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En 2015, la rupture d'un barrage dans l'état du Minas Gerais, laisse échapper une gigantesque coulée de boue, pleine de déchets miniers dans ce qui sera considérée comme la plus grande catastrophe écologique du Brésil. Pourtant, un deuxième barrage explosera 3 ans plus tard... faisant encore plus de victimes. Selon plusieurs chercheurs, cette seconde catastrophe aurait pu être évitée… en tirant les leçons de la première. Alors dans ce nouvel épisode des Docs nature, Lucas a voulu creuser : pourquoi ce désastre s'est répété ? Jusqu’où peuvent aller ces “tsunami de boue” au Brésil ?

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00:00Pause. Ce barrage qui explose, il va provoquer l'une des plus grosses catastrophes de l'histoire
00:08de ce pays. Et pourtant, à peine trois ans avant cette image, à quelques dizaines de
00:13kilomètres de là, une scène similaire avait déjà provoqué un immense choc. Pour certains,
00:16ce deuxième drame aurait dû être évité. Salut, c'est Lucas, bienvenue dans ce nouvel épisode des
00:21Doc Nature. Ces deux vagues de boue, qui ressemblent à des tsunamis, vous verrez,
00:24elles touchent le Brésil. Elles font partie des pires catastrophes minières de ces dernières
00:28années dans le monde. La première, elle est même parfois surnommée le Tchernobyl ou le Fukushima
00:33brésilien. Et un procès vient de s'ouvrir à Londres avec plus de 620 000 plaignants qui
00:37demandent toujours des indemnisations à la hauteur des préjudices subis. La deuxième catastrophe,
00:41trois ans plus tard, est encore plus meurtrière. Ce n'est pas du tout une catastrophe naturelle,
00:45c'est vraiment l'activité humaine qui est responsable de ce type d'événement. Ce qui
00:51m'a surpris, c'est que selon plusieurs chercheurs, cette seconde catastrophe aurait pu être évité
00:55en tirant les leçons de la première. Vous verrez que cet enjeu, il est toujours très important au
00:59Brésil parce que le pays compte de nombreux barrages de ce type. Alors j'ai voulu creuser
01:02pourquoi cette catastrophe s'est répétée, jusqu'où peuvent aller ces tsunamis de boue au Brésil,
01:07je vous explique. Nous sommes le 5 novembre 2015, en fin d'après-midi. Un barrage vient
01:17d'exploser et laisse échapper cette gigantesque coulée de boue pleine de déchets miniers.
01:21Le pouvoir public et l'opinion publique a considéré que c'était donc la plus grande
01:25catastrophe écologique du Brésil. Alors on a essayé d'éviter les images les plus difficiles,
01:29mais on va quand même parler de situations assez dures. Déjà, quand j'ai vu les images de ce
01:33premier barrage, j'ai voulu comprendre l'ampleur du choc. Pour se rendre compte de l'ampleur des
01:39destructions, prenons une carte. Cette scène, elle se passe au Brésil, plus précisément ici,
01:44dans l'état du Minas Gerais, près de la ville de Mariana. Tout part de ce barrage,
01:48le barrage de Fundao, qui libère cette impressionnante coulée de boue. A la base,
01:52c'est une petite fissure du barrage. Elle s'est vraiment ouverte et toute la boue s'est déversée
01:56donc d'abord sur l'infrastructure minière, là où il y avait quelques ouvriers. A cet endroit,
02:01cette coulée entraîne la rupture d'un deuxième barrage. Au total, c'est environ 40 millions de
02:05mètres cubes qui se répandent rapidement. Il faut imaginer l'équivalent de 16 000 piscines
02:09olympiques qui nous arriveraient dessus. A 5 kilomètres du barrage, le quartier de Bento
02:12Rodrigues, où vivent environ 620 personnes, est rapidement atteint. Aucune sirène ne retentit
02:17pour les avertir et non pas vraiment de plan d'évacuation.
02:20C'est là où il y a eu le plus de morts. Les édifices religieux, par exemple,
02:32qui étaient là depuis quelques siècles, ont entièrement disparu. Les écoles aussi,
02:37toutes les habitations. Donc il y a eu des bâtiments complètement détruits et il y en
02:40a d'autres qui ont été simplement inondés mais qui sont complètement inutilisables.
02:45Comme le montrent ces images, plus de 80% des habitations sont détruites. Une partie
02:50des habitants réussit à se réfugier sur les hauteurs. D'autres communes sont ensuite
02:54touchées. Plusieurs centaines de personnes sont déplacées. Pendant les heures et les
02:59jours qui suivent, la boue continue sa route le long du fleuve Rio Doce tout en ralentissant.
