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Dans "Tout public" du vendredi 22 novembre, Hélène Lam-Trong pour le documentaire "Raqqa, l'ombre de Daech" et Sébastien Lagrave, directeur du festival musical Africolor.

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00:00Commençons, Mathéo, par découvrir le documentaire « Raqqa, l'ombre de Daesh ».
00:04C'était le 29 juin 2014, précisément, le groupe ETA Islamique et son chef Abou Bakr el-Baghdadi
00:10proclamaient unilatéralement un califat sur le territoire qu'ils contrôlaient alors
00:14en Syrie et en Irak, faisant de la ville syrienne de Raqqa sa capitale.
00:18Bonjour Hélène Lamtrong.
00:19Bonjour.
00:20Merci d'être avec nous.
00:21Vous êtes journaliste, documentariste, prix Albert Londres pour Daesh, les enfants fantômes
00:25et pour ce nouveau film, vous êtes retournée à Raqqa, dix ans après, courte bande-annonce.
00:30Ils ont voulu effacer tout ce qui fait la scène de la vie.
00:33J'ai dit à ma famille que je voulais défendre nos terres.
00:35Je ne suis pas un criminel, j'avais juste un rêve d'avoir un Etat islamique.
00:38Mon cœur et mon âme sont restés à Raqqa.
00:41On n'a pas les moyens de reconstruire nos maisons, mais on peut reconstruire nos enfants.
00:46« Raqqa, l'ombre de Daesh » sera diffusé dimanche à 21h05 sur France 5 pendant 70 minutes.
00:51Vous revenez très intelligemment d'ailleurs sur la chronologie des événements, de l'arrivée
00:56de l'Etat islamique, du contexte qui l'a permise cette arrivée à aujourd'hui, après
01:01son départ et sa chute, en tout cas sur le papier.
01:04Première question, comment est cette ville de Raqqa aujourd'hui ? Vous y montrez des
01:08gens en partie heureux, qui font du vélo, s'adonnant à leurs activités artistiques
01:13pour certains, mais très souvent dans un décor de ruine.
01:15Oui, alors la ville va mal globalement, même si on y fait du vélo, qu'on s'y baigne
01:20dans le frat, on y vit au milieu des ruines, dans une ville où l'électricité n'est
01:25présente que quelques heures par jour, où il n'y a plus l'eau potable, il n'y a plus
01:29l'eau courante dans la plupart des quartiers, où les enfants ne sont pour la plupart plus
01:33scolarisés non plus.
01:34Donc on essaye d'y saisir le minimum de vie, on prend ce qu'il y a à prendre, à savoir
01:40plus grand-chose.
01:41Est-ce que dans votre démarche d'y retourner, il y avait, parce que vous êtes déjà allé
01:47sur ces terrains-là, on va y venir, mais est-ce qu'il y avait une envie de donner
01:51corps et donner vie à ce nom, Raqqa, qui est devenu presque abstrait, quelque chose
01:55de lointain, et qui est forcément associé à la mort, à la désolation et donc à l'État
02:00islamique ?
02:01Oui, et puis Raqqa est surtout associé à notre histoire à nous, celle des attentats
02:04qu'on a connus sur notre sol, et la première fois que je me suis rendue sur place, c'était
02:08justement pour aller sur les traces des familles françaises de djihadistes qui s'étaient
02:12installées là-bas.
02:13Et en allant jusqu'à Raqqa, qui est une ville quand même très difficile d'accès,
02:17je me suis rendue compte que ça valait bien plus que simplement notre perspective à nous.
02:22On ne s'est intéressé à Raqqa que parce que c'est depuis Raqqa qu'ont été organisés
02:26les attentats commis en Europe.
02:28Mais à Raqqa, il y a des habitants, il y a des Raqqaouis, et leur destinée est complètement
02:33dingue.
02:34C'est-à-dire qu'on aurait pu se dire « ça ne sert plus à rien d'y aller maintenant »
02:36et vous, vous dites le contraire, vous dites justement « il faut y aller, il faut voir
02:39».
02:40Vous avez un peu entendu ces gens, qui sont assez inoubliables pour la plupart, vous les
02:44faites témoigner, la plupart du temps un visage découvert, c'est important.
02:47Il y a évidemment plusieurs profils, vous montrez notamment des artistes ou intellectuels
02:52qui ont vécu l'enfer à partir de 2014.
