Didier Varrod reçoit l'auteur-compositeur-interprète Alex Beaupain. Alex Beaupain est l'auteur des chansons du film de Christophe Honoré « Les chansons d'amour » devenu générationnel pour sa représentation des rapports amoureux. Sa chanson « Au départ » qui fait le parallèle entre une relation amoureuse et l'élection de François Mitterrand en 1981 a accompagné la campagne de François Hollande en 2012 malgré des paroles désabusées sur l'arrivée de la gauche au pouvoir.
Alex Beaupain s'est toujours intéressé à la politique, ancien étudiant de Sciences Po Paris, cette appétence se traduit dans les sujets de ses textes. Au fil de sa carrière, il souhaite aborder des thèmes moins personnels et plus sociétaux.
Cependant, lui, l'artiste engagé, reconnaît avoir du mal à afficher ses opinions publiquement. Il lui semble indécent d'annoncer un concert sur les réseaux sociaux et en même temps que de dénoncer la montée de l'extrême droite. Prendre la parole sur certains sujets, c'est aussi ne pas s'exprimer sur d'autres, ce qu'on peut se voir reprocher en tant que personnalité publique.
"A quoi sert une chanson ?"... si elle est désarmée ? » chantait Julien Clerc sur un texte d'Etienne Roda-Gil. Les chanteurs ont toujours été témoins et acteurs des grandes mutations sociales, politiques et culturelles. Ils sont le reflet et le porte-voix des luttes, des espoirs et des révoltes... on pense bien sûr à Léo Ferré, à Serge Gainsbourg ou encore à Renaud et d'autres grandes voix, mais aujourd'hui, avec l'omniprésence des réseaux sociaux et le clivage qu'ils génèrent, les prises de position des artistes sont de plus en plus périlleuses. Dans une série d'entretiens menés par Didier Varrod, directeur musical des antennes de Radio France, des artistes explorent la force de leurs oeuvres en lien avec l'engagement sous toutes ses formes.
A travers ces discussions, chaque artiste dévoile à Didier Varrod comment une chanson peut devenir le miroir de ses convictions et celles de son public, voire même, au-delà de sa première raison d'être, un vecteur de changement de notre société : « A quoi sert une chanson ? »
Alex Beaupain s'est toujours intéressé à la politique, ancien étudiant de Sciences Po Paris, cette appétence se traduit dans les sujets de ses textes. Au fil de sa carrière, il souhaite aborder des thèmes moins personnels et plus sociétaux.
Cependant, lui, l'artiste engagé, reconnaît avoir du mal à afficher ses opinions publiquement. Il lui semble indécent d'annoncer un concert sur les réseaux sociaux et en même temps que de dénoncer la montée de l'extrême droite. Prendre la parole sur certains sujets, c'est aussi ne pas s'exprimer sur d'autres, ce qu'on peut se voir reprocher en tant que personnalité publique.
"A quoi sert une chanson ?"... si elle est désarmée ? » chantait Julien Clerc sur un texte d'Etienne Roda-Gil. Les chanteurs ont toujours été témoins et acteurs des grandes mutations sociales, politiques et culturelles. Ils sont le reflet et le porte-voix des luttes, des espoirs et des révoltes... on pense bien sûr à Léo Ferré, à Serge Gainsbourg ou encore à Renaud et d'autres grandes voix, mais aujourd'hui, avec l'omniprésence des réseaux sociaux et le clivage qu'ils génèrent, les prises de position des artistes sont de plus en plus périlleuses. Dans une série d'entretiens menés par Didier Varrod, directeur musical des antennes de Radio France, des artistes explorent la force de leurs oeuvres en lien avec l'engagement sous toutes ses formes.
A travers ces discussions, chaque artiste dévoile à Didier Varrod comment une chanson peut devenir le miroir de ses convictions et celles de son public, voire même, au-delà de sa première raison d'être, un vecteur de changement de notre société : « A quoi sert une chanson ? »
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Au départ, au départ, un homme, une rose à la main,
00:07Elkabash au placard, la Bastille, la pluie qui vient.
00:14Au départ, au départ, la guillotine au panier.
00:19Bonjour Alex Bopin.
00:20Bonjour Didier Varou.
00:21Vous êtes auteur, compositeur, interprète, compositeur de bandes originales de films.
00:26Vous êtes aussi auteur, compositeur de chansons pour des films.
00:30On connaît évidemment Les chansons d'amour,
00:33film de 2007 réalisé par Christophe Honoré,
00:36dont vous avez écrit et composé toutes les chansons.
00:38Et puis un film musical à venir qui s'appelle Joli Joli,
00:42cette fois réalisé par Diastème.
00:44C'est un itinéraire tout en chansons, tout en compositions.
00:47Et je me suis demandé, vous qui avez suivi un cursus à sciences politiques,
00:52est-ce qu'il y a quelque chose de la science politique dans votre oeuvre ?
00:57Est-ce qu'il y a des traces de votre parcours universitaire dans votre oeuvre ?
01:02De mon parcours universitaire, je ne sais pas.
01:04De mon intérêt pour la science politique, oui,
01:06c'est évident que j'ai des chansons directement ou indirectement politiques
01:10dans ce que j'ai essayé d'écrire.
01:12J'ai écrit ça assez tard en fait.
01:13C'est à partir de mon troisième album que ça a commencé à m'intéresser,
01:16de me dire qu'après m'être intéressé à moi, à ma vie,
01:19à mes histoires d'amour, de deuil, etc.
