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« On ne peut pas aimer les gâteaux et détester les pâtissiers ».

Noochka est travailleuse du sexe virtuelle depuis 6 ans. Elle raconte l’envers du décor d’un métier qu’elle assume pleinement, sans pour autant le normaliser. Elle dénonce l’hypocrisie des consommateur·trice·s de pornographie et l’importance du consentement dans le monde réel comme dans le virtuel. Elle met également l’accent sur la précarité et l’impact sur la santé mentale que peut avoir la profession.

Le documentaire "TDS : derrière l'écran des travailleuses du sexe", réalisé par Lila Berdugo, est disponible sur France TV Slash.

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Transcription
00:00Je suis travailleuse du sexe virtuel.
00:02Une femme qui jouit, c'est beau.
00:03J'aimerais bien mettre ça plus en avant.
00:04Là, c'est comme une petite reprise de pouvoir, en fait.
00:07Genre, maintenant, je m'assume, je suis une salope et tu ne vas rien faire, quoi.
00:11Je suis travailleuse du sexe virtuel sur les réseaux depuis maintenant six ans.
00:16Ce qu'on trouve sur mon contenu ?
00:19Du bon gros porno.
00:20Ouais, j'adore ça.
00:22J'ai vraiment décidé d'assumer ça à fond.
00:24Même quand les gens me posent la question, c'est quoi ton métier ?
00:27Je dis, moi, je m'en bats mon cul sur Internet.
00:28Et je me dis, plus on assumera vraiment comme ça direct
00:31et moins il y aura de stigmatisation quelque part.
00:32Je n'ai pas envie de normaliser le métier non plus,
00:34parce que ça reste un métier super dangereux.
00:36Mais j'aimerais bien qu'on arrête cette haine gratuite,
00:39parce que tout le monde se branle, en fait.
00:40On ne peut pas aimer tous les gâteaux et détester les pâtissiers.
00:43Vous voyez ce que je veux dire ?
00:44Ça n'a pas de sens.
00:49Le plaisir de la femme, c'est beau.
00:51J'ai envie d'offrir du vrai plaisir.
00:53C'est un truc que, dans le porno industriel, on a tendance à perdre.
00:57Je n'ai jamais simulé mes orgasmes.
00:59Une femme qui jouit, c'est beau.
01:00J'aimerais bien mettre ça plus en avant.
01:01Mais c'est une problématique qui se discute,
01:04parce que malheureusement, quand on tourne avec des acteurs,
01:06quand certains sont trop dans le plaisir, trop dans le vrai,
01:08ils ont tendance à oublier, d'être attentifs au consentement.
01:11J'ai eu moi-même des soucis avec un acteur.
01:14Ça s'est passé en dehors des caméras.
01:15Si je m'entends bien avec un acteur, pourquoi pas ?
01:17Il se trouve qu'il s'est dit que ce serait une bonne idée de passer par derrière.
01:21Moi, je lui disais, non mais ça me fait mal, en fait.
01:22Il était dans cette dynamique de dominant.
01:25Et on n'avait pas de mot d'alerte de quoi que ce soit, en fait.
01:28Donc voilà, il y allait quand même doucement,
01:30mais ça m'a quand même fait très mal.
01:31Et après, mon réflexe a été de juste aller me rincer dans la douche, quoi.
01:37Après un petit moment, il est venu me voir et il m'a dit, ça va ?
01:39Ben non, connard, ça va pas.
01:41Tu m'as fait mal, quoi, genre.
01:42Et j'ai mis un moment à comprendre ce que c'était vraiment
01:45et à mettre un mot dessus.
01:46Je n'ai jamais été la fille populaire.
01:49J'ai de très mauvais souvenirs du lycée.
01:51J'avais commencé à me montrer un petit peu,
01:53avec un décolleté, par exemple.
01:56Et les mecs, ils me tripotaient, quoi.
01:58Je n'ai jamais pu m'habiller comme je voulais, en fait.
02:00Je n'ai jamais pu m'assumer pleinement.
02:02Je n'ai jamais pu être vraiment moi, la fille qui aime le cul.
02:05C'était impossible au lycée.
02:06Tout de suite, on est catégorisés de salope, de fille facile.
02:09Les mecs qui viennent voir, alors, il paraît que tu fais ça,
02:11qui te coincent contre un mur.
02:13Laisse-moi tranquille, en fait.
02:13Toi aussi, t'aimes le cul, y a quoi ?
02:14Là, c'est comme une petite reprise de pouvoir, en fait.
02:17Maintenant, je m'assume, je suis une salope et tu vas rien faire, quoi.
02:20Ce serait bien que les femmes puissent s'assumer aussi
