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Yoann Gillet, député Rassemblement National du Gard

La politique, ce sont parfois des trajectoires qui mènent d'un camp à un autre. Yoann Gillet a débuté à l'UMP avant de rejoindre le Front national et d'en gravir les échelons. Député de la première circonscription du Gard, il a essuyé des attaques sur son orientation sexuelle mais a aussi été victime d'une agression très violente en raison de ses opinions politiques. Aujourd'hui vice-président du groupe RN à l'Assemblée et porte-parole de son parti, Yoann Gillet est l'invité de ce nouveau numéro de La politique et moi.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00La politique, ce sont parfois des trajectoires qui mènent d'un camp à un autre.
00:05Mon invité a débuté à l'UMP avant de rejoindre le Front National et d'engravir les échelons.
00:10Il est aujourd'hui vice-président du RN à l'Assemblée et porte-parole de ce parti.
00:30Bonjour Yoann Gillet. Alors on va revenir sur vos débuts en politique.
00:33Votre famille d'abord, elle était peu politisée. Quand ils votaient, vos parents c'était plutôt à gauche.
00:38Et vous, vous avez fait vos débuts en politique très jeune, à 16 ans, à l'UMP.
00:43Vous investir en politique aussi jeune et dans ce camp, est-ce que c'était une manière de vous émanciper ?
00:48Non, simplement l'actualité et l'actualité politique m'intéressaient et c'est vrai que très jeune,
00:53je me suis intéressé à la politique et j'avais une famille plutôt connotée à gauche.
00:59Mes parents, assez peu intéressés par la politique, mes grands-parents beaucoup plus,
01:04mes grands-parents maternels notamment, qui étaient socialistes.
01:08Et votre mère avait voté une fois à la Guillet.
01:10Oui, pendant une quarantaine d'années et ma mère, oui, je me souviens très bien de ma mère glissant le bulletin de vote à Arlette-la-Guillet.
01:17Et alors pourquoi vous, la droite ?
01:19Parce que les valeurs de la droite me parlaient davantage, parce que la valeur travail, c'est quelque chose d'important pour moi,
01:27parce que les questions de sécurité, d'immigration sont importantes également à mes yeux.
01:32Dès cet âge-là ?
01:33Oui, dès cet âge-là, parce que j'avais déjà conscience qu'il se passait quelque chose dans le pays en matière d'insécurité,
01:40une insécurité galopante, donc c'est des sujets qui m'ont très rapidement intéressé.
01:45Également sur la partie économique, où je me sentais davantage proche de la droite que de la gauche.
01:52En remontant le fil de votre parcours, on a l'impression que vous avez un peu tâtonné pour trouver cette identité politique.
01:57En 2007, vous participez à la campagne de Nicolas Sarkozy, et puis un an plus tard, vous tournez le doigt de l'UMP pour soutenir un candidat centriste à Caen aux élections municipales.
02:07Et puis finalement, vous rejoignez le Front National en 2008, on y reviendra.
02:11Mais le plus étonnant, c'est un compagnonnage inattendu.
02:14À partir de 2004, et pendant plusieurs années, vous avez été délégué général chargé de la vie étudiante au sein du mouvement Aujourd'hui Demain,
02:21créé par un certain Jean-Luc Romero.
02:24On va revoir le lancement de son mouvement politique. Il quitte alors l'UMP, c'était en 2004.
02:29J'en ai assez d'être méprisé, surtout que nos idées soient méprisées.
02:32Je crois que la droite n'a pas compris aujourd'hui que les questions de société sont devenues des questions majeures dans la vie politique,
02:38et qu'il faut les traiter comme ça. Il n'y a pas que les questions régaliennes.
02:42Ils font donc, aujourd'hui, son parti. Ailleurs, autrement.
02:46Au programme, les questions qui lui tiennent à cœur.
02:48Le traitement des malades du sida, la lutte contre l'homophobie, la dépénalisation de certaines drogues.
02:53Mais aussi une réflexion plus large sur le fonctionnement des institutions politiques.
02:56Alors, Yohann Gillet, racontez-nous comment et pourquoi vous vous engagez dans ce mouvement à l'époque.
03:00Aujourd'hui, autrement, était un mouvement affilié à l'UMP.
03:04Quand vous preniez d'ailleurs votre carte à Aujourd'hui, autrement, vous aviez automatiquement votre carte à l'UMP.
03:09Donc, ce n'était pas du tout un départ de l'UMP.
03:12Si vous voulez, c'était un mouvement... Alors déjà, j'avais 16 ans, il faut le rappeler.