01:21Il était peut-être temps de s'intéresser au monde.
01:24Et j'ai commencé à me poser la question de savoir,
01:27ce qui est vraiment une question assez compliquée,
01:28comment on peut écrire une chanson politique qui reste une bonne chanson,
01:32qui ne soit ni intracte, ni quelque chose d'un peu édifiant.
01:35J'ai un peu approché le sujet.
01:38J'ai essayé en tout cas dans quelques-unes de mes chansons, oui.
01:40Ça existe, la chanson politique, quand on fait de la pop ?
01:45Oui, bien sûr, je crois que ça existe.
01:48Après, ça existe peut-être de façon plus indirecte.
01:50Ce qu'on imagine de la chanson politique,
01:52généralement, quand on parle de chanson politique,
01:53on parle de la chanson militante en fait.
01:55C'est plutôt ça qu'on imagine, c'est-à-dire des gens qui seraient plus peut-être
01:58des auteurs un peu rive gauche,
01:59pas forcément des gens assimilés à une esthétique pop.
02:02Mais moi, je crois que la pop est un art éminemment politique,
02:07en ce sens que, contrairement au rock'n'roll,
02:10qui est quelque chose de très frontal, de très primaire,
02:13où les émotions sont exprimées de façon…
02:15Il y a dans la pop une espèce de douceur, d'apparente superficialité,
02:18qui permet, je crois, de faire passer des idées,
02:21ou même en dehors des idées, des attitudes, des façons d'être,
02:24de se comporter, qui finalement rejoignent le champ politique.
02:27Par exemple, l'émergence de chanteurs homosexuels,
02:31ou Gay Friendly, Madonna par exemple,
02:36ou David Bowie dans les années 70.
02:38Finalement, c'est un geste éminemment politique,
02:41sans avoir l'air d'y toucher, moi, je crois.
02:43Vous allez me voir venir avec cette citation.
02:46Vous connaissez la chanson de Julien Clerc, Utile.
02:49À quoi sert une chanson s'il y avait des armées ?
02:51C'était une bonne question que posait son auteur, Etienne Rodagil.
02:55La question de l'utilité de ce qu'on fait ?
02:57Oui.
02:58Oui ? Moi, je crois.
03:00Longtemps, il m'est arrivé de croiser des gens.
03:02Quand on ne se connaît pas, on se demande ce qu'on fait dans la vie.
03:05Quand quelqu'un me dit qu'il est médecin ou j'en sais rien,
03:08je lui dis, voilà, enfin une profession utile.
03:10Et quand on me demande ce que je fais,
03:11il a pu m'arriver par le passé d'être un peu gêné
03:13parce que je me disais qu'il y avait un truc non essentiel là-dedans,
03:16comme on a pu le dire à un moment donné.
03:18Après, maintenant, avec le temps, moi, ça m'a été utile, la chanson.
03:22Et puis, au-delà de la chanson, les choses artistiques, elles m'ont été utiles.
03:25Et je crois que, pour dire les choses un peu pompeusement,
03:29je crois que si la beauté sauvera pas le monde,
03:31en tout cas, elle aide à le supporter.
03:33Et que pour plein de gens, c'est important, oui.
03:35Il y a des chansons qui ont changé le monde, pour vous ?
03:38Non, je crois pas.
03:40Je crois que les chansons accompagnent la marche du monde,
03:42depuis la Marseillaise, peut-être, ou sans doute avant.
03:46Mais je crois pas qu'elles le changent.
03:48Est-ce qu'on peut dire qu'en pensant à l'impact de la chanson,
03:54on peut dire aussi qu'il est plus fort dès lors qu'on quitte le champ
03:59purement, strictement politique, ou de la politique politicienne,
04:03pour aller plutôt sur le champ sociétal ?
04:05Vous avez parlé tout à l'heure de David Bowie et de Madonna,
04:09qui, sur la visibilité homosexuelle, ont fait un vrai travail.
04:13Est-ce que, finalement, c'est pas ça, la vraie chanson politique,
04:16c'est la chanson qui parle du sociétal ?
04:19Oui, si, sans doute.
04:21Je vois où vous allez, un peu,
04:23parce qu'il y a des gens qu'on a pu considérer
04:25comme des grands sociologues de la chanson.
04:27Alain Souchon, par exemple,
04:29qui est un chanteur éminemment politique, finalement,
04:31sans avoir l'air d'y toucher,
04:33dont je sais plus qui disait, peut-être Balavoine,
04:35qui disait qu'il était d'une dangereuse douceur,
04:38c'est ça qu'il disait.
04:40Il est évident que des chansons comme Full Sentimentale,
04:42par exemple, qui est une chanson qui est devenue,
04:44je parlais de La Marseillaise tout à l'heure,
04:46quelque part un hymne, un peu sociologique,
04:48sur la façon dont
04:50les gens moyens sont traités par les gens
04:52qui sont placés un peu plus haut,
04:54ou par les gens qui essaient de nous vendre des choses,
04:56il y a là-dedans quelque chose de profondément sociologique,
04:58et en même temps de profondément,
05:00sans avoir l'air d'y toucher, revendicatif.
05:02Donc je crois qu'effectivement,
05:04c'est quand la chanson semble le moins politique,
05:07en tout cas le moins virulente dans son propos,
05:09le plus descriptif,
05:11qu'elle raconte quelque chose qui nous touche
05:13et qu'on finit par s'approprier.
