Rembob'Ina revient sur le combat en faveur de l'Interruption Volontaire de Grossesse, initié et incarné par la ministre de la Santé du gouvernement Chirac, qui aboutira à sa constitutionnalisation en mars 2024. Le 26 novembre 1974, Simone Veil prononce le discours qui introduit les 3 jours de débats à l'Assemblée Nationale, un document historique présenté en intégralité. L'occasion d'entendre ensuite un de ses opposants, le député UDR Michel Debré ; puis des interviews de Simone Veil, pour les journaux télévisés, au lendemain de son discours et après l'adoption du texte. La dernière archive, « Avortement An 2 », un reportage d'Igor Barrère sur le procès emblématique du MLAC ( Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception), le 10 mars 1977 à Aix-en-Provence, met en avant les difficultés pour appliquer cette loi, qui fut promulguée le 17 janvier 1975.
Invités :
- Annick Cojean, journaliste et auteure,
- Bibia Pavard, historienne,
- Richard Poirot, Ina.
C'est une plongée dans l'histoire de notre pays au travers des trésors cachés de la télévision. Fictions, documentaires, magazines d'actualité, émission de divertissements, débats politiques...
Le dimanche, Patrick Cohen nous invite à jeter un coup d´oeil dans le rétroviseur de notre petite lucarne. En présence d´acteurs ou de témoins de l'époque, de spécialistes des archives de l´INA, Patrick Cohen revient sur les grandes heures de la télévision. Emblématiques ou polémiques, ces programmes ont marqué les esprits et l'histoire du petit écran.
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:22Bienvenue à Rambobina,
00:00:23émission consacrée à une page d'histoire parlementaire
00:00:26et une grande page de l'histoire des femmes.
00:00:29Il y a 50 ans, en effet, le Parlement a adopté la loi
00:00:32sur l'interruption volontaire de grossesse,
00:00:35loi portée par Simone Veil.
00:00:37Nous vous proposerons de larges extraits
00:00:40des documents disponibles.
00:00:41Le discours de Simone Veil à l'Assemblée nationale
00:00:44le 26 novembre 74,
00:00:46celui d'un de ses opposants, Michel Debré,
00:00:49des interviews de l'époque de la ministre de la Santé
00:00:52et un reportage réalisé trois ans après.
00:00:54Avec nous, une historienne. Bonjour, Bibia Pavard.
00:00:57Vous avez co-signé les lois Veil,
00:01:00un siècle d'histoire qui vient de reparaître
00:01:03aux éditions La Découverte.
00:01:05A vos côtés, une journaliste, un grand reporter au monde.
00:01:08Vous avez tissé des liens avec Simone Veil.
00:01:11Vous avez préfacé un album, Simone Veil et les Siens,
00:01:14co-signé un roman graphique,
00:01:16Simone Veil ou la force d'une femme.
00:01:19Il y a aussi ce livre
00:01:21qui reprend le discours de Simone Veil à l'Assemblée.
00:01:25Simone Veil, une loi pour l'histoire,
00:01:27suivie d'un entretien.
00:01:29Avec vous, vous nous en reparlerez.
00:01:31Première chose, Bibia Pavard,
00:01:33même si l'histoire est connue, célébrée,
00:01:35même si l'IVG vient de faire son entrée dans la Constitution,
00:01:39il ne faut pas banaliser ce qui s'est passé en novembre 74.
00:01:43Vous écrivez dans votre livre
00:01:45que les lois Veil marquent une rupture majeure
00:01:48dans l'histoire des femmes et des rapports de genre
00:01:51comme dans l'histoire avec un grand H.
00:01:53Pour quelles raisons ?
00:01:55Alors, c'est vrai que quand on envisage l'histoire des femmes,
00:01:59cette possibilité d'accéder à la contraception
00:02:03et à l'avortement, c'est une rupture majeure
00:02:06parce que c'est la possibilité de disposer de son propre corps,
00:02:09mais c'est aussi une rupture majeure
00:02:11dans l'histoire avec un grand H,
00:02:13parce que ça vient réarranger les rapports
00:02:16entre les hommes et les femmes,
00:02:17ça vient aussi mettre en lumière
00:02:21la question de l'égalité entre les femmes et les hommes,
00:02:24et c'est aussi une loi qui a mis en avant une femme,
00:02:27une grande femme politique,
00:02:28qui aujourd'hui est reconnue, mais qui était une pionnière.
00:02:32Première femme ministre de plein exercice
00:02:34de la Vème République.
00:02:35Ce bouleversement que vous décrivez
00:02:37dans les rapports hommes-femmes,
00:02:39est-ce qu'on en avait conscience à l'époque ?
00:02:42Et est-ce que Simone Veil en avait conscience ?
00:02:44Annick Cogent, est-ce qu'elle avait conscience
00:02:47de la portée historique de sa loi ?
00:02:49Je sais pas si elle avait cette conscience-là au tout début,
00:02:52mais en tout cas, que les deux lois,
00:02:54oui, je dis les deux lois,
00:02:56parce que la loi Neuwirth était très importante
00:02:58et qu'elle a tenue à la populariser,
00:03:01la libéraliser, enfin,
00:03:03la question de la contraception, c'était fondamental,
00:03:06juste avant la loi sur l'avortement.
00:03:08Elle savait que c'était fondamental,
00:03:10parce que ça changeait les rapports
00:03:12entre les hommes et les femmes.
00:03:14Elle avait vu les premières réactions
00:03:16à l'Assemblée nationale,
00:03:18et la façon dont ces machos, disait-elle,
00:03:20parce qu'elle utilisait aussi ce mot,
00:03:22réagissait en disant que c'est la porte ouverte à l'adultère,
00:03:25à n'importe quoi, à la liberté des femmes,
00:03:28qui feront n'importe quoi et qui nous trahiront.
00:03:30Elle était très sensible à ça,
00:03:32et elle se doutait bien qu'effectivement,
00:03:34c'était une loi majeure dans l'évolution de la société
00:03:37et des rapports entre les sexes.
00:03:39Il y a quelque chose de peu connu
00:03:41que vous racontez bien, Vivien Pavard,
00:03:43sous l'influence du mouvement féministe,
00:03:46la première initiative, le premier projet de loi
00:03:48ne vient pas de Simone Veil ni de Chirac,
00:03:51le Premier ministre, ni de Giscard.
00:03:53Il vient du dernier Premier ministre de Pompidou,
00:03:55Pierre Mesmer.
00:03:57Alors oui, déjà, il faut rappeler
00:03:58que le contexte est celui d'une très forte mobilisation féministe.
00:04:02C'est aussi pour ça, sans doute, qu'elle avait conscience
00:04:05qu'elle faisait quelque chose, qu'elle œuvrait pour les femmes.
00:04:09Il y a eu un premier projet de loi
00:04:11porté par le gouvernement Mesmer,
00:04:13en 1973, défendu par deux hommes,
00:04:16le ministre de la Santé, Michel Pognatoski,
00:04:19et le ministre de la Justice, Jean Déttinger.
00:04:22Ce qu'il propose, à ce moment-là,
00:04:24c'est un élargissement de l'avortement thérapeutique
00:04:26à certains cas, et les femmes devaient passer
00:04:29devant une commission.
00:04:31À ce moment-là, le débat sur l'avortement
00:04:34sont pleins dans la société.
00:04:36Il y a eu le manifeste des 343 femmes
00:04:38ayant déclaré avoir avorté en 1971,
00:04:40il y a eu le procès de Bobigny en 1972,
00:04:42et à l'Assemblée nationale, les camps sont très polarisés.
00:04:47Finalement, la gauche trouve que cette réforme
00:04:49ne va pas assez loin, et la droite trouve
00:04:52qu'elle va déjà trop loin,
00:04:53et donc le projet est renvoyé en commission,
00:04:56il doit être rediscuté au printemps,
00:04:58et là, entre-temps, Pompidou décède,
00:05:00et donc il y a l'élection présidentielle
00:05:02qui amène Valéry Giscard d'Estaing en pouvoir.
00:05:05C'est important de rappeler ce contexte.
00:05:07L'Assemblée, qui est la même Assemblée nationale,
00:05:10il n'y a pas de dissolution après l'élection de Giscard,
00:05:13baigne déjà dans ces débats-là
00:05:15depuis plus d'un an,
00:05:17depuis un an et demi environ.
00:05:19Nous sommes donc le 26 novembre 1974,
00:05:21il y a ce jour-là une grève à l'ORTF,
00:05:25ce qui provoque deux effets contraires.
00:05:27Le premier, c'est que...
00:05:29On le suppose, on n'a pas la certitude,
00:05:31mais comme les programmes habituels sont perturbés,
00:05:34le débat parlementaire est retransmis en direct,
00:05:37ce qui est inhabituel à cette époque,
00:05:40et le deuxième effet, c'est qu'il nous manque
00:05:43du discours de Simone Veil,
00:05:44il nous manque l'image.
00:05:46Vous aurez quelques minutes de plan fixe
00:05:48pour la fin de son allocution.
00:05:5026 novembre 1974, vers 16h,
00:05:52Simone Veil est appelée à la tribune
00:05:54par le président de l'Assemblée nationale,
00:05:57Edgar Fort, et on en reparle après.
00:05:59Chacun de ses mots est pesé.
00:06:03La parole est à madame le ministre de la Santé.
00:06:06Applaudissements
00:06:08...
00:06:13Applaudissements
00:06:15...
00:06:25Monsieur le Président,
00:06:28mesdames, messieurs les députés,
00:06:32si j'interviens aujourd'hui à cette tribune,
00:06:36ministre de la Santé,
00:06:38femme et non parlementaire,
00:06:41pour proposer aux élus de la nation
00:06:43une profonde modification de la législation sur l'avortement,
00:06:47croyez bien que c'est avec un profond sentiment d'humilité
00:06:51devant la difficulté du problème,
00:06:54comme devant l'ampleur des résonances
00:06:55qu'ils suscitent aux plus intimes de chacun
00:06:58des Françaises et des Français,
00:07:00et en pleine conscience de la gravité des responsabilités
00:07:03que nous allons s'assumer ensemble.
00:07:07Mais c'est aussi avec la plus grande conviction
00:07:10que je défendrai un projet longuement réfléchi
00:07:13et délibéré par l'ensemble du gouvernement,
00:07:16un projet qui, selon les termes même
00:07:19du président de la République,
00:07:21a pour objet de mettre fin à une situation
00:07:23de désordre et d'injustice
00:07:25et d'apporter une solution mesurée et humaine
00:07:28à un des problèmes les plus difficiles de notre temps.
00:07:33Si le gouvernement peut aujourd'hui
00:07:35vous présenter un tel projet,
00:07:37c'est grâce à tous ceux d'entre vous,
00:07:40et ils sont nombreux et de tous horizons,
00:07:43qui, depuis plusieurs années,
00:07:45se sont efforcés de proposer une nouvelle législation
00:07:49mieux adaptée au consensus social
00:07:51et à la situation de fait que connaît notre pays.
00:07:55C'est aussi parce que le gouvernement de M. Mesmer
00:07:59avait pris la responsabilité de vous soumettre
00:08:01un projet novateur et courageux.
00:08:05Chacun d'entre nous garde en mémoire
00:08:06la très remarquable et émouvante présentation
00:08:09qu'on avait faite, M. Jean Tétinger.
