer
00:28:24dans ce pays,
00:28:25c'est l'air,
00:28:26l'air qu'on y respire.
00:28:33Il n'y a pas
00:28:34de différence
00:28:35entre la guerre
00:28:36d'Afghanistan
00:28:37des Soviétiques
00:28:38et la guerre
00:28:39du Vietnam
00:28:40des Américains.
00:28:41Les Américains
00:28:42au Vietnam
00:28:43espéraient que ce seraient
00:28:44les Vietnamiens du Sud
00:28:45qui feraient la guerre
00:28:46contre les communistes
00:28:47du Nord,
00:28:48que l'armée américaine
00:28:49ne serait là
00:28:50qu'en tant que soutien,
00:28:52en se concentrant
00:28:53surtout sur la formation
00:28:54et les missions
00:28:55de renseignement.
00:28:58De manière similaire,
00:28:59c'est ce que les Soviétiques
00:29:00aussi espéraient
00:29:01que leur armée ferait
00:29:02avec l'armée afghane
00:29:03en Afghanistan.
00:29:04Mais comme au Vietnam,
00:29:05il était très difficile
00:29:06de maintenir la sécurité
00:29:07une fois les opérations
00:29:08terminées.
00:29:11Au Vietnam,
00:29:12quand les forces américaines
00:29:13rentraient à leur base,
00:29:15le territoire
00:29:16était à nouveau
00:29:17aux mains
00:29:18des communistes.
00:29:20Les Américains
00:29:21et les Soviétiques
00:29:22avaient la même tactique.
00:29:23Ils dépensaient
00:29:24beaucoup d'argent
00:29:25pour rallier la majorité
00:29:26de la population
00:29:27à leur cause.
00:29:28Les Soviétiques
00:29:29le pensaient aussi.
00:29:30Ils les aidaient
00:29:31à développer leur économie,
00:29:32leur fournissaient
00:29:33de l'aide,
00:29:34de la nourriture,
00:29:35des soins,
00:29:37pour que la population
00:29:38devienne maniable
00:29:39et redevable
00:29:40envers le gouvernement
00:29:41communiste afghan.
00:29:42Ils ont donc dépensé
00:29:43beaucoup de ressources
00:29:44et d'argent.
00:29:45Mais en fin de compte,
00:29:46comme au Vietnam,
00:29:47cela n'a pas été efficace.
00:29:54Et pour Andropov,
00:29:55qui à ce moment-là
00:29:56est très malade,
00:29:57c'est la confirmation
00:29:58de ses pires craintes.
00:29:59Et on va voir
00:30:00une simultanéité
00:30:01de plusieurs événements
00:30:02qui vont accroître
00:30:03la thèse d'Andropov
00:30:05que les Etats-Unis
00:30:07veulent provoquer la guerre.
00:30:15On va passer
00:30:16par la ville de Sharika.
00:30:18C'est super dangereux
00:30:19par ici.
00:30:22À partir de là,
00:30:23commence la zone
00:30:24la plus dangereuse
00:30:25de la région.
00:30:29Cette route,
00:30:30c'est nous
00:30:31qui la contrôlons
00:30:32de 8h à 18h.
00:30:33Et après,
00:30:34le soir,
00:30:35elle est sous contrôle
00:30:36des moudjaïdines.
00:30:38Ils nous observent
00:30:39et parfois,
00:30:40ils nous tirent dessus
00:30:41dans la journée.
00:31:16Oh boy,
00:31:17we need your hope to live
00:31:20Oh boy,
00:31:21you have so much to give
00:31:24Oh boy,
00:31:25don't let it get you down
00:31:30I'm too young
00:31:33to die
00:31:38I'm too young
00:31:41to die
00:31:46Attention !
00:31:50Descendez les mecs !
00:31:52Lancez-vous,
00:31:53ça tire devant !
00:32:06Il y a une roquette
00:32:07qui est tombée
00:32:08juste devant notre blindé.
00:32:09On va la tirer
00:32:10dans la rue.
00:32:11Il y a une roquette
00:32:12qui est tombée
00:32:13juste devant notre blindé.
00:32:14On va la tirer
00:32:16Je vous félicite,
00:32:17camarades capitalistes,
00:32:20parce que si les moudjaïdines
00:32:21visaient juste
00:32:22avec vos armes,
00:32:23plus personne
00:32:24ne verrait jamais
00:32:25vos images.
00:32:33À partir du moment
00:32:34où les États-Unis
00:32:36ont décidé,
00:32:39après 1985,
00:32:41que cette résistance afghane
00:32:43durait,
00:32:44que l'opinion musulmane
00:32:46internationale
00:32:47était acquise à l'idée
00:32:49que ce n'était pas essentiellement
00:32:51une guerre entre Américains
00:32:53et Soviétiques
00:32:54par Afghans interposés,
00:32:55mais que cette résistance
00:32:56afghane était réelle
00:32:57et profonde
00:32:58et ô combien musulmane,
00:33:00c'est à ce moment-là
00:33:02que les Américains ont senti
00:33:04avec l'administration Reagan
00:33:06qu'ils avaient la couverture
00:33:08politique nécessaire
00:33:09avec leurs alliés pakistanais
00:33:11pour faire parvenir
00:33:12un armement anti-aérien
00:33:14aux groupes de résistants.
00:33:20Mais les Américains
00:33:21n'aident pas ce qu'ils devraient.
00:33:23Si les groupes de résistants
00:33:24déclarent le djihad,
00:33:25la guerre sainte,
00:33:26pour retrouver la liberté
00:33:28et chasser l'armée soviétique
00:33:29de leur pays,
00:33:30certains groupes extrémistes
00:33:32profitent de la situation.
00:33:37Ils s'allient avec les services
00:33:38secrets pakistanais
00:33:39pour duper les Américains.
00:33:41Ainsi, la majeure partie
00:33:42de l'aide américaine
00:33:44des armes et des munitions
00:33:46tomberont entre les mains
00:33:47de groupes fondamentalistes radicaux,
00:33:49à commencer par un groupe
00:33:51dirigé par un certain Ben Laden.
00:34:01Par contre, dans le Panjshir,
00:34:02une vallée du nord-est du pays,
00:34:04un peuple résiste
00:34:05aux attaques soviétiques.
00:34:07Ici, aucune aide américaine n'arrive
00:34:09et la récupération de matériel
00:34:11en tout genre est légion.
00:34:13Dans le Panjshir,
00:34:14il y a des bricolages et système D.
00:34:21Ici, dans la vallée du Panjshir,
00:34:26nous n'avons rien d'autre
00:34:27que des armes soviétiques
00:34:30prises et récupérées sur l'ennemi.
00:34:39À la tête de ces mujahidines,
00:34:40ces résistants,
00:34:42un jeune commandant de 28 ans
00:34:44s'appelle Ahmad Shah Massoud.
00:34:48D'ethnie tadjik,
00:34:49Massoud est ignoré des Américains,
00:34:51mais il va quand même
00:34:52réussir l'impossible,
00:34:53tenir tête
00:34:54et résister à l'armée rouge,
00:34:56pourtant réputée pour être
00:34:57la plus puissante du monde.
00:35:01Je dis clairement
00:35:02que nous n'avons pas
00:35:04de relation directe ou indirecte
00:35:06avec les Américains.
00:35:09Et aux dernières attaques,
00:35:11aucun n'a pas aidé moi.
00:35:13Les articles qui apparaissent
00:35:15aux Etats-Unis,
00:35:17tout n'est pas juste,
00:35:20tout est plein de mensonges
00:35:22et ce n'est pas vrai.
00:35:24Son charme,
00:35:25son charisme naturel
00:35:26et ses exploits militaires
00:35:27contre les Soviétiques
00:35:29feront de lui le symbole
00:35:30de la résistance afghane.
00:35:33On respectait le chef,
00:35:35on aimait l'homme.