05:15C'était un peu ce que j'ai dit, mais vous voyez où je veux en venir.
05:17Très bien. Et d'ailleurs, Souchon,
05:19c'est l'un de vos héros,
05:21en tout cas une de vos références absolues dans la chanson,
05:23et c'est peut-être vers lui
05:25que vous vous retournez
05:27quand vous écrivez des chansons,
05:29en disant, est-ce que je suis dans le bon territoire ?
05:31En tout cas, quand je veux parler
05:33de la marge du monde dans mes chansons,
05:35quand j'ai envie de parler d'autre chose que de moi,
05:37ce qui m'arrive quand même, heureusement,
05:39c'est un modèle, ouais.
05:41C'est quelqu'un qui
05:43réussit cette chose très très compliquée.
05:45C'est compliqué parce que la chanson,
05:47c'est quand même l'art de la concision.
05:49Souchon, il a ce truc. Souchon, il a le sens de la formule.
05:51Pour parler de
05:53des villes de grande solitude, par exemple,
05:55qui n'est pas forcément mon chanteur préféré,
05:57celui-là, mais peu importe quand même,
05:59il y a quand même des idées sociologiques aussi
06:01chez Michel Chardoux, il a ce terme qui est
06:03de grande solitude qui, en trois, dans un espèce de truc condensé
06:05comme ça, réussit à exprimer
06:07un sentiment assez universel et
06:09je sais pas s'il est politique,
06:11mais en tout cas, il raconte quelque chose de notre société
06:13et de notre monde, oui.
06:15Alors, dans votre cartographie personnelle,
06:17il y a Alain Souchon,
06:19mais à l'inverse, il y a aussi Étienne Dao,
06:21qui, lui, est plutôt
06:23dégagé,
06:25si on devait...
06:27Pour le caractériser.
06:29C'est-à-dire que
06:31le dégagement n'est pas son
06:33territoire.
06:35En tout cas, pas dans ce qui propose...
06:37Moi, je crois profondément
06:39qu'Étienne Dao, effectivement, est un chanteur
06:41profondément dégagé.
06:43Il a pu lui arriver de nous expliquer
06:45que quand même, le fait de parler,
06:47qu'on voyait bien où il se situait, en gros,
06:49qu'il était plutôt dans une espèce d'univers
06:51de tolérance par rapport à
06:53toutes les sexualités, d'ouverture d'esprit...
06:55Tout ça, moi, je trouve ça toujours
06:57un peu lénifiant et c'est un peu des grands mots.
06:59Je veux dire, c'est bien simple de dire ça.
07:01A priori, on ne va pas raconter
07:03qu'on est homophobe et raciste.
07:05Ce sont des évidences un peu plates.
07:07Par contre, il est arrivé
07:09à Dao, dans d'autres domaines, notamment
07:11à des moments où il y avait des urgences
07:13qui étaient celles du SIDA,
07:15de s'engager pour monter la première compilation,
07:17par exemple, de chanteurs qui...
07:19On sait ce qui lui en a coûté en termes de rumeurs, tout ça.
07:21Je trouve que, paradoxalement, il s'est montré plus éminemment
07:23politique dans certaines prises de position
07:25que dans ses chansons, son univers
07:27musical, où on sent qu'il a besoin,
07:29et je comprends très bien pourquoi, de protéger ça
07:31de toute tentative de récupération,
07:33qu'elle soit politique ou militante, en fait.
07:35Troisième chanteur
07:37vous lui avez rendu hommage assez
07:39récemment à Clermont-Ferrand,
07:41sa ville natale,
07:43c'est Jean-Louis Murat, qui lui aussi
07:45était un poète absolument
07:47exigeant, mais qui, en revanche,
07:49prenait des positions politiques
07:51qui étaient
07:53assez tranchantes.
07:55Vous avez aimé aussi le Murat...
07:57Le Murat politique ?
07:59Non, pas tellement, parce que...
08:01Mais on a comme ça des...
08:03C'est du bord d'où je viens que je dis ça,
08:05je suis plutôt un garçon de gauche, a priori,
08:07ce qui est un peu une banalité
08:09quand on est chanteur, aujourd'hui, je crois.
08:11Il y a quand même pas beaucoup de chanteurs de droite, pas tant que ça.
08:13Murat, quand même, quand on l'entendait
08:15parler, qu'il commençait à aborder un peu le domaine politique,
08:17ça partait des calmelots du roi pour finir par dire
08:19qu'il aimerait bien inviter Éric Zemmour à ses concerts.
08:21Alors, on sent la part de provocation
08:23qu'il peut y avoir là-dedans,
08:25mais je crois qu'il y a des chanteurs comme ça dont moi je préfère
08:27écouter des chansons, et voilà.
08:29Après, à côté de ça, dans la manière dont lui
08:31concevait et faisait son métier,
08:33je trouve qu'il y avait une démarche, ça peut être aussi ça,
08:35être politique, ça peut aussi être dire
08:37mais moi j'en ai rien à foutre de ce système de l'industrie
08:39du disque, j'ai envie
08:41d'écrire un album par an et de
08:43continuer à produire, parce que quand on est chanteur, il faut
08:45travailler, il avait l'idée profonde,
08:47c'est vraiment poété paysan,
08:49Murat, voire poète ouvrier, mais il était plutôt paysan,
08:51il y a cette idée que quand on est chanteur,
08:53on chante et on écrit des chansons, et je trouve
08:55que la façon dont il a mené son parcours de
08:57chanteur, avec
08:59quelques grands succès au début et après,
09:01la volonté farouche de continuer envers et contre
09:03tout, de pas aller à Paris
09:05alors qu'on est dans un état centralisé,
09:07ça dessine quand même un parcours politique
09:09dans le sens où il montre aux chanteurs une
09:11voix, une façon d'exercer ce métier
09:13qui, quelque part, est un peu militante.