00:08:12C'est enfin parce qu'au sein d'une commission spéciale
00:08:15présidée par M. Berger,
00:08:17nombreux sont les députés qui ont entendu
00:08:20pendant de longues heures
00:08:22les représentants de toutes les familles d'esprit
00:08:24ainsi que les principales personnalités
00:08:26compétentes dans la matière.
00:08:30Pourtant, d'aucuns s'en interrogent encore.
00:08:34Une nouvelle loi est-elle vraiment nécessaire ?
00:08:38Pour quelques-uns, les choses sont simples.
00:08:42Il existe une loi répressive, il n'y a qu'à l'appliquer.
00:08:47D'autres se demandent pourquoi le Parlement
00:08:49devrait trancher maintenant ces problèmes.
00:08:52Nul n'ignore que depuis l'origine
00:08:54et particulièrement depuis le début du siècle,
00:08:56la loi a toujours été rigoureuse,
00:08:58mais qu'elle n'a été que peu appliquée.
00:09:02En quoi les choses ont-elles donc changé
00:09:04qui obligent à intervenir ?
00:09:06Pourquoi ne pas maintenir le principe
00:09:08et continuer à l'appliquer qu'à titre exceptionnel ?
00:09:12Pourquoi consacrer une pratique délictueuse
00:09:14et ainsi risquer de l'encourager ?
00:09:17Pourquoi légiférer et couvrir ainsi
00:09:20le laxisme de notre société,
00:09:22favoriser les égoïsmes individuels
00:09:24au lieu de faire revivre une morale de civisme et de rigueur ?
00:09:28Pourquoi risquer d'aggraver un mouvement
00:09:30de dénatalité dangereusement amorcé
00:09:33au lieu de promouvoir une politique familiale,
00:09:35généreuse et constructive,
00:09:37qui permette à toutes les mères de mettre au monde
00:09:40et d'élever les enfants qu'elles ont conçus ?
00:09:44Parce que tout nous montre
00:09:46que la question ne se pose pas en ces termes.
00:09:50Croyez-vous que ce gouvernement et celui qui l'a précédé
00:09:53se seraient résolus à élaborer un texte et à vous le proposer
00:09:57s'ils avaient pensé qu'une autre solution était encore possible ?
00:10:02Nous sommes arrivés à un point où, en ce domaine,
00:10:05les pouvoirs publics ne peuvent plus éluder leur responsabilité.
00:10:10Tout le démontre.
00:10:12Les études et les travaux menés depuis plusieurs années,
00:10:15les auditions de votre commission,
00:10:18l'expérience des autres pays européens.
00:10:21Et la plupart d'entre vous le sentent,
00:10:24qui savent qu'on ne peut empêcher les avortements clandestins
00:10:27et qu'on ne peut non plus appliquer la loi pénale
00:10:29à toutes les femmes qui seraient passibles de ces rigueurs.
00:10:33Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ?
00:10:37Parce que la situation actuelle est mauvaise.
00:10:40Je dirais même qu'elle est déplorable et dramatique.
00:10:44Elle est mauvaise parce que la loi est ouvertement bafouée,
00:10:48pire même, ridiculisée.
00:10:51Lorsque l'écart entre les infractions commises
00:10:53et celles qui sont poursuivies
00:10:55est tel qu'il n'y a plus à proprement parler de répression,
00:10:58c'est le respect des citoyens pour la loi
00:11:00et donc l'autorité de l'État qui sont mises en cause.
00:11:05Lorsque des médecins, dans leur cabinet,
00:11:08enfreignent la loi et le font connaître publiquement,
00:11:11lorsque les parquets, avant de poursuivre,
00:11:14sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice,
00:11:17lorsque les services sociaux d'organismes publics
00:11:20fournissent à des femmes en détresse
00:11:21les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse,
00:11:25lorsque, aux mêmes fins, sont organisées ouvertement
00:11:29et même par charteur des voyages à l'étranger,
00:11:32alors, je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d'anarchie
00:11:35qui ne peut plus continuer.
00:11:47Mais, me direz-vous,
00:11:49pourquoi avoir laissé la situation se dégrader ainsi
00:11:52et pourquoi la tolérer ?
00:11:54Pourquoi ne pas faire respecter la loi ?
00:11:58Parce que, si des médecins, si des personnels sociaux,
00:12:01si même un certain nombre de citoyens
00:12:03participent à ces actions illégales,
00:12:06c'est bien qu'ils s'y sentent contraints.
00:12:09En opposition, parfois, avec leurs convictions personnelles,
00:12:12ils se trouvent confrontés à des situations de fait
00:12:15qu'ils ne peuvent mais connaître.
00:12:17Parce qu'en face d'une femme décidée à interrompre sa grossesse,
00:12:21ils savent qu'en refusant leur conseil et leur soutien,
00:12:24ils la rejettent dans la solitude et l'angoisse
00:12:26d'un acte perpétré dans les pires conditions
00:12:29qui risque de la laisser mutilée à jamais.
00:12:33Ils savent que la même femme, si elle a de l'argent,
00:12:36si elle sait s'informer,
00:12:38se rendra dans un pays voisin,
00:12:40ou même en France, dans certaines cliniques,
00:12:42et pourra, sans occurrir aucun risque ni aucune pénalité,
00:12:46mettre fin à sa grossesse.
00:12:49Et ces femmes,
00:12:51ce ne sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus inconscientes.
00:12:55Elles sont 300 000 chaque année.
00:12:58Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour
00:13:00et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et le drame.
00:13:05C'est à ce désordre qu'il faut mettre fin,
00:13:08c'est cette injustice qu'il convient de faire cesser.
00:13:12Mais comment y parvenir ?
00:13:15Je le dis avec toute ma conviction,
00:13:17l'avortement doit rester l'exception,
00:13:20l'ultime recours pour des situations sans issue.
00:13:24Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception,
00:13:28sans que la société paraisse l'encourager ?
00:13:32Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme.
00:13:35Je m'excuse de le faire devant cette assemblée
00:13:38presque exclusivement composée d'hommes.
00:13:40Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement.
00:13:44Il suffit d'écouter les femmes.
00:13:46C'est toujours un drame...
00:13:54C'est toujours un drame, cela restera toujours un drame.
00:13:59C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté
00:14:01tient compte de la situation de fait existante,
00:14:04s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse,
00:14:08c'est pour la contrôler et autant que possible en dissuader la femme.
00:14:13Nous pensons ainsi répondre au désir, conscient ou inconscient,
00:14:18de toutes les femmes qui sont en train de s'éloigner
00:14:21de toutes les femmes qui se trouvent dans cette situation d'angoisse,
00:14:25si bien décrite et analysée par certaines des personnalités
00:14:28de votre commission spéciale à Entendu au cours de l'automne 1973.
00:14:35Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation de détresse,
00:14:40qui s'en préoccupe ?
00:14:42La loi les rejette non seulement dans l'opprobre,
00:14:44la honte et la solitude,
00:14:46mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites.
00:14:50Contraintes de cacher leur état,
00:14:52trop souvent, elles ne trouvent personne pour les écouter,
00:14:55les éclairer et leur apporter un appui et une protection.
00:15:02Parmi ceux qui combattent aujourd'hui
00:15:03une éventuelle modification de la loi répressive,
00:15:06combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés
00:15:09d'aider ces femmes dans leur détresse ?
00:15:11Combien sont-ils ceux qui, au-delà de ce qu'ils jugent comme une faute,
00:15:15ont su manifester aux jeunes mères célibataires
00:15:17la compréhension et l'appui moral dont elles avaient un si grand besoin ?
00:15:30Je sais qu'il en existe, et je me garderai de généraliser.
00:15:34Je n'ignore pas l'action de ceux
00:15:36qui, profondément conscients de leurs responsabilités,
00:15:39font tout ce qui est à leur portée
00:15:40pour permettre à ces femmes d'assumer leur maternité.
00:15:43Nous aiderons leur entreprise,
00:15:45nous ferons appel à eux pour nous aider
00:15:47à assurer les consultations sociales prévues par la loi.
00:15:51Mais la sollicitude et l'aide, lorsqu'elles existent,
00:15:55ne suffisent pas toujours à dissuader.
00:15:58Certes, les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes
00:16:02sont parfois moins graves qu'elles ne les perçoivent.
00:16:05Certaines peuvent être dédramatisées et surmontées.
00:16:09Mais d'autres demeurent qui font que certaines femmes
00:16:11se sentent acculées à une situation sans autre issue
00:16:14que le suicide, la ruine de leur équilibre familial
00:16:17ou le malheur de leurs enfants.
00:16:20C'est là, hélas, la plus fréquente des réalités,
00:16:24bien davantage que l'avortement dit de convenance.
00:16:28S'il n'en était pas ainsi, croyez-vous que tous les pays,
00:16:31les uns après les autres, auraient été conduits
00:16:33à réformer leur législation à la matière
00:16:36et à admettre que ce qui était hier sévèrement réprimé
00:16:39soit désormais légal ?
00:16:42Ainsi, conscients d'une situation intolérable pour l'État
00:16:46et injuste aux yeux de la plupart,
00:16:49le gouvernement a renoncé à la voie de la facilité,
00:16:52celle qui aurait consisté à ne pas intervenir,
00:16:56s'eût été cela le laxisme.
00:17:00Assumons ces responsabilités.
00:17:02Il vous soumet un projet de loi propre à apporter à ce problème
00:17:07une solution à la fois réaliste, humaine et juste.
00:17:19Certains penseront sans doute que notre seule préoccupation
00:17:23a été l'intérêt de la femme,
00:17:25que c'est un texte qui a été élaboré
00:17:27dans cette seule perspective.
00:17:30Il n'y est guère question ni de la société
00:17:33ou plutôt de la nation,
00:17:35ni de père de l'enfant à naître et moins encore de cet enfant.
00:17:41Je me garde bien de croire qu'il s'agit d'une affaire individuelle
00:17:44ne concernant que la femme et que la nation n'est pas en cause.
00:17:48Ce problème la concerne au premier chef,
00:17:52mais sous des angles différents
00:17:53et qui ne requièrent pas nécessairement les mêmes solutions.
00:17:58L'intérêt de la nation,
00:18:00c'est assurément que la France soit jeune,
00:18:02que sa population soit en pleine croissance.
00:18:06Un tel projet,
00:18:08adopté après une loi libéralisant la contraception,
00:18:10ne risque-t-il pas d'entraîner une chute importante
00:18:13de notre taux de natalité
00:18:14qui amorce déjà une baisse inquiétante ?
00:18:18Ce n'est là ni un fait nouveau
00:18:21ni une évolution propre à la France.
00:18:24Un mouvement de baisse assez régulier
00:18:26des taux de natalité et de fécondité
00:18:28est apparu depuis 1965 dans tous les pays européens,
00:18:32quelles que soient leurs législations
00:18:33en matière d'avortement ou même de contraception.
00:18:38Il serait hasardeux de chercher des causes simples
00:18:40à un phénomène aussi général.
00:18:43Aucune explication ne peut y être apportée au niveau national.
00:18:46Il s'agit d'un fait de civilisation
00:18:49révélateur de l'époque que nous vivons
00:18:51et qui obéit à des règles complexes
00:18:52que d'ailleurs nous connaissons mal.
00:18:56Les observations faites dans de nombreux pays étrangers
00:18:58par les démographes ne permettent pas de dire
00:19:01qu'il existe une corrélation démontrée
00:19:04entre une modification de la législation de l'avortement
00:19:07et l'évolution des taux de natalité
00:19:09et surtout de fécondité.