00:35:37Mais dans la vallée,
00:35:38outre ses talents de stratège
00:35:39et de combattant,
00:35:40il est surtout reconnu
00:35:41pour avoir mis en place
00:35:42dans le Panjshir
00:35:43les structures d'un système étatique
00:35:45basé sur le respect de l'Islam.
00:35:49Ahmad Shah Massoud était jeune,
00:35:51grand, beau,
00:35:53avec un visage fin,
00:35:55très charismatique,
00:35:57parlant bien, clairement.
00:35:59Il avait une grande influence
00:36:01sur les gens
00:36:03et il était très gentil.
00:36:08C'était une figure exceptionnelle
00:36:10de l'histoire de l'Afrique.
00:36:12L'Afghanistan.
00:36:14Il était populaire.
00:36:16Il n'était pas reconnaissable
00:36:17au milieu des gens.
00:36:19Il était comme du camouflage
00:36:21parmi les gens.
00:36:24Il était avec les gens,
00:36:26sans aucune différence.
00:36:31Concernant ses actions militaires,
00:36:33il ne fait aucun doute
00:36:34que c'était un vrai stratège
00:36:36et qu'il avait un esprit militaire
00:36:38et un talent exceptionnel.
00:36:40Mais ses valeurs humaines
00:36:42étaient beaucoup plus évidentes.
00:36:44Il faut souligner
00:36:46que c'était un grand humaniste.
00:36:50Comme je le dis souvent,
00:36:52c'était l'homme le plus pacifique
00:36:54que j'ai connu,
00:36:56mais qui se retrouvait
00:36:58dans la pire situation, la guerre.
00:37:00Et même lorsque l'Afghanistan
00:37:02était en lutte contre les Soviétiques,
00:37:04il pensait à long terme.
00:37:06Il pensait aux écoles,
00:37:08il réfléchissait
00:37:10à l'éducation.
00:37:12Il préparait des lieux
00:37:14pour que les enfants
00:37:16puissent déjà étudier.
00:37:18Massoud, j'ai des sentiments
00:37:20très positifs à son égard.
00:37:22C'était quelqu'un de très intelligent,
00:37:24cultivé, qui ne prenait jamais
00:37:26de décisions irréfléchies.
00:37:28Il tenait toujours sa parole,
00:37:30aussi difficile que cela puisse être.
00:37:32Et en même temps,
00:37:34c'est quelqu'un qui a vraiment
00:37:36beaucoup fait pour son peuple.
00:37:38Pendant que Massoud résiste
00:37:40à l'armée rouge, à Moscou,
00:37:42la vie soviétique défile lentement
00:37:44sous le regard de Lénine,
00:37:46jusqu'au jour où le vieux Chernenko,
00:37:48qui avait succédé à Andropov,
00:37:50meurt. Nous sommes en mars 1985
00:37:52et c'est un jeune qui lui succède,
00:37:54un nouveau dirigeant soviétique
00:37:56qui va peser sur le destin
00:37:58et de l'Afghanistan et de l'URSS.
00:38:00Alors cette fois,
00:38:02c'est son heure.
00:38:04Mikhail Gorbachev, dauphin d'Andropov,
00:38:06accède au poste de secrétaire général
00:38:09du Parti communiste de l'Union soviétique
00:38:12et sera le dernier secrétaire général.
00:38:14L'homme est aux antipodes
00:38:16de ses prédécesseurs,
00:38:18puisqu'il a une cinquantaine d'années.
00:38:20Seulement, il est né en 1931
00:38:22à Stavropol, dans le Caucase.
00:38:24C'est un homme qui vient de la province.
00:38:26C'est un homme d'origine modeste.
00:38:28Il est petit-fils et fils de paysan.
00:38:30Et il va s'imposer
00:38:32comme un très bon spécialiste
00:38:34des questions agricoles.
00:38:36C'est sa marque de fabrique, pourrait-on dire.
00:38:39Et c'est ce qui va justifier
00:38:41que progressivement,
00:38:43il soit rappelé ensuite à Moscou
00:38:45et qu'il intègre
00:38:47le bureau politique dès 1980.
00:38:50Donc une carrière assez rapide
00:38:52qui tient au charisme du personnage,
00:38:56qui tient aussi encore
00:38:58de ses prédécesseurs,
00:39:00mais pas seulement par son âge.
00:39:02C'est quelqu'un qui a une aisance.
00:39:04Il s'exprime sans notes.
00:39:06Il improvise.
00:39:08Et ça, pour la population soviétique
00:39:11qui observe son comportement,
00:39:13c'est tout à fait nouveau.
00:39:15On le voit allant au-devant de la population.
00:39:18Et ça aussi, c'est quelque chose de très neuf
00:39:21puisque ses prédécesseurs
00:39:23avaient très peu de contact direct
00:39:25avec la population.
00:39:27Gorbatchev visite des usines, il parle,
00:39:29il prend la parole.
00:39:31On le voit s'intéresser de près
00:39:33à la vie quotidienne de ses concitoyens.
00:39:36Donc tous les signaux montrent
00:39:39qu'on est dans une nouvelle ère.
00:39:50Je ne comprends pas à quoi sert cette guerre.
00:39:53Pourquoi faut-il qu'il y ait des millions de morts ?
00:39:57Au nom de quoi on fait cela ?
00:39:59Pourquoi on se bat ?
00:40:02Ici, c'est leur pays.
00:40:05Je pense qu'ils peuvent se débrouiller eux-mêmes
00:40:09et décider de leur avenir.
00:40:12Ils choisiront le parti qu'ils voudront.
00:40:17Notre présence ici n'a aucun sens.
00:40:21C'est une erreur.
00:40:23Musique afghane
00:40:54L'année 1985 a été la plus atroce
00:40:57de toute la guerre soviétique
00:40:59parce que Gorbatchev venait d'arriver au pouvoir
00:41:02et les généraux voulaient persuader Gorbatchev
00:41:05qu'ils pouvaient gagner
00:41:07mais qu'il fallait mettre le paquet
00:41:09avant que l'armementier aérien américain
00:41:12n'arrive dans les maquis.
00:41:14Donc cette année de 1985 a été un labyrinthe
00:41:18de la guerre soviétique.
00:41:20Donc cette année de 1985 a été un laminage
00:41:24des dizaines et des dizaines de milliers de paysans
00:41:27avec leurs troupeaux massacrés.
00:41:29Puis dès que les armes anti-aériennes
00:41:32ont fait leur apparition dans les maquis,
00:41:35il suffisait de la statistique
00:41:37d'un avion ou d'un hélicoptère soviétique
00:41:40abattu par jour
00:41:42pour qu'aucun pilote soviétique
00:41:44n'ait envie de faire partie de cette statistique.
00:41:48Le résultat, quand je parle du jour et de la nuit,
00:41:51c'est que nous qui circulions à travers les maquis
00:41:54de nuit jusqu'en 1985,
00:41:56à partir de 1986,
00:41:58nous circulions de jour et de nuit.
00:42:01Le transport aérien soviétique
00:42:03ne circulait plus que de nuit
00:42:05tellement ils avaient peur d'être abattus.
00:42:07Et dès que les forces d'occupation au sol
00:42:10ont perdu leur soutien aérien,
00:42:12l'occupation soviétique était condamnée.
00:42:15Quand Gorbachev est venu au pouvoir
00:42:19et que la perestroïka a commencé,
00:42:22il a compris, ou plus exactement,
00:42:25je pense que quelqu'un lui a soufflé,
00:42:28que 6 ans en Afghanistan pour nos troupes,
00:42:31c'était beaucoup trop.
00:42:34Beaucoup d'argent de dépensés aussi.
00:42:37Les ressources matérielles, financières,
00:42:40morales, humaines étaient gaspillées.
00:42:43Et ce n'était pas bon pour nous et notre pays.
