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Il a longtemps milité à l'aile gauche du PS avant de rejoindre Emmanuel Macron. Stéphane Travert a été un marcheur de la première heure. Ancien ministre, il est aujourd'hui apparenté au groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00Il a longtemps milité à l'aile gauche du PS
00:02avant de rejoindre Emmanuel Macron.
00:04Mon invité a été un marcheur de la première heure,
00:07ancien ministre, il est aujourd'hui apparenté
00:10au groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée.
00:13Musique intrigante
00:15...
00:26Bonjour, Stéphane Travers.
00:28Vous faites partie de ceux qui ont cru dès le début
00:30en Emmanuel Macron, et vous n'étiez pas très nombreux
00:34au PS. Votre première rencontre remonte à septembre 2014.
00:37C'était un des premiers déplacements
00:39du nouveau ministre de l'Economie.
00:41Il s'est rendu dans votre circonscription.
00:44Que vous vous êtes dit en le voyant ?
00:46C'était son premier déplacement de ministre,
00:48ministre de l'Economie. Il n'était pas dans ma circonscription.
00:52C'était une autre circonscription, dans le Sud-Manche, à Mortain.
00:55Il est venu visiter la plus grande SCOP de France, à Côme,
00:59où on fabrique de la fibre.
01:01Et moi, ce qui m'a marqué, c'est son approche des gens,
01:05le temps qu'il avait passé à discuter
01:07avec les salariés de la SCOP,
01:10et son passage par le conseil municipal.
01:12C'est une usine qui a vu défiler de ministres, de personnalités,
01:16et c'est le seul qui, avant de venir visiter l'entreprise,
01:19s'est arrêté pour saluer les maires et les élus locaux.
01:22C'est des préjugés que vous pouviez avoir sur lui ?
01:25Pas forcément, mais c'était une prise de contact,
01:27une connaissance, et j'avoue que, ce jour-là,
01:31j'ai eu le sentiment d'avoir affaire à quelqu'un
01:34qui était d'une rare intelligence,
01:37capable de fulgurance, qui avait une vision,
01:40et puis très abordable et très sympathique
01:43pour l'échange, et quand il est reparti,
01:47nous nous sommes dit que nous nous reverrions.
01:50Tout est allé très vite, ensuite, pour vous.
01:53Deux mois plus tard, vous vous êtes retrouvé rapporteur
01:56de la fameuse loi Macron en charge du volet de travail du dimanche,
02:00alors que vous faisiez partie de l'aile gauche du PS,
02:03les frondeurs, comme on les a appelés.
02:05Quel était votre état d'esprit ?
02:07Est-ce que c'était pour surveiller le ministre
02:10qui avait une vision libérale, on va dire, de l'économie,
02:13ou est-ce que vous étiez déjà là pour servir l'homme,
02:17tomber sous son charme intellectuellement ?
02:19Il n'y avait pas de surveillance,
02:21mais c'était aussi porter des convictions,
02:23notamment sur le travail du dimanche,
02:26comment mieux protéger les salariés,
02:28et c'est ce que nous avons fait dans la loi.
02:30On a beaucoup glosé sur le travail du dimanche
02:33en disant qu'on voulait libéraliser et permettre à tout le monde
02:36de travailler le dimanche, c'était pas ça.
02:39C'était comment on protège mieux les salariés
02:42quand ils travaillent tard, la réversibilité du volontariat
02:45pour travailler tard le soir ou le dimanche,
02:47la réversibilité du volontariat sur les gardes d'enfants,
02:51permettre à des salariés qui travaillent
02:53dans les magasins de Bouches le dimanche matin
02:56de gagner un peu plus de salaire.
02:58Votre mentor, c'était Henri-Emmanuel Yves.
03:01Vous souteniez Benoît Hamon,
03:03vous estimiez que la politique de François Hollande
03:06était pas assez à gauche.
03:07Comment celle d'Emmanuel Macron,
03:09qui était encore plus centriste, a pu vous séduire ?