02:55Ceux qui parlent sont ceux qui sont restés en vie, parce que beaucoup sont morts d'avoir
03:01peint, d'avoir chanté, d'avoir fait du journalisme aussi ou des photos.
03:05Aujourd'hui, ces gens-là sont clairement des combattants, mais ils sont peu nombreux.
03:10On a tourné dans le musée de Raqqa où des vestiges de cette histoire millénaire survivent,
03:17mais ils ont sauvé quelques œuvres qui, pour beaucoup d'entre elles, avaient été
03:21aspergées de peinture, cassées par Daesh.
03:24Et aujourd'hui, ils s'adressent à un public qui est tout petit, les rares enfants encore
03:27à l'école, qui en plus font des sorties au musée.
03:29Mais l'enfance à Raqqa, aujourd'hui, elle est dans la rue, elle est pour une partie
03:34d'entre elles son domicile, et elle est illettrée.
03:36Parmi ces témoignages, il y a également cette femme combattante kurde.
03:40Le documentaire accorde une place importante aux Kurdes.
03:43Vous expliquez leur présence, comment ces tribus, ces communautés cohabitent.
03:48Et vous donnez la parole à cette femme.
03:50C'est un groupe de combattants kurdes qui a combattu l'État islamique sur place.
03:55Ah oui, les combattants kurdes, on les adore en Occident, parce qu'ils représentent tout
04:00ce qui nous rassure dans cet endroit du monde, là où Daesh représente tout ce qui nous
04:04fait peur.
04:05À Raqqa, ce qui se passe, c'est qu'aujourd'hui, on a une ville arabe, à grande majorité arabe,
04:10qui est passée sous l'autorité kurde.
04:12Mais de fait, les Kurdes ont libéré, ont participé à libérer la Syrie de Daesh.
04:17Nous, on a largué des bombes, mais au sol, c'était des Kurdes aidés de quelques Arabes.
04:21Mais aujourd'hui, ils se retrouvent à la tête d'un territoire sur lequel il manque
04:25un petit peu de légitimité.
04:26En tout cas, pour les populations arabes, c'est très difficile d'être gouverné aujourd'hui
04:30par des forces kurdes, sans renier le courage qu'elles ont eu pour les libérer de Daesh.
04:34Mais aujourd'hui, ça ne se passe pas très bien.
04:36Et dans les profils, je disais, très variés, des gens que vous rencontrez, il y a aussi
04:39ce monsieur écouté.
04:40On avait une stabilité sécuritaire et économique, et de tous les côtés.
04:45Il suffisait d'aller à la caisse de l'aumône et tu recevais une allocation mensuelle.
04:51La période n'était pas si mauvaise, et même mieux que maintenant.
04:55Alors lui, c'est un cher, si je ne dis pas de bêtises.
04:58Il croyait en l'Etat islamique, il regrette sa chute et il vous le dit, c'est un tabou.
05:01Oui, alors ce qu'il faut aussi imaginer, c'est que depuis Raqqa, l'Etat islamique,
05:07ce n'est pas seulement une histoire d'idéologie.
05:09C'est aussi un groupe terroriste, certes, mais qui arrive dans une période ou après
05:13une période d'extrême chaos.
05:15Celui de la révolution syrienne, lors de laquelle pour les populations, c'était d'une
05:21grande violence.
05:22Les gens mouraient dans des bombardements, il y avait des groupes armés, djihadistes
05:26qui se faisaient la guerre entre eux.
05:27La population était prise en étau entre tous ces groupes armés.
05:30Quand Daesh prend le contrôle, il remet un petit peu d'ordre.
05:33Et à Raqqa, c'est vrai, c'est terrible à dire et c'est triste à dire, parce qu'on
05:37se demande à conserver les bombardements.
05:38Mais on vivait mieux, on vivait moins mal en tout cas, à Raqqa, sous Daesh qu'aujourd'hui.
05:43Et il y en a d'autres qui vous l'ont dit, comme ça ?
05:44Oui, il y en a d'autres.
05:45Alors j'ai choisi de ne pas non plus donner une tribune nostalgique de Daesh, mais ils
05:51étaient nombreux à accepter de le dire à visage découvert, ou en tout cas à le dire
06:00haut et fort.
06:01Ce qui n'était pas le cas il y a deux ans encore.
06:02Et ça raconte quelque chose de la place de l'idéologie aujourd'hui à Raqqa.