00:42:47D'autant plus qu'à l'époque,
00:42:49on entendait souvent dire,
00:42:51y compris en Union soviétique,
00:42:53qu'en 6 ans, on n'avait toujours pas réussi
00:42:56à remporter une seule victoire en Afghanistan.
00:43:02L'Afghanistan, c'est de fait une épine
00:43:05dans le pied de Gorbachev
00:43:07parce que c'est une guerre,
00:43:09on l'appelait le Vietnam russe,
00:43:11c'est une guerre dans laquelle
00:43:13l'Union soviétique a des pertes énormes,
00:43:16dans laquelle la population souffre.
00:43:18C'est aussi un problème en politique étrangère
00:43:21parce que, finalement,
00:43:23tant qu'il n'a pas réglé cette question,
00:43:26en Occident, on va le juger
00:43:29avec le regard habituel,
00:43:31en disant que tant que l'affaire n'est pas réglée,
00:43:34tant que cette guerre n'est pas terminée,
00:43:37l'Union soviétique continue
00:43:39de rester dans sa logique antérieure.
00:43:42Donc il lui faut absolument faire la démonstration
00:43:45qu'il est passé à une autre politique,
00:43:47que l'URSS est entrée dans une autre ère.
00:43:50D'où la nécessité cruciale pour lui
00:43:52de régler ce dossier.
00:43:54Tout ne va pas se faire facilement
00:43:56parce que les Américains, au départ,
00:43:58sont extrêmement réservés,
00:44:00puisqu'ils ne savent pas sur quel pied danser,
00:44:03mais progressivement, la confiance va s'installer.
00:44:06Elle s'installe en particulier
00:44:08pour faire beaucoup de concessions.
00:44:10C'est lui qui en fait le plus.
00:44:12...
00:44:35Je suis retourné en Afghanistan
00:44:37en tant que commandant de la 40e armée
00:44:40et chef de toutes les forces soviétiques
00:44:43présentes en Afghanistan.
00:44:45Ma mission était très claire.
00:44:48Réparer la sortie des troupes
00:44:51et évacuer notre armée sans perte.
00:44:54...
00:44:56Comment une petite vallée comme la vôtre,
00:44:58avec 5000 hommes mais seulement 700 armes,
00:45:00arrive à tenir en échec
00:45:02l'armée réputée la plus puissante du monde, l'armée rouge ?
00:45:05Ca, c'est l'ex-structure de la vallée.
00:45:08C'est les montagnes et les rivières.
00:45:10Pour nous, c'est très bien.
00:45:12Et pour l'ennemi, c'est très mauvais.
00:45:14...
00:45:17Massoud a tenu tête pendant 10 ans aux Soviétiques
00:45:20qui n'ont jamais pu prendre son fief,
00:45:22la vallée du Panjshir.
00:45:24Il détient la clé d'un retrait réussi
00:45:26car ses moudjaïdines contrôlent une partie de la route
00:45:29qui relie Kaboul à l'URSS.
00:45:31Avec le général Gromov,
00:45:33l'entente est respectueuse, cordiale.
00:45:36...
00:45:38Avec Massoud, nous ne nous sommes jamais rencontrés
00:45:41dans le Panjshir, mais toujours en terrain neutre.
00:45:44Par exemple, sur la route principale
00:45:47qui relie Kaboul au col de Salang,
00:45:50là où commence la vallée du Panjshir.
00:45:53On se mettait d'accord sur un endroit très précis.
00:45:57Moi, je venais en hélicoptère
00:46:00et lui à cheval ou en jeep,
00:46:02accompagné d'un ou deux de ses gardes, bien sûr.
00:46:06...
00:46:22...
00:46:39...
00:47:10...
00:47:17...
00:47:21...
00:47:27...
00:47:33...
00:47:44Je peux vous affirmer que derrière moi,
00:47:47il n'y a plus aucun soldat soviétique.
00:47:50Ainsi se termine notre séjour de plus de 9 années.
00:47:54...
00:47:55...
00:48:01...
00:48:06...
00:48:14...
00:48:22Quand j'ai traversé le pont, je ne m'attendais pas à être accueilli par mon fils aîné.
00:48:29Je débordais d'émotions et dans le même temps j'étais submergé à la fois par un sentiment de soulagement et de désespoir.
00:48:37Comme je l'ai compris à ce moment précis, j'avais porté sur mes épaules une énorme responsabilité pendant ces longues années
00:48:45et la tension nerveuse était immense car la situation avait été très dure et très compliquée.
00:48:52Cette tension nerveuse a provoqué en moi un sentiment de vide total quand j'ai traversé ce pont.
00:48:59J'avais l'impression que ma vie était finie et oui, intérieurement, je ressentais un grand vide.
00:49:06Pendant ces années 1980, toute ma vie était liée à l'Afghanistan, comme la vie de centaines de milliers de familles soviétiques,
00:49:13comme l'était aussi celle de mes amis et de ma propre famille.
00:49:17Et tout à coup, après cette guerre, arrive le début des années 1990, des années tellement difficiles qu'elles ont détruit notre pays.
00:49:44En effet, en Union soviétique, les slogans changent, la parole se libère et les critiques se font de plus en plus virulentes contre Gorbatchev et le pouvoir.
00:50:02Le peuple demande sa démission et veut de véritables changements.
00:50:14Gorbatchev a échoué avec sa perestroïka.
00:50:25La crise économique frappe le pays de plein fouet, les magasins sont toujours aussi vides et la population ne croit plus ni en Gorbatchev ni en l'avenir radieux du communisme.
00:50:38Mais avec la perestroïka et la glasnost, il a ouvert la boîte de Pandore et initié un mouvement irréversible.
00:50:45L'histoire est en marche.
00:50:50Neuf mois après le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombe.
00:50:57La liberté triomphe.
00:50:59Et même à Moscou, on déboulonne les statues, à commencer par celle de Dzerzhinsky, le fondateur de la Cheka, l'ancêtre du KGB.
00:51:10Le mécontentement s'intensifie et de plus en plus acerbe contre le pouvoir et les républiques réclament les unes après les autres leur indépendance.
00:51:18Les heures du communisme et de l'Union soviétique sont comptées.
00:51:30La guerre d'Afghanistan
00:51:35Elle a été clairement, cette guerre d'Afghanistan, un catalyseur de l'effondrement de l'URSS.
00:51:42Mais elle joue un rôle extrêmement important parce que, d'une part, elle métanue des difficultés militaires,
00:51:52puisque l'armée soviétique n'est pas parvenue à régler sur le terrain la question.
00:51:59Elle métanue le coût militaire que l'économie soviétique et que la société soviétique ne sont plus en mesure de soutenir.
00:52:07Et donc là, ça renvoie aux problèmes structuraux du régime.
00:52:11Et puis, elle métanue aussi ce mythe de l'internationalisme prolétarien,
00:52:16de cette grande puissance soviétique communiste venant en aide aux pays en développement
00:52:22et qui se retrouve contestée brutalement par un petit pays qui tient tête à cette grande puissance.
00:52:30Et tout cela renvoie évidemment à l'URSS des questionnements très profonds sur son identité,
00:52:37sur sa capacité à se développer, sur sa capacité à tenir tête aux États-Unis.
00:52:43Donc il y a beaucoup, beaucoup de choses extrêmement douloureuses en réalité qui se jouent dans cette question afghane.
00:52:52Ce que l'on a appelé « invasion soviétique en Afghanistan » ou « guerre d'Afghanistan »
00:52:57et que Moscou s'est toujours obstinée à nommer en voie d'un contingent limité pour aider un pays frère,
00:53:03se termine en février 1989, au grand soulagement des populations afghanes et soviétiques,
00:53:10toutes deux multiethniques et multiculturelles.
00:53:15L'invasion soviétique ou l'envoi d'un contingent limité, comme disent les russes, est le dernier conflit de la guerre froide.