00:19:13Il est vrai que l'exemple de la Roumanie
00:19:15semble démentir cette constatation
00:19:17puisque la décision prise par le gouvernement de ce pays
00:19:21à la fin de l'année 1966
00:19:23de revenir sur des dispositions non répressives
00:19:25adoptées 10 ans plus tôt
00:19:27a été suivie d'une forte explosion de natalité.
00:19:31Cependant, ce qu'on omet de préciser,
00:19:34c'est qu'une baisse non moins spectaculaire
00:19:36s'est produite ensuite.
00:19:39Il est essentiel de remarquer que dans ce pays
00:19:42où n'existait aucune forme de contraception moderne,
00:19:45l'abortement a été le mode principal
00:19:47de limitation des naissances.
00:19:49L'intervention brutale d'une législation restrictive
00:19:53explique bien dans ce contexte un phénomène
00:19:55qui demeurait exceptionnel et passager.
00:20:01Tout laisse à penser que l'adoption du projet de loi
00:20:03n'aura que peu d'effet sur le niveau de la natalité en France,
00:20:06les avortements légaux remplaçant en fait
00:20:09les avortements clandestins,
00:20:10une fois passée une période
00:20:12d'éventuelles oscillations à court terme.
00:20:16Il n'en reste pas moins que la baisse de notre natalité,
00:20:19si elle est indépendante de l'état de la législation
00:20:21sur l'avortement,
00:20:23est un phénomène inquiétant
00:20:24à l'égard duquel les pouvoirs publics
00:20:26ont l'impérieux devoir de réagir.
00:20:30Une des premières réunions du Conseil de planification
00:20:33que présidera le président de la République
00:20:35va être consacrée à un examen d'ensemble
00:20:37des problèmes de la démographie française
00:20:39et des moyens de mettre un frein à une évolution inclétante
00:20:42pour l'avenir du pays.
00:20:45Quant à la politique familiale,
00:20:47le gouvernement a estimé qu'il s'agissait d'un problème distinct
00:20:50de celui de la législation sur l'avortement
00:20:52et qu'il n'y avait pas lieu de lier ces deux problèmes
00:20:54dans les discussions législatives.
00:20:57Ce qui ne signifie pas
00:20:59qu'il n'y attache pas une extrême importance.
00:21:04Dès vendredi, l'Assemblée aura délibéré
00:21:06d'un projet de loi qui améliore très sensiblement
00:21:09les allocations servies en matière de frais de garde
00:21:11et les allocations dites d'orphelins,
00:21:13qui sont notamment destinées aux enfants des mères célibataires.
00:21:17Ce texte réforme en outre le régime de l'allocation maternité
00:21:21et les conditions d'attribution des prêts aux jeunes ménages.
00:21:25En ce qui me concerne,
00:21:27je m'apprête à proposer à l'Assemblée divers projets.
00:21:30L'un d'entre eux tente à favoriser l'action
00:21:33des travailleuses familiales
00:21:34en prévoyant leur intervention éventuelle
00:21:36au titre de l'art social.
00:21:39Un autre projet améliorera les conditions de fonctionnement
00:21:42et de financement des centres maternels
00:21:44où sont accueillis les jeunes mères en difficulté
00:21:46pendant leur grossesse
00:21:47et les premiers mois de la vie de leur enfant.
00:21:51J'ai l'intention de faire un effort particulier
00:21:53pour la lutte contre la stérilité
00:21:55par la suppression du titre modérateur
00:21:57pour toutes les consultations en cette matière.
00:21:59Et j'ai également demandé à l'Inserm
00:22:01de lancer, dès 1975,
00:22:04une action thématique de recherche sur ce problème de stérilité
00:22:07qui désespère tant de couples.
00:22:12Avec M. le garde des Sceaux,
00:22:14je me prépare à tirer les conclusions du rapport
00:22:16que votre collègue M. Rivérez,
00:22:18parlementaire en mission,
00:22:20vient de rédiger sur l'adoption.
00:22:23Répondant au vœu de tant de personnes
00:22:25qui souhaitent adopter un enfant,
00:22:27j'ai décidé d'instituer un Conseil supérieur de l'adoption
00:22:31qui sera chargé de soumettre au pouvoir public
00:22:34toutes suggestions utiles sur ce problème.
00:22:38Enfin, et surtout,
00:22:40le gouvernement s'est publiquement engagé,
00:22:42par la voix de M. Durafour,
00:22:44à entamer, dès les toutes prochaines semaines,
00:22:46avec les organisations familiales,
00:22:49la négociation d'un contrat de progrès
00:22:51dont le contenu sera arrêté d'un commun accord
00:22:53avec les représentants des familles
00:22:56sur la base de propositions
00:22:57qui seront soumises au Conseil consultatif de la famille
00:23:00que je préside.
00:23:06En réalité, comme le soulignent tous les démographes,
00:23:09ce qui importe,
00:23:11c'est de modifier l'image que se font les Français
00:23:13du nombre idéal d'enfants par couple.
00:23:17Cet objectif est infiniment complexe
00:23:19et la dissuasion de l'avortement ne saurait se limiter
00:23:21à des mesures financières nécessairement ponctuelles.
00:23:34Le second absent dans ce projet,
00:23:37pour beaucoup d'entre vous sans doute,
00:23:39c'est le père.
00:23:41La décision de l'interruption de grossesse
00:23:44ne devrait-il pas, comme chacun le ressent,
00:23:46être prise par la femme seule,
00:23:48mais aussi par son mari ou son compagnon ?
00:23:52Je souhaite, pour ma part,
00:23:54que dans les faits, il en soit toujours ainsi,
00:23:56et j'approuve votre commission
00:23:57de nous avoir proposé une modification en ce sens.
00:24:01Mais, comme elle l'a fort bien compris,
00:24:03il n'est pas possible d'instituer en cette matière
00:24:05une obligation juridique.
00:24:08Enfin, le troisième absent
00:24:12n'est-ce pas cette promesse de vie que porte en elle la femme ?
00:24:16Je me refuse à entrer dans les discussions scientifiques
00:24:19et philosophiques dont les auditions de votre commission
00:24:22ont montré qu'elles posaient un problème insoluble.
00:24:26Plus personne ne conteste maintenant
00:24:29que sur un plan strictement médical.
00:24:31L'embryon porte en lui définitivement
00:24:34toutes les virtualités de l'être humain qu'il deviendra.
00:24:38Mais il n'est encore qu'un devenir
00:24:40qui aura surmonté bien des aléas avant de venir à terme,
00:24:44un fragile chaînon de la transmission de la vie.
00:24:49Faut-il rappeler que,
00:24:50selon les études de l'Organisation mondiale de la santé,
00:24:54sur 100 conceptions,
00:24:5645 s'interrompent d'elles-mêmes au cours des 2 premières semaines
00:25:00et que sur 100 grossesses au début de la 3e semaine,
00:25:03un quart n'arrive pas à terme du seul fait de phénomènes naturels.
00:25:09La seule certitude sur laquelle nous puissions nous appuyer,
00:25:12c'est le fait que la femme ne prend pleine conscience
00:25:15qu'elle porte un être vivant qui sera un jour son enfant
00:25:18que lorsqu'elle ressent en elle les premières manifestations de cette vie.
00:25:22Et c'est, sauf pour les femmes
00:25:24qui animent une profonde conviction religieuse,
00:25:27ce décalage entre ce qui n'est qu'un devenir
00:25:29pour lequel la femme n'éprouve pas encore de sentiments profonds
00:25:33et ce que l'enfant, dès l'instant de sa naissance,
00:25:36qui explique que certaines,
00:25:39qui repousseraient avec horreur l'éventualité monstrueuse de l'infanticide,
00:25:43se résignent à envisager la perspective de l'avortement.
00:25:48Combien parmi nous,
00:25:50devant le cas d'un être cher
00:25:51dont l'avenir serait irrémédiablement compromis,
00:25:56n'ont pas eu le sentiment que les principes devaient parfois céder le pas ?
00:26:01Il n'en serait pas de même, c'est évident,
00:26:04si cet acte était véritablement conçu comme un autre.
00:26:09Certains, parmi ceux qui sont les plus opposés
00:26:11au vote de ce projet,
00:26:13acceptent qu'en fait, on n'exerce plus de poursuites
00:26:16et s'opposeraient même, avec moins de vigueur,
00:26:18au vote d'un texte qui se bornerait à prévoir
00:26:21la suspension des poursuites pénales.
00:26:24C'est donc qu'eux-mêmes perçoivent
00:26:26qu'il s'agit là d'un acte d'une nature particulière,
00:26:29ou en tout cas d'un acte qui appelle une solution spécifique.
00:26:35L'Assemblée ne m'en voudra pas
00:26:36d'avoir abordé longuement cette question.
00:26:39Vous sentez tous que c'est là un point essentiel,
00:26:43sans doute le fond même du débat.
00:26:46Il convenait de l'évoquer
00:26:48avant de venir à l'examen du contenu même du projet.
00:26:58En préparant le projet qu'ils vous soumettent aujourd'hui,
00:27:01le gouvernement s'est fixé un triple objectif.
00:27:05Faire une loi réellement applicable,
00:27:08faire une loi dissuasive, faire une loi protectrice.
00:27:12Ce triple objectif explique l'économie du projet.
00:27:17Tout d'abord, une loi applicable.
00:27:20Un examen rigoureux des modalités et des conséquences
00:27:23de la définition de cas dans lequel serait autorisée
00:27:25l'interruption de grossesse
00:27:27révèle d'insurmontables contradictions.
00:27:31Si des conditions sont définies en termes précis,
00:27:35par exemple, l'existence de graves menaces
00:27:37pour la santé physique ou mentale de la femme,
00:27:40par exemple, les cas de viol ou d'inceste
00:27:42vérifiés par un magistrat,
00:27:45il est clair que la modification de la législation
00:27:48n'atteindrait pas son but
00:27:49si ses critères sont réellement respectés,
00:27:52puisque la proportion des interruptions de grossesse
00:27:54ayant de tels motifs est faible.
00:27:57Au surplus, l'appréciation des cas éventuels
00:28:00de viol ou d'inceste soulèverait des problèmes de preuves
00:28:03pratiquement insolubles dans un délai adapté à la situation.
00:28:08Si, au contraire, c'est une définition large qui est donnée,
00:28:12par exemple, le risque pour la santé psychique
00:28:14ou l'équilibre psychologique,
00:28:16ou encore la difficulté des conditions matérielles
00:28:18et morales d'existence,
00:28:20il est clair que les médecins ou les commissions
00:28:23qui seraient chargés de décider si ces conditions sont réunies
00:28:27auraient à prendre leurs décisions
00:28:29sur la base de critères insuffisamment précis
00:28:31pour être objectifs.
00:28:34Dans de tels systèmes,
00:28:36l'autorisation de pratiquer l'interruption de grossesse
00:28:39n'est en pratique donnée qu'en fonction des conceptions personnelles
00:28:42des médecins ou des commissions vis-à-vis de l'avortement,
00:28:45et ce sont les femmes les moins habiles
00:28:47à trouver le médecin le plus compréhensif
00:28:49ou la commission la plus indulgente
00:28:51qui se trouveront encore dans une situation sans issue.
00:28:55Pour éviter cette injustice,
00:28:58l'autorisation est d'ailleurs donnée dans bien des pays
00:29:00de façon quasi-automatique,
00:29:02ce qui rend une telle procédure inutile,
00:29:05tout en laissant à un certain nombre de femmes
00:29:09qui ne veulent pas encourir l'humiliation
00:29:11de se présenter devant une instance
00:29:13qu'elles ressentent comme un tribunal.