06:06Parce que qui sont aujourd'hui les Raqqaouis, justement, que vous évoquiez ?
06:09Alors, à Raqqa, il y a des gens qui sont restés coincés dans Raqqa pendant la guerre,
06:14qui sont toujours dans les ruines de la ville.
06:15Il y a beaucoup, beaucoup de déplacés syriens qui, dès le début de la révolution syrienne,
06:20depuis plus de dix ans, avaient fui Alep, avaient fui Homs.
06:23Aujourd'hui, ces gens-là sont dans des camps autour de Raqqa.
06:27Et puis, il y a des personnes qui avaient fui Daesh, qui avaient fui le régime et qui,
06:32vivant très mal en tant que réfugiés au Liban, dans d'autres pays arabes, ceux qui
06:36n'ont pas réussi à rejoindre l'Occident, sont revenus à Raqqa, quand ils avaient encore
06:41une maison.
06:42On parlait justement, Marie, vous parliez des gens et de leur avis aujourd'hui, le
06:45fait qu'ils soient un peu entre deux chaises, dans un étau.
06:49Écoutez ce que dit, ça rejoint ce dont on parlait à l'instant, écoutez ce que dit
06:52également cette dame dans le film.
06:54« Si Daesh revient, on s'en fiche, peu importe qui prend le pouvoir.
07:01Dans tous les cas de figure, nous serons pauvres.
07:05»
07:06Alors, ce qui est au cœur de votre film, Hélène Lamtrong, et lui donne d'ailleurs
07:08son titre, cette fameuse ombre de Daesh, c'est que dix ans après, Raqqa n'est
07:12devenue ni Disneyland, ni un havre de paix, ses habitants sont donc dans un étau entre
07:18le pouvoir autoritaire de Bachar el-Assad et la résurgence de Daesh, qui est un vrai
07:22risque en fait.
07:23Il y a des poches encore actives.
07:24Il y a des poches actives, il y a des nostalgiques, on l'a dit, et surtout, j'espère que
07:29le film pose cette question de savoir quel est le projet quand on bombarde une organisation
07:33terroriste et que derrière, rien n'est prévu.
07:34À Raqqa, ce qu'on comprend, c'est que le remède est non pas pire que le mal, mais
07:41en tout cas, a renforcé le mal à bien des égards.
07:44Aujourd'hui, ceux qui sont du côté de la barrière pour un Raqqa, oui, c'est ceux
07:49qui ont largué les bombes sur la ville et qui n'ont rien fait derrière, ceux qui
07:51ont fait des morts dans les familles, et ça, c'est nous, et ça n'aide pas à combattre
07:57les idées djihadistes sur place.
07:58Et pourtant, quand même, je le dis pour les auditeurs qui seraient tentés, on l'espère,
08:03de regarder votre documentaire, on espère leur donner envie, après-demain, et qui pourraient
08:06se dire « Ouh là là, c'est plombant », bon, c'est pas forcément réjouissant.
08:11Il y a de l'espoir, il y a de la lumière, et il y a une séquence qui est très belle
08:14autour d'enfants de Raqqa, vous donnez, Hélène, la parole à une association qui,
08:19par le jeu et les sourires, tente de les ramener, notamment sur le chemin de l'école et donc
08:23de l'éducation.
08:24Oui, et puis sur le chemin d'une forme de légèreté aussi, on a des enfants qui sont
08:27nés dans la guerre, qui n'ont connu que la guerre, qui n'ont connu que la destruction.
08:30Toute forme de joie, toute forme de légèreté est bonne à prendre à Raqqa.
08:35C'est pour ça que chanter dans un endroit où avant la musique était interdite, danser
08:40dans un endroit où c'était aussi interdit, ça compte, mais évidemment ce n'est pas
08:45du tout suffisant pour relever cette ville qui aujourd'hui est complètement à terre.
08:49Je profite aussi de la chance qu'on a de vous avoir avec nous.
08:52Il y a ce qu'on raconte, il y a ce que vous racontez, il y a ce que le film va montrer
08:57dimanche.
08:58Un mot quand même des coulisses, parce que je pense que ça intéresse aussi les gens
09:00qui nous écoutent.
09:01C'est Jean que vous faites témoigner, il a fallu gagner leur confiance, encore une
09:06fois vous l'avez dit, vous êtes déjà allé sur place.