00:53:23Un conflit au lourd bilan.
00:53:25Entre un million deux cent mille et deux millions de morts côté afghans,
00:53:29vingt mille morts côté soviétiques,
00:53:31et des millions de blessés, estropiés à vie, victimes des mines antipersonnelles,
00:53:36des affres d'une guerre qui a également déplacé dix millions d'Afghans
00:53:40et engendré plus de six millions de réfugiés au Pakistan et en Iran.
00:53:46Une guerre qui va changer la face du monde, car si l'Afghanistan est un pays totalement détruit,
00:53:52il va basculer dans une guerre civile tout aussi sanglante et dramatique,
00:53:56avec plus tard l'émergence des talibans et du nouveau terrorisme international.
00:54:02Et ce n'est pas un hasard si sur cette terre surnommée depuis la nuit des temps le cimetière des empires,
00:54:08l'Afghanistan fut le tombeau de l'URSS.
00:54:12Une union soviétique qui cesse d'exister deux ans et demi après le retrait de ses troupes, en décembre 1991.
00:54:19Voilà 45 ans, la toute puissante armée rouge envahissait donc l'Afghanistan,
00:54:30une opération prévue pour durer quelques semaines.
00:54:33Mais on connaît la suite, que vient de nous rappeler à l'instant ce documentaire-choc réalisé par Nicolas Jallot.
00:54:39L'occasion maintenant avec nos invités présents aujourd'hui sur ce plateau de débats doc,
00:54:44de se demander si l'Afghanistan, de nouveau dirigé par le mouvement islamique des talibans,
00:54:50est désormais condamné à l'isolement.
00:54:52Avec nous, pour commencer, Shakiba Dawood, bienvenue à vous.
00:54:56Vous êtes présidente de l'association Le Cercle Persan,
00:55:00c'est une association franco-persane afghane à but non lucratif,
00:55:04fondée pour promouvoir les échanges socio-culturels entre la France et le monde persan.
00:55:09À titre personnel, vous êtes artiste et militante pour le droit des femmes.
00:55:13Et puis, il y a aussi votre histoire, puisque vos parents ont quitté l'Afghanistan suite à l'invasion soviétique,
00:55:21dont ce film est venu, évidemment, nous rappeler le déroulement.
00:55:25Vous avez ensuite, avec votre famille, regagné l'Iran.
00:55:28Vous êtes née en Iran.
00:55:29Et puis, en 2003, vous et votre famille décidez de revenir en Afghanistan.
00:55:34Vous y resterez pendant six ans avant de regagner la France.
00:55:38À vos côtés, Jean-Yves Bertheau.
00:55:40Bienvenue à vous, Jean-Yves Bertheau.
00:55:41Vous êtes ancien ambassadeur de France en Afghanistan.
00:55:43Vous avez débuté votre carrière à Kaboul en 1979,
00:55:47avant d'y retourner diriger la mission diplomatique française.
00:55:50C'était entre 1997 et 2001, autrement dit, une période où les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan.
00:55:58Et vous avez publié, entre autres, aux éditions Saint-Simon,
00:56:01Déjeuner avec les talibans, révélation d'un diplomate,
00:56:05où vous retracez, dans ce livre, les 40 ans d'histoire entre l'invasion soviétique de 1979
00:56:11et la fin de l'intervention américaine en 2021.
00:56:15Et puis, enfin, avec nous, Olivier Guyard.
00:56:17Bienvenue.
00:56:18Vous êtes directeur en droit international public,
00:56:20chercheur à l'Institut d'études géopolitiques appliquées
00:56:23et directeur du service d'information et d'analyse chez Crisis 24.
00:56:28Une carte, évidemment, pour commencer et resituer l'Afghanistan,
00:56:33plus exactement l'émirat islamique d'Afghanistan,
00:56:36puisque c'est le terme utilisé pour ce pays aujourd'hui.
00:56:40Il nous faut raconter la suite de ce film.
00:56:42Entre 1992 et 1996, ce pays a connu une guerre civile entre factions moudjaïdines
00:56:50divisées selon des critères religieux, ethniques et régionaux.
00:56:55Et puis, les talibans parviendront à prendre le pouvoir à la suite de cette guerre civile en 1997.
00:57:01Vous étiez d'ailleurs, à ce moment-là, vous arrivez sur place.
00:57:05Puis, jusqu'en 2001, arrivent les attentats du 11 septembre 2001.
00:57:10Et suite à ces attentats, pour lutter contre le terrorisme,
00:57:14c'était en tout cas l'objectif.
00:57:17L'OTAN et une coalition internationale dans laquelle figurait la France
00:57:22et qui était dirigée en grande partie par les Etats-Unis,
00:57:25prend le pouvoir aux talibans en Afghanistan.
00:57:29Et ce, pendant 20 ans.
00:57:31Et en août 2021, cette coalition se retirera définitivement.
00:57:35Notamment les Américains.
00:57:36Les Français, eux, partiront d'Afghanistan de cette coalition en 2014.
00:57:41Et c'est François Hollande qui prend cette décision.
00:57:44Comment est-ce qu'on peut qualifier la suite de l'histoire du film que nous venons de voir ?
00:57:49Très rapidement.
00:57:50Très rapidement.
00:57:51Vous avez dressé les étapes importantes de ce mouvement.
00:57:54On voit qu'il n'y a pas eu de phase de tranquillité.
00:57:56Que la population afghane, post-conflit,
00:57:58a continué à subir les affres des affrontements interclaniques,
00:58:03interfactions, mêlées d'influences étrangères.
00:58:06Donc des six voisins, notamment, au moins trois des six voisins de l'Afghanistan.
00:58:11La population n'a pas pu souffler.
00:58:13Le pays n'a pas pu se reconstruire, n'a pas pu se développer.
00:58:16Quand bien même, lorsque la coalition internationale menée par l'OTAN
00:58:20et donc diverses grandes organisations, grandes capitales,
00:58:23s'est employée durant l'espace d'une génération d'hommes, de 2001 à 2021,
00:58:27à essayer de reconstruire, de refédérer, de relancer des dynamiques différentes,
00:58:30apporter un peu d'espoir à la population.
00:58:33Malheureusement, l'ensemble de ces efforts, les sommes consenties,
00:58:36les victimes qui ont payé le coût de ces efforts,
00:58:39il n'est pas assez temps aujourd'hui, quand on se promène en Afghanistan,
00:58:42en se disant où sont passés ces efforts, pourquoi tant de...
00:58:46Ces espoirs n'ont pas été véritablement concrétisés.
00:58:49La population n'a pas de travail, pas de perspective.
00:58:51La situation socio-économique est catastrophique.
00:58:53Tous les indicateurs sont parmi les plus mauvais
00:58:56de ceux mis en place par les Nations unies.
00:59:00C'est une histoire qui est d'une grande tristesse,
00:59:03d'une profondeur entre espérance et désespérance.
00:59:06On n'en voit littéralement pas spécialement le bout.
00:59:09C'est bien dommage, évidemment, en premier lieu, pour les 40 millions d'Afghans.
00:59:12Au-delà de la lutte contre le terrorisme,
00:59:14qui était l'objectif affiché,
00:59:16est-ce qu'il était aussi question d'installer une démocratie en Afghanistan ?
00:59:19Il y a eu des élections libres en Afghanistan durant cette période.
00:59:22Bien entendu. En 2004, en 2009, en 2014, en 2019, la dernière fois,
00:59:25avec à chaque fois un président élu,
00:59:28avec des avants qui étaient ravis de participer aux scrutins,
00:59:31dans des conditions de régularité plus ou moins acceptables,
00:59:34vu les conditions, j'ai eu la chance d'assister,
00:59:36notamment en tant qu'observateur de ces scrutins.
00:59:39Tout ceci donnait beaucoup d'espoir et le sentiment,
00:59:42peut-être en Occident, que les choses allaient se normaliser.
