• il y a 11 mois
"Vous pouvez briser la vie d'une personne, ce n'est pas anodin…"

Le revenge porn, c'est le sujet délicat auquel s'attaque la réalisatrice Andréa Bescond avec la série Nudes. Elle a un message pour ceux qui en sont victimes… et pour ceux qui postent ce type de contenu.

La série "Nudes", réalisée par Andréa Bescond, Sylvie Verheyde et Lucie Borleteau sera disponible sur Prime Video le 1er février.
Transcription
00:00Ce que j'ai envie de dire à la victime, à une victime de cyberharcèlement ou de revenge porn,
00:05c'est déjà forcément que tu n'es responsable de rien,
00:07même si tu as envoyé un nude ou une vidéo, tu as fait confiance à quelqu'un
00:11et c'est ta confiance qui a été trahie.
00:13Et puis, j'ai aussi vraiment envie de parler à ceux qui le font, à ceux qui postent ce type de contenu.
00:19Sachez que vous pouvez briser la vie d'une personne,
00:22que ce n'est pas anodin en fait que pour trois secondes de dopamine et de plaisir, de vengeance,
00:28tu vas peut-être plonger quelqu'un dans une dépression à vie, tu vas peut-être la pousser au suicide.
00:34Voilà, ce n'est pas quelque chose qui va te faire du bien dans la vie non plus en fait.
00:50Nudes, c'est une série en trois espaces.
00:52Il y a trois personnages qui sont traités par trois réalisatrices différentes.
00:57Moi, je fais le blog Victor, qui est un garçon qui est accusé d'avoir mis sur les réseaux
01:03une vidéo à caractère sexuel d'une de ses copines.
01:06Moi, j'avais déjà traité beaucoup le point de vue des victimes,
01:09puisque je suis engagée depuis longtemps dans la lutte contre la pédocriminalité,
01:13l'inceste et les violences sexuelles en règle générale.
01:16Quand j'ai vu qu'il y avait le personnage de Victor, qui est ce garçon qui est accusé,
01:20je me suis dit que c'était vraiment le point de vue que j'avais envie d'adopter aujourd'hui
01:25pour décrypter tous les mécanismes.
01:26Et puis, comme j'avais commencé les postes noirs sur mon Instagram,
01:30où je prends vraiment le point de vue des auteurs de violences ou des institutions
01:35que j'estime responsables de la situation catastrophique dans laquelle on est,
01:39ça m'a passionnée de pouvoir être dans son point de vue à lui,
01:44de pouvoir le filmer tout le temps et de comprendre son chemin.
01:48La vidéo a été postée ?
01:49Et alors ?
01:51Elle a été postée depuis mon téléphone ?
01:54Attends, t'as pas fait ça, Victor ?
01:56Mais non !
01:58Ça va pas ou quoi ?
02:00Oh, j'ai pas fait ça !
02:01Je vais pas vous dire évidemment s'il est coupable ou pas coupable,
02:03il faut regarder la série, mais ce que je trouvais intéressant,
02:06c'est qu'on l'aime, qu'on soit en empathie totale avec lui.
02:11J'aimerais qu'on arrive à éradiquer au fur et à mesure cette espèce de mythe du monstre.
02:17Il n'y a pas de monstre.
02:18En fait, les auteurs de violences ne sont pas des monstres,
02:21ce sont des gens comme les autres.
02:23Mais il y a une mécanique, il y a un prisme,
02:28il y a une matrice autour des violences exercées sur les autres.
02:32Et voilà, ça peut être ton fils, ça peut être ton père,
02:35ça peut être ton frère, ça peut être ton oncle,
02:38ça peut être ton petit ami.
02:40Et de temps en temps, ça peut être aussi une femme, mais c'est beaucoup plus rare.
02:44Je voulais condamner personne, surtout pas la jeunesse,
02:49et même pas les garçons.
02:50Souvent, on me dit, mais Andrea, vous êtes misandre,
02:52vous prenez toujours le parti des femmes ou des filles,
02:55donc vous n'aimez pas les mecs.
02:57On balance des hashtags Not All Men tout le temps sur mes réseaux.
03:01Et j'en dis, non, c'est pas ça.
03:05Je mets en avant le fléau d'une société et un système, en fait.
03:09C'est vraiment le système, moi, qui m'intéresse là-dedans.
03:12Et comme, évidemment, on est dans une domination masculine
03:14qu'on ne peut pas nier aujourd'hui, le patriarcat est vraiment partout
03:17et il n'est pas près de reculer encore.
03:19On voit le Conseil à l'égalité, qui révèle que 90% des vidéos sur les sites pornos
03:27sont des vidéos à caractère ultra humiliant, ultra misogynes,
03:31qu'il y a aussi beaucoup de vidéos qui sont volées.
03:34Il y a 9% de jeunes qui regardent de la pornographie tous les jours en France,
03:39donc qui regardent concrètement des vidéos misogynes.
03:42Donc c'est compliqué de leur dire, mais respectez les femmes, on ne comprend pas.
03:45Pourquoi vous ne respectez pas les femmes ?
03:47Qu'est-ce qui se passe ? Il met tout.
03:48Mais oui, mais en fait, le problème, il est bien plus profond que ça, en fait.
03:52C'est que nous, la société des adultes, on n'est pas en mesure,
03:56en tout cas, on ne se donne pas les moyens encore d'éradiquer ce fléau,
04:00mais il commence vraiment par la prévention et l'éducation elle-même,
04:04et une forme d'éducation numérique, en fait.
04:06Ça ne se passe plus du tout à la maison, tout ça.
04:09Moi, je pousse la société des adultes à s'impliquer beaucoup plus
04:14dans la protection de l'enfance aujourd'hui,
04:15parce qu'on se sent bien seul, bien seul.
04:18On est quelques adultes à le faire depuis pas mal d'années,
04:22et honnêtement, personne ne sort jamais dans la rue pour la jeunesse.
04:26Jamais, jamais.
04:28On sort dans la rue pour les retraites,
04:30on sort dans la rue éventuellement pour les femmes,
04:34mais jamais pour les enfants, en fait.
04:36À chaque fois qu'on a essayé de créer des événements autour de l'enfance,
04:39il y a un vide sidéral, et même en politique,
04:43c'est beaucoup, beaucoup de communication.
04:45Toutes les communications qui ont été faites autour du harcèlement,
04:48du cyberharcèlement, de la pédocriminalité, de l'inceste,
04:51ça reste quand même des directions absolument superficielles.
04:54Je me dis que de faire des films, des séries, ou écrire des livres,
04:59c'est une façon de faire de la politique,
05:01c'est une façon de rentrer en société, de pouvoir faire de la prévention.
05:04Donc, réaliser Nudes, ça permet aussi d'impliquer les gens, j'espère.

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