09:08Comment ça s'est déroulé, comment vous avez réussi à faire témoigner ces gens,
09:13à faire en sorte qu'ils acceptent de dire ce qu'ils avaient sur le cœur sur cette période
09:17ou sur aujourd'hui ?
09:18Alors la première chose c'est qu'on est quand même bien reçu quand on est un journaliste
09:21français aujourd'hui qui va jusqu'à Raqqa.
09:24C'est difficile d'aller à Raqqa, c'est long, c'est coûteux, donc on ne se bouscule
09:28plus trop pour y aller aujourd'hui.
09:30Donc on a été bien reçu du simple fait de notre présence.
09:33Après pour convaincre les gens de nous dire des choses avec sincérité, ça prend du
09:37temps, on a eu la chance de pouvoir rester presque un mois sur place, ce qui est énorme
09:41pour un documentaire et très très rare.
09:42Après j'ai quand même un échec, il y a trop peu de femmes à mon goût qui parlent
09:46dans ce film.
09:47J'en ai rencontré beaucoup, j'ai échangé avec beaucoup d'entre elles, c'était encore
09:53très difficile pour elles de témoigner à visage découvert dans ce pays où l'idéologie
10:00de Daesh a laissé des traces.
10:01Être une femme mariée à la télé ça veut dire avoir l'autorisation de son mari, être
10:06une femme non mariée ça veut dire avoir l'autorisation d'un père ou d'un frère, et c'est se mettre
10:11en danger.
10:12Encore, ceux qui parlent sont très courageux, je le souligne, si le régime de Bachar Al-Assad
10:16revient à Raqqa, si Daesh revient à Raqqa, la plupart des gens qui parlent dans le film
10:19seront en danger.
10:20Qu'est-ce qui vous a marqué, vous, après ce retour à Raqqa ?
10:25Comme ce n'était pas la première fois que j'allais là, c'est toujours un choc de voir
10:30une ville en ruine alors que la guerre est terminée depuis 7 ans, clairement, je suis
10:35allée chercher plusieurs fois aussi comment les interactions ont pu avoir lieu entre
10:38tous ces Occidentaux, ces Français, ces Anglais, ces Belges, ces Américains, ces Tunisiens
10:44qui sont allés jusqu'à Raqqa.
10:45En nombre, ils étaient plusieurs milliers à avoir déferlé sur la ville et les habitants
10:49de Raqqa.
10:50Aujourd'hui, on a à peine à le croire mais ils ne se parlaient pas, ces gens.
10:54Les gens de Raqqa étaient terrifiés par les djihadistes étrangers qui ont semé la
10:58terreur dans leur ville et d'après ce qu'ils disent aujourd'hui, ils ont eu très peu
11:02d'interactions à part des interactions d'une grande violence.
11:05Vous l'avez dit, c'est risqué, c'est beaucoup plus risqué évidemment pour les gens qui
11:08vous parlent.
11:09Pour vous, accepter que je ramène ça à vous à l'instant, ça a été dangereux
11:14pour vous de travailler là-bas ou pas du tout ?
11:16Non, on ne peut pas dire ça.
11:18Aujourd'hui, Raqqa, c'est un endroit où il y a quand même régulièrement des attentats
11:22de Daesh, en moyenne un par mois, donc ce n'est pas rien.
11:25Mais en tant que journaliste française, je n'ai pas du tout été menacée, j'étais
11:30même bienvenue.
11:31En revanche, ce qui est complexe vraiment à Raqqa, c'est l'accessibilité, on ne peut
11:35pas aller directement de Paris à Raqqa.
11:37Il faut passer par la Turquie, par l'Irak, il faut passer des frontières compliquées
11:41et puis rouler sur des routes longues, caouteuses, pendant des heures.
11:47Et donc quand on est à Raqqa, on y reste un certain temps parce qu'on n'y revient
11:50pas facilement.
11:51Un grand merci en tout cas Hélène Lamtrong, Raqqa, l'ombre de Daesh, dimanche 21h05 sur
11:56France 5, ce sera suivi d'un débat en plateau.
11:59Comme vous avez travaillé ici à France Info, je tenais à vous féliciter pour ce
12:01très beau chemin que vous avez accompli depuis.
12:29Voilà, c'est la chanteuse jazz Laura Prince, originaire du Togo.
12:33Merci Yann Bertrand de m'avoir renseigné.