09:15Et vous, alors,
09:17quand vous avez commencé à
09:19écrire des chansons, c'est parce que
09:21c'était une question
09:23de vie ou de mort, il pouvait pas
09:25être question de faire autre chose,
09:27vous avez donc, comme on le disait
09:29au démarrage de cet entretien,
09:31suivi un cursus universitaire,
09:33Sciences Po, vous auriez
09:35pu faire autre chose que...
09:37Oui, j'aurais pu, mais j'aurais été très malheureux.
09:39En fait, souvent, on pose cette question aux artistes,
09:41on leur dit, qu'est-ce que vous auriez fait ?
09:43Généralement, ils répondent, Gordonnier, ou des trucs comme ça, tu parles.
09:45Non, moi,
09:47vraiment, je suis tombé amoureux
09:49de la chanson, au-delà de tout
09:51autre type d'art, que tout m'intéressait,
09:53la littérature, le cinéma, mais vraiment, la chanson,
09:55j'ai dû tomber profondément amoureux de ça
09:57à 7-8 ans, quand j'ai découvert des chansons qu'écoutaient
09:59mes parents, qui m'ont profondément ému.
10:01Vraiment, je voulais faire ça,
10:03c'était un rêve, voilà,
10:05qui me semblait, à plein de moments, totalement inaccessible,
10:07vu d'où je venais.
10:09Besançon ? Oui, et puis une classe moyenne,
10:11enfin, voilà, il y avait pas de raison.
10:13Sans relation, sans raison ? Moi, je connaissais personne qui faisait ça,
10:15je savais pas que ça pouvait exister, de réussir
10:17dans cet endroit-là. On pouvait réussir dans d'autres endroits,
10:19mais pas là, en fait.
10:21Et par contre, j'aurais été très malheureux,
10:23parce que, non, moi, c'est profondément ce que je voulais faire,
10:25et après, je l'ai beaucoup raconté, donc on va aller vite,
10:27mais, suite à un deuil, en fait,
10:29j'ai arrêté d'être vélitaire et de le faire de façon un peu,
10:31voilà, je me suis dit que, comme des choses horribles
10:33peuvent arriver, autant vraiment essayer jusqu'au bout
10:35de faire ce que tu veux, et c'est là que, vraiment,
10:37sérieusement, je me suis mis à écrire
10:39des chansons et à essayer d'en faire
10:41mon métier, ma vocation.
10:43Ce sont des chansons d'amour
10:45qui ont donné un film,
10:47réalisé par Christophe Honoré.
10:49Évidemment, quand vous avez
10:51écrit ces chansons,
10:53c'était presque un acte, même si
10:55le mot résilience, aujourd'hui, est très démonétisé,
10:57mais il y avait un peu de ça, quand même.
10:59Dix ans,
11:01vingt ans plus tard, ce film est un film
11:03culte et générationnel.
11:05Comment vous expliquez que, pour
11:07toute une jeune génération,
11:09ce film a provoqué
11:11un choc émotionnel ? Il y a un avant
11:13et un après, les chansons d'amour, pour beaucoup
11:15d'artistes, notamment.
11:17Ce qui est marrant, c'est qu'à l'époque,
11:19quand il est sorti, on était à peu près persuadés, avec Christophe
11:21Honoré, que c'était
11:23un film qui allait intéresser des gens qui avaient notre âge,
11:25que c'était des histoires de trentenaires, entre eux, à Paris, et tout ça.
11:27Et très vite, on s'est rendu compte que
11:29c'était un film qui touchait une tranche d'âge entre
11:3115 et 18 ans, en gros.
11:33C'était plutôt des lycéens qui se sont emparés du film
11:35que des gens de notre âge, à ce moment-là.
11:37La raison,
11:39elle peut sembler un peu...
11:41C'est quand même un film qui traite
11:43de quelque chose
11:45de très lyrique, de très passionnel,
11:47de très dramatique. Je crois qu'il n'y a pas
11:49un âge plus propice
11:51à embrasser ce genre de sentiments qu'entre
11:5315 et 18 ans. C'est vraiment le moment où on est le plus...
11:55Peut-être ridicule, dans cette
11:57façon d'être passionné et passionnel, mais
11:59moi, je crois que les
12:01albums que je continue à écouter et que je préfère sont ceux que
12:03j'ai découverts à ce moment-là. Après, j'ai découvert d'autres choses
12:05que j'ai profondément aimées, mais il n'y a rien
12:07qui dépasse, je crois, ce qu'on
12:09découvre quand on est dans cette période de
12:11formation adolescente où
12:13tout est exacerbé.
12:15Et dans les chansons d'amour, ce qu'on n'avait pas
12:17nous calculé avec Christophe,
12:19les chansons étant très lyriques,
12:21très sentimentales, étant plus là pour exprimer
12:23les sentiments des personnages que pour
12:25faire avancer l'action, il y a forcément
12:27quelque chose qui va toucher au
12:29cœur de ces gens-là.
