Didier Varrod reçoit Jean-Louis Aubert
Didier Varrod reçoit Jean-Louis Aubert, véritable incarnation du rock made in France. Depuis les années 70 et ses débuts avec le groupe Téléphone et ensuite dans sa carrière solo il n'a jamais cessé de créer des tubes sans jamais se répéter. Pas militant, ses compositions n'en sont pas moins un reflet de notre société, une vision de l'humain, une ode à la nature. A l'occasion de la sortie de son dernier album « Pafini » Jean-Louis Aubert évoque ses inspirations et tente de répondre à la question « à quoi sert une chanson ? »
"A quoi sert une chanson ?"... si elle est désarmée ? » chantait Julien Clerc sur un texte d'Etienne Roda-Gil. Les chanteurs ont toujours été témoins et acteurs des grandes mutations sociales, politiques et culturelles. Ils sont le reflet et le porte-voix des luttes, des espoirs et des révoltes... on pense bien sûr à Léo Ferré, à Serge Gainsbourg ou encore à Renaud et d'autres grandes voix, mais aujourd'hui, avec l'omniprésence des réseaux sociaux et le clivage qu'ils génèrent, les prises de position des artistes sont de plus en plus périlleuses. Dans une série d'entretiens menés par Didier Varrod, directeur musical des antennes de Radio France, des artistes explorent la force de leurs oeuvres en lien avec l'engagement sous toutes ses formes.
Lucky Love, figure montante de la scène musicale qui sort son premier album, se distingue par son combat pour la reconnaissance des minorités et son engagement pour l'égalité des genres. Son titre « Masculinity » est devenu l'hymne de plusieurs causes, jusqu'à devenir un moment fort de l'ouverture des Jeux paralympiques de Paris. Olivia Ruiz partage son parcours de femme engagée, le choc de la vague #Metoo et l'influence de ses racines familiales sur sa création. Alex Beaupain est quant à lui connu pour ses textes sensibles et engagés et n'a jamais caché son engagement politique à gauche.
A travers ces discussions, chaque artiste dévoile à Didier Varrod comment une chanson peut devenir le miroir de ses convictions et celles de son public, voire même, au-delà de sa première raison d'être, un vecteur de changement de notre société : « A quoi sert une chanson ? »
Didier Varrod reçoit Jean-Louis Aubert, véritable incarnation du rock made in France. Depuis les années 70 et ses débuts avec le groupe Téléphone et ensuite dans sa carrière solo il n'a jamais cessé de créer des tubes sans jamais se répéter. Pas militant, ses compositions n'en sont pas moins un reflet de notre société, une vision de l'humain, une ode à la nature. A l'occasion de la sortie de son dernier album « Pafini » Jean-Louis Aubert évoque ses inspirations et tente de répondre à la question « à quoi sert une chanson ? »
"A quoi sert une chanson ?"... si elle est désarmée ? » chantait Julien Clerc sur un texte d'Etienne Roda-Gil. Les chanteurs ont toujours été témoins et acteurs des grandes mutations sociales, politiques et culturelles. Ils sont le reflet et le porte-voix des luttes, des espoirs et des révoltes... on pense bien sûr à Léo Ferré, à Serge Gainsbourg ou encore à Renaud et d'autres grandes voix, mais aujourd'hui, avec l'omniprésence des réseaux sociaux et le clivage qu'ils génèrent, les prises de position des artistes sont de plus en plus périlleuses. Dans une série d'entretiens menés par Didier Varrod, directeur musical des antennes de Radio France, des artistes explorent la force de leurs oeuvres en lien avec l'engagement sous toutes ses formes.
Lucky Love, figure montante de la scène musicale qui sort son premier album, se distingue par son combat pour la reconnaissance des minorités et son engagement pour l'égalité des genres. Son titre « Masculinity » est devenu l'hymne de plusieurs causes, jusqu'à devenir un moment fort de l'ouverture des Jeux paralympiques de Paris. Olivia Ruiz partage son parcours de femme engagée, le choc de la vague #Metoo et l'influence de ses racines familiales sur sa création. Alex Beaupain est quant à lui connu pour ses textes sensibles et engagés et n'a jamais caché son engagement politique à gauche.