00:59:44C'était mal connaître la situation afghane et ses complexités.
00:59:47Le fait que nous sommes dans une nation
00:59:49et dans un environnement géographique, géopolitique et culturel
00:59:52fort différent, avec des forces modernistes
00:59:55et des partisans plutôt ancrés dans une vision
00:59:58moins avant-gardiste ou moderne de l'Afghanistan,
01:00:01tirant plutôt le pays vers le bas,
01:00:03où l'Afghanistan, malheureusement, aujourd'hui, en 2024,
01:00:06continue un petit peu à se trouver
01:00:09entre deux époques, malheureusement.
01:00:11C'est vrai que cette période a suscité des espoirs.
01:00:14C'est une preuve, en parlant de votre parcours personnel tout à l'heure,
01:00:17votre famille, vous-même, être venue en Afghanistan
01:00:20durant cette période.
01:00:22C'est comme ça que vous voyez les choses, vous, votre famille,
01:00:26à l'époque de votre retour en Afghanistan,
01:00:28après une période d'exil en Iran ?
01:00:30Oui, tout à fait. Je pense que la population afghane
01:00:32était très, très fatiguée à l'époque
01:00:34de toutes ces années de guerre.
01:00:37Il y avait un élan de reconstruction,
01:00:40notamment parmi les jeunes.
01:00:42Moi, j'en faisais partie.
01:00:44Je suis partie de l'Iran
01:00:46pour pouvoir intégrer l'université de Kaboul.
01:00:49J'ai commencé parallèlement à travailler
01:00:52dans une ONG qui distribuait des colis alimentaires,
01:00:57déjà sur Kaboul.
01:00:59Et je voyais, avec les jeunes gens de ma génération,
01:01:04qu'ils avaient tous un objectif commun
01:01:08de participer à cette construction.
01:01:11J'étais très contente de la présence
01:01:14de l'Alliance du Nord et de l'OTAN.
01:01:18Donc la liberté existait ?
01:01:20Toutes les formes d'expression étaient possibles, à l'époque,
01:01:22dans les cercles où vous évoluez, à Kaboul ?
01:01:24Kaboul n'étant pas l'ensemble, bien entendu, de l'Afghanistan ?
01:01:27Il y avait...
01:01:30Comment dire ?
01:01:32Il y avait des formes de liberté.
01:01:35On pouvait se permettre
01:01:38de s'exprimer sur certains sujets,
01:01:41mais il faut savoir qu'on est encore en Afghanistan,
01:01:45dans un pays très traditionnaliste.
01:01:49Même si à Kaboul,
01:01:52les gens ou les familles
01:01:55prétendaient être plus libres,
01:01:58en tout cas après tant d'années de guerre
01:02:01et de l'influence religieuse,
01:02:05je pense qu'il y avait quand même beaucoup de restrictions,
01:02:08même au sein de ma propre famille, j'ai été promis,
01:02:11à mon cousin, par exemple,
01:02:14dans le cadre de notre vie familiale,
01:02:17on n'avait pas le droit, c'est-à-dire que cette confiance n'existait pas.
01:02:21La confiance a été rompue à cause de la guerre
01:02:25et le seul moyen de rester en sécurité,
01:02:29c'était de s'unir entre la famille.
01:02:33Vous avez connu cette période de 1997 à 2021,
01:02:37c'était la première période
01:02:40durant laquelle les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan.
01:02:43Dans quelle mesure est-il possible de comparer
01:02:46cette période d'exercice du pouvoir des talibans
01:02:49avec celle que l'on connaît depuis août 2021,
01:02:52aujourd'hui, dans le pays ?
01:02:55Oui, ça repose sur les fondamentaux des fondamentalistes
01:02:58et donc sur une interprétation
01:03:02extraordinairement rigide de l'islam,
01:03:05l'interprétation des wahhabites
01:03:08ou encore des salafistes,
01:03:11et donc, évidemment, sur le plan social,
01:03:14la situation et l'ambiance
01:03:17sont la même que celles que j'ai connues
01:03:20entre 1997 et 2001.
01:03:23Parce que ça n'a pas empiré, c'est exactement
01:03:26la même structure, c'est-à-dire qu'il y a un ministère
01:03:29de ce qu'on appelle vice et vertu,
01:03:32de la répression du vice et de la promotion de la vertu,
01:03:35avec des gens à la saoudienne.
01:03:38En fait, ce qu'ont voulu faire les talibans, c'est ce qu'avait fait
01:03:41l'Arabie saoudite depuis des décennies
01:03:44et ce qui est en train de se transformer en ce moment
01:03:47avec le prince héritier, qui a introduit un peu
01:03:50de modernisation, etc.
01:03:53Avec un peu de naïveté peut-être, un certain nombre d'Occidentaux considéraient
01:03:56que la génération des talibans de 2021
01:03:59n'était plus la même que celle de la fin des années 90.
01:04:02Ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait d'autres.
01:04:05C'est-à-dire qu'entre-temps, ce qui s'est passé,
01:04:08c'est qu'un certain nombre de ces talibans qui avaient été au pouvoir
01:04:11dans leur première période sont allés au Qatar.
01:04:14Certains des dirigeants sont allés au Qatar.
01:04:17Ils ont pu constater au Qatar
01:04:20que des femmes peuvent être amenées
01:04:23à occuper des positions très importantes
01:04:26à l'université, dans les hôpitaux, voire même
01:04:29dans les instances gouvernementales.
01:04:32Tout ça, ça les a influencées, ça les a impressionnées.
01:04:35Certains d'entre eux sont revenus en Afghanistan
01:04:38avec l'idée qu'il fallait
01:04:41ouvrir la société davantage aux femmes
01:04:44qu'ils ne l'avaient fait lors de la première période.
01:04:47Ils avaient promis aux Américains
01:04:50lors des négociations de Doha avec Trump
01:04:53que sur le plan des mœurs, etc.,
01:04:56il y aurait une certaine ouverture,
01:04:59que la condition féminine serait davantage respectée
01:05:02qu'elle ne l'avait été lors de la première période.
01:05:05La communauté internationale a découvert
01:05:08qu'une fois qu'ils étaient au pouvoir,
01:05:11après quelques signes qui laissaient entendre
01:05:14qu'en effet, les filles allaient pouvoir continuer
01:05:17la religion, mettant des rideaux, d'aller à l'école,
01:05:20d'aller à l'hôpital, mais ça se refermait
01:05:23petit à petit. Ce qui est important,
01:05:26c'est de se demander pourquoi, qu'est-ce qui s'est passé ?
01:05:29Certains vont dire que c'est la duplicité des talibans
01:05:32qui, d'ores et déjà avant d'arriver au pouvoir,
01:05:35avaient décidé que de toute façon, les femmes
01:05:38se verraient couper du monde. Mais d'autres pourraient
01:05:41considérer qu'il y a des raisons politiques sous-jacentes
01:05:44à ce phénomène. C'est qu'étant donné
01:05:47qu'aujourd'hui, il n'y a plus la guerre
01:05:50en Afghanistan, c'est la première fois depuis presque 50 ans
01:05:53que le pays est en paix. Mais il y a
01:05:56une épine dans le pied de cette paix,
01:05:59c'est le fait qu'il y a des mouvements terroristes,
01:06:02djihadistes. Les talibans ne sont pas
01:06:05des djihadistes, ce sont des fondamentalistes musulmans,
01:06:08très rigoristes, mais ce ne sont pas
01:06:11des djihadistes. Ils ont une antipathie,
01:06:14une aversion très profonde pour Al-Qaïda.
01:06:17Ils sont les ennemis d'Al-Qaïda qui, lui,
01:06:20est un mouvement djihadiste. Et donc,
01:06:23je crois qu'une des raisons principales de cette obstruction,
01:06:26c'est le fait que les talibans
01:06:29craignent que leur base ne soit
01:06:32davantage attirée, au cas où ils feraient des réformes en direction
01:06:35des femmes, davantage attirée par l'idéologie
01:06:38de Daesh que par la leur.