12:31Puis après, sur un truc un peu plus
12:33sociologique ou du moment
12:35où ces chansons d'amour sont sorties,
12:37ça commençait à être le cas,
12:39mais parler de couple à trois,
12:41de bisexualité, de ce genre de choses
12:43et de cette façon-là, c'est-à-dire avec
12:45des chansons, il y a
12:47des précédents et il y a des choses qui s'étaient passées,
12:49mais ça tapait juste
12:51à un moment donné sur ces questions-là qui sont devenues
12:53de plus en plus prégnantes ensuite,
12:55après 2007, le moment où ça sort.
12:57Quand on dit film
12:59générationnel, on dit forcément
13:01film qui structure
13:03une colonne vertébrale
13:05un peu émotionnelle, intellectuelle,
13:07et c'est vrai que
13:09dans ce film aussi, il y a
13:11une sorte
13:13de proposition de rapport au monde.
13:15Ce sont des jeunes parisiens,
13:17plutôt libres, plutôt effectivement
13:19dans une exaltation
13:21du sentiment.
13:23Est-ce que vous diriez que les chansons d'amour,
13:25c'est un film de gauche ?
13:27Oui.
13:29C'est un film de gauche
13:31au sens où je pense
13:33que des gens de droite peuvent s'en emparer pour montrer
13:35à quel point, vous voyez ce que je dis,
13:37les bobos parisiens dans leur appartement
13:39du 10e arrondissement,
13:41à un moment donné, c'est l'époque de la présidentielle
13:43de 2007, Sarkozy Royal,
13:45à un moment donné, on a tourné
13:47près des locaux de campagne de Sarkozy,
13:49on voit Louis Garel qui s'approche d'une affiche de Sarkozy
13:51et qui se recule avec une mine un peu dégoûtée, c'était pas très subtil.
13:53Mais je pense que c'est profondément
13:55un film de gauche où,
13:57et moi ça m'amuse beaucoup,
13:59si on le montre à un type qui écrit dans Valeurs Actuelles,
14:01je pense qu'il y a dedans tout
14:03ce dont il pourra se servir pour dire
14:05voilà, c'est ça, tout ce qui est dégoûtant, c'est ça.
14:07Vous voyez ce que je veux dire ?
14:09Alors, dans votre légende, dans votre mythologie,
14:11dans votre wikipédia,
14:13on dira que vous êtes l'auteur
14:15aussi d'une chanson de gauche.
14:17Les gens n'ont pas bien écouté cette chanson,
14:19a priori, mais c'est quand même une chanson qui a existé,
14:21qui a eu un destin incroyable,
14:23c'est Au départ.
14:25L'idée de
14:27cette chanson, Au départ, c'était
14:29précisément de faire un parallèle
14:31entre une histoire d'amour qui commence
14:33dans l'exaltation et qui termine dans la
14:35dissolution, et
14:37c'est assez proche de ce que nous vivons
14:39depuis, allez, on va dire une quinzaine
14:41d'années dans ce pays.
14:43Cette chanson
14:45a été importante pour vous.
14:47C'est un marqueur dans votre histoire.
14:49Oui, c'était important parce que je me suis un peu forcé à la faire.
14:51J'étais arrivé à mon
14:53troisième album, j'avais eu des conversations
14:55avec des amis à moi, que la chose politique
14:57intéresse beaucoup aussi, et qui me disait que
14:59qu'on manquait peut-être parfois un peu
15:01de chansons, à part celles de Souchon,
15:03effectivement, mais qui ne sont pas si politiques, qui sont plus
15:05sociologiques, qu'on manquait de chansons un peu...
15:07Voilà, et
15:09je me suis forcé à la faire parce que je me
15:11disais que
15:13qu'il fallait trouver un moyen
15:15pour raconter la chose politique
15:17sans que ça soit ni un tract, ni quelque chose
15:19d'extrêmement édifiant,
15:21ou quelque chose d'instructif,
15:23vous voyez ce que je veux dire.
15:25Et à un moment donné, je me suis dit
15:27que comme t'écris des chansons d'amour et qu'en même temps la chose politique
15:29t'intéresse, il y a peut-être un parallèle
15:31à établir, avec cette idée
15:33simple, idiote, mais
15:35tellement brillante...
15:37On peut le dire.
15:39Ça raconte plus la gauche au pouvoir, d'ailleurs, c'est que la gauche au pouvoir
15:41ça commence toujours par un immense espoir et ça se termine
15:43dans la cohabitation, ou la dissolution,
15:45pour le coup.
15:47Et je crois que tout ça
15:49m'était venu aussi de Souchon, que j'avais vu en concert,
15:51qui fait des talks toujours très drôles
15:53entre ses chansons, et qui à un moment disait
15:55avec la gauche vient le désespoir,
15:57avec la droite ne vient rien.
15:59Et je trouvais qu'il y avait dans cette idée
16:01de dire que la gauche c'est toujours une déception,
16:03c'est toujours une déception, mais parce qu'on en attend
16:05quelque chose. Et je trouve qu'il y a
16:07là-dedans quelque chose de plus joyeux
16:09quand même que dans l'idée d'une droite gestionnaire
16:11dont on n'attend rien et dont on est content qu'elle
16:13réserve les déficits, même si c'est important
16:15apparemment.
16:17Le futur président
16:19Hollande utilise
16:21cette chanson
16:23dans ses meetings,
16:25ça devient un hymne, un hymne
16:27de campagne, pour le coup.
16:29Et vous lui faites
16:31remarquer qu'il n'a peut-être pas bien écouté la chanson.
