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NewsTranscription
00:00Le drapeau des rebelles et des djihadistes flotte-flotte donc désormais sur Alep, la
00:09deuxième ville de Syrie en seulement trois jours.
00:12Cette coalition s'est emparée de la majeure partie de la ville et de son aéroport.
00:16C'est une offensive éclair, comme on dit, qui a fait 320 morts selon une ONG.
00:21Bachar el-Assad, le président syrien, assure que son pays est capable de vaincre les terroristes
00:26mais ses alliés, la Russie, le Hezbollah libanais, l'Iran, sont également, Caroline
00:30Baudry, occupés sur d'autres fronts, ce qui fait craindre, et j'en parle avec Régis
00:34Le Sommier dans un instant, ce qui fait craindre certaines images d'une chute du régime.
00:39Dans les rues d'Alep, des groupes d'hommes tirent en l'air pour célébrer l'offensive,
00:42chantent, agitent leur drapeau, déchirent des portraits et déboulonnent les statues
00:46du clan el-Assad.
00:47Des groupes rebelles dominés par des islamistes, explique David Rigoulet-Rose, rédacteur en
00:53chef de la revue Orient Stratégique.
00:55C'est d'abord le groupe principal islamo-djihadiste qui contrôle, qui domine l'enclave d'Idlib
01:01où sont retrouvés tous les insurgés, rebelles et autres factions qui avaient été expulsées
01:06par les forces de Bachar el-Assad.
01:08Les assaillants ont instauré un couvre-feu de 24 heures à la population d'Alep, ils
01:11avancent de façon rapide, surprenante selon le spécialiste, et sans aucune résistance
01:16de la population, par endroits.
01:18Il y a le passif de la guerre civile, une partie avait soutenu les rebelles, les gens
01:22sont à la fois étonnés, sidérés, inquiets, parce qu'ils ne savent pas très bien ce
01:26qui va se passer après, et certains ont des doutes évidemment sur le comportement qu'auront
01:32les groupes islamo-djihadistes.
01:34Le risque géopolitique est majeur, selon lui, la Syrie est morcelée depuis plusieurs
01:37années, les belligérants soutenus par les puissances étrangères, Turquie côté rebelles,
01:42Iran, Hezbollah, Libanais et Russie côté gouvernement, des pays en guerre chaude, engagés
01:46dans des rapports de force avec affrontements militaires directs.
01:49Les précisions de Caroline Baudry pour Europe 1, et j'ajoute que le ministre iranien des
01:53affaires étrangères est attendu en Syrie aujourd'hui.
01:56Bonjour Régis Le Saumier.
01:57Bonjour Léna Hicke.
01:58Alors la Syrie vous connaissez, vous y êtes allé à plusieurs reprises, déjà peut-être
02:01pour les auditeurs d'Europe 1, pour que ce soit clair, qui sont ces djihadistes qu'on
02:05appelle rebelles ?
02:06Alors en fait on les appelle rebelles parce que pendant la première période de la guerre,
02:11à partir de 2011, on a appelé rebelles tout ce qui était dans l'opposition, avant de
02:16se rendre compte que progressivement les djihadistes ont fini par dominer ce mouvement, assez rapidement
02:20d'ailleurs.
02:21Là je veux dire, c'est 50 nuances de djihad, on a en effet des groupes, on va dire plus
02:27ou moins laïcs, l'armée syrienne libre, qui sont sous la coupe des turcs, et puis
02:32d'autres plus ou moins radicaux, comme Ayatari al-Sham, qui est une émanation, qui est l'ancien
02:38nom du front al-Nousra, qui était Al-Qaïda en Syrie, qui est dirigé par Abou Mohamed
02:44d'Al-Jolani, c'est lui le grand maître, le grand Manitou de cette offensive, mais
02:49il faut expliquer qui est Al-Jolani, c'est un compagnon de route de Bagdadi, donc du
02:56chef de Daesh, qu'il avait missionné pour implanter le groupe Araka en Syrie, et qui
03:02ensuite a fait sécession de Daesh pour monter son propre groupe, parce qu'il est d'origine
03:07syrienne.
03:08Donc si vous voulez, on est face à des gens, c'est très difficile de les appeler rebelles,
03:12et encore moins rebelles modérés.
03:13Il ne faudrait pas retomber dans ce piège qu'on a connu déjà, où on fait confiance
03:17à des gens en disant, bon, Bachar el-Assad c'est le dictateur, il faut le remplacer par
03:22des éléments démocratiques, et en réalité on s'aperçoit qu'on est face à des djihadistes.
03:26Pourquoi la Syrie est affaiblie en ce moment précisément ?
03:29Elle est affaiblie depuis huit ans la Syrie, si vous voulez, à partir du moment où Bachar
03:33el-Assad, en gros, a gagné la guerre, a reconquis 80% de son territoire, laissant donc la province
03:40d'Idlib avec ses djihadistes, comme ça a été dit, mais également le nord aux Kurdes,
03:45qui vivent de façon plus ou moins autonome sous la coupe des Américains, eh bien, avec
03:49une présence armée des Américains, eh bien, la Syrie en fait n'a jamais rebondi.
