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00:007h47 sur France Bleu, passez une belle journée, un bon réveil, nous sommes le 25 novembre,
00:06c'est donc la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
00:09Et il en faut du courage pour témoigner, c'est pourtant ce qu'a accepté de faire
00:14aujourd'hui Laetitia Magnet.
00:15Bonjour, merci d'être avec nous ce matin.
00:19Laetitia, vous en avez subi des violences de la part de votre conjoint ?
00:23Oui, des violences physiques, psychologiques et sexuelles.
00:27Et ça a duré longtemps ?
00:29Oui.
00:30Comment est-ce que vous vous en êtes sortie aujourd'hui ?
00:33Comment je m'en suis sortie ? C'est un long processus.
00:36Déjà quand on est dans le système de violence, on ne s'en rend pas compte.
00:40On se sent coupable, on a honte, on ne voit pas en fait les choses.
00:45Il y a eu des petits éléments qui m'ont permis au fur et à mesure, ajouté, de me
00:52rendre compte.
00:53Il y a eu un grand moment de violence physique, après lequel j'ai appelé ma thérapeute
00:58à l'époque qui m'avait envoyé les coordonnées de Solidarité Femme 25, ici à Besançon.
01:05Je n'ai pas utilisé tout de suite.
01:06Et puis après, il y a eu ma fille qui m'a dit « part maman, parce que les enfants sont
01:09aussi victimes, il faut le savoir, ne pense pas à moi ».
01:13Après, j'ai eu le courage, à un moment donné où j'étais toute seule, d'appeler
01:203919 qui m'a renvoyée vers Solidarité Femme 25.
01:23J'ai pris un rendez-vous qui était donné dans un mois.
01:28Je pensais vraiment ne pas y aller.
01:30Puis, je ne sais pas, ce jour-là, j'ai eu un déclic, j'y suis allée et la personne
01:34qui m'a reçue m'a dit une phrase qui me restera toujours.
01:37Elle m'a dit « la prochaine fois, ce qui va vous arriver, madame, c'est qu'il va
01:39vous tuer et qu'il va être en prison.
01:42Donc, qu'est-ce qui va arriver à votre fille ? »
01:44Est-ce qu'on essaie de savoir, ce matin, Laetitia, si les choses ont évolué, si elles
01:49se sont améliorées ? Est-ce que vous avez eu le sentiment d'avoir été pleinement prise
01:52en compte, prise en charge au commissariat ? Est-ce que ça s'est bien passé ?
01:57Alors, moi, je n'ai pas porté plainte.
01:58J'ai fait le choix de ne pas porter plainte parce que je trouve que c'est un peu la double
02:03peine.
02:04C'est fatigant, c'est épuisant de raconter son histoire.
02:06Après, je comprends celles qui le font.
02:08Les choses ont évolué.
02:10Déjà, à l'époque, c'était en 2019, donc c'était il y a cinq ans, il y avait
02:16commencé à y avoir une visibilité, il y avait le Grenelle à l'époque.
02:19Ce qui en a été fait, on n'en parle pas, mais néanmoins, la parole commençait à
02:24se libérer.
02:25Mais ça, ça venait aussi de MeToo, en 2017, sur les violences faites aux femmes.
02:30C'était tout un mouvement qui a commencé à se remettre en marche.
02:35Il y a eu la marche de nous toutes en 2019.
02:38Donc, en fait, un accès, du coup, je me sentais seule, vraiment seule, quand je me suis retrouvée
02:44dans mon appartement.
02:45Néanmoins, j'ai essayé de chercher l'information, d'aller voir si je n'étais pas folle.
02:53Donc, j'ai trouvé des documentaires sur Arte, j'ai des podcasts, etc.
02:58Partir, c'est donc rester un moment très difficile, malgré tout.
03:02Alors, je crois qu'il y a deux étapes.
03:05Il y a le fait, déjà, de se rendre compte, quand on est à l'intérieur du foyer, déjà,
03:09ça, c'est difficile, et d'avoir le courage de partir.