03:03On peut voir ça vraiment comme une grosse vague qui est plus lente que de l'eau forcément
03:07parce qu'elle est plus solide mais qui se déverse au fur et à mesure.
03:11La société Samarco qui gère le barrage tente de déployer des barrières flottantes et de creuser
03:16l'embouchure du fleuve pour que la boue contaminée s'évacue plus facilement.
03:32Malgré ça, le 21 novembre, donc 16 jours après la rupture du barrage à environ 660 km,
03:37une partie de la boue atteint l'océan Atlantique dessinant cette trace marron-oranger sur plusieurs
03:42kilomètres. Au total, 19 personnes sont tuées par la catastrophe dont deux enfants. Plusieurs
03:49centaines de personnes sont blessées ou touchées par des maladies liées à la catastrophe. Des
03:53centaines de milliers d'habitants sont complètement privés d'approvisionnement en eau.
03:57C'est 230 municipalités qui sont donc impactées par les pollutions directes ou indirectes. Il y a
04:03aussi une grosse perte de biodiversité donc à la fois sur les rivages, sur l'océan.
04:09La coulée provoque la destruction de l'équivalent de 2400 terrains de foot,
04:13de pâturages agricoles et de forêts selon une étude de 2017. Certains activistes,
04:18scientifiques ou politiques demandent alors des mesures pour que cela n'arrive plus jamais.
04:22Et pourtant, trois ans plus tard,
04:25cette vidéo impressionnante montre le moment précis où le barrage s'aide. En quelques
04:33secondes, il déversa son tour 12 millions de tonnes de boue à une vitesse de 70 km heure.
04:38Sur ces vidéos assez spectaculaires, on peut voir vraiment que la boue s'écrase directement sur les
04:44structures de la mine. En fait, en moins de 30 secondes, il y a eu à peu près 250 morts.
04:49Nous sommes le 25 janvier 2019 et une deuxième catastrophe s'abat alors sur le Brésil. Les
04:54similarités avec le précédent accident sont malheureusement assez marquantes. En quelques
04:58minutes, la boue toxique se déverse dans la vallée en contrebas. Environ 270 personnes sont tuées,
05:14plusieurs centaines sont blessées ou portées disparues. Il y a des quartiers, pareil, le
05:18parc d'Acachoeira qui était très proche du barrage. Il y a un autre quartier qui s'appelait
05:22Corrego do Feijão qui ont été complètement détruits. La catastrophe anéantit aussi des
05:26écosystèmes entiers. Des rivières sont polluées, des habitats naturels et des espèces menacées sont
05:30détruites. En fait, le deuxième barrage qui a cédé, il se situe ici à Brumadinho. C'est environ
05:34à 70 km du barrage de Fundao dont on a parlé dans la première partie, toujours dans l'état du
05:39Minas Gerais. Ces deux catastrophes, elles ont eu d'importantes conséquences dans les jours qui
05:43ont suivi, mais aussi plusieurs années après. Des chercheurs ont fait des relevés dans le fleuve
05:47Rio Doce, six ans après la première catastrophe de 2015. Selon leurs résultats, il était alors
05:51encore possible de trouver des résidus miniers dans l'eau, les plantes, les poissons et d'autres
05:55êtres vivants, ce qui affecte la vie humaine. A Bento Rodrigues, le quartier est aujourd'hui
06:00englouti sous les eaux. C'est assez impressionnant. Presque rien n'a changé. Maintenant, c'est
06:04interdit d'y aller. C'est un territoire qui a été privatisé par l'entreprise responsable. Ils veulent
06:09reloger ces personnes-là dans un quartier qui va s'appeler le nouveau Bento Rodrigues. Seulement,
06:13certaines personnes de ce quartier-là ne sont pas forcément d'accord pour ce relogement. A
06:17Brumadinho, les recherches de certains disparus continuent très longtemps après. Certaines
06:21personnes décédées ont été retrouvées, mais on a juste retrouvé leur ADN ou un morceau de pied,
06:29de bras. Parce que malheureusement, la boutoxique est tellement toxique, tellement chargée en métaux
06:34lourds et a été tellement dévastatrice et rapide que les corps n'ont pas du tout été retrouvés.
