Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Et pour ouvrir la semaine, il était une fois un dessin animé.
00:04Dans la plus précieuse des marchandises de Michel Azanavicius, présentée en compétition
00:10au dernier festival de Cannes, un couple de bûcherons récupère un bébé lancé depuis
00:14un train.
00:15Mais on est en Pologne, c'est la seconde guerre mondiale et le train transporte des
00:19derpes déportées vers les camps d'extermination, Philippe.
00:22Oui, donc il faut quand même dire avant tout que c'est l'adaptation d'un conte de Jean-Claude
00:27Weinberg qui a un très beau livre et évidemment, vous l'avez dit dans le pitch, on évoque
00:35la Shoah et ça pose évidemment question de la représentation.
00:38Et l'idée que je trouve extraordinaire de Michel Azanavicius, c'est de dire on va passer
00:43par l'animation.
00:44Et ce qu'on ne savait pas, c'est que Michel Azanavicius est un dessinateur et les personnages
00:49du film, il les a tous dessinés.
00:51C'est-à-dire que c'est pas simplement je fais un film d'animation et je donne en gros
00:55les directions artistiques et je délègue.
00:57Non, les personnages, c'est vraiment lui.
01:00Et du coup, le look du film, c'est vraiment lui qui l'a choisi.
01:03Et à partir de là, c'est quelque chose d'assez extraordinaire et après, il s'intéresse
01:08évidemment à tout, y compris, je vous le dis avant l'extrait, parce que l'extrait
01:11que je vais vous passer est sans dialogue, mais il y a un casting de voix formidable
01:15et notamment le narrateur qui est Jean-Louis Trintignant.
01:17Et quand le film commence et qu'il y a « Il était une fois » par Jean-Louis Trintignant,
01:21vous avez tout de suite les poils qui vous viennent.
01:23Non, mais c'est quelque chose d'extraordinaire.
01:25C'est la dernière collaboration de Jean-Louis Trintignant au cinéma, parce qu'on sait
01:28que les films d'animation, on commence par les voix.
01:30Parce qu'il faut bien penser qu'après, ça compte pas le narrateur, parce qu'il est off.
01:35Et donc, on voit un extrait.
01:37Alors, d'un point de vue du trait, la pauvre bûcheronne qui est dessinée, c'est d'après
01:44un dessin de Michel Advanitius.
01:47Regardez le travail sur le blanc tout autour, c'est comme si elle émergeait du blanc et
01:52puis il y a ce plan, ce fondu qui va nous permettre de repérer le bébé dans la neige.
01:56Alors, il y a un parti pré-stylistique sur le type de dessin.
02:02Il a travaillé avec des gens pour les costumes, les décors, comme sur un film, j'allais dire,
02:08en prise de vue réelle.
02:09Mais l'illustration, ça évoque un peu Henri Rivière, illustration des années 30, le
02:14japonisme.
02:15Michel Advanitius, c'est un vrai réalisateur qui travaille beaucoup au montage.
02:20Au montage, on ne peut pas travailler du montage au film d'animation.
02:22Donc, avant de faire le film d'animation, il a tourné le film en personnage réel.
02:26Il a fait 15 jours de tournage avec des vrais acteurs.
02:29Et du coup, il a travaillé les mimiques des personnages et du coup, il le donne à ces
02:34personnages.
02:35Et ça donne tout de suite quelque chose de différent, de plus fort, de plus incarné.
02:39Quelque chose qui est, à mon sens, extrêmement puissant et qui va participer à l'émission
02:44et après à l'émotion.
02:45Et quand je vous reparlais de la Shoah, ce n'est pas pour dire que comme on dessine,
02:50ça ne compte pas.
02:51Mais il y a une possibilité d'évocation qui est assez extraordinaire.
02:56Mais justement, comment on bascule, Marie, du côté très con, que la forêt, les bûcherons
03:00à au traitement de l'image de la Shoah ?
03:03Alors, c'est une idée absolument merveilleuse qui pourrait être empruntée à Disney.
03:07C'est-à-dire qu'on va suivre un oiseau.
03:10Vous avez un petit oiseau comme chez Blanche-Neige, en gros.
03:14Et puis, à Tiredel, il va à trois pas de là, et trois pas de là, c'est un camp.
03:18Et là, il y a une rupture dans le dessin, il y a une rupture dans l'animation.
03:26On passe presque du côté de l'abstraction, mais on passe aussi du côté du noir, évidemment,
03:31du travail au fusain.
03:32Le trait change.
03:33Le trait change complètement.
03:35Et on est dans, par exemple, j'ai encore en tête une image extrêmement frappante,
03:40où on a tout à coup une multitude de visages figés dans l'horreur.
03:45Tout le monde est sorti de la projo en se disant, on dirait le cri d'Edouard Munch.
03:50Et c'est d'autant plus intéressant qu'Azenavissius disait que, lui, son inspiration, c'était
03:55un voyage qu'il a fait au Rwanda, où il travaillait sur un autre génocide, en réalité,
04:00et où il avait vu des corps figés.
04:03Et des crânes alignés.
04:04Et des crânes alignés, et des gens figés comme à Pompéi.
04:07Et donc, il a essayé de traduire ça en dessin.
04:10Et donc, le film est fracturé.
04:12Et j'allais dire, c'est fou à quel point ça m'a évoqué mon enfance, qui, elle, a
04:18été fracturée par la découverte de la Shoah.
04:21C'est-à-dire, j'ai un avant et un après, l'âge où je découvre qu'elle a existé.
04:26Et ce film, qui est vraiment tout public, je dirais peut-être à partir de 11-12 ans,
04:31quand même.
04:32On peut amener ses enfants.