12:35Avant de parler des 50 ans des mots bleus de Christophe, un autre anniversaire puisque
12:39le festival francilien consacré aux musiques africaines, Africolor, fête cette année sa
12:4335ème édition, nous sommes avec son directeur Sébastien Lagrave, bonjour.
12:47Bonjour.
12:48Merci d'être là, Yann Bertrand, vous l'aurez compris, Monsieur Musique de France Info est
12:51à mes côtés.
12:52Vous êtes directeur depuis 2012, le festival existe depuis 1989, alors ça fait beaucoup
12:57de chiffres, mais vous avez rédigé un éditorial pour nos confrères et amis de RFI dans lequel
13:01je vous cite, vous dites, le monde de 1989 n'existe plus.
13:05Ça veut dire quoi, en tout cas musicalement, artistiquement parlant ?
13:07Alors, en 1989, on était au milieu de la vague de la world music, on était dans les
13:15grands moments de ce qu'on appelait la sono mondiale, on était aussi dans les grands
13:19concerts de solidarité, on se souvient de Bob Geldof, de Bruce Springsteen, de tous
13:25ces artistes qui y allaient pour des causes humanitaires et on avait une présence des
13:31musiques africaines et des groupes de musique africaine en France qui était assez extraordinaire.
13:37On se souvient de Turekunda à l'époque, on se souvient de Johnny Clegg, on était
13:43dans ces sons-là, dans ces signatures-là et dans cette présence sociale et de ces
13:48valeurs aussi qui étaient là et c'est vrai que cette relation des Français, des habitants
13:54du monde entier à ce continent, au Sahel, au Sénégal, à la zone, a changé pour plein
14:00de raisons qui sont géopolitiques mais aussi des raisons esthétiques d'évolution des
14:05musiques du continent.
14:06D'abord, puisqu'on est passé de la world music à différentes esthétiques des musiques
14:10africaines, des musiques urbaines en passant par des musiques, j'allais dire, acoustiques.
14:15Et à tel point qu'aujourd'hui, Sébastien Lagrave, l'Afrique influence le monde en
14:19termes de musique quand on voit ce qui se fait au Nigeria, en Afrique du Sud, la mapiano
14:23évidemment.
14:25Oui, ça y est, l'Afrique est partie à la conquête de l'ensemble des industries
14:30musicales.
14:31L'Afrobeat du Nigeria, Burna Boy, Aera Star sont des artistes qui passent dans le monde
14:37entier, qui font des feats avec des artistes qui sont nés pas loin d'ici, à Olne Subwa
14:42comme Ayana Kamoura et qui, elle, a puisé dans tous les rythmes des musiques urbaines
14:46africaines pour produire ces albums.
14:48Alors, on va détailler la programmation dans un instant mais une question d'actualité
14:52quand même.
14:53A l'automne dernier, le gouvernement français, alors les ministères de la culture et des
14:56affaires étrangères se sont renvoyés à la responsabilité, le gouvernement a suspendu
15:00la collaboration culturelle avec trois pays, Mali, Burkina Faso et Niger en raison de coups
15:05d'état qui y ont eu lieu, invoquant, je cite, des questions de sécurité, alors annonce
15:09évidemment terrible pour un événement comme le vôtre.
15:11Comment vous pouvez travailler aujourd'hui ? Comment ça se passe aujourd'hui ?
15:14C'est très difficile pour plein de raisons et on peut comprendre les raisons de sécurité
15:19quand on connaît les conditions de l'assaut de l'ambassade de France à Niamey au mois
15:24de juillet 2023.
15:26Par ailleurs, le seul centre culturel, le seul institut français qui reste ouvert est
15:31celui de Bamako quand même et qui tente un peu de programmer des artistes mais pour nous
15:36c'est très compliqué.
15:37Moi, je ne peux plus me déplacer dans la zone, je n'aurai plus de visa si j'y vais
15:41et par ailleurs les artistes avec lesquels je travaille là-bas sont réduits au silence
15:45et ils ne peuvent plus parler ouvertement de la situation sinon ils risquent l'emprisonnement.
15:50Alors on va écouter justement un extrait d'une artiste malienne.
15:54Un peu l'exemple de ce qu'on disait, c'est Mamani Keïta qui chante, elle sera en concert
16:10le 20 décembre à la Courneuve avec Arad Kilo et l'anglais Mike Ladd.
16:15Mamani Keïta, elle habite à Montreuil depuis très longtemps.