06:38Alors face à des événements si destructeurs, pourquoi la première catastrophe n'a pas permis
06:42de tirer la sonnette d'alarme ? Comment ça a pu se répéter aussi fort juste à côté à peine plus
06:47de trois ans plus tard ? Voici les deux barrages avant qu'ils ne cèdent. En fait, des barrages
06:54comme ça, il y en a environ 930 au Brésil, dont 330 rien que dans l'état du Minas Gerais. Pour
06:59comprendre ces deux catastrophes, il faut savoir que cet état est depuis plusieurs siècles le
07:03théâtre de véritables ruées vers différents minerais. Ça date de la colonisation. Les
07:08colons portugais ont été investir ce territoire parce qu'il était riche en diamants, en or,
07:12et depuis, il a été énormément transformé par cette exploitation minière. Aujourd'hui,
07:18c'est surtout du minerai de fer qui est exploité en énorme quantité. Ces barrages, ils permettent
07:22de stocker de grandes quantités de déchets, de bouts de sable issus des mines, dans ces deux
07:27cas, des mines de fer. Donc on va laver les minerais pour en récupérer le fer ou d'autres
07:32types de minerais avec une énorme quantité d'eau. Et cette eau qui est polluée, il faut la stocker
07:37quelque part plutôt que de la libérer dans la nature, ce qui serait vraiment destructeur. Et en
07:41fait, ces structures, on peut les construire comme ça ou comme ça, mais les barrages de
07:45Brumadinho et de Fundao sont construits selon un autre modèle appelé méthode à mot. En fait,
07:49on empile des couches de déchets au fur et à mesure qu'elles sèchent. Et pareil pour la
07:53partie digue qui sert à les retenir, elle repose en fait en grande partie sur les couches précédentes.
07:57Cette étude considère que c'est une méthode moins coûteuse et qui nécessite une zone plus
08:02petite, mais qu'elle est dangereuse et risquée et connaît des problèmes de stabilité. Alors,
08:06au-delà de la similarité de ces barrages, est-ce que les causes sont similaires ? Dans le cas de
08:102015, le barrage était en limite de ses capacités et était touché par des infiltrations. Dans le
08:15cas de 2019, l'évacuation de matériaux restés liquides était en fait insuffisante. Malgré ces
08:20différences techniques, je suis tombé sur pas mal de points communs. Précisons que Samarco,
08:24la compagnie qui gère le premier barrage, appartient au groupe Vallée, qui détient
08:28également le deuxième barrage. Dans les deux cas, des enquêtes ont montré que les exploitants avaient
08:32connaissance d'anomalies dans la structure des barrages et que les plans d'urgence étaient
08:36inadaptés. Cette étude de 2023 confirme qu'il y a un certain nombre de similitudes et qu'il y
09:03aurait eu suffisamment de temps pour mettre en oeuvre des mesures d'atténuation des risques à
09:07la suite du premier accident afin d'empêcher que le second ne se produise. Alors pourquoi les
09:12leçons n'ont-elles pas suffisamment été tirées après 2015 ?
09:33En dehors des entreprises elles-mêmes, la surveillance des barrages de résidus est la
09:48tâche de l'Agence Nationale des Mines, l'ANM. Et cette agence, elle n'aurait pas assez de moyens
09:52pour contrôler correctement les centaines de barrages qu'elle doit surveiller, selon plusieurs
09:56rapports.
10:04Suite à la catastrophe de 2015, plusieurs élus du Minas Gerais proposent une loi pour renforcer
10:19la surveillance des barrages. Elle n'est finalement pas adoptée.
10:33En fait, dans le Minas Gerais, beaucoup d'emplois et une partie importante de l'économie dépendent
10:41de l'industrie minière.
10:54La compagnie Samarco reprend ses activités en mettant un nouveau système de filtration en place
10:59pour éviter le recours à ce type de barrage. En gros, désormais, 80% des résidus générés sont
11:04empilés à sec et le reste est déposé dans une fosse. En parallèle, le groupe Vale gère toujours
11:09d'anciens barrages comme celui de Brumadinho. On l'a vu, trois ans après le premier barrage,
11:13cette nouvelle catastrophe touche à nouveau le Brésil.
11:29Aujourd'hui, près de neuf ans après le premier barrage et six ans après le deuxième, est-ce que ce type de
11:38catastrophe a encore des chances de se reproduire ?
11:40Après la deuxième catastrophe, plusieurs mesures ont été prises.
11:47Je vous parlais tout à l'heure du projet de loi qui n'avait pas été voté après la rupture du barrage de Mariana.
11:53En fait, elle a été votée dans le mois après la rupture du barrage de Brumadinho.
11:57L'exploitation de barrages selon la méthode amont est désormais interdite au Brésil.