04:33En 8-9 pour rentrer à Aujourd'hui.
04:36C'est même une volonté, de vouloir, effectivement, parler à travers l'animation, mais aussi
04:41à travers l'univers et la langue du conte de la Shoah, de la déportation, aux enfants
04:47comme aux adultes.
04:48C'est quand même un sacré défi, il faut le dire, et d'arriver à relever ce défi
04:53et à rendre ce film aussi bouleversant.
04:55Parce que c'est un film qui interroge notre humanité, en réalité.
04:58Ce qu'il cherche à nous raconter, Michel Azanavicius, à travers ce film, c'est qu'on
05:02est tous composés du même matériel, matériaux, qu'on a tous un cœur qui bat.
05:06Et le bruit, le son qu'on entend, c'est ce battement de cœur.
05:10Mais ce battement de cœur, il est d'une puissance inouïe, parce qu'il nous permet
05:12de nous recentrer sur l'essentiel, qui est comment préserve-t-on aujourd'hui, encore,
05:16et c'est une question d'actualité, ce battement, ce que s'emploie à faire très, très bien
05:19le personnage de la bûcheronne, qui est déterminée, vraiment, à sauver cet enfant minuscule.
05:24Oui, je crois que c'est vraiment un film aussi sur l'espérance.
05:26Il y a quelque chose de très saisissant.
05:28Voilà, c'est tout le travail sur, finalement, le chromatisme du film.
05:33Je veux dire, il y a presque une couleur de boue, une couleur marron, au début, et la
05:40lumière rentre vraiment très, très progressivement jusqu'à, enfin, je ne vais pas dévoiler
05:45la fin, mais jusqu'à, voilà, cette espérance, elle éclot, finalement, à la fin du film.
05:50Moi, je dois dire que je trouve ça assez superficiel, en vérité.
05:52Je n'ai vraiment pas du tout été ému par le film.
05:54Je me suis beaucoup ennuyé, je dois dire.
05:55Alors, c'est pourquoi ?
05:56Je n'arrêtais pas de penser, en fait, à un film sorti en début d'année qui est
05:59la zone d'intérêt.
06:00Et là, je me disais, mais je suis vraiment dans ma zone de désintérêt, en fait, totale.
06:03Je n'arrivais pas du tout à m'intéresser à ces personnages que je trouve, en fait,
06:06complètement écrasés par une écriture de Guimauve, en fait, notamment.
06:10De Guimauve ?
06:11Alors, la Guimauve, elle a un goût, quand même, un peu acide.
06:15C'est des dragées au bois.
06:16C'est un personnage de gueule cassée, là, qui ne fait que donner des espèces de leçons
06:19morales, de philosophies de vie qui sont de prêtes à penser, pour moi.
06:23Et on a évidemment une musique d'Alexandre Desplat qui est omniprésente et que je trouve
06:26mais irritante au possible, insupportable et sursignifiante.
06:30Mais c'est intéressant que tu dis ça parce qu'il y a extrêmement peu de dialogue.
06:33C'est un film vraiment de peu de mots.
06:35C'est un film qui est entièrement visuel et qui a cette espèce de langue universelle
06:39du conte.
06:40Donc, ce sont des archétypes et tu le vois même jusque dans la fabrication des personnages
06:45qui sont des personnages décidés à gros traits et qui ont comme ça une espèce de
06:49valeur ahistorique, quasiment.
06:53Et moi, je trouve que le travail, qu'est esthétiquement le film, rien que ça.
06:58Incroyable.
06:59C'est pour ça que je parlais du japonisme.
07:00C'est une beauté ronversante.
07:01On peut parler des illustrateurs russes, Billy Bean et tout ça.
07:05C'est incroyable.
07:06Enfin, je veux dire, chaque photogramme est d'une beauté folle.
07:09Tu parlais de figuratif et d'abstraction.
07:10Et là, tu nous as montré une séquence, Philippe, où on voit comme ça, ces nappes de neige,
07:15cette brume qui obstrue la vue, ça donne quand même des séquences absolument étourdissantes.
07:20C'est intéressant.
07:21Je veux dire, on parle de race maudite.
07:22On parle du train des dieux.
07:23Enfin, je veux dire, jamais la Shoah n'est nommée en tant que telle qui permet d'avoir
07:27une distance.
07:28Et je crois que tous les cinéastes, finalement, qui ont filmé ou qui ont voulu représenter
07:31la Shoah ont cherché la bonne distance, que ce soit dans la zone d'intérêt, que ce soit
07:36dans une bénignie.
07:37On retrouve l'humour ou pas ?
07:38C'est les moindres vues complètement différentes.
07:40Tu ne peux pas dire je préfère l'un que l'autre.
07:42C'est des choix totalement différents.
07:44On retrouve ou pas, pour terminer, l'humour de Jean-Claude Grimberg, on le retrouve un
07:48tout petit peu dans le film ou pas ?
07:49Un petit peu.
07:50Et aussi, le côté détournement de Azabeth Hussin, un détournement de compte, on peut
07:56dire.
07:57Moi, je trouve qu'on se sent sûr que lui-même a été un bébé né en 1939 et je crois que
08:01sa vie, son âme, elle imprègne totalement cette histoire.
08:04Moi, en repensant au film hier soir avant de venir, j'avais relé l'arme en pensant
08:09à certaines séquences.
08:10Il faut imaginer ce que c'est dans un film, un personnage qui sent tout à coup dans les
08:15objets, dans ses mains, etc., battre le cœur de quelqu'un d'autre.
08:18Ça, c'est une idée qui m'a fait bébé.
08:20Mais moi, vous pouvez battre mon cœur à travers cette table.
08:23Ça, c'est une grande bêtise.