16:17Il y a, j'allais dire, un vivier, le mot est vraiment pas beau, mais suffisant d'artistes
16:26maliens burkinabés en France pour pouvoir assister à des concerts de personnes originaires
16:32de ces pays-là.
16:33On ne se rend pas compte de l'extraordinaire vitalité des modes de transmission depuis
16:41trois, quatre générations qui se font d'ailleurs de manière moins visible.
16:45C'est parfois dans des appartements de grands musiciens à Paris, à Bordeaux, dans d'autres
16:50villes et toutes ces générations ont enchaîné des transmissions des musiques venues de ces
16:54pays-là de telle sorte qu'on a des jeunes maintenant qui ont 18 et 25 ans qui pratiquent
17:00ces musiques venues de Paris alors qu'ils les ont rendues urbaines, qu'ils les ont
17:04numérisées, qu'ils en ont justement fait ces beatmaking qui font les musiques urbaines
17:10d'aujourd'hui.
17:11Mais ce sont les petits enfants de ceux qui sont arrivés dans les années 70.
17:14Et précision, je parlais d'Arad Kilo, justement c'est un peu l'exemple pour l'Ethiopie
17:18notamment puisque ce sont de jeunes musiciens pas forcément originaires d'Ethiopie.
17:22Complètement.
17:23Alors là, ce sont tous ceux qui ont été fascinés par les collections éthiopiques
17:27de l'époque et qui ont repris toutes ces bandes et qui ont complètement digéré
17:32toute cette musique éthiopienne avec ses complexités rythmiques et voilà, c'est
17:35toute une génération de musiciens de jazz qui sont tombés dedans.
17:38Alors je vais dézoomer un tout petit peu, si vous permettez Sébastien Lagrave, pour
17:42les gens qui nous écoutent et qui se disent tiens, ça m'intéresse, la démarche en
17:46fait.
17:47J'espère qu'il y en a quelques-uns.
17:48C'est bien joué Sébastien.
17:49Quand même comment ça se déroule.
17:50Si je résume un peu grossièrement, l'idée d'Africolor c'est que l'Afrique est vaste,
17:53du Maghreb à l'Afrique du Sud, que l'Afrique est partout et que le festival se déroule.
17:57Volontairement sur plusieurs semaines, dans plusieurs endroits de la région parisienne.
18:00Je crois qu'il y a 22 communes différentes qui sont concernées.
18:02Absolument.
18:03Cinq départements.
18:04On va de Goussainville jusqu'à Fontenay-sous-Bois en passant par Clichy-sous-Bois et ce côté
18:10itinérant il est venu de l'ensemble de nos partenaires qui à un moment donné de
18:14notre histoire nous ont contactés en disant j'ai envie qu'on construise ensemble une
18:18soirée Africolor.
18:19Donc c'est à Nanterre ce soir aussi et ce n'est pas un festival où on est définitivement
18:25marié avec toutes les villes.
18:26Chaque année on se redit est-ce qu'on a envie de construire une soirée qui a du sens du
18:31point de vue esthétique et du point de vue des territoires et des publics qui y assistent.
18:35Et justement si vous aviez envie de conseiller des concerts aux gens qui nous écoutent,
18:39des concerts pour lesquels il reste évidemment des billets en vente, profitez-en.
18:42Alors je ne vais pas conseiller Nanterre parce que c'est complet ce soir.
18:45C'est l'Eau Rap Prince.
18:46C'est l'Eau Rap Prince et le Gang B.
18:49Dimanche il y a l'incroyable Marco Clark de Madagascar au prix Saint-Gervais.
18:55Demain soir une création à Renis-sous-Bois avec Mastin Delpierre autour des créolités.
19:00Et puis comment ne pas parler de Clichy-sous-Bois la semaine prochaine avec une rencontre avec
19:04le légendaire pianiste Omar Sosa de Cuba et cet ensemble de femmes du sud de l'Algérie,
19:09l'EMA.
19:10Et là ça s'appelle Sahravan.
19:11C'est un peu ce choc un peu.
19:14Et c'est Omar Sosa lui-même qui a écrit un mail à cet ensemble disant je suis tombé
19:18amoureux de cette musique de trance, il faut absolument qu'on se rencontre, c'est un
19:21Clichy-sous-Bois.
19:22Et on va terminer, si vous le permettez, avec une autre voix.
19:25Cette voix c'est celle de Siti Amina qui offre une création ce soir avec Siti and
19:43the band.