A travers ces discussions, chaque artiste dévoile à Didier Varrod comment une chanson peut devenir le miroir de ses convictions et celles de son public, voire même, au-delà de sa première raison d'être, un vecteur de changement de notre société : « A quoi sert une chanson ? »
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00:00Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau, de prendre le souffle à nouveau.
00:07Il est temps à nouveau, oh temps à nouveau, de bouger des radeaux.
00:18Bonjour Jean-Louis Aubert, vous êtes auteur, compositeur, interprète, guitariste, vous
00:22avez quand même je crois 15 albums au compteur, 5 avec le groupe Téléphone, 10 en solo,
00:28le dernier est sorti récemment en septembre, pas fini, assez bonne nouvelle quand même
00:34de nous annoncer que c'est pas fini, et cet album merveilleux entame son itinéraire
00:42musical avec une chanson qui s'appelle « C'est quand ça commence » et très vite dans
00:47la chanson vous parlez de cette devise « liberté, égalité, fraternité » dont on ne cesse
00:54de parler et cette fois conjuguée à un arbre, l'arbre de la liberté, je me suis dit comment
01:02vous est venue l'idée de conjuguer finalement la nature et l'idée de liberté ?
01:07En fait, c'est son nom à cet arbre, et alors cet arbre curieusement, il habite dans
01:15un village qui est dit dans la chanson mais d'une manière cachée, et c'était un arbre
01:22qui a été planté à la Révolution, et à la Révolution ils ont planté des chaînes
01:27entre la mairie et le café, alors là il se trouve qu'il est devant un café et c'est
01:33un grand chêne qui s'appelle l'arbre de la liberté qui a été planté donc en 1789.
01:38Lui, il en impose par son manque de mouvement, c'est aussi sa taille et sa force, et j'étais
01:48en dessous en train de boire une bière et une petite fille s'est approchée, 12 ans
01:56peut-être, 13 ans, elle a dit je connais tous vos textes par cœur et moi je veux écrire
02:03quand je serai grande.
02:04Et c'est marrant sous cet arbre, je me suis dit c'est très étrange la vie, et on s'est
02:13pris dans les bras et on a pleuré, et c'était vraiment un drôle de symbole qui mêlait ce
02:19grand arbre qui était presque historique à sa manière et cette fraternité, cette
02:27transmission.
02:28Une fois j'ai revu cette jeune fille qui avait un peu grandi à la descente du train,
02:36puis c'est tout, j'imagine qu'elle est sur sa route, mais si elle voit l'émission
02:40du symbole, c'est vrai que je pense à elle, et ces moments humains sont très forts.
02:44C'est très beau, en plus sous cet arbre majestueux et un peu immuable, après avoir
02:50incarné le mouvement, ça dit beaucoup de choses.
02:53Et moi dans la chanson, je résume un peu ma vie parce que, oui on est un peu dans l'inverse
03:04je sais, quand ça commence, il y a le dénuement, mais qu'on trouve, moi j'aime beaucoup les
03:10piscines publiques par exemple, et je vois des gens, déjà on peut lire beaucoup de
03:14leur vie sur leur tatouage, mais aussi de voir, on est dans les vestiaires, on se dénude
03:21un peu, c'est presque du naturisme, du naturisme social, on se parle sans savoir exactement
03:29qui est qui, et aussi il y a des fois, quand il y a un jet d'eau, la douceur, les yeux
03:34qui se ferment, de la personne, quel que soit son âge, c'est ce visage d'enfant qui revient,
03:39et j'aime beaucoup ce déshabillement, je dirais pas dénuement, mais que je trouve,
03:48quand il y a des gros pépins, quand il y a de la solidarité, on peut le trouver dans
03:51des accidents ou des guerres, mais aussi on le trouve dans les hôpitaux, on le trouve
03:56dans les EHPAD, on le trouve dans... Il y a à nouveau de l'enfance, enfin il y a l'histoire
04:03qu'on se racontait, où on se donnait vraiment de l'importance, qui est une fausse histoire
04:09sociale à mon avis, même si les gens, chacun a son rôle, mais j'aime beaucoup cette absence
04:18de comédie, parce que des fois dans les hôpitaux, vous prenez une main d'une personne qui fait
04:23peur, un peu comme dans les contes de fées, par son aspect physique, et elle ouvre les
04:27yeux et elle peut redevenir une jeune personne qui vous dit quelque chose de gentil.