00:29:17Or, si le législateur est appelé à modifier les textes en vigueur,
00:29:22c'est pour mettre fin aux avortements clandestins
00:29:24qui sont le plus souvent le fait de celles
00:29:26qui, pour des raisons sociales, économiques ou psychologiques,
00:29:30se sentent dans une telle situation de détresse
00:29:33qu'elles sont décidées à mettre fin à leur grossesse
00:29:36dans n'importe quelle condition.
00:29:37Je sais que le problème dont nous débattons aujourd'hui
00:29:40concerne des questions infiniment plus graves
00:29:43et qui troublent beaucoup plus la conscience de chacun.
00:29:46Mais en définitive, il s'agit aussi d'un problème de société.
00:29:51Je voudrais enfin vous dire ceci.
00:29:53Au cours de la discussion,
00:29:55je défendrai ce texte au nom du gouvernement
00:29:57sans arrière-pensée et avec toute ma conviction.
00:30:01Mais il est vrai que personne ne peut éprouver
00:30:04une satisfaction profonde à défendre un tel texte,
00:30:06le meilleur possible, à mon avis, sur un tel sujet.
00:30:10Personne n'a jamais contesté,
00:30:12et le ministre de la Santé moins que quiconque,
00:30:14que l'avortement soit un échec quand il n'est pas un drame.
00:30:18Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux
00:30:20sur les 300 000 avortements
00:30:22qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays,
00:30:25qui bafouent nos lois
00:30:26et qui humilient ou traumatisent celles qui en recouvrent.
00:30:30L'histoire nous montre que les grands débats
00:30:32qui ont divisé à un moment les Français
00:30:35apparaissent, avec le recul du temps,
00:30:37comme une étape nécessaire
00:30:38à la transformation d'un nouveau consensus social
00:30:41qui s'inscrit dans la tradition de tolérance
00:30:44et de mesure de notre pays.
00:30:48Je ne suis pas de ceux et de celles qui craignent l'avenir.
00:30:52Les jeunes générations nous surprennent parfois
00:30:55en ce qu'elles diffèrent de nous.
00:30:57Nous les avons nous-mêmes élevées de façon différente
00:31:00de celles dont nous l'avons été.
00:31:02Mais cette jeunesse est courageuse,
00:31:05capable d'enthousiasme et de sacrifice comme les autres,
00:31:08sachant lui faire confiance
00:31:10pour conserver à la vie sa valeur suprême.
00:31:17Voilà la force du son et de la radio à la télévision.
00:31:22C'était le discours de Simone Veil pour la loi sur l'IVG,
00:31:25le 26 novembre 74.
00:31:27J'en profite pour dire que l'ensemble des débats
00:31:30parlementaires sur cette loi ont été édités
00:31:33il y a une dizaine d'années par les éditions Frémaux
00:31:36et associées dans ce coffret de 4 CD qu'on doit encore trouver.
00:31:40C'est un document extrêmement précieux.
00:31:43On vient d'entendre Simone Veil.
00:31:45Prudence, pragmatisme.
00:31:47Elle souligne à la fois l'injustice de la situation
00:31:50et le problème de santé publique
00:31:52que représentent les avortements clandestins.
00:31:55Prudence car elle rappelle que l'avortement doit rester
00:31:58une situation d'exception.
00:32:00Son discours est très travaillé.
00:32:02Elle a pesé tous ses mots.
00:32:04D'ailleurs, les archives de ce discours
00:32:07sont conservées à l'Assemblée nationale.
00:32:10On voit qu'elle a écrit le brouillon de sa main,
00:32:13qu'elle a choisi chaque mot,
00:32:15qu'elle a reformulé les phrases pour les rendre plus percutantes.
00:32:19Elle s'est entraînée dans la version tapuscrite.
00:32:22On voit qu'elle a écrit un arrêt, un verre d'eau
00:32:25et qu'il y a une trace de cigarette
00:32:27qui montre qu'elle s'est entraînée.
00:32:29Ce n'est pas une oratrice, c'est une technicienne.
00:32:32Elle est plus assurée à la fin qu'au début du discours.
00:32:35Exactement.
00:32:36C'est en attendant, oui.
00:32:38Voilà.
00:32:39Disons que là, ce qu'elle essaie de faire,
00:32:43autour de...
00:32:44En attirant, en se sécurisant les voix de la gauche,
00:32:48justement en mettant le fait que la femme seule décide,
00:32:52mais en rassurant aussi la droite,
00:32:55en mettant en place toute une série de mesures
00:32:59qu'elle dit dissuasives.
00:33:01Il s'agit de dissuader les femmes, au départ.
00:33:04Alors, elle n'a pas rassuré toute la droite.
00:33:08On en a souvent parlé depuis, évidemment.
00:33:12C'est Colibet, c'est Orion,
00:33:15ces interventions de députés conservateurs,
00:33:19des hommes, évidemment,
00:33:21tous des hommes qui ne l'ont pas ménagé,
00:33:24qui ont produit des choses assez traumatisantes,
00:33:28Annick Cojean.
00:33:30Ca a été épouvantable. Ca a été un débat.
00:33:32Ca a attiré l'attention des médias du monde entier,
00:33:35notamment par la violence des propos
00:33:38et des phrases terribles
00:33:41qu'a reçues Simone Veil.
00:33:43Elle en souriait un peu à la fin ou en en reparlant
00:33:47et en disant tout le mépris...
00:33:49On verra tout à l'heure. Elle en parle
00:33:51dans l'une des interviews.
00:33:53Elle s'est prise vraiment des insultes,
00:33:56des procès d'intention
00:33:58et beaucoup, évidemment, d'allusions
00:34:00au génocide et aux persécutions nazies.
00:34:04Certains ne savaient même pas, d'ailleurs, son passé.
00:34:07On a pu être horrifiés
00:34:10parce qu'effectivement, on disait
00:34:12les embryons que vous voulez jeter
00:34:14dans les fours crématoires, etc., etc.
00:34:17Et on s'est rendu compte, à la fin,
00:34:19d'ailleurs, le député Dahier,
00:34:21qui avait été le plus épouvantable,
00:34:23s'est excusé auprès d'elle en disant
00:34:25qu'il ne savait pas qu'elle était passée par les camps.
00:34:28Mais enfin, elle n'éprouvait qu'effectivement
00:34:31que mépris pour ce langage de soudard, a-t-elle dit,
00:34:34et le fait qu'elle soit une femme, bien sûr,
00:34:38l'outrage des propos.
00:34:39On va écouter l'extrait d'un discours
00:34:42d'un de ses opposants.
00:34:44Celui-là, lui, s'est bien comporté.
00:34:46Je veux dire, ce qu'il dit est parfaitement entendable.
00:34:49C'est Michel Debré, l'ancien Premier ministre de De Gaulle,
00:34:53alors député UDR de La Réunion,
00:34:55qui veut affirmer le principe du respect de la vie humaine.
00:34:59On est au deuxième jour de débat,
00:35:01donc le 27 novembre 1974.
00:35:05Passer de la répression aveugle
00:35:08à l'absence totale de contraintes,
00:35:11c'est aller d'un excès à l'autre,
00:35:13d'une erreur grave à une autre erreur grave.
00:35:17C'est marquer une sorte d'abdication du législateur
00:35:21devant la difficulté.
00:35:23Ce que je propose,
00:35:25affirmer le principe du respect de la vie humaine,
00:35:31ensuite, accueillir, soutenir, protéger,
00:35:35promouvoir la maternité,
00:35:37qui sera le plus souvent une maternité volontaire,
00:35:41mais qui doit être une maternité féconde.
00:35:45Enfin, déterminer les procédures raisonnables,
00:35:50mais exceptionnelles,
00:35:52selon lesquelles, face à des détresses dramatiques,
00:35:56l'interruption de grossesse peut seulement être autorisée.
00:36:00Voilà qui eût été du bon travail législatif,
00:36:04car c'eût été du bon travail social,
00:36:07à la fois national et humain.
00:36:18J'ai parlé, mes chers collègues, avec mesure,
00:36:23eu égard aux convictions de chacun,
00:36:28eu égard à la personne du président de la République,
00:36:33eu égard à vous-même, madame le ministre.
00:36:37Mais je ne suis pas le seul, sur les rangs de cette Assemblée,
00:36:42à regretter une grande occasion totalement manquée.
00:36:48Michel Debray est opposant à la loi
00:36:50sur l'interruption volontaire de grossesse,
00:36:53mais dont l'une des demandes est introduite dans la loi,
00:36:59puisque le respect de tout être humain
00:37:01dès le commencement de la vie est inscrit,
00:37:04je crois que ça a été fait sous forme d'amendement,
00:37:07dans l'article 1er de la loi de 74.
00:37:09Il s'agit aussi d'accepter des amendements
00:37:12pour donner des garanties à la droite.
00:37:15Il y a deux lignes d'opposition du côté de la droite.
00:37:18Une opposition qui est celle portée par Michel Debray
00:37:21et qui est avant tout démographique,
00:37:24à la peur d'une dénatalité favorisée par cette loi.
00:37:27Il faut rappeler que Michel Debray est député de La Réunion
00:37:31et qu'il encourage le contrôle des naissances à La Réunion
00:37:35tout en fustigeant la dénatalité en France métropolitaine.
00:37:39C'est intéressant de voir cette dimension-là apparaître.
00:37:43Et l'autre ligne d'opposition,
00:37:45elle est plus morale, religieuse,
00:37:48le respect de la vie, la nécessité, en fait,
00:37:51de, finalement, respecter l'ordre divin
00:37:55en n'intervenant pas sur la vie.
00:37:57Avec, évidemment, un arrière-fond patriarcal,
00:38:00on peut le dire.
00:38:01Patriarcal et judéo-chrétien.
00:38:03Richard Poirot de l'INA nous a rejoints.
00:38:06On va quitter avec vous les débats parlementaires
00:38:09pour se rapprocher du réel.
00:38:11Richard, vous avez fouillé les archives de la télé
00:38:14en quête de témoignages de femmes
00:38:16qui ont avorté de façon clandestine.
00:38:19Absolument. Avant la loi Veil,
00:38:21une période sombre pour ces femmes
00:38:24et une période assez peu documentée
00:38:26dans la mesure où les témoignages à la télévision
00:38:29à l'époque étaient très rares.
00:38:31Il faut attendre les années 70,
00:38:33dans la continuité des mouvements féministes,
00:38:36pour que la télévision décide d'aller à la rencontre
00:38:39de ces femmes et, une date importante,
00:38:41en octobre 1970, la 2e chaîne diffuse
00:38:44un documentaire sur l'avortement.
00:38:46Et sans doute, pour la 1re fois,
00:38:48en tout cas, c'est une des 1res fois,
00:38:502 femmes acceptent de raconter leur avortement.
00:38:53J'avais la possibilité d'être avortée
00:38:55soit en Angleterre, soit en Yougoslavie.
00:38:57J'ai choisi l'Angleterre.
00:38:59Quel prix vous a-t-on demandé pour cette opération ?
00:39:02180 livres.
00:39:03C'est-à-dire environ 250 000 francs.
00:39:05C'est ça.
00:39:06L'Angleterre, là, elle se cache.
00:39:08Évidemment, en ombre chinoise ou avec le foulard.