01:06:41Et qu'ils sont encore plus radicaux ? Ils sont bien plus radicaux.
01:06:44Je voudrais que, à travers peut-être deux, trois indicateurs
01:06:47économiques, sociaux, vous nous donniez un aperçu
01:06:50de ce qu'est la situation de ce pays, aujourd'hui,
01:06:53après le départ de cette coalition occidentale.
01:06:56Alors, elle demeure, donc, sur un panorama
01:06:59général extrêmement dur, pour ne pas dire
01:07:02passable, sinon extrêmement médoque. La Banque mondiale, ces derniers jours,
01:07:05dans un état des lieux, au dernier trimestre 2024,
01:07:08elle donnait quelques petits indicateurs. Peut-être pour la première fois
01:07:11depuis trois ans, il va y avoir un début de croissance économique ou un retour
01:07:14de croissance économique timide, en dessous de 2,5%,
01:07:17après deux années de fortes contractions, notamment en 2020
01:07:20et 2021. C'est déjà ça. Mais malheureusement, l'ensemble
01:07:23des autres indicateurs demeurent terribles. L'Afghanistan demeure
01:07:26le pays où la mortalité infantile... Là, on n'est plus dans le
01:07:29socio-économique, on est dans l'humain, qui est encore plus prégnant.
01:07:32Les chiffres sont encore terribles.
01:07:35On manque cruellement de tout. Aucune création d'emplois,
01:07:38malgré les milliards de dollars et les efforts
01:07:41de reconstruction des infrastructures. On n'a pas réussi à créer
01:07:44d'industrie, on n'a pas réussi à créer de métier. Il y a une reprise forte
01:07:47également de la production de l'opium, à Pavo,
01:07:50qui, une fois raffinée, donnera ce
01:07:53transformant en morphine, en héroïne.
01:07:5685% de la production mondiale d'opium se situe en Afghanistan
01:07:59aujourd'hui. La production,
01:08:02nous dites-vous, continue. En 2022,
01:08:05de mémoire, les talibans ont
01:08:08interdit totalement la production.
01:08:11Ces deux dernières années, probablement
01:08:14pour répondre à un mécontentement populaire, il n'y a
01:08:17aucune autre perspective économique, il ne s'agit pas de les pardonner.
01:08:20L'ONU note une montée
01:08:23en puissance, au moins de plus de 25%
01:08:26de la production cette année.
01:08:29Il n'y a pas grande matière
01:08:32à perspective, à se réjouir d'un point
01:08:35de vue observation économique.
01:08:38Un potentiel existe toujours en Afghanistan, c'est un pays qui est riche
01:08:41en hydrocarbone, en charbon,
01:08:44en gaz naturel, qui a un potentiel hydraulique fort,
01:08:47des pierres précieuses et semi-précieuses. Il y a beaucoup à faire.
01:08:50Il y a des perspectives d'investissement sur lesquelles
01:08:53lorgnent certains pays voisins de l'Afghanistan. On pense notamment à la Chine,
01:08:56qui serait prête à consentir un certain nombre d'efforts et d'investissements
01:08:59risqués, mais malgré tout, tout ça ne se transmet absolument pas
01:09:02jusqu'à l'individu qui se désespère. Aujourd'hui,
01:09:05vous avez 80% des familles ou des foyers afghans
01:09:08qui vivent avec moins d'un dollar par jour pour vivre.
01:09:11La situation demeure extrêmement
01:09:14ténue. C'est un sujet de mécontentement pour les
01:09:17Afghans, mais également de désespérance, chose qu'on évoquait déjà tout à l'heure.
01:09:20Alors, la situation des femmes,
01:09:23vous l'avez un peu commencé à l'évoquer. Je vais donner simplement
01:09:26quelques restrictions imposées aux femmes
01:09:29aujourd'hui dans le pays. Accès à l'éducation
01:09:32interdit aux femmes afghanes à partir de 12 ans.
01:09:35Voile intégrale obligatoire pour les femmes dans l'espace public,
01:09:38de préférence d'ailleurs la burqa. Université
01:09:41formellement inaccessible aux femmes depuis décembre 2022.
01:09:44Décret annonçant la fermeture définitive de tous les
01:09:47salons de beauté en Afghanistan. Volonté de rétablir la peine
01:09:50de lapidation publique pour les femmes, affirmée et réaffirmée
01:09:53en mars dernier. C'est tout récent. Les femmes
01:09:56ne peuvent plus chanter, lire en public, se déplacer sans
01:09:59un maram, autrement dit un parrain, se parfumer, se maquiller,
01:10:02ni regarder les hommes avec lesquels elles n'ont pas de
01:10:05liens familiaux. Puis, c'est tout récent, ça date d'octobre
01:10:08dernier, une nouvelle loi interdit aux femmes de faire entendre leurs voix
01:10:11même lorsqu'elles se trouvent parmi d'autres femmes.
01:10:14Les femmes n'ont désormais plus le droit d'être entendues en public
01:10:17en train de parler, et ce, même entre elles.
01:10:20On invisibilise complètement les femmes en Afghanistan aujourd'hui.
01:10:23Oui, malheureusement. C'est une situation,
01:10:26c'est une sorte de mort
01:10:29à petit feu. Je pense
01:10:32que c'est
01:10:35très compliqué de voir
01:10:38que les Etats occidentaux, notamment
01:10:41les Etats-Unis, ont permis à ce défaite
01:10:44et de faire
01:10:47en sorte que la situation des femmes afghanes
01:10:50se détériorise à ce
01:10:53stade. Malheureusement,
01:10:56on n'a pas aucun levier politique,
01:10:59aucun rapport de pouvoir mis en place
01:11:02avant de partir de l'Afghanistan
01:11:05parce que ce retrait de l'armée
01:11:08américaine est arrivé assez soudain,
01:11:11ça a été mis en place, annoncé très rapidement
01:11:14avant qu'on puisse
01:11:17se préparer.
01:11:20Les femmes n'ont plus aucun
01:11:23relais politique dans ce pays.
01:11:26C'est idiot de croire qu'on n'avait pas
01:11:29prévu cette situation. C'est-à-dire que quand
01:11:32on commence à négocier avec les talibans
01:11:35en 2020, qui avaient déjà commencé en 2019...
01:11:38Une négociation qu'on a évoquée tout à l'heure.
01:11:41Bien sûr. On pouvait imaginer que
01:11:44les premières victimes de cette négociation,
01:11:47ça va être les femmes.
01:11:50On en est là, à l'ignorance
01:11:53complètement de l'existence des femmes. Il y a quelques jours,
01:11:56ils ont encore annoncé des nouveaux décrets
01:11:59qui interdisent aux femmes de faire des études
01:12:02dans la santé. Ça veut dire que déjà,
01:12:05il y a un loto de mortalité
01:12:08en Afghanistan qui est très élevé.
01:12:11Les femmes n'ont pas accès
01:12:14aux soins, aujourd'hui, ni à faire des études.
01:12:17C'était les seules études qu'ils pouvaient faire,
01:12:20qu'ils avaient le droit de faire entre-temps.
01:12:23Mais maintenant, cela est interdit.
01:12:26Il faut imaginer que quelconque épidémie,
01:12:29si ça se déclenche en Afghanistan,
01:12:32on n'a pas de moyens de l'arrêter.
01:12:35Peut-être qu'aucun pays aujourd'hui ne reconnaît
01:12:38officiellement le régime taliban en Afghanistan,
01:12:41cette situation réservée aux femmes.
01:12:44Elle avait été évoquée à l'occasion des négociations
01:12:47avec les talibans et les forces occidentales,
01:12:50à commencer par les Américains qui étaient autour de la table à Doha.