04:34Encore il y a quelques jours, quelqu'un qui avait du mal à parler m'a dit, c'est un spécialiste
04:43de Van Gogh aussi, il m'a dit je ne suis rien, je suis personne, et je voyais dans ses yeux
04:50qu'en fait, j'avais énormément envie de comprendre un peu plus ce qu'il aurait à me dire et de voir
04:56tous les livres dans sa chambre. J'aime beaucoup qu'on soit remis à zéro, socialement, oui.
05:06Votre papa était sous-préfet, est-ce que ça vous a donné, de façon induite, un respect
05:12des institutions ? Une connaissance des institutions.
05:16Plus qu'un respect.
05:18Je vais dire un truc que je ne vais pas avoir le droit de dire ici.
05:22Allez-y !
05:24Alors c'était à une autre époque, c'était sous De Gaulle et tout ça, mon père n'était pas du tout autoritaire et pas politisé, mais gaulliste, enfin,
05:37il était serviteur de l'Etat, puis c'était en rapport à la guerre, il avait fait 5 ans de prisonnier, donc un espèce de truc...
05:46Voilà, je l'ai jamais vu autoritaire, ni... Je sais pas, il y avait de l'empathie pour toutes les classes sociales,
05:53mais il y avait, je sais pas si je vais oser le dire, jusque vers l'âge de 12 ans, quand on parlait à table,
06:00il y avait le mot député, et moi, je croyais que ça voulait dire bandit !
06:05Mais c'était une autre époque, c'est parce que les députés, à l'époque, avaient des possibilités territoriales,
06:12de donner sûrement des permis de construire, tout ça, et enfin...
06:16Ca commençait mal, pour le coup, ça commençait mal !
06:20A la sous-préfecture, quand les gens parlaient ensemble, je disais,
06:24oui, mais lui, c'est un député, vous m'entendez ?
06:27Mais après, ça a été remis, vous savez, les histoires passe-quoi et tout ça,
06:32enfin, il y a eu beaucoup de... En fait, avant, les campagnes électorales
06:37étaient aidées par des fonds qui venaient de choses privées,
06:43donc si vous avez permis à un entrepreneur de construire trois immeubles,
06:47il vous aiderait pour la campagne électorale, et avant, ça se passait comme ça.
06:51Donc j'imagine que dans ce milieu préfectoral qu'était, à l'époque,
06:55il est sûrement toujours très républicain, pour le coup.
07:00J'ai vu aussi des gens dans la politique qui ont une attitude très républicaine, des fois,
07:05parce qu'ils descendaient, j'ai connu des...
07:08Enfin, connu, j'ai parlé avec des ministres qui avaient des ancêtres
07:13qui étaient déjà là, à l'époque de Napoléon et tout ça,
07:17une espèce de suite serviteur de l'Etat, et il y en a,
07:22et il y en a qui font ça très bien.
07:25Maintenant, c'est un peu plus technocrate, quelques fois,
07:29mais c'est beau d'être comme ça, c'est très neutre.
07:33Oui, dans les ministères ou à la Chambre des députés,
07:36il y a dû y avoir des gens obligatoirement très neutres
07:39pour pouvoir traverser les différentes périodes.
07:42Votre maman, elle, un jour, aurait été voir une voyante
07:46qui lui aurait dit, à votre propos,
07:48il faut surtout pas qu'il fasse de la politique.
07:51C'est vrai, ça ?
07:52C'est vrai.
07:53Et ce que je viens de dire avant...
07:56Ce que je viens de dire avant explique ce...
07:59Rires
08:03Oui, je crois que j'aurais bien parti dans...
08:06Enfin, j'en sais rien.
08:09C'est-à-dire que l'endroit où je suis,
08:14je le préfère, parce que...
08:18Les gens me laissent envie pour observer,
08:22et je crois que j'ai une attitude de guetteur,
08:25quand même plus confortable,
08:27et moi, qui me donne beaucoup de bonheur, quoi.
08:31Je pense pas que pris dans le méandre...
08:35Mais il paraît que quand je suis né,
08:37le général de Gaulle m'a pris dans ses bras,
08:40parce que ma mère avait...
08:42Et il a dit, tu seras heureux.
08:44Mais ça, on me l'a dit très tard.
08:46C'était il y a quelques années.
