• avant-hier
Ils sont éleveur, vétérinaire, gérant de refuge… et le constat est unanime : le nombre de vétérinaires exerçant auprès des animaux d'élevage est insuffisant. Aux quatre coins de la France se créent de véritables déserts vétérinaires, dans lesquels les praticiens travaillent jour et nuit pour assurer tant que possible un service minimum. Une situation inquiétante que notre journaliste Florian Thomas a voulu partager.

Category

🐳
Animaux
Transcription
00:00Ce week-end, on a récupéré en urgence sur un sauvetage 3 chèvres.
00:03On a appelé 7 ou 8 cabinets aux alentours pour la recevoir.
00:06Personne ne pouvait nous recevoir parce qu'au niveau de la formation sur ces espèces-là,
00:11ils n'étaient pas compétents.
00:13Notre propre vétérinaire était déjà sur une urgence ailleurs.
00:17Il a fallu donc qu'on transporte cet animal à plus d'une heure et demie de route.
00:21C'est pas toujours si facile.
00:22Oui allô ?
00:23Bonsoir, c'est le véto là.
00:26Allez loulou.
00:28Bah non, on attend que ça sèche.
00:29On a aujourd'hui des territoires où les vétérinaires sont de garde,
00:33assurent la permanence et la continuité des soins 24 heures sur 24.
00:37Et ça aujourd'hui, c'est une source de difficultés psychologiques
00:41et de fatigue professionnelle.
00:43Depuis plusieurs années pour Brut, je me rends régulièrement aux quatre coins de la France,
00:46notamment à la rencontre d'éleveurs, de vétérinaires
00:49et d'autres professionnels travaillant avec les animaux.
00:51Et un sujet revient très régulièrement, celui des déserts vétérinaires.
00:56Si une éleveuse ou un éleveur aujourd'hui se retrouve dans une urgence,
01:02ça peut être un vélage, ça peut être une grebille qui a un problème,
01:06ça peut être un veau malade.
01:08Si t'as pas de véto sous la main, ça peut remettre en cause la vie de l'animal.
01:13Donc ça peut créer du stress pour les animaux,
01:15mais aussi pour les éleveurs et les éleveuses.
01:17L'autre problème, c'est que pour les vétos, ça leur fait faire de plus en plus d'heures de voiture,
01:21des distances de plus en plus longues.
01:24Du stress aussi pour eux, et je pense, à mon avis, des difficultés pour recruter.
01:28Donc ça crée des problématiques d'avenir pour nos métiers respectifs.
01:35T'as pas la possibilité, comme en ville, d'avoir des réseaux de cliniques
01:38qui peuvent s'organiser entre elles pour faire des tours de garde.
01:40Nous, on est tous éloignés les uns des autres.
01:42On n'a pas la possibilité de fermer, de partir en vacances
01:45et de ne plus assurer la continuité de soins.
01:48On travaille de nuit et de jour 7 sur 7, 24-24.
01:56Alors moi, j'ai la chance, dans le Bourbonnet,
01:58nous avons un bassin laitant assez conséquent,
02:03ce qui permet de maintenir, on va dire, un certain nombre de vétérinaires.
02:06Mais il y a des zones où il y a des faibles densités d'élevage
02:10et où les vétérinaires vont se retrouver avec une clientèle très éparpillée
02:14et des fois, devoir faire des heures de route
02:17pour pouvoir aller soigner des bêtes.
02:19Il y a des secteurs vraiment de désertification
02:22où les cultures ont pris le pas sur l'élevage.
02:24Et pour soigner des bovins,
02:26des fois, les éleveurs sont obligés de les mettre dans la bétaillère
02:28pour revenir dans une zone de clientèle,
02:31de confrères qui exercent encore en rural.
02:36La problématique passe au manque de vétérinaires,
02:38se fait vraiment ressentir dans une structure comme la nôtre.
02:41Par exemple, Diana, quand elle est en crise
02:43et qu'il faut absolument qu'un vétérinaire intervienne en urgence,
02:47si notre vétérinaire référente pour les équidés,
02:50qui est toujours ultra réactive,
02:52n'est pas à dispo ou est en repos,
02:55parce qu'elle aussi, elle prend des repos, ça lui arrive,
02:57on n'arrive pas à avoir un vétérinaire qui puisse se déplacer rapidement.
03:01Bien ! Tu marchais bien !
03:03Bravo !
03:07Aujourd'hui, c'est quasiment l'ensemble des territoires
03:10qui sont touchés par cette difficulté de désert vétérinaire
03:15avec des intensités plus ou moins grandes.
03:17On a des territoires où la situation est véritablement dégradée.
03:21Et à l'époque de ce travail-là sur des diagnostics de territoires,
03:25on avait notamment trois territoires dans la liste
03:27qui étaient l'Aude, la Dordogne, l'Ardèche.
03:30Mais aujourd'hui, on a d'autres départements où ça se complique.
03:34Avec la démographie vétérinaire, la démographie des éleveurs,
03:38d'ici 5 à 10 ans, il va y avoir,
03:40dans des zones qui paraissent peu atteintes, de gros risques.
03:45Sur cette carte, on peut se rendre compte des zones de tension.