03:12Moi, je considère... Je suis un homme de gauche.
03:15Sur les progrès, sur les solidarités,
03:17sur la justice sociale, je n'ai pas changé,
03:20mais la gauche, elle, a beaucoup changé,
03:22a beaucoup évolué.
03:23Nous étions arrivés sur une période,
03:25à la fin du 1er quinquennat de François Hollande,
03:28où, eh bien, la gauche se fourvoyait quelque part
03:32dans des combats qui étaient plus des combats personnels
03:35que des combats de fond.
03:37Et là aussi, moi, j'ai souhaité marquer cette rupture
03:40et faire vivre ce que je pensais être des mesures de gauche
03:44et des convictions, de les faire vivre différemment
03:46et de les faire vivre avec quelqu'un
03:48qui portait aussi une ambition pour la France.
03:51Vous avez pris votre carte au PS à 18 ou 19 ans, je crois.
03:5618 ans, oui.
03:58Qu'est-ce qui a déclenché cet engagement ?
04:00Vous savez, un univers familial,
04:02des parents militants, engagés syndicalement,
04:06et, comme on dit chez nous, les chiens ne font pas des chats,
04:10et donc, c'est cette envie, dès le plus jeune âge,
04:13dès mes années de lycée, de pouvoir m'engager
04:15dans la vie militante pour faire partager des convictions
04:20et faire vivre ces convictions autour du progrès,
04:23de la solidarité, de la justice sociale,
04:25de l'éducation, de la réussite éducative,
04:28de la réussite et de l'émancipation des individus.
04:31A peine élu à l'Elysée,
04:32Emmanuel Macron vous a confié le ministère de l'Agriculture.
04:35Les écologistes vous ont rapidement reproché
04:38d'être le porte-parole de la FNSEA sur la question du glyphosate
04:42et des néonicotinoïdes.
04:44Cet insecticide tueur d'abeilles.
04:46Yannick Jadot vous a même surnommé ministre des lobbies.
04:49Est-ce qu'un ministre de l'Agriculture
04:51a le pouvoir de s'opposer au principal syndicat agricole,
04:55la FNSEA ?
04:56Il n'est pas là pour s'opposer avec les organisations syndicales,
05:00mais pour travailler avec les organisations syndicales
05:03dans leur pluralité et dans leur diversité.
05:05La FNSEA est le syndicat majoritaire à l'époque,
05:08et il l'est toujours aujourd'hui,
05:10donc il y a un travail en commun à mener.
05:12Dans les discussions avec la Confédération paysanne,
05:15avec la coordination rurale, avec le MoDef, également,
05:18dont on ne parle pas suffisamment.
05:20Et derrière, c'est une feuille de route,
05:23des politiques publiques à mener.
05:25Emmanuel Macron m'a nommé au ministère de l'Agriculture
05:28pour porter les états généraux de l'alimentation,
05:31pour améliorer le revenu des agriculteurs,
05:33pour préparer la maquette financière de la future PAC,
05:36pour mettre en place les plans de filière.
05:39En parallèle, vous avez ferraillé
05:41avec le ministre de l'Ecologie de l'époque,
05:43Nicolas Hulot.
05:44Vous avez été plusieurs fois désavoués publiquement
05:47par Edouard Philippe, par Emmanuel Macron,
05:50qui ont plutôt donné raison à Nicolas Hulot,
05:52et la presse y a vu des couacs de votre part.
05:55Rétrospectivement, vous vous dites
05:57que vous avez commis des maladresses ?
05:59Non, j'ai défendu des prérogatives,
06:01j'ai défendu...
06:02Le ministre de l'Agriculture est là pour défendre
06:05une vision de la ruralité,
06:07pour défendre des agriculteurs
06:09qui, parfois, peinent à dégager du revenu.
06:12J'ai défendu la ligne politique qui était la mienne.
06:16Votre bras de fer avec Nicolas Hulot.