08:48Sinon, j'aurais été gaulliste plus tôt.
08:51Rires
08:52Alors, pour l'inconscient collectif,
08:54pour la majorité des Français,
08:56ça, c'est un peu une théorie que je vais vous développer.
08:59Le groupe téléphone, finalement,
09:01c'est celui qui a accompagné la résistance
09:03dans la fin de l'ère giscardienne,
09:05qui, ensuite, a accompagné
09:07l'arrivée de la gauche au pouvoir, enfin,
09:10et lorsque ça s'est moins bien passé pour Mitterrand,
09:14ça s'est moins bien passé aussi pour téléphone.
09:17Il y a eu cette rupture du contrat entre vous.
09:21Est-ce que, finalement, quelquefois,
09:23la vie artistique accompagne de façon métaphorique
09:27les sursauts et les mouvements de la société ?
09:31Mais c'est sûr.
09:33Comme j'ai dit tout à l'heure,
09:35on est des guetteurs,
09:37donc il y a des choses que nous,
09:39qui sont un peu sous forme, entre guillemets, poétique,
09:42parce que le mot, je le trouve un peu grand,
09:44mais il y a des choses qu'on voit venir
09:46avant qu'elles arrivent,
09:48parce qu'on mélange des choses,
09:50entre regarder les gens passer dans la rue,
09:53regarder s'intéresser un peu à la politique,
09:56la philosophie, la poésie,
09:58tout ça, ça fait un bon mélange.
10:01Aller au concert, c'est bien aussi.
10:03Ou même, grâce à la musique,
10:06passer dans les médias,
10:08qui nous indiquent une température,
10:11les bureaux, les coulisses des médias.
10:14C'est vraiment très, très...
10:16C'est un privilège de pouvoir entrer là.
10:19On comprend beaucoup de choses.
10:21On comprend aussi pourquoi les gens
10:23ne veulent pas perdre leur place,
10:25qu'est-ce qu'ils vont aller chercher
10:27comme informations.
10:28C'est pour ça qu'il y a des chansons médiumniques.
10:31Vous en avez fait un sacré paquet.
10:33Argent trop cher, par exemple.
10:35Oui, mais je suis impressionné
10:37qui était Jean-Louis, d'abord,
10:39parce que j'aime beaucoup
10:41des choses qu'il a écrites,
10:43et il y a énormément de prémonitions,
10:46comme cette voyante,
10:48qui certainement avait compris...
10:51Oui, parce que je pense que...
10:55Comme Richard disait,
10:57les idées sont autour de nous,
10:59il suffit juste de les voir et de les attraper.
11:02Il y a ce côté un peu méditatif,
11:04observateur, et dans mon cas, bienveillant,
11:07parce que j'aime beaucoup les autres,
11:10donc je vais pas juger dans la rue
11:13à leur uniforme ou à ce qu'ils essayent
11:16de me montrer qui ils sont.
11:18J'ai eu plein, plein de prémonitions,
11:21et je crois que j'en ai encore.
11:23On peut dire Argent trop cher,
11:25chanson qui, aujourd'hui,
11:27même, pourrait résonner
11:29de façon aussi efficace.
11:31Comme beaucoup de chansons
11:33qui viennent d'intimes.
11:35Les plages, aussi.
11:37Les plages, tout à fait.
11:39Un voyage intime, un voyage en solitaire,
11:42comme aurait dit Gérard Mancé,
11:44en Martinique, puis en Dominique.
11:46Une histoire vraie, un enfant qui me demande.
11:49D'ailleurs, j'ai rencontré une vieille dame
11:52dans la rue qui avait deviné
11:54l'endroit où ça s'est passé.
11:56C'est qu'elle était en écoutant la chanson
11:59La bombe humaine,
12:01beaucoup de chansons.
12:03Mais ce qui est incroyable,
12:05c'est qu'elles ont cet aspect médiumnique,
12:08comme je disais, ou prémonitoire,
12:10mais elles prennent plusieurs sens
12:12en prenant de la patine.
12:14Vous parlez de La bombe humaine,
12:16qui est une chanson qui a été,
12:18pour moi, un révélateur quand j'étais ado.
