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Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00Allez, on s'accorde pour commencer notre fanfare.
00:04Dans « En fanfare » d'Emmanuel Courcol, Benjamin Lavergne est un chef d'orchestre
00:08de renommée internationale qui se découvre en pierlotin, un frère, employé à la cantine
00:13et tromboniste dans une fanfare du nord de la France.
00:16Marie.
00:17Oui, et quand vous le dites comme ça, on dirait un pitch écrit par Chad GPT.
00:21Ça fait très très peur, c'est vraiment une sorte d'archétype de la comédie de
00:25réconciliation à la française dont on fait un peu une overdose.
00:28Sauf que, et c'est là la bonne surprise, le film est beaucoup plus étonnant que ça,
00:33que son programme initial, et beaucoup plus émouvant aussi.
00:37Il y a une vraie qualité d'écriture chez Courcol, avec une efficacité presque un peu
00:44effrayante au début, c'est-à-dire qu'en dix minutes, bam bam bam bam, tout est posé,
00:49mais c'est pour mieux jouir après de cette histoire de frères.
00:52Alors moi, les histoires de frères, ça me bouleverse, et là, ce qui est rigolo, c'est
00:56que ce sont deux inconnus l'un pour l'autre.
00:58C'est ça qui est très joli.
00:59Le film prend complètement en charge, évidemment, le fossé social qui les sépare, et le déterminisme
01:06qui va avec.
01:07Et je vous ai apporté un petit extrait qui se trouve au début du film, que font deux
01:13inconnus quand ils se rencontrent, avec un peu de tendresse malgré tout, qu'ils ont
01:17envie d'aller l'un vers l'autre, et bien ils s'enferment dans une mancave, ils s'enferment
01:22dans l'ombre du tromponiste, et on voit bien comment il y a toujours l'un en amorce dans
01:29le champ, c'est-à-dire qu'il y a vraiment une distance entre eux, mais en même temps
01:32ils découvrent l'univers intime de son frangin, du prolo, alors le prolo, il a des outils,
01:37mais il a une collection de disques de jazz extraordinaire, et là je vous laisse écouter.
01:42La note de Miles Davis ?
01:44Non, ça.
01:50C'est un si bimol.
01:55En fait, t'es un peu bas là.
01:57Non, il joue un dixième plus bas, Miles Davis.
02:00Quoi ?
02:02Bah si, avec la sourdine.
02:04Et là c'est très joli, ce qui va se passer.
02:07De quoi ça ?
02:08Taxi.
02:09Ça c'est un accord de Sol-Dies-Si.
02:15Sol-Ré.
02:18Fa-Fa.
02:20Eh ben !
02:22Alors très bon jeu de sourcils de Benjamin Lavergne dans tout le film, moi je l'ai adoré
02:26dans le film avec Pierre Lottin, mais ce qui est très très joli, c'est comment la musique
02:31va devenir leur langage commun, et comment on rattrape le temps perdu en fait, et bah
02:37avec un jeu qu'ils auraient pu faire à 12 ans dans une voiture, c'est un jeu de départ
02:40en vacances, et comment on découvre que son frère, qui joue du trombone dans une harmonie
02:45locale, on va dire, et bah il a l'oreille absolue.
02:47Est-ce qu'il fonctionne ce duo, Lucille ?
02:50Eh ben oui, à ma grande surprise, moi j'ai eu très très peur aussi sur le papier, je
02:53trouvais ça potentiellement catastrophique, j'ai pensé au virtuoso, ce film social anglais,
02:58sur une fanfare, bon les anglais savent très bien faire ça, nous en général on n'y arrive
03:01jamais, et ça marche pas trop mal parce que ça reste assez fin, c'est-à-dire que cette
03:05réconciliation sociale, elle fonctionne pas en fait.
03:08Moi je trouve qu'elle ne fonctionne absolument jamais, y compris dans cette grande scène
03:11de fin, bon moi j'ai pleuré comme une madeleine, donc je dois avouer que je trouvais ça très
03:14beau, mais je pense que j'ai pleuré précisément parce que je savais qu'il y avait pas de réconciliation
03:21possible.
03:22Oui parce que ça excède le pathos, c'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire qu'on
03:26va mollo là-dessus pour déporter l'émotion, par exemple dans ce final sur la musique,
03:32je veux dire cette scène-là que tu as montrée Marie, c'est le moment où je me suis dit
03:36tiens le film m'intéresse vraiment, c'est-à-dire que ce moment de communion sur le jazz, donc
03:41qui est j'allais dire hors compétition, parce que d'un côté il y a le registre de la fanfare,
03:44l'autre il est…
03:45La musique s'invente.
03:46Et la musique s'invente.
03:47Et donc le jazz est exactement au milieu et c'est là où ils vont se retrouver, et
03:50là on se dit ah ben tiens c'est intéressant, on n'est pas juste dans l'opposition des
03:54deux blocs.
03:55Après j'aime aussi rappeler que Courcol c'est un ancien acteur, et il y a quelque
04:00chose…
04:01Ça se sent dans sa façon de diriger.
04:02Il y a quelque chose à la fois dans la direction de l'acteur et aussi pour faire vivre le
04:05groupe.
04:06Aussi bien la fanfare, il y a quelque chose qu'on comprend, qui se joue là, et ce qui
04:14lui plaît si on compare avec Un Triomphe, son précédent film, c'est comment…
04:17C'est en prison, c'était un atelier théâtre en prison.
04:21Je suis d'accord avec toi, c'était plus schématique, mais il y avait déjà le côté
04:24les amateurs qui vont être propulsés.
04:26Simon, vous avez pleuré, vous avez ri, ça vous a transporté cette fanfare ?
04:31Moi je n'ai pas vraiment d'émotions, je suis un robot, mais ce qui est beau dans
04:35le film me semble-t-il c'est qu'il y a un imprévu majeur, ça pourrait naître
04:38encore qu'un énième film de réconciliation, on devrait dire un film pour justifier et
04:44magnifier l'idée du transfuge de classe où finalement à la fin on est tous d'accord
04:47pour dire qu'il y a une direction dans laquelle aller qui est quand même un peu plus sympa
04:49que l'autre, mais ça ne peut pas être ça parce qu'au milieu du film il y a quand
04:52même un comédien dont on ne parlera jamais assez qui est Pierre Lautin, et Pierre Lautin
04:56c'est une diction, c'est un tempo, c'est un corps qui est à la fois s'explier aux
04:59exigences du film dans lequel il se trouve, et qui en même temps sait le déjouer en
05:05permanence, et moi je trouve qu'il est absolument fascinant dans le film, je pense qu'effectivement
05:09si le film est plus réussi qu'Un triomphe son précédent c'est en grande partie grâce
05:13à lui parce qu'il arrive même à amener Benjamin Lavergne, dont on sait que c'est
05:16une Rolls Royce de comédien, il n'y a pas de problème, mais c'est vraiment un
05:18frein technicien.
05:19Ou qu'il puisse amener deux univers aussi de cinéma.
05:21Benjamin Lavergne joue un peu Benjamin Lavergne.
05:23Est-ce qu'on peut quand même dire que cette dernière scène dont tu parles, elle est
05:28un peu pathos, elle va à l'encontre de tout ce que le film a fait très très bien
05:32jusque là.
05:33Vraiment c'est sortir les lignes, on nous dit allez-y maintenant vous pouvez pleurer
05:37quoi.
05:38C'est du léguisme.
05:39Oui tout à fait.
05:40Ça sera un grand succès vous misez là-dessus ?
05:41Oui je pense que ça va être un énorme succès, il a tout fait pour, et c'est très bien.

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