00:39:11La 2e femme qui accepte de témoigner
00:39:13est également filmée de dos, furtivement.
00:39:16Il faut quand même rappeler une date.
00:39:18Vous l'avez dit, 71, c'est le manifeste des 343.
00:39:21On va pas revenir là-dessus.
00:39:23Publié dans le Nouvel Observateur,
00:39:25ce qu'on vient d'entendre, c'est un an ou un an avant.
00:39:28C'est une inconnue.
00:39:29Il faut quand même mesurer le risque
00:39:31que prend cette femme à ce moment-là.
00:39:33Je voudrais... On va passer à un 2e témoignage.
00:39:36On va sauter, 3 ans plus tard.
00:39:38C'est une nouvelle étape.
00:39:40Les manifestations dans les rues
00:39:42de mouvements féministes, on les entend vraiment.
00:39:45Il y a des tribunes et un JT va proposer un sujet.
00:39:49Et là aussi, pour la 1re fois,
00:39:51sans doute en tout cas pour la 1re fois,
00:39:54une femme va encore accepter
00:39:56de raconter son avortement clandestin,
00:39:58mais cette fois-ci, elle le fait à visage découvert.
00:40:01Vous aviez déjà avorté ?
00:40:03On me demandait des sommes incroyables
00:40:05que je n'avais pas.
00:40:06C'est-à-dire ?
00:40:07Très grosse somme, 200 000, 300 000 francs.
00:40:11Pour moi, c'était vraiment pas possible.
00:40:14Il a fallu que je me débrouille par moi-même.
00:40:17Comment ?
00:40:18Alors, comment... Du bricolage.
00:40:21Maintenant, quand j'y pense,
00:40:23je me demande comment je fais pour être là.
00:40:26C'est un acte militant. La loi n'est pas passée.
00:40:29Et toujours dans ce même JT,
00:40:32un homme va également accepter de témoigner.
00:40:35C'est un médecin et il avoue
00:40:37qu'il pratique des avortements clandestins.
00:40:39Je suis médecin et je pratique des avortements
00:40:42parce que...
00:40:44Il me semble que ça fait partie du travail d'un médecin.
00:40:48Quand une femme est enceinte
00:40:51et qu'elle est enceinte malgré sa volonté,
00:40:54qu'elle ne veut pas garder cet enfant,
00:40:56elle va voir le médecin et elle lui pose le problème.
00:40:59C'est comme ça que cela devrait se passer.
00:41:02Il y a encore des condamnations à l'époque,
00:41:04même s'il y en a beaucoup moins.
00:41:06On anticipe, j'imagine, la loi de 1974.
00:41:08Et d'ailleurs, de plus en plus de médecins
00:41:10vont prendre la parole publiquement
00:41:12pour dire qu'on pratique des avortements
00:41:14de manière clandestine.
00:41:16Ce qu'on vient de voir traduit aussi
00:41:18la pression de la société civile,
00:41:20du mouvement féministe.
00:41:22Evidemment, ça n'est pas sans influence sur...
00:41:25La télé s'inscrit dans ce mouvement-là.
00:41:27Sur le mouvement politique et les débats
00:41:29qu'on a vus à l'Assemblée nationale,
00:41:31mais il y a peu de témoignages à la télé.
00:41:33À cette époque-là, ils sont très rares,
00:41:35alors qu'il faut le rappeler, vous me préciserez,
00:41:38mais on n'a pas des chiffres, c'est une estimation.
00:41:41On est sur plusieurs centaines de milliers
00:41:43d'avortements clandestins par an à cette période-là.
00:41:46Bien sûr, il y a eu des documentaires,
00:41:48des livres qui en ont parlé,
00:41:50mais ce qui n'avait jamais été fait,
00:41:52c'est de rassembler un maximum de témoignages
00:41:55de femmes ordinaires qui ont vécu ces avortements.
00:41:58Et ce travail, Lina, donc, 40 ans après,
00:42:00est en train de le faire.
00:42:0250 ans après, 50 ans et 60,
00:42:04et là, tout à l'heure, je me tournerai vers vous,
00:42:07Bibia Pavard, mais un projet massif
00:42:09qui consiste effectivement à recueillir des dizaines
00:42:12et des dizaines de témoignages de femmes
00:42:14qui ont avorté clandestinement,
00:42:16et pas seulement les militantes, je l'ai dit,
00:42:18mais aussi ces femmes ordinaires
00:42:20qu'on n'avait pas entendues à l'époque
00:42:22et qu'on entendait très peu,
00:42:24qui ont vécu un avortement clandestin.
00:42:26Les hommes aussi, les maris, avocats,
00:42:28juges d'instruction, autant de paroles
00:42:30qui sont vraiment des paroles bouleversantes
00:42:33de femmes qui viennent face caméra
00:42:35et qui, pendant des heures, vont raconter le détail,
00:42:39à savoir les pressions familiales,
00:42:41les réseaux, le prix d'un avortement,
00:42:44la douleur, évidemment, la souffrance,
00:42:46l'isolement, les poursuites judiciaires,
00:42:49pour certaines, c'est vraiment des témoignages
00:42:52pour l'histoire avant que ça disparaisse,
00:42:54avant que ce soit oublié.
00:42:55Pour terminer, je voulais préciser
00:42:57qu'il y a un comité scientifique qui supervise ce projet,
00:43:00que ce comité scientifique est présidé par Bibia Pavard.
00:43:04Oui, alors, c'est une opération formidable.
00:43:07Évidemment, l'historienne que je suis vibre
00:43:10à l'idée de pouvoir accéder à ces témoignages,
00:43:14parce que, vous l'avez dit, ce sont des témoignages ordinaires.
00:43:18Il y a une très grande diversité de femmes
00:43:20de tous les milieux sociaux, partout en France,
00:43:23et aussi dans les départements d'outre-mer.
00:43:26On a voulu documenter les multiples réalités
00:43:29de cet avortement clandestin.
00:43:31Ce qui ressort, c'est l'universalité
00:43:33de cette expérience.
00:43:34En fait, l'avortement clandestin,
00:43:36toutes les familles françaises sont concernées,
00:43:39ont des histoires qui n'avaient pas jusque-là été racontées.
00:43:42Beaucoup de femmes le disent, c'est la première fois
00:43:45qu'elles racontaient cet avortement publiquement,
00:43:48mais aussi parfois dans leur famille.
00:43:50Elles n'en avaient pas parlé.
00:43:53C'est le poids de la honte qui perdure
00:43:55sur cette question de l'avortement,
00:43:57même encore aujourd'hui.
00:43:59Quelle est l'échéance prévue pour la publication ?
00:44:02A l'occasion des 50 ans de la promulgation de la loi.
00:44:05Formidable. On va revenir à Simone Veil
00:44:08et, avec vous, à Nico Jean, on va la retrouver interviewée
00:44:11pour les journaux télévisés au lendemain de son discours
00:44:14et après l'adoption du texte par l'Assemblée.
00:44:17Voici une série de documents avec Simone Veil.
00:44:22L'essentiel, c'est bien sûr le contenu du texte
00:44:25qui a été adopté, mais aussi le courage d'une femme,
00:44:28celui de Mme Veil.
00:44:30Face à une assemblée profondément troublée,
00:44:34elle a lutté pour sortir de l'illégalité les femmes.
00:44:38Elles sont 1 000 par jour aujourd'hui
00:44:40qui interrompent volontairement, clandestinement,
00:44:43donc dangereusement, leur grossesse.
00:44:46Et si, dans l'ensemble, le débat fut d'une très haute tenue,
00:44:50elle dut faire face à des phrases comme celles-ci, je cite,
00:44:54vous ouvrez le commerce de la mort,
00:44:57c'est le retour du nazisme,
00:45:00ou encore voulez-vous envoyer des enfants au four crématoire ?
00:45:05Avec un courage impressionnant, Mme Veil fut déportée.
00:45:09Elle dénonça tous les terrorismes intellectuels
00:45:12que certains tentaient d'imposer à l'Assemblée.
00:45:16Juste après le vote, Mme Veil s'adressa alors
00:45:19aux opposants. J'espère, a-t-elle dit,
00:45:22que ceux qui sont troublés de voir qu'un texte qui va
00:45:26contre leur conscience a été adopté se rendront compte
00:45:29que l'Assemblée a finalement adopté la meilleure solution.
00:45:33Jacqueline Collins a rencontré tout à l'heure
00:45:35le ministre de la Santé dans son bureau.
00:45:38Madame, ça a été un long débat, souvent difficile.
00:45:40Qu'est-ce que représente pour vous maintenant
00:45:42le fait que ce soit voté ? Est-ce que vous êtes satisfaite ?
00:45:44Oui, vous savez, je crois que ce qu'il faut d'abord souligner,
00:45:47c'est que ce texte a été adopté en 1re lecture
00:45:50par l'Assemblée nationale, mais qu'il doit encore
00:45:52être adopté par le Sénat et, le cas échéant,
00:45:55revenir devant l'Assemblée nationale s'il y a eu
00:45:57des modifications, ce qui est très vraisemblable.
00:45:59Ça arrive toujours. Alors, la loi n'est pas encore votée.
00:46:02Je crois qu'il faut bien que tout le monde le sache.
00:46:04C'est une 1re lecture, mais c'est important,
00:46:06puisqu'au fond, c'est un problème qui est posé
00:46:09depuis longtemps, déjà. Il y a eu des propositions de loi
00:46:12depuis 1970-71, déjà. Un projet de loi, l'année dernière,
00:46:16qui n'avait même pas pu être discuté devant l'Assemblée.
00:46:18Alors, je crois qu'il y a eu un texte voté,
00:46:21un texte qui est très, très proche du projet
00:46:24qui avait été déposé par le gouvernement.
00:46:26C'est, sur ce plan, très positif.
00:46:28Certains pensent que c'est une double victoire
00:46:30pour les femmes, d'abord parce qu'il n'y aura plus
00:46:32d'avortement clandestin et ensuite parce que c'est la 1re fois
00:46:35qu'une femme a l'occasion de défendre un grand projet
00:46:37devant le Parlement français.
00:46:40Oui, vous savez, la victoire, je ne sais pas si ce sont
00:46:43les mots tellement appropriés. Je dirais que c'est un progrès.
00:46:47Mais comme je l'ai déjà dit et comme ça a été souvent souligné
00:46:51au cours des débats, l'avortement n'est jamais une victoire.
00:46:54Et ce que nous voudrions surtout, au fond, par ce texte,
00:46:57je ne sais pas si je suis arrivée à en convaincre
00:46:59certains parlementaires, c'est si notre procédure
00:47:01pouvait faire en sorte qu'on évite des avortements,
00:47:04que non seulement il n'y ait plus d'avortement clandestin,
00:47:07mais que certaines femmes, que nous pourrons aider
00:47:09dorénavant grâce à notre procédure,
00:47:11renoncent à se faire avorter.
00:47:13Ce serait ça, la victoire, surtout.
00:47:15Sans ça, une victoire personnelle, une victoire féminine,
00:47:19je crois que là aussi, c'est le fait que ce soit une femme
00:47:23ou un homme n'est pas tellement important
00:47:26sur savoir qui l'a défendue.
00:47:28Simplement, je pense que le fait que ce soit une femme
00:47:31a fait qu'on l'a présentée d'une façon
00:47:34que les hommes ne perçoivent peut-être pas toujours totalement.
00:47:38Et notamment en insistant sur le fait que pour les femmes,
00:47:42justement, l'avortement, c'était toujours un drame
00:47:45et non pas une question de convenance.