12:21Et cette chanson, finalement,
12:23jamais on imaginait qu'un jour,
12:25il y aurait des gens qui se feraient sauter,
12:28qu'un jour, il y aurait peut-être des attentats,
12:31qu'un jour, vous seriez amené
12:33à jouer au Bataclan après les attentats,
12:36avec cette chanson qui était à la fois un spectre
12:39et en même temps un moment de réparation.
12:42Et deux mots juxtaposés qui n'existaient pas.
12:45Après, je les ai vus en anglais
12:47dans un bouquin de Laurence.
12:49Pour moi, c'était une histoire de science-fiction.
12:52C'est une nouvelle de science-fiction.
12:54Ce qui est très étrange aussi,
12:56c'est que dans l'école de ma petite soeur,
12:59un gars s'appelant Human Bomb avait kidnappé des enfants
13:02à l'époque où Sarkozy était maire,
13:04et ça, c'était un œil sur scène.
13:06Et lui aussi s'appelait Human Bomb.
13:08On dirait vraiment...
13:10De toute façon, je suis pas cartomancien,
13:12mais quand on regarde le passé,
13:14c'est beaucoup plus facile de lire son avenir.
13:17Quand on regarde, on se dit que tout s'enchaîne.
13:20Mais quand on parlait aussi de Mitterrand,
13:23il y a une poussée qu'on avait eue en mai 68,
13:26mais qui a...
13:28qui était un peu l'envie de liberté,
13:31parce que c'était très patriarcal,
13:33c'était pas mal foutu,
13:35mais le De Gaulle à la guerre,
13:37un peu militaire,
13:39donc cette envie qu'il pouvait prendre la forme
13:42de trotskiste, maoïste, anarchiste,
13:45c'était principalement
13:47s'émanciper,
13:49rigoler, être libre.
13:51Donc il y a eu les Beatles,
13:53Led Zeppelin, en même temps.
13:55Et voilà,
13:57ça a certainement amené,
13:59un peu après, Mitterrand.
14:01Mais dans l'album Dures Limites,
14:03il y a une chanson
14:05qui s'appelle Ex-Robin des bois,
14:07où une fois, on m'a interviewé beaucoup dessus,
14:09et qui est déjà assez curieuse,
14:11puisque je dis ex-Robin des bois,
14:13ne court plus dans les bois,
14:15ex-Robin des bois travaille pour le roi.
14:17Et il y a eu une espèce
14:19de syndicalisme,
14:21c'est désintégré,
14:23quand la gauche est arrivée,
14:25c'était comme une victoire
14:27avec les communistes à côté,
14:29et finalement,
14:31les gens qui se retrouvaient pour faire des affiches,
14:33pour militer,
14:35ça créait quand même
14:37quelque chose de très soudé
14:39dans les entreprises,
14:41de très combatif aussi.
14:43C'est dissous.
14:45C'est désintégré.
14:47Et ça a créé des larmes.
14:49Enfin, ça a créé
14:51de la solitude aussi.
14:53Parce qu'avant, il y avait ce côté,
14:55on est ouvri dans la même entreprise.
14:57Moi, j'habitais à côté de chez Renaud,
14:59et il y avait des gens, même à la retraite,
15:01qui retournaient à l'usine pour voir
15:03la machine et les copains.
15:05Et ça, ça s'est désintégré,
15:07y compris tous ces concerts
15:09politiques qu'il y avait
15:11avant.
15:13Et quand j'ai eu la chance
15:15de rencontrer
15:17M. Mitterrand,
15:19c'était un personnage très intéressant,
15:21très malin, intelligent.
15:23Il s'est pas laissé prendre à des questions
15:25un peu ambiguës que j'essayais de lui poser.
15:27Vous lui avez posé des questions.
15:29Oui.
15:31Même sur son inconscient.
15:33Un président ne parle pas de son inconscient.
15:35Je lui ai posé
15:37des questions à propos de ses rêves.
15:39Par contre, sur...
15:41Entre quelqu'un qui fout rien,
15:43qui attend les allocations,
15:45quelqu'un qui fait une formation,
15:47je lui avais demandé de faire un parrainage,
15:49et quelqu'un qui travaille au noir.
15:51Donc il avait dit quelqu'un qui fait une formation.
15:53OK, on est bien. Il a dit les deux autres.
15:55Et il a dit...
15:57Et ça l'embêtait. Je suis obligé de dire
15:59quelqu'un qui travaille au noir.
16:01Ca l'embêtait.