03:12Je suis partie, je n'étais pas seule, autrement, je ne serais jamais partie.
03:16Ensuite, il y a l'étape, en fait, quand on part, de toute façon, l'emprise, elle
03:21est toujours là.
03:22Moi, j'ai mis des années à me sortir de cette emprise-là.
03:24J'y suis retournée, en plus, en 2020.
03:27Donc, oui, c'est compliqué, d'où la nécessité de l'accompagnement, d'où la nécessité
03:34aussi, éventuellement, si on a les moyens, de ne pas rester seule, de suivre une thérapie.
03:41Moi, j'ai suivi aussi l'EMDR, qui était lié, qui permet de...
03:44L'EMDR, pour préciser, pour les petits arrivants.
03:47L'EMDR, je ne sais pas le nom de la signification de l'acronyme, mais en tout cas, ça permet,
03:50en fait, de gérer les stress post-traumatiques et de changer le récit, en fait, d'événements
03:57très forts.
03:58Moi, sur lesquels je me suis sentie mourir et j'ai cru que j'allais vraiment mourir
04:02et ça me restait pendant des mois dans ma gorge.
04:05Et de me dire, à ce moment-là, j'ai pris mon téléphone, je suis partie et je me suis
04:10sauvée la vie.
04:11On sent qu'il y a encore beaucoup d'émotions dans votre voix, que ça remue beaucoup de
04:15choses en vous.
04:16Toutefois, vous avez l'air, aujourd'hui, d'être à peu près sereine, à peu près
04:20posée, sur le contraire, ça a été un long chemin.
04:23Oui, c'est un long chemin, c'est un long processus, c'est prendre sa place, c'est
04:29reprendre son pouvoir, ça passe par là, en fait, c'est prendre le temps de savoir
04:34qui on est.
04:35Mais c'est quelque part, ça a été un peu du luxe dans ma vie, mais c'est un nouveau
04:43départ, c'est une naissance et personne, personne ne mérite ça.
04:49Personne ne mérite d'être harcelée jour et nuit, personne ne mérite d'être frappée,
04:54personne ne mérite d'être violée quand un homme le décide.
04:58Pourtant, vous n'avez pas porté plainte, ça veut dire que votre conjoint n'a pas
05:05été jugé pour ce qu'il a fait ?
05:07Non, non, parce que j'ai une fille, voilà.
05:10Vous avez eu le sentiment que ça aurait été trop destructeur.
05:14Quel est le conseil que vous donneriez, aujourd'hui, à une femme qui se poserait des questions
05:18sur le comportement ?
05:19C'est lourd parce que chaque histoire est propre.
05:22Il y a le site Solidarité Femme, sur lequel tout est expliqué, on peut aussi aller regarder
05:29ce qu'est le violentomètre.
05:30Moi, ça m'a beaucoup appris aussi, le violentomètre, à savoir comment je suis, en fait, dans la
05:35relation de couple.
05:36Sur le site Solidarité Femme, il y a des ressources, il y a aussi aujourd'hui, il y a une application
05:43qui s'appelle Appel, qui permet aussi à une femme d'identifier trois contacts, de
05:49pouvoir les contacter si elle est en situation de danger.
05:52Il y a des ressources, en fait, qu'elle se fie à son intuition, qu'elle se fie à son
05:59cœur.
06:00Voilà, si elle a ce petit truc dans sa tête, qu'elle s'y fie.
06:07Et la liberté n'a pas de prix, en fait, la liberté, aujourd'hui, n'a pas de prix.
06:12Merci beaucoup, Laëtitia, pour ce témoignage que vous avez eu le courage de porter jusqu'ici,
06:17chez nous, sur France Bleu Besançon.
06:19Voilà, vous êtes aujourd'hui la preuve vivante qu'on peut s'en sortir, qu'on peut même
06:23aller bien, en tout cas, et c'est un message d'espoir qu'on va porter, bien sûr, auprès
06:28de toutes les femmes qui peuvent être, aujourd'hui encore, victimes de violences conjugales.
06:32Merci beaucoup et bonne journée.
06:33Merci, bonne journée.