"Si on voulait subvenir aux besoins de toutes les femmes victimes de violences sexuelles et conjugales, il faudrait 5 milliards d'euros par an."
Depuis #MeToo, les plaintes pour violences sexistes et sexuelles ont doublé. Mais pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, le budget alloué par l'État pour protéger les femmes n'est toujours pas à la hauteur des enjeux.
Depuis #MeToo, les plaintes pour violences sexistes et sexuelles ont doublé. Mais pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, le budget alloué par l'État pour protéger les femmes n'est toujours pas à la hauteur des enjeux.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Si on regarde aujourd'hui ce que met l'État, au jour d'aujourd'hui là, par femme,
00:04on voit qu'il met 26% d'argent en moins par femme victime de violences,
00:09qu'il n'en mettait avant mitout.
00:10Très concrètement, ce que ça fait aujourd'hui pour les associations qui accompagnent ces femmes,
00:15c'est qu'elles se retrouvent exsangues.
00:17Cinq ans après le premier rapport où est l'argent contre les violences faites aux femmes,
00:20on a souhaité regarder ce qui avait été fait en termes de lutte
00:24contre les violences faites aux femmes par le gouvernement,
00:26et donc ça se traduit concrètement par ce qui a été financé en plus.
00:30Et ce dont on se rend compte, c'est que certes, il y a eu un peu plus d'argent,
00:35on évalue à 50 millions d'euros ce qui a été mis sur la table en plus par le gouvernement
00:40sur les violences conjugales, ce qui arrive à un budget total de 184 millions d'euros.
00:45100 millions, ça va sur l'hébergement.
00:47C'est logique, l'hébergement c'est ça qui coûte le plus cher,
00:50puisqu'on doit avoir tout un package de services qui vient avec l'hébergement.
00:5420 millions, c'est sur tous les types d'accompagnement sur les violences conjugales.
00:58Et ensuite, il y a 50 millions sur la justice, la police
01:03et tous les autres types de services d'État qui vont permettre
01:06aux femmes victimes de violences conjugales d'être accompagnées et soutenues dans leur démarche.
01:10Il reste 12,7 millions d'euros qui sont pour les victimes de violences sexuelles,
01:15c'est-à-dire à peu près 20 centimes par victime de violences sexuelles.
01:19Et ça va se répartir de la sorte, 4,5 millions sur les dispositifs d'accompagnement,
01:245 millions sur les sujets relatifs à la prostitution
01:27et quelques miettes éparpillées par-ci par-là,
01:29comme ces 200 000 euros qui sont destinés à lutter contre le harcèlement sexuel au travail,
01:34un harcèlement que 20% des femmes connaîtront au cours de leur vie.
01:38Ce qu'on peut voir au travers de ces chiffres et ce qui est intéressant,
01:40c'est qu'il y a un décalage énorme entre la prise de conscience de la population,
01:45qui est absolument incontestable,
01:47entre la prise de parole des politiques, qui est épisodique mais quand même là,
01:52et puis la réalité de ce qui va se passer sur le terrain
01:54pour celles qui en seront malheureusement victimes.
01:56Ce qu'il faut comprendre également, c'est que depuis MeToo,
01:59il y a eu une augmentation du nombre de plaintes et du nombre de signalements.
02:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
02:05beaucoup plus de femmes vont demander de l'aide à la police, à la justice et aux associations.
02:1180% de femmes en plus vont porter plainte pour violences conjugales.
02:15100% de femmes en plus vont porter plainte pour violences sexistes et sexuelles.
02:19Ces femmes-là, elles vont avoir besoin de plus d'aide, de plus d'accompagnement.
02:23Or, si le budget a augmenté, il n'a pas augmenté de 100% depuis MeToo.
02:28Il a augmenté uniquement de 50 millions.
02:30Très concrètement, ce que ça fait aujourd'hui pour les associations qui accompagnent ces femmes,
02:35c'est qu'elles se retrouvent exsangues.
02:37C'est-à-dire que beaucoup d'entre elles vont avoir une demande de femmes accrue,
02:42d'hébergement d'urgence, de suivi juridique et psychologique
02:46et elles ne vont pas avoir les ressources pour faire face à cet afflux de femmes.
02:51Beaucoup d'entre elles vont quand même tenter de faire leur maximum
02:54et vont se retrouver dans des situations financières très inconfortables, voire même périlleuses.
02:59Par ailleurs, on s'est attaché à regarder quels sont les besoins des femmes.
03:03Parce qu'au-delà des chiffres, il faut voir ce que ça veut dire concrètement dans la vie des femmes.
03:07On a donc, dans ce rapport, fait le parcours type d'une femme victime de violences conjugales
03:12ou de violences sexuelles qui aura besoin de partir de chez elle,
03:16d'un accompagnement psychologique ou juridique, de porter plainte, d'aller dans un tribunal.
03:22Et en faisant tout ce parcours et en multipliant par le nombre de femmes qui aujourd'hui portent plainte,
03:27on se rend compte que l'État devrait en réalité mettre sur la table non pas 184 millions,
03:33mais 2,6 milliards d'euros.
03:362,6 milliards d'euros au minimum, puisque si on se projette dans l'avenir
03:41et si on se dit que demain, encore plus de femmes iront porter plainte et iront demander de l'aide,
03:46il faudrait en réalité, si on veut subvenir aux besoins de toutes les femmes victimes de violences sexuelles et conjugales,
03:53il faudrait 5 milliards d'euros sur la table.
03:55Cet argent, il paraît énorme, 2,6 milliards.
03:59En réalité, 2,6 milliards, si on le rapporte au budget de l'État, c'est 0,5% du budget de l'État.
04:05Cet argent-là, il peut exister.
04:08Il peut exister si on s'en donne les moyens.
04:11Ça, c'est une volonté politique qui seule pourra faire la différence.
04:15Si on veut carrément aller sur les 5 milliards, avoir une politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles
04:20absolument historique et exemplaire dans le monde entier,
04:24ça ne représenterait que 1% du budget de l'État.
04:27184 millions versus 2,6 milliards, c'est beaucoup plus, c'est 15 fois plus.
04:33On passe de 2,78 euros par habitant à 39 euros par habitant.
04:37Ça reste quand même très raisonnable.