06:18Il s'est conclu le 28 août 2018 dans le studio de France Inter,
06:21où le ministre de l'Ecologie était invité.
06:24Voici un extrait de son interview.
06:26Je ne veux pas donner l'illusion
06:28que ma présence au gouvernement
06:30signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là.
06:33Et donc, je prends la décision de quitter le gouvernement.
06:37C'est pas l'énergie qui me manque.
06:39C'est un travail collégial, c'est un travail collectif.
06:42Et puis, petit à petit, je n'ai pas réussi, par exemple,
06:46à créer une complicité de vision
06:49avec le ministre de l'Agriculture,
06:51alors que nous avons une opportunité
06:53exceptionnelle de transformer le modèle agricole.
06:56Nicolas Hulot, pour être tout à fait honnête,
06:59a cité bien d'autres raisons pour justifier sa démission,
07:02mais il vous a pointé du doigt ce jour-là.
07:04Vous êtes devenu le tombeur de Hulot.
07:06Vos relations étaient mauvaises, à ce point-là, avec lui ?
07:09Pas mauvaises, mais disons que...
07:11Je pense que le ministre de la Transition écologique,
07:14sociale et solidaire voulait des victoires rapides,
07:17des victoires politiques rapides.
07:19Mais quand vous êtes ministre de l'Environnement,
07:22comme à l'Agriculture, vous êtes sur le temps long,
07:24parce que vous devez conduire les transitions en agriculture,
07:28comme sur l'Environnement.
07:30C'est vrai qu'il a pu considérer que, parfois,
07:32ses victoires politiques, il ne les obtenait pas suffisamment,
07:35parce que, moi, je dirais,
07:37avec la feuille de route qui était la mienne,
07:40je devais tenir un certain nombre d'engagements,
07:43qui étaient ceux du président de la République,
07:45et permettre aussi de réussir la transition
07:48pour les agriculteurs et de laisser du temps.
07:50C'était absolument essentiel.
07:52Il aurait souhaité que ça aille plus vite,
07:54mais après, il a pris cette décision.
07:57Moi, j'ai toujours travaillé pour le collectif.
07:59Vous ne m'avez jamais entendu dire
08:02des choses désagréables sur mes collègues au gouvernement,
08:06même si je pouvais avoir des désaccords,
08:08car j'avais le sens du collectif.
08:10Ce jour-là, il ne l'a pas eu.
08:12Votre passage au ministère de l'Agriculture
08:14n'a pas duré éternellement. Vous êtes redevenu député.
08:17Vous avez mené un travail de l'ombre pour Emmanuel Macron
08:21en essayant de tisser un réseau d'élus locaux.
08:23C'était un enjeu stratégique pour ce nouveau parti
08:26dans la perspective des municipales.
08:28Mais vous avez un peu disparu des radars médiatiques.
08:31Vous êtes plus pour un travail de l'ombre.
08:33C'est...
08:35Moi, je ne cherche pas forcément à passer à la télévision.
08:38Vous savez, l'essentiel est ailleurs.
08:41L'essentiel, pour moi, est dans la Manche.
08:43C'est là où je vis, où j'ai ma famille, mes amis.
08:46C'est là où est ma vie.
08:47Ensuite, le président de la République m'a demandé
08:50de travailler à la constitution d'un réseau d'élus,
08:53une fédération d'élus que nous avons constituée.
08:56C'est un travail qui se fait, pas forcément dans l'ombre,
08:59mais d'une manière discrète.
09:01Je l'ai fait à ma manière, en parcourant tout le territoire,
09:04en allant visiter les départements, rencontrer les élus
09:07pour essayer de les agréger autour de moi,
09:09pour, tout simplement, être des capteurs
09:12dont avait besoin le président de la République
09:15pour nous renvoyer un certain nombre d'éléments
09:17de ce qui était leur vie quotidienne
09:19et trouver des solutions.