16:03J'ai bien aimé ça.
16:05J'ai été sincère là-dessus.
16:07Dans votre parcours, quand même,
16:09il y a cette ligne force
16:11qui n'a pas été tellement remarquée au départ,
16:13parce qu'on parlait
16:15de la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité.
16:17Vous en avez inventé une autre.
16:19C'est plus que républicain, je trouve.
16:21Oui ?
16:23C'est humain.
16:25Vous avez inventé une autre devise,
16:27bleu, blanc, vert.
16:29C'était à une époque où, finalement,
16:31on ne faisait pas très attention
16:33liée à l'écologie.
16:35Le mot vert n'existait pas ?
16:37Non.
16:39Moi, comme je suis d'Altonien,
16:41je me disais que c'était marrant, le vert,
16:43et je venais de faire un jeûne à cette époque-là.
16:45Et tout d'un coup...
16:47Un jeûne qui vous a élevé ?
16:49Essayez, vous verrez.
16:51Ca fait très peu de jours.
16:53Je me demande, les prophètes,
16:55quand on en fait 40 jours...
16:57Vous, c'était 4 jours, je crois.
16:59Oui, 3 jours.
17:01Et tout d'un coup, je voyais
17:03des publicités à la télé,
17:05et ça me paraissait
17:07très, très, très violent.
17:09Parce que là,
17:11on ne se rend pas compte.
17:13D'ailleurs, c'est une des choses
17:15qui m'étonne. Récemment,
17:17j'ai mis bout à bout des textes
17:19de la guerre en Ukraine, ce qu'on entendait,
17:21et la pub tout de suite derrière.
17:23Notre cerveau est obligé
17:25de switcher.
17:27On ne s'en aperçoit plus.
17:29C'est fou quand vous mettez...
17:31C'était un extraterrestre.
17:33Vous vous rendez compte
17:35de ce que vous mettez bout à bout ?
17:37Oui, on est obligé, c'est comme ça.
17:39Ca paraît normal, mais...
17:43Et voilà, et Bleu, Blanc, Vert
17:45est arrivé comme ça.
17:47Et j'avais envie
17:49qu'il y ait un espèce de label
17:51Bleu, Blanc, Vert.
17:53Mais...
17:55C'est venu
17:57vraiment d'une expérience...
17:59Je crois que l'intime est universelle.
18:01Je crois aussi que...
18:03que si on vit pas la chose,
18:05l'idée ne marche pas.
18:07D'ailleurs,
18:09j'aime beaucoup la philo,
18:11et je vois combien des philosophes ont été malheureux.
18:13Il y avait un manque de pratique.
18:15Ils étaient solitaires,
18:17mais souvent, c'est la raison.
18:19La raison, c'est l'intelligence,
18:21c'est le cerveau,
18:23mais c'est aussi ce qu'on ressent,
18:25ce qui est beaucoup plus simple
18:27et beaucoup plus puissant.
18:29Mais j'ai jamais écrit,
18:31mais une fois, j'avais un copain
18:33qui travaillait chez Apple,
18:35et une fois, je lui ai dit...
18:37C'est marrant, là,
18:39vous venez de faire des iPods,
18:41mais si le téléphone, on en faisait
18:43une télécommande universelle.
18:45Il m'a dit, non, mais nous,
18:47on est plus sur l'ordi, là, chez Apple.
18:49L'année d'après, il m'appelle,
18:51et il m'a dit, parce que nous,
18:53on nous l'avait pas dit en France,
18:55et il sortait le premier iPhone.
18:57C'est parce que les idées sont dans l'air,
18:59que ce soit en Chine,
19:01n'importe où,
19:03des espèces de choses qui se rencontrent,
19:05qui se mélangent, il y a un peu de poésie là-dedans,
19:07des choses antagonistes qui n'ont jamais été associées ensemble.
19:09Un ordinateur dans un téléphone,
19:11par exemple,
19:13et je suis persuadé
19:15que le monde est fait de ça, quoi.
19:17-"C'est dur d'être écolo ?"
19:21Vous faites allusion,
19:23d'ailleurs,
19:25dans votre dernier album,
19:27au véganisme.
19:29C'est ça.
19:31Cette expérience.