12:00L'Agence Nationale des Mines, l'ANM, est renforcée. Alors, quels sont les risques aujourd'hui ?
12:05J'ai trouvé ce rapport de l'ANM qui vient d'être publié début novembre 2024.
12:09Sur les 472 barrages de résidus miniers sous la surveillance de cette agence publique, 94 présentent un risque moyen
12:15et 64 présentent un risque élevé, dont 28 dans le Minas Gerais, c'est presque la moitié.
12:21Aujourd'hui, quand même, ces barrages-là sont beaucoup plus surveillés.
12:25À la fois les entreprises, mais aussi les pouvoirs publics font en sorte que ça se passe beaucoup moins.
12:29Cela dit, en permanence, entre 30 et 50 barrages, un risque de rupture imminente, c'est quand même beaucoup.
12:35Une des mesures les principales qui a été faite, c'est que quand un barrage est trop instable,
12:40en fait, l'entreprise va évacuer la population qui se trouve dans la zone d'inondation.
12:45Donc, ça a été le cas dans plusieurs quartiers ou villages.
12:49Par exemple, à Barron des Cocaïs, une certaine partie du quartier a été complètement évacuée.
12:54Donc, il n'y a plus personne, ils n'ont plus du tout le droit d'y aller.
12:56Et après, dans le centre-ville, qui se trouve dans la zone d'inondation secondaire,
13:00les trottoirs, par exemple, sont peints orange pour signaler qu'on est dans une zone à risque.
13:04C'est des sirènes qui sont installées un peu partout,
13:07des plans d'évacuation qui sont simulés de manière beaucoup plus régulière.
13:10Et tout le monde, normalement, qui se trouve dans la zone d'inondation,
13:13est censé savoir où aller en cas de rupture de barrage.
13:17Et ce n'est pas tout, les catastrophes passées reviennent, elles aussi, dans l'actualité.
13:20En fait, à la suite de l'effondrement de 2015,
13:22Saint-Marco et les groupes Vallée et BHP avaient créé la fondation RENOVA
13:26pour réparer une partie des dégâts et indemniser les victimes.
13:37Mais de nombreuses indemnisations sont considérées comme trop faibles
13:39par des ONG et des familles de victimes.
13:41En fait, c'est l'entreprise qui décidait directement
13:43comment est-ce qu'elle allait réparer les dommages causés.
13:45Il n'y avait pas non plus de plan de santé collectif pour les intoxications aux métaux lourds,
13:50ce qui est beaucoup le cas dans le bassin du fleuve Dossey.
13:54La fondation RENOVA a essayé de dépolluer les secteurs de la zone d'inondation.
13:58Et en fait, il n'y avait pas de plan de santé collectif pour les intoxications aux métaux lourds,
14:01ce qui est beaucoup le cas dans le bassin du fleuve Dossey.
14:04La fondation RENOVA a essayé de dépolluer les sols,
14:07mais par rapport à l'ampleur de dégâts, c'est quand même très compliqué de le faire a priori.
14:12Dans un jugement du 14 novembre 2024,
14:14un tribunal fédéral brésilien vient de considérer que les rapports à témoins auditionnés
14:19n'ont pas permis de définir quels comportements individuels
14:21avaient contribué de manière décisive à l'effondrement du barrage en 2015.
14:25Ce tribunal acquitte donc les compagnies minières dans le volet pénal de l'affaire,
14:28mais le parquet a déjà annoncé qu'il ferait appel.
14:31Fin octobre 2024, 9 ans après la première catastrophe,
14:34un accord est signé entre les dirigeants de San Marco et les autorités brésiliennes
14:38en présence du président Lula.
14:39Cet accord prévoit environ 30 milliards de dollars en plus pour indemniser les victimes.
14:44En parallèle, un procès contre BHP, la maison mère de San Marco,
14:48souffre devant la haute cour de justice britannique à Londres.
14:51Ce procès, il vise lui aussi une meilleure indemnisation des victimes
14:54et pourrait durer plusieurs mois.
15:14J'espère que cet épisode des Doc Nature vous aura intéressé.
15:17N'hésitez pas à liker la vidéo si c'est le cas.
15:19Vous pouvez bien sûr poser vos questions ou apporter des ajouts en commentaire.
15:22Et voici un petit extrait supplémentaire d'interview.
15:43Un grand merci à toutes les personnes de Brut qui ont permis de réaliser cette vidéo.
16:10On se retrouve dimanche prochain dès 10h pour un nouvel épisode des Doc Nature.
16:13A bientôt !

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