19:44Elle joue à Bondi, elle vient de Zanzibar, c'est une star du Tarab.
19:50J'ai l'impression que Zanzibar, la Tanzanie, est une zone qui est en pleine effervescence
19:55actuellement.
19:56Une effervescence musicale à tous les endroits parce que leur musique électronique, leur
20:00musique urbaine avec le Zingeli qui va 200 à l'heure déferle un peu sur les soirées
20:06en France et en Europe et dans le monde.
20:08Et puis du côté des musiques dites traditionnelles, Siti Amina est la troisième grande-grande
20:13dame dans toute l'histoire du Tarab et c'est sa première en France et on est très très
20:17heureux.
20:18Nagui.
20:19Merci beaucoup d'être passé à France Info.
20:20Sébastien Lagrave et bon festival africolore à vous pour cette 35ème édition.
20:24Allez, amis auditeurs de France Info, fermez les yeux, sauf bien sûr si vous nous écoutez
20:28en voiture.
20:29On vous ramène 50 ans en arrière, nous sommes le 22 novembre 1974, nous sommes quelques
20:34jours seulement après le fameux combat du siècle entre Mohamed Ali et George Foreman
20:38aux Aïrs et dans la France désormais giscardienne, sort un 45 tours.
20:42Il est six heures au clocher de l'église, dans le square les fleurs politisent, une
20:53fille va sortir de la mairie.
20:57Yann Bertrand, c'est dur de couper ça, c'est dur de couper la beauté mais il faut bien
21:01faire notre travail.
21:02La voix bien sûr c'est Daniel Bevilacqua alias Christophe, la musique c'est lui et
21:07les paroles un certain Jean-Michel Jarre.
21:08Et il y a un 45 tours, il y aura un album dont on fait une grosse réédition aujourd'hui.
21:13Christophe et Jean-Michel Jarre en 1974 donc sont enfermés comme ils l'étaient quelques
21:19mois plus tôt pour enregistrer Les Paradis Perdus.
21:21Ils quittent chaque jour le studio à l'aube et ce qui en ressort ce sont ces mots éternels,
21:25ces mots bleus dont Jarre signe le texte, lui qui n'a rien oublié.
21:29Ça peut paraître loin et près, ça dépend des moments en particulier.
21:33Or ces moments avec Christophe sont des moments qui effectivement pour moi restent un peu
21:37suspendus dans le temps, des moments magiques.
21:39Moi je commençais ma carrière, Christophe sortait de l'univers vraiment de la variété
21:44française avec Les Marionnettes, Aline, etc, souhaitait faire quelque chose d'autre.
21:48Et le son est planant, l'album marque les esprits, Jean-Michel Jarre y signe d'ailleurs
21:53six autres textes mais l'histoire retiendra surtout les mots bleus.
21:57Une chanson réussie c'est aussi une osmose entre le son, la voix et les mots.
22:03Avec Christophe on s'est tout de suite rapprochés dès les premiers instants en studio.
22:07Justement sur cette idée de donner une priorité au son.
22:09D'ailleurs Christophe disait souvent « je ne suis pas un chanteur, je fais des sons
22:13avec ma bouche ».
22:14Et la chanson qui fera décoller l'album évoque la timidité du sentiment, cette impossibilité
22:18de verbaliser correctement son amour.
22:20Elle a tous les atours donc d'un titre éternel et sera reprise par des dizaines d'artistes
22:25jusqu'à aujourd'hui.
22:26« Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux.
22:33Parler me semble ridicule, je m'élance et puis je recule.
22:39Devant nous une phrase inutile, qui briserait l'instant fragile.
22:45»
22:46Dans l'ordre Alain Bachon, bien sûr Johann Papa Constantino ou l'anglaise Birdie est
22:49comme un hommage.
22:50En juillet dernier au Francopholie de la Rochelle, Jean-Michel Jarre invitait sur scène la nouvelle
22:54star Zao de Sagazan.
22:55« Il est six heures au clocher de l'église, dans le soie le fleur, où est-il ? »
23:02Un passage de témoin en somme pour une chanson qui n'a pas perdu sa force en cinq décennies.
23:08« Je lui dirai les mots bleus, les mots qu'on dit avec les yeux.
23:15Toutes les excuses que l'on donne sont comme les baisers que l'on vole.
23:22Il reste une grande coeur subtile qui gâcherait l'instant fragile que nous retrouvâmes. »

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