19:33Je pense qu'il y a toujours
19:35des leaders, des gens
19:37dont on a besoin pour nous montrer le chemin,
19:39qui sont plus drastiques,
19:41mais qui doivent être tolérants avec les autres.
19:43Il y a pas si longtemps,
19:45on était dans les Trente Glorieuses,
19:47et franchement, de manger de la viande tous les jours,
19:49c'est dire que...
19:51Justement, Mitterrand est arrivé
19:53sur un truc comme ça.
19:55Maintenant,
19:5740 ans après...
19:59Putain, non, non, arrêtez !
20:01C'est un massacre !
20:03Mais j'ai des gens autour de moi
20:05très bienveillants et très militants.
20:07Alors,
20:09ça m'aide beaucoup, et moi,
20:11je suis toujours un petit peu...
20:13Un petit peu comme ça.
20:15Juste pour ouvrir une parenthèse,
20:17parce que j'ai traversé les Etats-Unis
20:19en stop quand j'avais 19 ans,
20:21et j'ai vu Berkley, Stanford,
20:23j'étais parti chercher le Gras de Foudet,
20:25Woodstock, il y avait
20:27un certain état d'esprit,
20:29certaines drogues...
20:31-"Kerouac". -"La route".
20:33Mais quand on regarde bien,
20:35c'est ça
20:37qui a donné la technologie
20:39qui a changé le plus nos vies,
20:41plus que n'importe quelle idée politique,
20:43c'est-à-dire les ordinateurs,
20:45les téléphones portables qui nous empêchent
20:47de regarder les gens à côté de nous.
20:49Ca vient de ces jeunes étudiants
20:51qui ont essayé de communiquer
20:53entre Berkley et Stanford.
20:55Je connais cette histoire-là
20:57qui était un petit peu psychédélique.
20:59Ca a donné aussi Canal+,
21:01non, mais ça a donné aussi
21:03l'explosion des radios,
21:05ça a donné cette espèce
21:07d'élan qui est presque mondial,
21:09enfin, dans les pays occidentaux,
21:11on va dire.
21:13Et j'ai l'impression
21:15que personne n'a fait ce rapprochement.
21:17On pourrait dire,
21:19parce que Mai 68 existait aussi
21:21aux Etats-Unis, on pourrait dire
21:23que Mai 68 a donné la technologie
21:25de maintenant,
21:27mais par des biais
21:29où les gens de la mathématiques ont commencé
21:31à avoir des idées technologiques
21:33qui sortaient un peu de la même manière
21:35que... Ouais, voilà, c'est ça,
21:37ceux qui engendrent
21:39l'intelligence artificielle de nos jours
21:41les enfants du iPhone, je pense.
21:43Vous n'avez pas peur du futur ?
21:49Je suis un peu frondeur,
21:51donc je dirais jamais que j'ai peur.
21:53Je dirais que
21:55ça va être...
21:57C'est complexe.
21:59Maintenant,
22:03on dit que...
22:07que le monde est en train
22:09de se... Je sais pas.
22:11Soit on peut revenir un peu en arrière
22:13Sylvain de Max,
22:15sur vie, machin.
22:17Mais sinon,
22:19il est possible aussi
22:21qu'on se virtualise
22:23au cerveau
22:25et qu'on fasse moins mal
22:27là où on est assis.
22:29Je sais pas si c'est bien ou si c'est pas bien
22:31qu'on ait des avatars, qu'on achète
22:33des enfants dans des supermarchés.
22:35Je...
22:37Mais des fois,
22:39puisque je suis
22:41dans Paris, je marche des fois
22:43à côté de Baudelaire,
22:45et si je lui dis que j'ai peur
22:47de la virtualité, il va me dire
22:49mais Jean-Louis, tu plaisantes.
22:51Moi, dans ta rue,
22:53goudron, auto, ascenseur,
22:55électricité, télévision,
22:57lampadaire, en fait,
22:59tout pour moi est virtuel
23:01dans ta vie à toi.
23:03Dans ta vie, d'ailleurs,
23:05c'est l'année 2000.
23:07Plus les téléphones portables,
23:09les ordinateurs, la manière
23:11d'être des gens.
23:13Est-ce que l'humanité se virtualise pas
23:15depuis longtemps avec
23:17des canons, des nouvelles armes ?