03:53Quand la guerre a cessé, quand Alep, par exemple, la grande ville, a été reprise
04:00en 2017, fin 2016, début 2017, eh bien, il n'y a pas eu une reprise économique.
04:07Pourquoi ? Parce que la Syrie, immédiatement, a été accablée sous un flot de sanctions
04:12destinées, évidemment, à punir Bachar el-Assad de cette maintenue au pouvoir, mais qui,
04:17en réalité, a rendu le pays quasiment en pays, je vais dire, une masse d'affamés.
04:22Il y avait même eu des cas de choléra qui se sont développés en Syrie.
04:26Il faut savoir que toute cette guerre, ces dix années de guerre, font qu'aujourd'hui,
04:30un habitant sur deux en Syrie ne vit plus dans sa maison.
04:33Donc, vous avez encore des réfugiés, vous en avez à l'extérieur et vous en avez à
04:36l'intérieur.
04:37Et si vous voulez, face à ça, eh bien, qu'est-ce qui s'est développé ? Pas d'aide humanitaire,
04:43uniquement pour la zone d'Idlib, il faut préciser que, par contre, la zone d'Idlib
04:46a eu de l'aide humanitaire internationale, mais pas la Syrie de Bachar el-Assad.
04:51Bon, on a préféré aider les rebelles djihadistes plutôt que le gouvernement syrien.
04:55Ça, c'était notre position de principe.
04:58Maintenant, qu'est-ce que ça a créé ? Ça a créé un tissu de corruption assez
05:02tenace, c'est-à-dire, cette corruption, elle existait déjà dans le régime bassiste
05:05et en Syrie en général, mais elle s'est développée.
05:08Et aujourd'hui, vous avez un pays complètement exsangue, avec une population d'affamés.
05:13Et en plus, qui a perdu ses puits de pétrole, puisque ses puits de pétrole, ils sont sur
05:18la zone des Kurdes et ils sont contrôlés par les Américains.
05:20Donc, si vous voulez, tout ça fait qu'il y a un degré d'épuisement général de la
05:24société syrienne.
05:25Donc, évidemment, ça se répercute sur l'armée syrienne.
05:28Et ça peut mener à la chute de Bachar el-Assad, ça ?
05:30Oui, tout à fait.
05:31Je pense que ce qui est terrible, c'est qu'on risque de revivre une Syrie avec une Syrie
05:37de 2013-2014, c'est-à-dire avec des pans entiers du pays sous la coupe de groupes armés
05:43plus ou moins djihadistes ou plus ou moins loyaux au gouvernement.
05:46Je ne crois pas que le gouvernement va encore tomber dans l'immédiat, puisque les Russes
05:50vont venir à sa rescousse, l'Iran aussi, même s'ils ont d'autres préoccupations
05:54et il faut le noter.
05:55Vous avez, en fait, tout le monde chiite qui va se mettre au chevet de Bachar el-Assad,
06:00comme il y a huit ans.
06:01Et donc là, il va réussir, je pense, à se maintenir maintenant.
06:06Donc l'Iran, le Liban et le soutien russe également.
06:08Voilà, exactement.
06:09Mais il n'y a pas le Hezbollah qui, lui, est occupé dans sa guerre avec Israël.
06:12Donc, si vous voulez, les djihadistes ont profité d'un changement de la donne géopolitique
06:18de la région pour attaquer, dans un moment de faiblesse, de l'armée syrienne.
06:22Et ils ont conquis une partie du territoire, en tout cas de la province du Nord-Ouest.
06:27Ils en ont vraiment pris.
06:28Et actuellement, ils se battent contre les Kurdes d'un côté, qui veulent préserver
06:33leur territoire, et au sud, au niveau de la ville de Hama, contre l'armée syrienne
06:38qui, elle, a repris un peu de couleur, on va dire, dans la nuit, et a commencé à refaire
06:42des positions de défense.
06:43Mais pendant trois jours, il n'y a quasiment pas eu de résistance.
06:46Ça a été vraiment une avancée fulgurante, avec, il faut vraiment rappeler ça aussi,
06:53quand je dis cinquante nuances de djihad, on est face à des groupes, donc à Hayatari
06:58Ralsham, Ahrar Ralsham et autres, qui ont déjà occupé des parties d'Alep, qui ont
07:02des vengeances à perpétrer, parce qu'ils ont été les rebelles d'Alep qui ont été
07:07vaincus.
07:08Ils reviennent dans la ville de façon triomphante.
07:10C'est une ville où il y a beaucoup de chrétiens, il y a beaucoup de minorités.
07:14Alors, Jolani a commencé par faire un appel aux chrétiens en disant, nous n'allons pas
07:22toucher à vos biens, Alep est votre ville, mais bon, sur le terrain, on a commencé à
07:28déjà avoir des choses pas très jolies, des exécutions, des décapitations et autres,
07:33voilà, qui est le propre des groupes djihadistes.
07:35On rappelle ce qu'on a déjà connu, et c'est beaucoup plus clair avec votre éclairage.
07:38Merci infiniment, Régis Le Saumier.
07:39Vous êtes également un spécialiste du front ukrainien, du front russe.
07:44Votre dernier ouvrage, c'est Jusqu'aux derniers ukrainiens, publié chez Max Milot.