00:47:48Vous avez été soutenue pendant le débat
00:47:50par des députés de l'opposition
00:47:52et quelquefois critiquée par certains députés de la majorité.
00:47:55Vous avez même quelquefois été sévère avec eux.
00:47:57Est-ce que vous voyez là une signification politique ?
00:48:00Non, je ne crois pas. Je crois que le président de la République
00:48:03lui-même l'a dit, le Premier ministre également,
00:48:06et l'ensemble, d'ailleurs, beaucoup de parlementaires.
00:48:09C'était un débat de conscience
00:48:11et non pas un débat qui se situe au niveau politique.
00:48:14D'ailleurs, les groupes de la majorité
00:48:17n'avaient pas de consigne de vote.
00:48:19Et je dois souvenir qu'il y a eu plus de 100 parlementaires
00:48:22de la majorité qui ont adopté également le projet de loi.
00:48:26Donc, en fait, il y a eu un certain nombre de gens
00:48:29qui se sont retrouvés autour d'un certain consensus.
00:48:34C'était un débat d'un haut niveau,
00:48:36mais souvent aussi très passionné.
00:48:38Et on a remarqué que vous avez été souvent à l'attaque
00:48:41des attaques pas très élégantes.
00:48:43À un moment, vous avez vu sortir en pleurant.
00:48:45Est-ce que c'est parce que vous avez été
00:48:47dans un camp de concentration à un certain moment ?
00:48:50Effectivement, il y a eu des attaques pas toujours agréables.
00:48:53Je crois que maintenant, il faut essayer d'oublier.
00:48:56C'est dû certainement à la passion de ce débat
00:48:59et au fait que chacun s'y engageait totalement,
00:49:02qu'il y avait toujours, en tout cas,
00:49:04chez les uns et les autres, une parfaite bonne foi.
00:49:06Moi-même également, au cours des réponses,
00:49:08je me suis laissée aller parfois une certaine passion
00:49:11parce que quand on est convaincu,
00:49:13on ne mesure pas toujours ses propos.
00:49:16Je regrette tout de même que si cela ait pu se passer
00:49:19de certaines façons, certaines attaques se sont produites,
00:49:22je crois qu'à l'extérieur de l'Assemblée,
00:49:24il y a eu tout de même un certain nombre de gens
00:49:27qui ont volontairement fait certains amalgames.
00:49:31Et situé le débat à un niveau qui n'était pas le sien.
00:49:35Je crois que notamment, parler de nazisme
00:49:38à propos de l'avortement,
00:49:40c'était pour certains un peu une forme de propagande
00:49:44qui n'a pas été heureuse de faire
00:49:46car nous en avons eu les échos à l'Assemblée.
00:49:48Et ça, c'est dommage parce qu'au sein de l'Assemblée,
00:49:51tout le monde était vraiment conscient
00:49:54de la gravité de problèmes et de bonne foi.
00:49:56Et c'est dommage que nous ayons ces échos.
00:49:58Vous avez dissocié l'interruption de la grossesse
00:50:01des mesures pour la famille et pour la femme.
00:50:04Pourtant, beaucoup de députés ont insisté
00:50:06sur l'importance des mesures familiales pour la dissuasion.
00:50:09Est-ce que vous avez l'intention de faire quelque chose maintenant ?
00:50:12Je crois que c'est très important.
00:50:14J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire hier à l'Assemblée nationale
00:50:17que je me proposais de faire part au Conseil des ministres
00:50:22de ce consensus qui s'est développé très nettement
00:50:25au cours de ces débats,
00:50:27et qui fait que l'ensemble des parlementaires ont estimé
00:50:30qu'il était fondamental de faire une politique familiale
00:50:33très importante et de faire un certain nombre de sacrifices,
00:50:36éventuellement sur d'autres dépenses,
00:50:38pour promouvoir cette politique familiale.
00:50:41Je dois souligner que moi-même, ce matin,
00:50:43d'ailleurs, nous sommes ici dans le cadre de l'UNISCO,
00:50:46et je viens de participer à une table ronde sur l'adoption
00:50:49parce que si nous n'avons pas évoqué ces problèmes
00:50:52au cours du débat sur l'avortement,
00:50:54car ça n'était pas la même question,
00:50:56il y a eu également des problèmes de protection d'enfance,
00:50:58d'adoption qui se posent, et maintenant,
00:51:00c'est de ça qu'il faut se préoccuper.
00:51:02À propos des personnalités politiques,
00:51:04ce sondage fait ressortir une progression
00:51:06des hommes de la majorité et des femmes de la majorité.
00:51:09C'est ainsi que Mme Simone Veil,
00:51:11qui n'avait jamais figuré dans ces sondages,
00:51:13vient en tête, devant tous les hommes,
00:51:15devant 55 %. Mme Simone Veil,
00:51:17dont le grand public a pu faire largement connaissance
00:51:20lors du récent débat à l'Assemblée nationale sur l'avortement,
00:51:23sera d'ailleurs à nouveau sur la sellette aujourd'hui,
00:51:25puisque ce projet de loi sur l'interruption de grossesse
00:51:28revient ce soir en 2e lecture devant les députés.
00:51:31Mme Veil demeure confiante, et elle nous a dit
00:51:33ce que ce combat, car c'en est un, a représenté pour elle.
00:51:38Vous avez été en quelque sorte l'avocat de cette loi.
00:51:40Quel était pour vous le moment le plus difficile jusqu'à présent ?
00:51:45Sur le plan personnel,
00:51:47certains moments des débats parlementaires
00:51:49ont été difficiles,
00:51:51même si je me suis rendue compte que certains propos
00:51:53étaient dus à la passion, et une passion parfois justifiée.
00:51:56De temps en temps, ça a été vraiment des moments difficiles.
00:52:00Mais je crois que ce qui est très important,
00:52:02je ne sais pas en définitive comment le texte
00:52:05va se retrouver tout à fait en fin de parcours,
00:52:07c'est par exemple le vote du Sénat.
00:52:09Que le Sénat ait adopté ce texte
00:52:11après les débats d'une très grande sérénité,
00:52:13d'une très grande dignité,
00:52:15ait adopté le texte avec 2 tiers des sénateurs,
00:52:19je crois que c'est une chose importante,
00:52:21car ça prouve qu'en définitive,
00:52:24il y avait un consensus général,
00:52:27qui est d'ailleurs ressorti d'un certain nombre,
00:52:29enfin un consensus en tout cas très important,
00:52:31qui est ressorti d'ailleurs de certains sondages
00:52:34qui ont pu être faits.
00:52:35Si c'était à refaire,
00:52:36seriez-vous prête de nouveau à vous battre,
00:52:39sans compter comme vous l'avez fait,
00:52:41pour défendre un texte ?
00:52:42Oui, sûrement.
00:52:44De la même façon,
00:52:46peut-être simplement en tirant
00:52:49partie de certaines leçons
00:52:52qu'ils vont donner
00:52:53sur la façon d'appréhender les problèmes
00:52:55ou sur certaines attitudes,
00:52:57mais comme je pense que c'était en définitive
00:53:00la moins mauvaise des solutions
00:53:02et que ça apportait, comme je l'ai dit,
00:53:04certains progrès,
00:53:05je n'ai pas changé de point de vue
00:53:07et donc je referai la même chose.
00:53:09Dans ce débat,
00:53:10et même dans ce combat sans concession,
00:53:12quelle est la conclusion
00:53:14que vous retirez pour vous personnellement ?
00:53:18Je ne tire pas de leçons personnelles.
00:53:21Je crois avoir pris les choses
00:53:23simplement comme je les ressentais
00:53:26et d'avoir fait les choses
00:53:29les unes après les autres,
00:53:30d'avoir franchi les étapes
00:53:32et d'avoir fait chaque petite chose
00:53:36au mieux comme je le pouvais
00:53:38sans en tirer de leçons particulières.
00:53:40Pour quelle raison avez-vous accepté ce poste
00:53:43et en particulier de défendre ce texte ?
00:53:45Ce ne sont pas des ambitions.
00:53:46Ce ne sont pas des ambitions.
00:53:47J'ai une vie professionnelle depuis longtemps
00:53:49et chaque fois que j'ai travaillé,
00:53:51quel que soit ce que j'ai fait,
00:53:52que ce soit à l'administration pénitentiaire
00:53:54ou ensuite à la direction des affaires civiles,
00:53:58quand j'ai travaillé sur des textes,
00:54:00quand j'ai quelque chose à faire,
00:54:01j'aime que ce soit bien fait
00:54:03selon ce que je pense.
00:54:04Surtout, c'est ce qui me paraît le plus important,
00:54:07c'est de mettre mes idées.
00:54:09Alors, être ministre,
00:54:10c'est une occasion privilégiée
00:54:12de pouvoir réaliser les choses qu'on pense,
00:54:15mais quand on est un poste,
00:54:17même de magistrat comme je l'étais,
00:54:19que j'ai travaillé sur des projets de loi,
00:54:22mon travail, c'était de convaincre les ministres
00:54:24de mes idées éventuellement.
00:54:25Je suis arrivée quelquefois, pas toujours,
00:54:27et en tout cas de faire le mieux que je pouvais,
00:54:29ce qui était alors mon travail.
00:54:31Ça ne me serait pas agréable
00:54:34qu'elle porte mon nom dans la mesure
00:54:36où les gens qui ont, au fond,
00:54:40attaqué cette loi très vigoureusement
00:54:42lui ont donné mon nom
00:54:44dans un sens extrêmement péjoratif.
00:54:46Et dans cette mesure,
00:54:48ça me serait effectivement, je trouve, désagréable
00:54:52qu'on puisse en quelque sorte la symboliser
00:54:56par ce qui a pu être dit à cet égard à l'Assemblée.
00:55:00D'un autre côté, j'en assume pleinement la portée
00:55:04et je crois qu'en définitive,
00:55:06c'est une loi qui, même si elle consacre,
00:55:09comme je l'ai dit, une certaine façon
00:55:11un échec, c'est un échec qui existe
00:55:13et qu'en définitive, elle apporte un progrès
00:55:16sur le plan de la justice pour les femmes
00:55:19et dans la mesure où elle met fin
00:55:22à une situation que tout le monde qualifiait
00:55:24et notamment le président de la République,
00:55:26de désordre.
00:55:27Comment expliquez-vous que malgré toutes les passions
00:55:30qu'a soulevées le texte,
00:55:32votre cote soit très en hausse ?
00:55:36Je crois que tout d'abord, ce texte a soulevé des passions
00:55:40mais comme l'ont montré les sondages,
00:55:42en définitive, il y avait une majorité du pays
00:55:45qui était favorable à une modification de la situation
00:55:48et que cette loi va tout à fait dans le sens
00:55:51de ce que souhaitait la majorité des Français.
00:55:53Et puis, peut-être qu'au fond,
00:55:57je ne dirais pas que c'est de l'antiféminisme
00:56:00que ma cote soit en hausse,
00:56:01mais que de voir qu'une femme,
00:56:04dans ce débat difficile, a joué un rôle
00:56:07et assumé un rôle de ministre
00:56:09comme un homme l'aurait fait,
00:56:12a un peu étonné et que peut-être
00:56:15c'est ça qui m'a apporté un certain bénéfice.
00:56:18On s'est dit, tiens, une femme fait une chose comme un homme.
00:56:21Alors, ça a l'air un peu paradoxal de penser
00:56:23que c'est peut-être pour ce sentiment
00:56:25qu'en définitive, la cote est en hausse.