16:33Non seulement il n'a pas bien écouté,
16:35mais des années après, qu'il soit président,
16:37je l'ai recroisé dans une émission, j'ai dit
16:39je pourrais écrire le couplet sur vous maintenant.
16:41Non mais désespoir déçu,
16:43il en a notamment le mien aussi.
16:45Après c'est fou,
16:47c'est là que quand on est passionné par la chose politique
16:49c'est vraiment comme l'amour, c'est qu'on a beau avoir été déçu
16:51et savoir que ça va mal finir,
16:53quand ça commence, moi en tout cas,
16:55mais je suis peut-être d'une bêtise terrible,
16:57quand ça recommence,
16:59ou que quelqu'un tout d'un coup semble porter des idées
17:01qui me plaisent et à même de l'emporter,
17:03je suis toujours… On y replonge.
17:05Je suis toujours exalté.
17:07C'est peut-être là que les gens de gauche sont plus bêtes
17:09quand même que les gens de droite. Je ne sais plus qui disait
17:11quand on n'est pas de gauche à 20 ans on est un salaud
17:13mais quand on n'est pas de droite à 40 on est un imbécile.
17:15Je suis resté un imbécile.
17:17Comment vous avez vécu
17:19cette dernière séquence politique ?
17:21Je ne vais pas vous demander personnellement
17:23mais peut-être le malaise
17:25qu'on a senti
17:27chez les artistes et les chanteurs en particulier
17:29sur le fait de s'engager
17:31comme ça avait été le cas au moment
17:33de la qualification, la première fois
17:35de Le Pen au deuxième tour
17:37où là on a senti vraiment
17:39que les plaques tectoniques bougeaient
17:41mais qu'il y avait une sorte de malaise.
17:43Est-ce que ce sont les 11 millions
17:45d'électeurs du Rassemblement National
17:47qui font que tout d'un coup on se dit
17:49dans mon public, possiblement,
17:51il y a des gens qui votent Rassemblement National
17:53c'est pour ça qu'on s'engage moins ?
17:55Je crois, j'espère, que c'est plus compliqué que ça.
17:57Évidemment qu'il y a de toute façon une partie de chanteurs
17:59ou d'artistes qui refusent pour des raisons
18:01personnelles de se couper d'une partie
18:03du public et préfèrent ménager
18:05la chèvre et le chou au cas où
18:07le principe du collabo ça a toujours existé.
18:09Mais je ne crois pas que ce soit le seul problème en réalité.
18:11Moi j'ai l'impression,
18:13c'est Benjamin Biollet que ça intéresse
18:15beaucoup aussi la chose politique qui disait ça,
18:17qui disait qu'à un moment donné les gens en ont marre
18:19et que ça a peut-être eu comme effet de faire monter
18:21ces idées-là, ou en tout cas ces réflexes-là
18:23d'aller voter pour les gens du RN.
18:25C'est que
18:27toutes ces espèces de pétitions,
18:29de gens qui vont à la télévision pour donner des conseils
18:31aux petits peuples, en gros, parce qu'il peut y avoir
18:33un côté un peu Marie-Antoinette chez certains artistes
18:35dans le fait qu'on est privilégié, qu'on fait un métier
18:37qu'on adore, qu'on n'a pas les difficultés qu'ont ces gens-là.
18:39Moi j'ai cru remarquer
18:41à un moment donné que tout ça était très contre-productif.
18:43Qu'à un moment donné ça a pu être productif,
18:45peut-être avant l'arrivée de la gauche au pouvoir, parce qu'elle n'y était
18:47jamais arrivée avant que Mitterrand arrive,
18:49mais qu'à un moment donné, tous ces gens,
18:51vous voyez ce que je veux dire ? Tous ces gens
18:53dont on peut considérer qu'ils sont plutôt
18:55en train de péter dans le velours, qui viennent expliquer
18:57aux petits peuples qui sont des imbéciles
18:59d'aller voter pour des fascistes.
19:01Je crois qu'il y avait là-dedans quelque chose de
19:03contre-productif. Ça c'était pour
19:05tout ce qui est de l'ordre des...
19:07J'ai signé une pétition, évidemment, parce qu'on ne peut pas s'en empêcher
19:09à un moment donné, je ne sais plus, c'est le désarrogue, je crois.
19:11Moi je suis incapable, moi je crois que
19:13toute ma vie politique, et c'est triste d'ailleurs
19:15depuis que je suis né, depuis que je suis électeur en tout cas,
19:17a été menée par
19:19la montée du FN et ensuite du RN.
19:21Et par le fait, même dans mon vote,
19:23est conditionné par le fait d'éviter que ça arrive.
19:25C'est terrible, parce qu'aujourd'hui
19:27je trouve que c'est un échec aussi pour moi
19:29d'avoir suivi cette voie-là.
19:31Et après il y a un autre truc que moi j'ai
19:33vécu, expérimenté personnellement,
19:35c'est ce truc des réseaux sociaux,
19:37où on peut poster des choses et voilà.
19:39Et moi je trouve ça très embarrassant et j'ai pas du tout
19:41résolu l'équation, d'ailleurs je crois que deux jours avant le premier tour
19:43j'ai fini par mettre un truc avec une une du canard
19:45dans une espèce de truc de me dire
19:47c'est quand même l'âge de pas dire que...
19:49J'avais l'impression que si je le disais pas ça faisait genre
19:51si ils arrivent au pouvoir autant me...