01:12:53Les promesses n'ont pas été tenues du côté taliban.
01:12:56Est-ce que cette situation des femmes explique le fait
01:12:59qu'aucun pays aujourd'hui ne reconnaisse officiellement ce pays
01:13:02et qu'aucun pays ne semble, en tout cas officiellement,
01:13:05accepter une forme de dialogue avec ce régime taliban ?
01:13:08En fait, quand on pense à la communauté internationale,
01:13:11on a les Etats individuellement et on a aussi
01:13:14la communauté internationale sous sa forme des organisations internationales.
01:13:17Là, heureusement,
01:13:20les organisations internationales sont présentes en Afghanistan.
01:13:23Sans elles, le pays s'effondrerait en un instant.
01:13:26En fait, il tient par ça,
01:13:29il se tient par ça, par les ONG à la fois...
01:13:32À commencer, c'est peut-être par les agences des Nations unies
01:13:35qui sont encore présentes sur place.
01:13:38C'est ça, c'est ce que je disais, le multilatéral,
01:13:41les agences spécialisées des Nations unies qui sont toutes présentes
01:13:44et qui ont à leur service, évidemment,
01:13:47des ONG afghanes aussi qui font du très bon travail
01:13:50et qui essayent de faire ce qu'elles peuvent auprès des femmes.
01:13:53Mais sur le plan politique,
01:13:56effectivement, le monde occidental
01:13:59est bloqué à cause de cette affaire
01:14:02de la situation des droits des femmes
01:14:05qui est tout à fait insupportable.
01:14:08Les dirigeants occidentaux craignent,
01:14:11on peut le comprendre, que l'opinion publique
01:14:14ne se fâche
01:14:17si des liens venaient à être établis.
01:14:20On était dans la même situation il y a 25 ans.
01:14:23Lorsque j'ai été nommé à Kaboul,
01:14:26il n'y avait que la France.
01:14:29Il n'y avait pas d'autre Etat occidental.
01:14:32Nous avions tenu à être représentés
01:14:35en Afghanistan parce que nous y avions
01:14:38des intérêts très forts en termes humanitaires.
01:14:41Nous avions des ONG.
01:14:44C'était la raison de ma présence à ce moment-là,
01:14:47la raison principale.
01:14:50Aujourd'hui, je crois que nous aurions des intérêts
01:14:53plus importants à y retourner collectivement
01:14:56parce que si on dialogue,
01:14:59quelle que soit la radicalité
01:15:02des personnages en question,
01:15:05si on dialogue avec eux, on sait ce que ça a été
01:15:08que de ne pas dialoguer avec eux.
01:15:12Il y a une radicalisation sans cesse croissante.
01:15:15On a l'expérience du passé.
01:15:18On ne se sert pas de cette expérience
01:15:21pour essayer d'aller de l'avant aujourd'hui.
01:15:24On sait que l'ostracisme
01:15:27qui désigne les talibans est contre-productif
01:15:30puisque c'est l'enseignement du passé.
01:15:33Pourquoi n'essayons-nous pas à nouveau
01:15:36d'engager ceux des talibans ?
01:15:39Il faut savoir que les talibans ne sont pas un mouvement homogène.
01:15:42C'est un mouvement extraordinairement disparate
01:15:45qui vient d'univers complètement différents.
01:15:48Il y a des gens parmi eux qui sont des radicaux indécrotables
01:15:51et il y en a d'autres qui sont des personnes
01:15:54qui suivent le mouvement parce qu'il y a des décrets
01:15:57qui sont imposés depuis Kandahar, où se trouve le leader suprême,
01:16:00qui ne peuvent pas faire autrement,
01:16:03mais qui, en privé, disent qu'ils ne sont absolument pas d'accord.
01:16:06La plupart des ministres des talibans à Kaboul
01:16:09ont leurs enfants à l'école,
01:16:12y compris les filles,
01:16:15mais pas en Afghanistan, parce que ça n'est pas possible.
01:16:18Ils les mettent au Pakistan, ceux qui peuvent les mettre plus loin.
01:16:21Donc, en vérité,
01:16:24je voudrais quand même redonner,
01:16:27je l'ai écrit et j'ai eu l'occasion de le dire,
01:16:30mais lorsque j'étais à Kaboul,
01:16:33pour aller voir le ministre de la Santé,
01:16:36à un moment donné, j'avais obtenu de lui,
01:16:39à force de discussions, qu'il réouvre les hôpitaux pour les femmes.
01:16:42Et donc, voilà, c'est un exemple.
01:16:45J'étais évidemment obsédé par cette affaire
01:16:48de la condition féminine, et on peut y arriver,
01:16:51mais ce n'est pas en les ignorant qu'on y arrivera.
01:16:54D'ailleurs, les Nations unies prônent le compromis
01:16:57et très concrètement, à travers plusieurs rencontres
01:17:00toujours et encore, à Doha, d'ailleurs,
01:17:03ils essayent de trouver des solutions
01:17:06et de mettre autour de la table un certain nombre
01:17:09de pays occidentaux, les Etats-Unis, bien entendu,
01:17:12les talibans, et puis aussi des représentants
01:17:15de la société civile. C'est pas aussi simple que ça,
01:17:18parce que les talibans ne veulent pas de représentants
01:17:21de la société civile, n'en ont pas voulu.
01:17:24Et puis, à côté de ça, les talibans ont tout de même
01:17:28autour de la table des négociations.
01:17:31Est-ce qu'il est encore possible, est-ce qu'il est nécessaire,
01:17:34ce dialogue, comme ça vient d'être dit avec les talibans,
01:17:37pour résorber, un temps soit peu,
01:17:40la situation de ce pays ?
01:17:43Il est difficile de voir une situation totalement bloquée
01:17:46et d'y voir, après, une solution merveilleuse.
01:17:49On est quelque part entre les deux.
01:17:52Ne pas discuter avec les talibans, c'est peut-être
01:17:55un risque, comme l'évoquait l'ambassadeur à l'instant,
01:17:58de les enfermer dans cette radicalité.
01:18:01D'un autre côté, quels leviers avons-nous aujourd'hui
01:18:04sur le gouvernement, qui est un gouvernement intérimaire,
01:18:07reconnu par personne, alors que la 1re quinquennat,
01:18:10si je peux dire, talibans, entre 1996 et 2001, nous avions
01:18:13au moins 3 pays, le Pakistan, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis,
01:18:16qui avaient reconnu ce régime.
01:18:19Aucun de ces 3 ou 4 gouvernements ne l'a fait cette fois-ci.
01:18:22Le dernier levier que nous avons actuellement
01:18:25sur cet Emirat islamique afghan,
01:18:28qui est exécrable à mains égards,
01:18:31c'est ne pas accéder à cette demande de reconnaissance.
01:18:34Il ne se passe pas un jour sans que la diplomatie talibane,
01:18:37depuis Doha, notamment, et ailleurs,
01:18:40le Qatar et d'autres capitales relativement ouvertes
01:18:43sur la question du dialogue, ne presse les uns les autres
01:18:46jusqu'à l'opinion publique, jusqu'aux médias, pour demander
01:18:49qu'il est temps de nous reconnaître, que nous accédions
01:18:52à cette communauté internationale comme un Etat fréquentable.
01:18:55Nous n'avons guère d'autres leviers que celui de lui dire
01:18:58oui, certes, mais quid des dossiers sur lesquels vous n'honorez pas
01:19:01vos engagements. La condition féminine sur laquelle vous revenez
01:19:04trimestre après trimestre sur vos engagements.