00:56:27On dit que vous avez un destin national.
00:56:29Est-ce que la politique vous tente ?
00:56:31Non, pas du tout.
00:56:32Ce qui me tente, c'est de continuer éventuellement
00:56:35pendant quelques temps,
00:56:36autant que j'en serais capable,
00:56:38de réaliser un certain nombre d'actions,
00:56:40de faire des choses.
00:56:41Par exemple, cette question de personnel hospitalier
00:56:43dont je vous parlais,
00:56:44je serais heureuse de pouvoir essayer
00:56:46de poursuivre un peu ce que j'ai comme...
00:56:48Maintenant que je connais le problème,
00:56:49à essayer de trouver des solutions
00:56:51avec mon équipe,
00:56:52puisque j'ai ici autour de moi
00:56:53toute une équipe de gens
00:56:54qui sont très passionnés également pour la question.
00:56:56Et puis, je crois qu'en matière de prévention,
00:56:59il y a aussi certaines choses à faire
00:57:01qui sont sans doute encore plus difficiles.
00:57:03En matière de protection de l'enfance,
00:57:05également, pour lequel, comme magistrat,
00:57:07j'avais eu pas mal d'idées,
00:57:08je voudrais essayer de tenter
00:57:10certaines expériences qui peuvent être intéressantes,
00:57:13mais faire de la politique, vraiment,
00:57:15je n'en suis pas du tout enlevée.
00:57:17Vous ne serez pas Premier ministre ?
00:57:18Non, sûrement pas.
00:57:19Simone Veil, qui n'a pas été Premier ministre,
00:57:21mais qui a eu un grand avenir politique
00:57:23au niveau à la fois français et européen.
00:57:26Elle a prolongé son action publique,
00:57:28évidemment, dans le sens qu'on connaît.
00:57:30Et puis, il y a autre chose qu'elle dit auparavant.
00:57:33Elle dit, j'aurais préféré que la loi
00:57:35ne porte pas mon nom.
00:57:37C'est une coquetterie, Annie Cogent ?
00:57:39Non, ça la trouvait beaucoup d'être associée forcément
00:57:42à l'avortement.
00:57:43Petit à petit, elle l'a davantage acceptée
00:57:45et presque revendiquée.
00:57:47Mais c'est vrai qu'au départ, il y avait une gêne,
00:57:50parce qu'elle est extrêmement légaliste,
00:57:52et qu'elle trouvait qu'il y avait des propositions de loi
00:57:55qui avaient été faites sur l'avortement.
00:57:57C'était normal qu'on utilise le nom du député,
00:58:00mais qu'en l'occurrence, c'était une loi Giscard.
00:58:03C'était le président qui avait voulu cette loi.
00:58:05Elle avait été un petit soldat qui était allée au front
00:58:08avec beaucoup de courage et beaucoup d'efficacité,
00:58:11mais je pense que c'est sa modestie, simplement, vraiment,
00:58:14qui l'avait parlée.
00:58:16Et puis, c'est vrai qu'elle pensait
00:58:18qu'elle avait fait autre chose.
00:58:20Elle avait fait beaucoup de choses pour les femmes.
00:58:23Il y a eu d'autres lois qui avaient été aussi importantes
00:58:26sur l'adoption, etc.
00:58:27Donc, elle voulait pas être identifiée uniquement
00:58:30par la loi sur l'avortement.
00:58:32Cette dernière interview, c'est marrant,
00:58:34parce qu'on dirait qu'elle parle de ça comme d'une parenthèse.
00:58:37Elle était en mission pour cette loi et puis...
00:58:40Elle pensait avoir beaucoup d'autres choses à faire.
00:58:43On l'a vu, elle a été très efficace
00:58:45sur beaucoup d'autres sujets.
00:58:47Ce qui me frappe aussi, c'est le fait
00:58:49qu'elle est pas dans la communication,
00:58:51qu'elle est tellement différente des hommes ou des femmes politiques
00:58:55qui sont rompus aux méthodes pour s'exprimer,
00:58:58pour attirer l'attention.
00:59:00Elle est d'une modestie qui n'est pas feinte
00:59:02et surtout, elle n'est pas du tout dans la démagogie
00:59:05ni dans la compromission.
00:59:07Elle parle vrai et c'est assez frappant.
00:59:09C'est pour ça qu'on a envie de l'écouter davantage,
00:59:12parce qu'on est suspendus à ses lèvres.
00:59:14C'est très sobre, c'est une grande pudeur.
00:59:16Quel contraste avec les personnages politiques.
00:59:20Alors, on va revenir au réel
00:59:22et aux conséquences, dans la vraie vie,
00:59:25du vote de cette loi,
00:59:27parce qu'on sait que des difficultés ont subsisté
00:59:30pour se faire avorter, à cause de la réticence
00:59:33d'une partie du corps médical.
00:59:35On va en avoir la preuve dans ce reportage réalisé
00:59:38par Igor Barère et diffusé en juin 77,
00:59:41Avortement en deux.
00:59:43Une équipe s'était rendue à Aix-en-Provence,
00:59:45le 10 mars, pour couvrir le procès de six femmes
00:59:48du Black, le mouvement pour la liberté
00:59:50de l'avortement et de la contraception,
00:59:52jugé par le tribunal correctionnel de la ville
00:59:55pour complicité de tentative d'avortement
00:59:57et pratique illégale de la médecine,
00:59:59donnant lieu à un important soutien militant.
01:00:02On regarde.
01:00:25...
01:00:55Le 17 janvier 1975 était promulguée
01:00:58la loi relative à l'interruption de grossesse.
01:01:01Une loi qui avait fait couler beaucoup d'encre
01:01:03et déchaîné les passions dans le pays.
01:01:05Une loi que Mme Veil, le ministre de la Santé,
01:01:08a défendue avec un coeur et une honnêteté
01:01:11qui lui ont valu l'hommage de ses adversaires eux-mêmes.
01:01:14Il s'agissait avant tout d'une loi sociale.
01:01:16Que l'on approuve ou désapprouve moralement l'avortement,
01:01:19il était impossible de laisser s'accomplir chaque année
01:01:22environ un million d'avortements clandestins,
01:01:25aux conséquences souvent catastrophiques.
01:01:29Le Parlement a donc adopté la loi Veil à une assez forte majorité.
01:01:37Pour 284,
01:01:40contre 189,
01:01:43l'Assemblée nationale a adopté.
01:01:47La loi a-t-elle atteint son but ?
01:01:49C'est la question qui se pose aujourd'hui.
01:01:52Cette loi a été votée pour éviter 800 000 avortements
01:01:55en France dits clandestins.
01:01:57Il n'est pas possible qu'il n'y en ait que 160 000 actuellement.
01:02:00Il y a donc certainement un marché noir
01:02:02de l'interruption de grossesse de l'avortement qui subsiste.
01:02:05Et cela est très fâcheux, car comme nous pouvons affirmer
01:02:08que le nombre d'avortements a augmenté
01:02:10après l'application de la loi,
01:02:12ce qui est un phénomène classique et mondial,
01:02:15il est probable que plusieurs centaines de milliers d'avortements
01:02:19ont lieu chaque année dans des secteurs pseudo-clandestins.
01:02:22Et cela nous irrite profondément.
01:02:31Il y a trois mois, le procès d'Aix-en-Provence
01:02:33a fait éclater de façon spectaculaire
01:02:35les difficultés d'application de la loi Veil,
01:02:38qui semble tenir avant tout à une résistance
01:02:41de la majorité du corps médical devant l'organisation rationnelle
01:02:44de l'information et de la pratique
01:02:46en matière d'interruption volontaire de grossesse.
01:02:50Que faire dans les régions où les services hospitaliers
01:02:53encombrés ou hostiles renvoient les femmes
01:02:56qui pensaient que la loi leur était secourable ?
01:02:59Nous nous sommes rendus à ce procès
01:03:01qui avait fait de la ville d'Aix
01:03:03le siège d'un gigantesque happening
01:03:05auquel vous allez assister maintenant.
01:03:07Je ne vous raconterai pas les faits.
01:03:09Ils vont vous être racontés, chantés et même mimés
01:03:13par les principales accusées
01:03:15les femmes du MLAC,
01:03:17le Mouvement de Libération de l'Avortement et de la Contraception.
01:03:46Comment je vais le faire passer ?
01:03:48Dis que t'en as d'andaine
01:03:50Comment je vais le faire passer ?
01:03:52Dis que t'en as d'andaine
01:03:54Va trouver sa copine
01:03:56Va trouver sa copine
01:03:58Marie, tu dois m'aider
01:04:00Dis que t'en as d'andaine
01:04:02Marie, tu dois m'aider
01:04:04Dis que t'en as d'andaine
01:04:06Il n'y a qu'une chose à faire
01:04:08Il n'y a qu'une chose à faire
01:04:10On a qu'il faut aller
01:04:12Dis que t'en as d'andaine
01:04:15On à qu'il faut aller
01:04:17Dis que t'en as d'andaine
01:04:23Chaqu'une veut l'aider
01:04:25Dis que t'en as d'andaine
01:04:27Chaqu'une veut l'aider
01:04:29Dis que t'en as d'andaine
01:04:31Son père a porté plainte
01:04:37Parce qu'elle a morté
01:04:40Dis que t'en as d'andaine
01:04:42Parce qu'elle a avorté, dit que d'on l'a donné.
01:04:4817 ans c'est trop jeune, 17 ans c'est trop jeune.
01:04:53Quand c'est pour avorter, dit que d'on l'a donné.
01:04:58Quand c'est pour avorter, dit que d'on l'a donné.
01:05:02Si c'est pour faire un homme, si c'est pour faire un homme,
01:05:07alors c'est bien assez, dit que d'on l'a donné.
01:05:12Alors c'est bien assez, dit que d'on l'a donné.
01:05:16C'est pour ça que six femmes, c'est pour ça que six femmes,
01:05:21aujourd'hui sont jugées, dit que d'on l'a donné.
01:05:26Aujourd'hui sont jugées, dit que d'on l'a donné.
01:05:37Les origines de cette occupation, c'est qu'en octobre 1975,
01:05:42Chantal, une copine de 17 ans, s'est retrouvée enceinte,
01:05:47alors que d'une part elle n'osait pas en parler à ses parents,
01:05:52parce qu'elle avait des parents très répressifs,
01:05:57et d'autre part que son petit ami l'a plus ou moins laissé tomber à cette occasion.
01:06:02C'est-à-dire qu'elle espérait garder cet enfant et se marier éventuellement,
01:06:07et ce n'est pas du tout ce qui s'est passé.
01:06:12Et quand elle s'est rendue compte qu'elle allait rester seule avec un enfant,
01:06:17elle a bien sûr décidé d'avorter.
01:06:22Donc ce n'était pas gaieté de coeur, c'était plutôt la situation dans laquelle elle était
01:06:27Nous sommes dans la pause de midi.
01:06:36Georges, il faut que je te dise quelque chose. Je suis enceinte.
01:06:41Ah merde !
01:06:45Si je le dis à mon père, il va me tuer.
01:06:49Mais Françoise, comment as-tu fait ? Tu ne pouvais pas faire.
01:06:53Attention !
01:06:56Tu ne pourrais pas se marier ?
01:06:58Ah non ! Pas question de me marier, je suis trop jeune.
01:07:02Mais tu y es bien un peu pour quelque chose, non ?