19:53J'avais envie, j'avais besoin de dire
19:55ce qui n'est pas un risque énorme mais...
19:57Mais il y a quand même un truc quand on regarde un Instagram
19:59où on fait la promotion de son dernier album
20:01et où on raconte des conneries dans une story
20:03pour attirer le chaland et que
20:05deux postes après on va raconter
20:07des choses extrêmement graves sur Samuel Paty
20:09ou sur la montée du RN, il y a quelque chose
20:11que je ne peux pas m'empêcher de trouver profondément indécent
20:13et en plus je suis persuadé
20:15que certains artistes prennent
20:17ces positions par pur opportunisme.
20:19La déflagration des deux, enfin
20:21la proximité des deux, moi faire
20:23un truc pour annoncer une cigale et après dire
20:25attention Bardella arrive,
20:27il y a là dedans quelque chose d'obscène
20:29qui fait que je n'arrive pas à...
20:31Ce n'est pas un endroit où j'arrive à m'exprimer
20:33et à m'engager, je trouve que ce n'est pas fait pour ça.
20:35Peut-être que je suis vieux, que c'est un réflexe
20:37de vieille personne, mais je trouve
20:39ça profondément indécent en fait.
20:41Mais en tout cas ça provoque en vous
20:43des débats internes, un peu comme
20:45à l'Assemblée Nationale.
20:47Absolument, sur plein de choses, puis c'est marrant, il suffit que vous
20:49postiez un truc sur Bardella pour que d'un coup ils vous disent
20:51pendant le 7 octobre vous vous êtes tu et pendant machin et tout.
20:53Et là on n'en finit plus
20:55parce qu'on sait que ce n'est pas l'endroit de la nuance
20:57non plus, ces endroits de réseaux sociaux.
20:59Moi je suis social-démocrate,
21:01je sais c'est un truc de vieux, mais je suis social-démocrate
21:03depuis que j'ai 15 ans, je suis rocardien, vous imaginez
21:05le truc, je n'ai vraiment jamais été...
21:07C'est horrible, je suis une espèce de chiffre
21:09molle de la gauche.
21:11Mais quand je vois des gens qui se hurlent dessus
21:13et que si je poste un truc pour dire faut pas voter Rennes
21:15on me dit 7 octobre alors !
21:17Je ne peux pas...
21:19Je ne peux pas exister
21:21politiquement et donner mon avis dans ces trucs-là.
21:23Et en plus je trouve ça un peu ridicule.
21:25J'ai toujours l'impression de me dire qui je suis.
21:27Si on me pose la question,
21:29je veux bien répondre parce que je ne veux pas me planquer.
21:31Mais voilà, il y a ce truc de
21:33qu'est-ce que tu vas dire aux gens ?
21:35Nous sommes à l'Assemblée Nationale.
21:37Vous connaissez cet endroit ? Vous êtes déjà venu à l'Assemblée Nationale ?
21:39Oui, il y a très longtemps quand je faisais
21:41ces études très sérieuses de Sciences Po.
21:43En l'occurrence mon amoureuse était attachée parlementaire
21:45de Paulette Guinchard-Cusmer
21:47qui était députée du Doubs, si je ne dis pas de bêtises,
21:49qui est décédée depuis, pauvre Paulette.
21:51Et voilà, comme elle était
21:53attachée parlementaire, j'avais visité, j'étais venu
21:55et pour tout vous dire, j'avais aussi
21:57fait un mémoire qui est resté dans les annales,
21:59je crois, de deuxième année
22:01sur l'iconographie de la séance parlementaire.
22:03Donc j'avais revisité à cette occasion
22:05l'Assemblée Nationale. Donc oui, je suis déjà venu, oui.
22:07C'est un bâtiment
22:09qui provoque quelque chose chez vous ?
22:11Oui, il y a une symbolique.
22:13En plus, moi je suis très attaché dans l'idée de république parlementaire.
22:15Je suis très attaché à l'idée du parlementaire, en fait.
22:17Moi, je n'ai jamais été un fou de...
22:19Si, au moment des élections,
22:21parce qu'on est tous des midinettes,
22:23on n'est pas un fou de l'idée de présidentialisation,
22:25etc. Donc forcément,
22:27il y a quelque chose dans l'idée que c'est là que,
22:29a priori, le peuple est représenté.
22:31Oui, je reste attaché à des symboles.
22:33Ça aussi, c'est peut-être un peu naïf ou un peu ridicule,
22:35mais je peux trouver ça émouvant.
22:37Oui. Alors, vous venez
22:39d'achever un film qu'on va
22:41voir à la fin de l'année, qui s'appelle
22:43Joli Joli. C'est votre grand retour
22:45au cinéma, dans une
22:47comédie musicale.
22:49Écrire Joli Joli, c'est pour s'extraire de la laideur
22:51du monde ? Complètement.
22:53C'était vraiment l'idée. En plus, je fais ça avec un garçon qui s'appelle
22:55Diastème, qui précédemment a fait deux films très politiques.
22:57Un film qui s'appelait Un Français, qui racontait le parcours
22:59d'un militant FN,
23:01et ensuite un film qui s'appelait Le Monde d'hier, qui imaginait
23:03l'arrivée imminente au pouvoir du Front National,
23:05enfin, une partie d'extrême droite.
23:07Je crois qu'il avait besoin de ça.
23:09Vraiment, Joli Joli, c'est une fantaisie. Et c'est l'idée de se dire
23:11qu'à un moment donné, on a besoin, au milieu
23:13de tout ça,
23:15de... comment on dit ?