09:21Vous avez été un éphémère président
09:23de la Commission des affaires économiques
09:26jusqu'à la dissolution.
09:27Cette présidence vous a échappé à deux voix près cet automne.
09:30Vous avez été victime de la guerre des chefs
09:33entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez.
09:35Vous avez dit un jour, à propos de l'Assemblée nationale,
09:38que si vous ne l'aimiez pas, elle vous le rend.
09:41Vous l'aimez et elle vous le rend pas très bien, j'ai envie de dire.
09:45J'aime cette maison, bien évidemment,
09:47et elle me le rend bien à travers la relation
09:49que je peux avoir avec bon nombre de mes collègues,
09:52des gens qui travaillent ici.
09:55Là, on est sur une péripétie politique
09:57effectivement, avec des accords qui valaient en juillet
10:01et qui ne valaient plus visiblement au mois de septembre.
10:05C'est ainsi, mais nous ne sommes pas rancuniers,
10:09mais on a de la mémoire.
10:11Depuis 2016, vous avez toujours servi,
10:13Emmanuel Macron, comme ministre, comme homme de réseau,
10:16une fidélité à toute épreuve, jusqu'à fin 2023.
10:19Là, vous avez voté contre la loi immigration.
10:21Aujourd'hui, votre famille politique cohabite
10:24avec la droite dans un même gouvernement.
10:27Est-ce que vous vous retrouvez
10:28dans cette trajectoire politique du macronisme ?
10:31Vous avez dit tout à l'heure, au début de l'entretien,
10:34que j'étais apparenté, groupe EPR. C'est un signe, aussi.
10:37Et il est nécessaire pour moi, sur un certain nombre de choses,
10:41de pouvoir se démarquer, de faire valoir
10:46une forme de liberté. Non, je n'ai pas voté.
10:48Vous êtes un peu éloigné d'Emmanuel Macron.
10:51Je ne suis pas éloigné d'Emmanuel Macron
10:53parce que je soutiens ce président de la République,
10:56je l'ai soutenu dès le début.
10:58Je sais pourquoi je suis là, et je suis là encore pour lui,
11:01et je continuerai à le soutenir jusqu'à la fin de son mandat.
11:05Maintenant, il y a la politique gouvernementale,
11:08et je fais une différence entre ce que porte Emmanuel Macron,
11:11la manière dont il travaille, ce qu'il peut porter pour le pays,
11:15et ce que ce gouvernement veut faire et va faire.
11:19Et donc, j'exprime une forme de liberté,
11:21sur un certain nombre de choses, comme je l'ai fait.
11:24J'ai toujours été libre dans mes choix,
11:26comme je l'ai fait au moment de la loi Asile-Immigration,
11:30qui n'était pas une loi de la majorité d'époque,
11:32mais une loi qui venait plutôt du Sénat
11:35et pour laquelle j'étais en désaccord.
11:37On va conclure l'émission avec notre quiz.
11:39Vous allez devoir compléter les phrases que je vais vous proposer.
11:43Dans la Manche, contrairement à Paris...
11:46On y vit au bon air.
11:47Oui, c'est sûr que c'est moins pollué, là-bas.
11:50Quand je monte sur les planches,
11:53vous faites du théâtre, régulièrement ?
11:55Quand je monte sur les planches,
11:57c'est une forme de...
12:00de prolongement de ce que je suis.
12:05Enfin, collectionner les Dinky Toys me permet de...
12:11Les Dinky Toys, c'est...
12:12C'est aller chercher la part de nostalgie qu'on a tous en nous.
12:15Ca remonte à votre enfance ?
12:17Oui, clairement.
12:18Des voitures, plus ?
12:19Des petites voitures. J'ai des petits modèles.
12:22C'est très sympa.
12:23Vous avez gardé une part d'enfance en vous.
12:25C'est ça.
12:27Merci, Stéphane Travers.
12:28Merci.
12:29SOUS-TITRAGE ST' 501

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