01:19:07Je serais tenté, à titre personnel, de ne pas être
01:19:10fermé à cette idée, mais de conserver,
01:19:13par ce biais-là, le dernier levier probablement que nous avons,
01:19:16un levier sur lequel certaines capitales
01:19:19asiatiques, régionales, s'assoient, si je puis dire,
01:19:22de plus en plus, ou en tout cas, le foulent au pied. Nous avons la Chine,
01:19:25nous avons la Russie, nous avons le Pakistan, nous avons peut-être
01:19:28l'Iran, dans une certaine mesure, qui dialogue beaucoup avec la direction
01:19:31talibane, serait certainement prêt à être les tout premiers...
01:19:34Qui constitue, vous citez des pays, qui constitue ce qu'on appelle
01:19:37aujourd'hui un axe anti-occidental. Vous avez cité la Chine,
01:19:40vous avez cité la Russie, l'Iran, le Pakistan...
01:19:43Y a-t-il intérêt, eux, à ouvrir ce dialogue avec les talibans,
01:19:46aux yeux et à la barbe des Occidentaux ?
01:19:49Il y a quelques jours encore, les représentants du gouvernement russe
01:19:52disaient que reconnaître tout de suite le régime taliban,
01:19:55ce n'est pas faisable, en revanche, les délister
01:19:58de certaines...
01:20:01Le gouvernement taliban figure encore sur la liste des organisations
01:20:04terroristes internationales, onusiennes, américaines et d'autres,
01:20:07jusqu'en Europe. Le gouvernement russe serait favorable,
01:20:10par exemple, à les retirer de cette liste et d'autres.
01:20:13C'est un premier pas vers une reconnaissance internationale.
01:20:16Je me demande si c'est une excellente idée.
01:20:19La féministe que vous êtes, j'imagine, considère que le droit
01:20:22des femmes est non négociable.
01:20:25Je suis d'accord avec vous.
01:20:28Vous êtes opposée à ouvrir le moindre dialogue avec les talibans
01:20:31tant que les choses ne bougent pas, notamment sur la condition
01:20:34des femmes dans le pays.
01:20:38La plupart des grands pays et pouvoirs du monde
01:20:41sont dirigés par des hommes très dictateurs.
01:20:44La Russie avec Poutine, les Etats-Unis avec Trump,
01:20:47Bolsonaro...
01:20:50Les grands dirigeants du monde sont des hommes dictateurs.
01:20:53Dans tous ces pays, là, on voit une détérioration
01:20:56de la situation des femmes.
01:20:59Aux Etats-Unis, les femmes n'ont pas le droit d'avortement.
01:21:02Quelle est la différence des Etats-Unis avec l'Afghanistan ?
01:21:06On est dans le même cas de figure, j'ai l'impression.
01:21:09Après, je suis d'accord avec vous.
01:21:12On voit les dirigeants talibans voyager tranquillement,
01:21:15participer dans les débats internationaux
01:21:18auprès d'autres dirigeants,
01:21:21faire des contrats, des conventions,
01:21:29une sorte de diplomatie régionale
01:21:32entre les pays voisins et les talibans.
01:21:35Ca prépare leur intégration
01:21:38et leur légitimisation.
01:21:41Il n'y a pas eu le moindre taliban
01:21:44qui se soit rendu dans les pays occidentaux.
01:21:47Je pense qu'il y avait une réunion en Suède en 2022.
01:21:50Pour moi, ça, c'est un voyage.
01:21:53Il y avait aussi un dirigeant taliban
01:21:57qui a voyagé en Norvège, en Allemagne,
01:22:00et il s'est retrouvé parmi des fidèles,
01:22:03c'est-à-dire au sein de la communauté afghane.
01:22:06En tout cas, à travers l'Europe,
01:22:09on voit qu'il y a une sorte de sympathie pour les talibans
01:22:12parce qu'il y a la paix qui est revenue,
01:22:15soi-disant, en Afghanistan.
01:22:18C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu le moindre taliban
01:22:21qui se soit rendu dans les pays occidentaux.
01:22:25Est-ce que les djihadistes ont repris pied en Afghanistan ?
01:22:28Là aussi, les talibans sont engagés
01:22:31à garantir la sécurité, en réalité.
01:22:34J'ai vu notamment une filiale de l'Etat islamique,
01:22:37l'Etat islamique au Khorasan,
01:22:40EIK, avait des bases en Afghanistan.
01:22:43Est-ce que les djihadistes ont repris pied en Afghanistan ?
01:22:46Qui sont ces djihadistes ?
01:22:49Il faut savoir que le pouvoir central en Afghanistan,
01:22:52la période, n'a jamais été capable
01:22:55d'irriguer son pouvoir dans toutes les provinces.
01:22:58C'est un pays montagneux, en partie désertique,
01:23:01et faire régner l'ordre dans ce pays,
01:23:04ça n'a jamais été l'apanage d'aucun régime.
01:23:07C'était pourtant la garantie avancée aux Occidentaux.
01:23:10La garantie, c'était qu'ils allaient s'en prendre aux djihadistes.
01:23:13Et ça, ils l'ont fait.
01:23:16Il y a eu des succès remarquables.
01:23:19Ils l'ont payé quand même assez cher,
01:23:22puisqu'il y a eu beaucoup d'attentats terroristes
01:23:25pratiqués par l'EIK Khorasan,
01:23:28en particulier contre des mosquées chiites,
01:23:31puisque ces terroristes sont particulièrement acharnés
01:23:35contre les chiites.
01:23:38Les chiites, c'est une minorité en Afghanistan,
01:23:41c'est une minorité importante.
01:23:44Il y a en particulier les gens de la Hazarajat,
01:23:47et aussi au nord-est et dans quelques autres régions.
01:23:50C'est une minorité considérable,
01:23:53mais néanmoins qui a souvent souffert
01:23:56des politiques des pouvoirs centraux en Afghanistan à travers les âges.
01:23:59Les talibans ont fait le job,
01:24:02mais en même temps, il y a des actions terroristes.
01:24:05Il y a plusieurs bases, en particulier
01:24:08dans les zones qui sont voisines du Pakistan.
01:24:11Plusieurs bases qui n'ont pas encore été entièrement démantelées.
01:24:14Il y en a aussi dans le nord, non loin du Tadjikistan.
01:24:17Mais les talibans s'y emploient.
01:24:20Leurs services de renseignement sont assez compétents.
01:24:23Ils arrivent à déjouer un certain nombre d'actions violentes.
01:24:26Sur cette présence djihadiste sur le territoire afghan,
01:24:29ça serait le mot de la fin ?
01:24:32Présence djihadiste, présence terroriste classique,
01:24:35si je peux dire aussi.
01:24:38Les États-Unis ont sur leur liste une vingtaine d'entités terroristes
01:24:41d'origine pakistanaise, avec le blanc-seing ou non
01:24:44des autorités de ce pays, c'est à voir,
01:24:47mais qui auraient donc une présence plus ou moins marquée
01:24:50dans certaines des 34 provinces du pays, encore alors qu'il est.
01:24:53Au vu et au su, probablement de certaines autorités talibanes,
01:24:56d'autant plus que les services de renseignement de ce pays,
01:24:59nous les avons à peu près formés pendant une vingtaine d'années,
01:25:02ils savent à peu près faire le travail.
01:25:05Donc là, on fait encore duplicité, impossibilité,
01:25:08pour réaliser l'objet de l'amendement de leur feuille de route,
01:25:11ça sera le mot de la fin, certainement.
01:25:14Merci vraiment à tous les trois d'avoir participé à ce Débat Doc
01:25:17aujourd'hui pour parler de l'Afghanistan.
01:25:20Vos réactions, ce sera sur hashtag Débat Doc.
01:25:23Merci aussi à féliciter Gavaldar et Victoria Bellé,
01:25:26qui, comme à l'accoutumée, m'ont aidé à préparer cette émission.
01:25:29Prochain rendez-vous avec Débat Doc, ça sera à la même place,
01:25:32la même heure, et toujours avec son documentaire et son débat.
01:25:35Sous-titrage Société Radio-Canada

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