03:47Ici, c'est pour la filière bovine avec, dans les zones les plus claires,
03:51moins d'un vétérinaire pour l'équivalent de 10 000 vaches adultes.
03:54Et ici, c'est pour la filière porcine avec, en clair,
03:57moins d'un vétérinaire pour 200 exploitations.
04:00Le nombre de vétérinaires n'est pourtant pas en baisse en France.
04:02Il est passé d'environ 18 000 praticiens en 2015 à plus de 21 000 aujourd'hui.
04:07Mais selon l'atlas démographique de la profession vétérinaire réalisé en 2021,
04:12le nombre de vétérinaires exarçant auprès des animaux de production,
04:15donc les animaux d'élevage, est en baisse de 18,5%.
04:18Aujourd'hui, l'essentiel de la profession vétérinaire
04:21s'oriente vers une activité auprès des animaux de compagnie.
04:24On a des structures qui font un petit peu de tout en espèce,
04:28mais qui n'ont qu'une faible part de rural.
04:31Il peut se poser des fois la question économique,
04:33avec aussi les regroupements et les réseaux de chaînes de clinique,
04:38de se dire que quand 15% de l'activité engendre 50% des contraintes,
04:44on pourrait être amené dans une structure à lâcher cette partie rurale.
04:49On a eu un gros remplacement d'éleveurs et d'éleveuses dans les 5 à 10 ans qui viennent.
04:55Et c'est la même chose pour les vétérinaires.
04:57Il y en a beaucoup qui vont partir à la retraite et des difficultés à les remplacer.
05:02Ce qu'il faut, c'est recruter plus de vétérinaires.
05:03Le problème, c'est que pour recruter plus de vétérinaires, il faut en former.
05:08Il faut en former plus.
05:09Pour ça, il faut aussi que les jeunes vétérinaires s'installent et s'installent dans le monde rural.
05:14Ça veut dire qu'ils aient envie de faire de la pratique de vétérinaires
05:16pour les élevages bovins de chevaux ou de moutons.
05:20On a une génération qui parle à la retraite.
05:22Et l'équilibre vie privée-vie professionnelle, c'est une demande sociétale.
05:27Et donc la profession vétérinaire ne fait pas exception à cette demande.
05:31Au lieu de passer des semaines de plus de 90 heures,
05:33on va passer à des semaines qui sont plus adaptées au mode de vie, à la demande.
05:38Une étude commandée en 2022 par l'Ordre national des vétérinaires
05:41et l'association Vetto-Entraide a mis en évidence un certain mal-être dans la profession.
05:46Les vétérinaires sont 3 à 4 fois plus à risque de suicide que la population générale
05:50et 20% des vétérinaires auraient eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois.
05:54Cela s'expliquerait par une surcharge de travail,
05:57mais également par l'exposition à la souffrance et la maltraitance animale,
06:01ainsi que la peur de faire une erreur ou la peur de se blesser.
06:04La dernière chose qu'on pourrait se poser, nous, en tant qu'éleveurs et en tant qu'éleveuses,
06:07c'est quelles sont les conditions qu'on propose pour attirer les jeunes vétos sur nos territoires.
06:16Ça fait 50-60 ans qu'on met l'activité d'élevage sous le coup de la productivité.
06:22Ça veut dire qu'on leur demande de plus en plus de performance,
06:25de présence, etc. parce qu'on veut de la productivité.
06:31Donc là, il faut aussi qu'on se pose la question,
06:33c'est qu'est-ce que nous, en tant qu'éleveurs et éleveuses,
06:36on doit mettre en place, il faut peut-être baisser un petit peu notre niveau de risque,
06:40notre niveau de productivité pour essayer de trouver un équilibre.
06:45Ce qui fait que nous, on sera moins tendus, nos animaux auront moins de problèmes
06:49et peut-être aussi que les jeunes vétérinaires seront peut-être plus enclin à venir dans le monde rural
06:53parce qu'on sera dans quelque chose de plus optimisé, de plus équilibré.
06:58Une cellule de surveillance a été montée avec tous les acteurs autour de cette problématique.
07:04Il y a déjà eu un travail de fait avec une loi qui a été publiée en 2020
07:09qui permet le financement, l'aide à l'installation à des stagiaires.
07:12Ça permet de faire venir des étudiants dans des territoires.
07:16Concernant la profession vétérinaire, il y a un engagement de l'État qui a été pris en 2017
07:20pour augmenter le nombre d'étudiants vétérinaires en France et l'augmenter de 75%.
07:27Donc, il y a de nouveaux schémas à découvrir.
07:31Il faut aussi que l'État nous appuie parce qu'on fait une veille territoriale et sanitaire.
07:37Je pense qu'on a un système sanitaire pour les animaux d'élevage en France qui est un des meilleurs.
07:42On arrive à contrôler de la grippe aviaire ou des épidémies, etc.
07:47D'une certaine façon, notre présence soutient cette agriculture.
07:50Mais on va demander aussi un retour d'être soutenu, épaulé et écouté.

Recommandations