23:17De zones de réconfort.
23:19On a besoin d'endroits où, tout d'un coup,
23:21on est éloigné de toutes ces choses-là.
23:23Et ça veut pas dire qu'à cause de ça,
23:25on va s'éloigner de la marge du monde,
23:27et pas militer, et pas continuer à suivre les choses.
23:29Mais je crois qu'en dehors du fait
23:31d'alerter et de raconter le monde,
23:33quand on est artiste, on a aussi, à un autre endroit,
23:35besoin, et peut-être
23:37le devoir de divertir
23:39et de réconforter. Moi, quand je vais pas bien,
23:41comme plein de gens, apparemment, je regarde un épisode de Friends,
23:43par exemple. Vous voyez, ces choses un peu doudoues,
23:45c'est un peu niais, c'est un peu ridicule.
23:47Ou je regarde un film, je regarde Les Demoiselles de Rochefort.
23:49Si j'allais vous dire ça, c'est...
23:51Un film comme Les Demoiselles de Rochefort, qui est totalement apolitique,
23:53contrairement au Parapluie de Cherbourg, par exemple.
23:55Quoique. Oui, mais quand même.
23:57Voilà, ça permet, tout d'un coup,
23:59pendant deux heures, de...
24:01C'est comme quelqu'un qui vous fait
24:03un câlin quand ça va pas bien, quoi.
24:05C'est toujours un peu niais d'expliquer ça comme ça,
24:07mais je crois qu'on a besoin de ça.
24:09Mais Joli Joli,
24:11qui est un très joli titre,
24:13c'est aussi
24:15une relation au monde.
24:17D'ailleurs, dans ce film, qui se tourne,
24:19qui se situe dans les années 70,
24:21on y fait allusion
24:23à l'évolution de la société,
24:25notamment l'évolution des meurtres.
24:27Des rapports hommes-femmes, de l'homosexualité,
24:29ce genre de choses.
24:31Oui, mais quand même, vous remarquerez qu'on avait la volonté
24:33de faire une reconstitution,
24:35déjà parce que comme c'est un vaudeville, il faut pas qu'il y ait de téléphone portable,
24:37sinon dès le début, tout est foutu en l'air.
24:39Il y a des quiproquos qui marchent pas, qui marchent plus aujourd'hui.
24:41Mais il y a aussi l'idée qu'on l'a situé
24:43effectivement entre 70 et 79,
24:45c'est-à-dire une période
24:47où il n'y a pas non plus encore le sida.
24:49On est vraiment à la fin d'une espèce de parenthèse enchantée.
24:51Il y a l'idée de se dire, on va se mettre exactement
24:53à l'endroit, bon, il y a la crise qui commence, etc.,
24:55mais on va quand même essayer de se mettre à l'endroit où il n'y a aucun drame.
24:57Donc le film,
24:59après ces trucs de dire,
25:01oui c'est politique parce qu'il y a deux garçons qui s'embrassent,
25:03non mais ça va,
25:05aujourd'hui c'est quand même une rébellion,
25:07vous voyez ce que je veux dire ?
25:09C'est la moindre des choses qu'on ait envie de raconter des histoires d'amour
25:11qui se déroulaient entre des garçons, entre des filles,
25:13voilà, ça c'est normal.
25:15Mais ce serait quand même bien
25:17pitoyable de ma part de dire,
25:19regardez comme c'est militant
25:21et comme c'est politique de vous montrer ça.
25:23On dit juste dans une chanson, dans 10 ans,
25:25tout ira bien, les filles et les garçons pourront s'embrasser dans la rue.
25:27On le dit de façon un peu ironique parce qu'aujourd'hui encore
25:29on remarque que suivant
25:31les rues dans lesquelles vous êtes, ça peut poser un problème.
25:33C'est la fin de cet entretien,
25:35Alex Bopin. Vous avez beaucoup
25:37parlé de votre âge en sous-texte.
25:39C'est vrai ?
25:41Oui, vous avez dit, je suis une vieille personne
25:43ou quelque chose un peu.
25:45La relation aux politiques,
25:47elle change avec la maturité ?
25:49Parce que vous êtes encore un jeune homme.
25:51Mais non, c'est ce que je vous disais, alors peut-être que c'est de mon fait à moi
25:53mais je crois pas, je crois que
25:55mes intentions politiques, en tout cas mes intentions
25:57d'électeur sont toujours guidées par la même chose.
25:59Et tant mieux quelque part,
26:01moi je trouve que la fidélité
26:03à des valeurs, à des idéaux qu'on avait. J'ai plein d'amis
26:05que je continue à aimer mais dont je trouve qu'ils ont
26:07renié pas mal de choses. Sans doute que moi
26:09je l'ai fait et que je me rends moins compte parce qu'on s'essaie toujours
26:11de se regarder plus beau qu'on est.
26:13Mais moi je crois que,
26:15peut-être parce qu'encore une fois je suis pas parti
26:17politiquement d'une radicalité
26:19qui était trop difficile à tenir
26:21au cours des années, mais j'espère en tout cas
26:23que je suis resté attaché à
26:27l'électeur, aux citoyens
26:29que j'étais
26:31quand j'avais 16 ans.
26:33Merci beaucoup Alex Bopin.
26:35Musique
26:37Musique
26:39Musique
26:41Musique
26:43Musique
26:45Musique
26:47Musique