02:22en tant que personnes qui aiment le sexe,
02:23au même titre qu'un homme, tout simplement.
02:25Les hommes, on leur dit rien, en fait, quand ils aiment le sexe.
02:27Genre, c'est normal, parce que c'est des hommes.
02:29Alors qu'il y a aussi des hommes qui n'aiment pas le sexe.
02:30Et ceux-là, à l'inverse,
02:32ils sont catégorisés de, je ne sais pas, de puceaux, de fragiles.
02:34C'est quoi, ça ?
02:34Enfin, laisser les gens faire ce qu'ils veulent, au final.
02:37Alors là, quand je vois ça, puis ça se jointe de support.
02:41Généralement, c'est un grosse guégon.
02:42Ah non, c'est un visage.
02:44Les dick pics non sollicités.
02:45Je ne sais pas, peut-être qu'ils se disent
02:46ça va lui faire plaisir, elle aime le cul, après tout.
02:48Mais personne n'aime ça.
02:49Une photo de bite, ce n'est pas beau, en fait, je ne sais pas.
02:51Le consentement, le consentement, les frérots.
02:54S'il vous plaît, quoi.
02:54C'est super important, même à distance, même virtuellement.
03:02Le harcèlement, il passe surtout par les commentaires.
03:05Il y en a beaucoup, des « ton père doit être fier »,
03:08ou « hé, t'as perdu ta dignité »,
03:10ce genre de trucs, ou « salope », tout simplement.
03:13L'emoji vomi, il revient beaucoup.
03:15En mode, on est dégueulasse, quoi.
03:17Alors que ces mêmes personnes se pougnent tous les soirs sur Pornhub.
03:20Est-ce que c'est bon ?
03:20Ça n'a aucun sens, ça rend fou.
03:22Mais bon, c'est comme ça, c'est Internet.
03:24Ça peut vraiment détruire mentalement.
03:26Moi, j'ai eu des collègues qui se sont remis à avoir des crises de TCA
03:29parce qu'on leur disait « tiens, t'as grossi » ou « tiens, t'as maigri ».
03:31C'est terrible.
03:33Ma plus grande terreur, ce serait qu'on me suive
03:35pour savoir où j'habite, dans le but de plus tard me faire du mal.
03:38Donc, c'est pas un truc anodin, ça non plus.
03:42Surtout si on gagne en notoriété, il y a beaucoup de chances que ça arrive.
03:45Moi, j'aimerais bien que les gens arrêtent de dire que c'est un métier facile.
03:49Moi, j'ai des collègues qui sont tombés en dépression
03:50face à la haine qu'elles se prenaient sur les réseaux,
03:52face au fait qu'elles n'arrivaient pas à faire de thunes, tout simplement.
03:55Alors que partout, partout, on leur disait
03:58« vas-y, fais des photos de tes pieds, tu vas gagner 10 000 balles par mois ».
04:00Non, pas du tout, genre vraiment.
04:01Et elles s'en rendent compte et elles sont là « mais merde,
04:04merde, j'ai quitté mon taf pour ça, oh là là ».
04:06Et c'est terrible, c'est terrible ces clichés.
04:08Il faut vraiment que ça s'arrête parce que c'est dangereux de fou.
04:10Et en plus de ça, leur image sur Internet, elle est gravée à jamais.
04:13On ne peut plus revenir en arrière, genre c'est terrible.
04:14Vous ne lancez pas là-dedans pour l'argent, ça ne rapporte pas.
04:17Vraiment pas.
04:18Au tout début, mon prix d'abonnement, il était à 4 malheureuses euros.
04:21Alors que je postais tous les jours et que je répondais à tout le monde.
04:24C'est vraiment pas beaucoup, surtout que sur les 4 euros,
04:27la plateforme nous prend 20 %,
04:29l'Ursaf nous prend 24 %.
04:31Donc au final, sur les 4 euros, je vais toucher 1,50 €.
04:34Si je faisais ça que pour l'argent, je n'aurais pas fait ça.
04:37Il faut vraiment charbonner pour réussir à, comme je disais,
04:40ne sortir ne serait-ce qu'un SMIC.
04:41Heureusement que j'aime ça, sinon j'aurais arrêté.
04:43Vraiment.
04:43Il y a plus de désavantages que d'avantages à le faire, en fait, ce métier.
04:46Le pourcentage de personnes qui s'en sortent bien
04:49et qui sont heureuses dans ce métier est tellement faible.
04:51Moi, je m'estime super chanceuse, j'ai galéré pendant 6 ans.
04:53Il faut s'attendre à...
04:54On va voler ton travail, on va te mépriser, on va t'insulter,
04:56on va mal te considérer, tu vas être une merde aux yeux de beaucoup de gens.
05:00Certes des inconnus, mais ça fait quand même bien mal.
05:03Je ne recommande pas.

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