01:07:05Moi ? J'y suis pour rien. C'est une affaire de filles.
01:07:18Marie, je suis enceinte. Qu'est-ce que je peux faire ?
01:07:22Écoute, je connais très bien Luffy Dumlak.
01:07:25Elles ont une permanence tous les vendredis soirs, 39 rue Dupuyneuf.
01:07:2939 rue Dupuyneuf !
01:07:32On ira et on trouvera une solution.
01:07:36Mais tu sais bien que je ne peux pas sortir. Mon père m'attend au quart tous les soirs.
01:07:40Mais écoute, c'est des filles très chouettes. Elles ne te laisseront pas tomber.
01:07:44Tu crois ?
01:07:45Oui, c'est sûr.
01:07:48Troisième tableau, à la permanence Dumlak, Marie et les copines.
01:07:53Salut les copines ! Bonjour !
01:07:56Voilà, j'ai une copine qui a 17 ans. Elle est enceinte, elle voudrait avorter.
01:08:01Il faut qu'elle vienne à la réunion préparatoire.
01:08:04Mais elle ne peut vraiment pas.
01:08:09Si un soir elle arrive trop tard, si elle est en retard, si elle rate son quart, son père peut vraiment la castagner.
01:08:15Ecoute, c'est embêtant parce qu'au Mlac, les femmes qui veulent se faire avorter doivent absolument venir à la réunion préparatoire pour qu'on puisse parler avec elles.
01:08:24Oui, mais si elle ne peut pas venir, on ne peut vraiment pas la laisser tomber.
01:08:28On ne peut pas la laisser tomber !
01:08:31Les avortements se font chez une des femmes en général, ou si ce n'est pas possible, chez une copine qui prête son appartement.
01:08:39Il y a la permanence tous les vendredis.
01:08:42Nous revoyons toujours les femmes une soirée avant les avortements, justement pour faire connaissance, discuter, bien expliquer la méthode.
01:08:49Et que le jour de l'avortement, il n'y ait pas de problème.
01:08:52Et c'est ce qu'on n'a pas pu faire avec Chantal.
01:08:54On l'a donc vue séparément.
01:08:56Et le jour où elle devait avorter, elle est venue avec son copain d'ailleurs, qui l'a déposée.
01:09:03Elle a retrouvé là Raymond, la copine qui devait avorter le même jour, et toute l'équipe des filles qui devait participer aux avortements de la semaine.
01:09:15Je crois que ce qu'il faut tout de suite dire, c'est que pour l'avortement de Chantal, il ne s'est rien passé de particulier sur le plan médical.
01:09:22On a commencé son avortement normalement.
01:09:26Vous étiez assistée d'un médecin ou pas ?
01:09:29Non.
01:09:31Depuis 1973 que nous pratiquons les avortements au MLAC d'Aix-en-Provence, il n'y a jamais eu de médecin dans les équipes.
01:09:36Nous sommes allées nous former au MLAC de Marseille.
01:09:39Mais sur Aix, nous avons cherché, pourtant nous n'avons trouvé aucun médecin qui voulait participer à la pratique des avortements.
01:09:47A une époque quand même où il faut rappeler que dans toutes les villes de France, il y avait des médecins qui participaient au MLAC.
01:09:52Mais à Aix, ça n'a pas été le cas. Il n'y en a jamais eu aucun.
01:09:55Donc nous avons décidé de nous former.
01:09:57Parce qu'effectivement, l'avortement par la méthode Karmann, c'est une technique médicale simple que vraiment des gens décidés, surtout des femmes, peuvent apprendre.
01:10:09C'est quelque chose qui s'apprend, comme beaucoup de choses.
01:10:12Et pas seulement la technique de l'avortement, mais faire des piqûres et pouvoir répondre à tous les incidents qui pourraient se produire.
01:10:21Et cette formation, on l'a acquis avec les médecins du MLAC de Marseille, qui sont venus dans les débuts de notre pratique assister aux avortements à Aix.
01:10:32Et au bout de quelques mois, quand tous ensemble, on a pensé qu'on était suffisamment formés, on a commencé à fonctionner de manière indépendante.
01:10:40Ceci dit, il y avait quand même des médecins d'Aix qui ont toujours été prêts.
01:10:44Si on avait un problème médical particulier sur lequel on n'avait pas d'avis, à nous aider, à nous donner des informations précises.
01:10:53Et on l'a toujours fait.
01:10:55Revenons au cas de Chantal.
01:10:56Oui, revenons au cas de Chantal.
01:10:57Bon, on a commencé son avortement, la dilatation, on passe une canule d'aspiration et on commence l'aspiration.
01:11:04On a toujours pratiqué sans hâte, c'est-à-dire qu'on commence l'aspiration et on l'arrête si la femme le demande.
01:11:12Ce n'est pas dangereux du tout.
01:11:14A partir du moment où on utilise un matériel stérile, qu'on contrôle ce qui se passe, il n'y a pas de problème.
01:11:19On arrête l'aspiration, on la laisse se reposer.
01:11:21C'est ce qu'on a fait avec Chantal.
01:11:23C'est ce qu'on fait souvent avec les filles jeunes, on fait très doucement.
01:11:26Qu'est-ce qui s'est passé avec Chantal ?
01:11:29Je crois que pour nous, on a réfléchi à ça aussi.
01:11:34Et on en a conclu que si Chantal, au bout d'un moment, alors que l'avortement était pratiquement terminé,
01:11:41on en reviendra tout à l'heure devant le tribunal,
01:11:43mais il n'y avait plus de débris placentaire dans ce qui a été analysé.
01:11:48Il y avait très peu de membrane.
01:11:50Donc on pourrait dire presque que médicalement l'avortement était terminé.
01:11:53Et on le savait, puisqu'on avait déjà retiré à peu près tout.
01:11:57On lui a dit, qu'est-ce qui s'est passé pour que Chantal, tout à coup, veuille plus qu'on continue.
01:12:02Moi je crois que ce n'est pas étonnant.
01:12:06Chantal, c'était une mineure de 17 ans qui vraiment vivait une situation difficile pour toutes les femmes,
01:12:11qui a un avortement.
01:12:13Parce qu'on veut absolument dénoncer le fait que si l'avortement est libre,
01:12:17les femmes vont s'en servir comme moyen contraceptif.
01:12:20C'est une absurdité.
01:12:22Aucune femme n'avorte par plaisir.
01:12:24Elle le fait vraiment quand elle est enceinte, qu'elle ne veut pas d'enfant.
01:12:27Elle le fait quand elle est coincée.
01:12:29Mais c'est jamais une situation...
01:12:31C'est toujours une situation difficile pour elle.
01:12:34Et encore plus pour une mineure de 17 ans qui se retrouve seule.
01:12:38Sans ses parents, dont elle a une frousse terrible.
01:12:41Sans son copain avec qui elle a fait cet enfant.
01:12:44Et Chantal, elle a craqué, comme on dit.
01:12:46C'est-à-dire que d'un seul coup, elle n'a plus supporté cette situation.
01:12:49Elle n'a plus voulu parler, elle n'a plus rien voulu entendre.
01:12:52Elle a voulu qu'on arrête.
01:12:54Je voudrais que tu nous racontes aussi, un petit peu, la façon dont s'est passé ton avortement.
01:13:01Au début, il ne s'est pas bien passé mon avortement.
01:13:12Tu considères que si tu avais pu avoir des réunions avant avec les filles du MLAC,
01:13:22tout se serait terminé...
01:13:25Tout se serait bien passé.
01:13:27Moi je ne leur en veux pas du tout parce qu'elles m'ont rendu un grand service.
01:13:32L'avortement ne s'est pas très bien passé parce que Chantal avait peur.
01:13:35Elle était coincée par tout le monde.
01:13:37Par sa famille, par l'hôpital, par la société.
01:13:40Alors à la fin de l'avortement, Françoise a, comme on dit, craqué.
01:13:47Elle a craqué.
01:13:48Elle a demandé qu'on l'amène à l'hôpital.
01:13:50Et les filles du MLAC l'ont emmenée à l'hôpital.
01:13:52On téléphonait à ses parents.
01:13:54Réaction prévisible du père qui porte plainte.
01:13:58Dernier tableau. Françoise entre les flics et son père.
01:14:06Vas-y, dis-leur !
01:14:07Alors, qui est-ce qui t'a avorté ? Qui ?
01:14:09Je ne sais plus moi. Chantal, Annie...
01:14:12Chantal, Annie, notez ! Où ça s'est passé ?
01:14:15Où ça s'est passé cet avortement ?
01:14:17Chez une femme. Je ne sais plus chez qui.
01:14:20Chez Ursula, chez...
01:14:21Ursula ! L'appartement d'Ursula, notez !
01:14:24Et dites-moi, Françoise, elles vous ont forcées, n'est-ce pas ?
01:14:28C'était sale. Vous ne vouliez pas.
01:14:30Et dites-moi, mon petit, si vous aviez eu quelques années de plus,
01:14:35un bon métier, si vous aviez été mariée,
01:14:38ce petit, vous ne l'auriez pas désirée, dites ?
01:14:43Peut-être, oui, mais...
01:14:45Notez ! A avorter contre son gré.
01:14:48Je porte plainte ! Je porte plainte !
01:14:54Allô, commissariat ? Je porte plainte contre le MLAC.
01:14:59Allô, le parc Edex ? Je transmets le dossier du MLAC.
01:15:02Allô, la chancellerie ? Je transmets la plainte contre le MLAC d'Aix-en-Provence.
01:15:06Attendez nos instructions. Suspendez tout.
01:15:08Six mois après, la chancellerie avait réfléchi.
01:15:11Allô, le parc Edex ? Oui ?
01:15:13L'affaire du MLAC d'Aix est importante. Poursuivez.
01:15:16Allô, la police ? L'affaire du MLAC d'Aix est importante.
01:15:19Poursuivez.
01:15:20Allô, la police ? L'affaire du MLAC d'Aix est importante. Poursuivez.
01:15:24Allô ? On s'occupe de votre affaire.
01:15:26J'en ai assez. Je ne me porte plus partie civile.
01:15:30On vous sort tout de suite.
01:15:40Monsieur le juge, revenons un peu au procès.
01:15:44Eh bien, après toutes ces choses très intéressantes,
01:15:47j'aimerais bien entendre le témoignage très objectif de notre cher médecin légiste, monsieur Diafoirus.
01:15:57Vous pourrez bien sûr, monsieur Diafoirus, mon très cher,
01:16:01nous donner votre avis sur l'aspect moral de ce problème.
01:16:06Mais oui, monsieur le juge, mesdames et messieurs,
01:16:09je suis venu témoigner ici tout d'abord des conditions
01:16:15dans lesquelles la jeune Françoise a été accueillie et sauvée dans notre hôpital.
01:16:25Ainsi, mesdames et messieurs, monsieur le juge,
01:16:27la jeune Françoise est arrivée à l'hôpital dans un état de délabrement tant physique
01:16:34tant physique que moral.
01:16:39La jeune Françoise, monsieur le juge, est arrivée dans un bain de sang.
01:16:47Sortant, la jeune Françoise sortant des mains de ses avorteuses,
01:16:54de ses tricoteuses bolchevites,
01:16:59de ses tricoteuses chinoises,
01:17:05appliquant la méthode à spirale inspirée de Karl Marx.
01:17:28La jeune Françoise est arrivée à l'hôpital dans un état de délabrement
01:17:34tant physique tant moral.
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01:17:46tant physique tant moral.
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