23:19Je sais pas, quand les gens
23:21d'Amérique du Sud nous ont vus arriver à cheval
23:23avec des fusils, ils ont dit
23:25qu'est-ce que c'est que ça ? D'où ils sortent, ceux-là ?
23:27Et aussi,
23:29dans le côté positif,
23:31je dis que
23:33c'est deux gladiateurs
23:35qui se jettent une petite
23:37balle jaune dans un stade
23:39jusqu'à la mort.
23:41Ils s'appellent Roland Garros.
23:43Avant, c'était des grands
23:45spectacles.
23:47Non, mais c'est vrai, c'est des gladiateurs.
23:49C'est des...
23:51Le plaisir que tout le monde
23:53éprouve à regarder ça.
23:55Il faut savoir qu'à Rome, il y avait quand même
23:57trois stades de 50 000 personnes, pleins tous les soirs,
23:59avec des gens qui, eux,
24:01se tuaient, et la sœur des gladiateurs,
24:03les dames les plus riches, s'achetaient des fioles
24:05de sœurs de gladiateurs,
24:07qui étaient des extrêmes...
24:09Des vedettes extraordinaires.
24:11C'est la même chose
24:13que...
24:15Cet élan,
24:17on vit beaucoup par procuration
24:19au niveau des émotions.
24:21Le sport et les concerts, aussi,
24:23font bien cette chose.
24:25Pour terminer, ce sera la dernière question.
24:27Vous allez voir que je rassemble
24:29deux choses qui vous concernent
24:31dans votre plus grande intimité.
24:33Une opération à cœur ouvert
24:35que vous avez subie.
24:37J'ai l'impression que c'est une merveille pour vous.
24:39Merveille étant le titre
24:41de votre dernier single.
24:43Ceci m'a amené
24:45cela.
24:47Vraiment, je m'interroge.
24:51Est-ce que des choses...
24:53J'ai l'impression
24:55que des bonnes choses n'appartenent pas
24:57que des bonnes choses,
24:59comme conséquence.
25:01Quelquefois, des choses un peu plus compliquées,
25:03qu'on pourrait appeler mauvaises.
25:05J'ai constaté
25:07beaucoup de fois dans ma vie.
25:09J'ai vu des gens qui étaient...
25:11Je sais pas...
25:13Qui avaient...
25:15Par exemple, si je chantais bien,
25:17je pense qu'on reconnaîtrait pas ma voix
25:19à la radio.
25:21C'est pareil pour Bob Dylan.
25:23Enfin...
25:25Voilà.
25:27Oui, c'est vrai que
25:29cette opération, qui était tout à fait
25:31inattendue, que j'ai pris un peu comme un petit défi
25:33en rigolant,
25:35après, ça m'a apporté un poids,
25:37mais derrière, j'ai fait une tournée
25:39tout seul sur scène dans des zéniths.
25:41Ça n'avait pas de sens d'être tout seul
25:43après une opération du coeur,
25:45avec des avatars, car on a encore une histoire
25:47de science-fiction. C'est complètement fou.
25:49Et puis,
25:51cette voix qui m'a dit,
25:53à la suite de l'opération, la mer va te guérir.
25:55Mais c'est vrai que j'adore nager.
25:57Je suis un peu très aquatique.
25:59J'aime beaucoup la mer.
26:01Et donc, j'ai commencé à chercher
26:03un endroit, un rocher,
26:05où je pourrais aller quand je recherchais.
26:07Et le rocher m'a donné la chanson.
26:09Et la chanson...
26:11J'adore toujours
26:13l'écouter.
26:15Un petit défaut, c'est qu'elle est un peu...
26:17Évidemment, elle évoque un peu l'été.
26:19Je trouve que l'album
26:21est un peu plus lourd que ça.
26:23Et elle s'est mise
26:25à marcher toute seule en avant,
26:27comme si on était dans un monde merveilleux.
26:29Mais c'est vrai que ces moments
26:31où on se caline l'été,
26:33c'est des moments où tout le monde
26:35et quelle que soit sa classe sociale,
26:37on revient un peu au début
26:39à cette espèce de dénuement.
26:41On est juste bien
26:43peau contre peau
26:45et peau contre la nature aussi.
26:47Merci beaucoup, Jean-Louis Aubert,
26:49pour cet exercice
26:51aussi de réparation, parce que vos chansons,
26:53elles nous réparent. Merci beaucoup.