03:16C'était un mouvement qui se voulait novateur sur certains sujets,
03:21qui ne voulait pas faire l'impasse sur les sujets sociétaux, notamment.
03:25Moi, c'est des sujets qui m'ont toujours intéressé.
03:28Donc voilà, c'est des sujets qui méritaient d'être abordés,
03:31que ce soit pour le mariage pour tous, notamment.
03:34L'euthanasie aussi.
03:35C'était des sujets qui étaient abordés, oui, effectivement.
03:37Alors, parlons d'une autre figure à présent, Jean-Marie Le Pen.
03:40Vous avez confié en 2020 que Jean-Marie Le Pen était le grand-père que vous auriez rêvé d'avoir.
03:46Alors, vu de l'extérieur, c'est étonnant.
03:48On connaît ses positions, par exemple, justement, sur le mariage et l'adoption des couples gays.
03:53Il a même été condamné pour propos homophobes.
03:56Qu'est-ce qui explique cette fascination, finalement, pour cet homme ?
04:00Moi, je l'ai rencontré, j'étais relativement jeune.
04:03La première fois que j'ai eu à le rencontrer, j'avais une sorte d'appréhension à le rencontrer,
04:09parce que je pouvais voir de lui l'image que donnaient de lui certains médias.
04:14Mais j'ai découvert un homme passionnant, cultivé, très intéressant,
04:18très ouvert d'esprit, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.
04:22Et donc, c'est vrai que j'ai été attaché à l'homme.
04:25L'homme est fascinant et passionnant.
04:28Ça n'enlève rien les nombreuses erreurs qu'il a pu commettre.
04:32Voilà, tout simplement.
04:34Mais c'est vrai que l'homme est fascinant.
04:36Beaucoup prennent leur distance, aujourd'hui, avec lui, ou l'ont pris,
04:39y compris Jordan Bardella, finalement.
04:41Vous, qu'est-ce que vous dites ?
04:43Votre admiration reste intacte, ou vous marquez aussi, à présent, une certaine ?
04:46Non, moi, je fais la différence entre l'homme à qui on peut être attaché
04:50et l'homme politique qui a commis des fautes très graves.
04:54Et la décision de Marine Le Pen, que d'excluse Jean-Marie Le Pen du Front National à l'époque,
04:59a été une très bonne décision.
05:01Alors, pour revenir sur votre ralliement au Front National,
05:04c'était en 2008, un an après l'élection de Nicolas Sarkozy,
05:07que vous aviez soutenue quelques mois plus tôt.
05:09Alors, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
05:11Qu'est-ce qui a déclenché votre adhésion à ce parti ?
05:13C'est assez simple.
05:15Moi, quand j'ai adhéré à l'UMP, à l'époque,
05:17déjà, la petite anecdote, c'est que le premier tract
05:19que l'on m'ait demandé de distribuer,
05:21je me rappelle très bien de ce tract,
05:23c'était un tract contre le Front National.
05:25Et à l'époque, moi, j'ai dit non,
05:27je ne suis pas engagé à l'UMP
05:29pour militer contre le Front National.
05:31Je suis à l'UMP pour porter des idées, porter des valeurs,
05:35et combattre la gauche électoralement.
05:37Certainement pas pour combattre le Front National.
05:39Et ensuite, et on était nombreux, d'ailleurs,
05:41à refuser de distribuer ce tract à l'époque.
05:43Et ensuite, il y a eu l'élection
05:45de Nicolas Sarkozy
05:47à la présidence de la République.
05:49J'ai longuement milité pendant cette campagne
05:51qui était passionnante.
05:53Il faut rappeler aussi qu'alors,
05:55Nicolas Sarkozy utilisait finalement
05:57les arguments du Front National
05:59pendant sa campagne,
06:01une campagne très ferme dans les propos.
06:03Et Nicolas Sarkozy a très vite déçu
06:05l'à peine élu président de la République.
06:07Il s'est passé quoi ?
06:09Il a ouvert son gouvernement à gauche
06:11avec Fadela Amara, Bernard Kouchner, par exemple.
06:13On a été nombreux à se sentir trahis.
06:15Et puis, très rapidement, il a fait l'inverse
06:17de ce qu'il avait promis en français,
06:19notamment en matière d'immigration,
06:21où il a été finalement le roi de l'immigration, Nicolas Sarkozy.
06:23C'est dur de le dire quand on a été
06:25sarkozistes, on s'appelait à l'époque,
06:27j'avais 18 ans, je crois,
06:29les sarkoboys.
06:31C'est dur. Et donc, oui, je me suis senti trahi.
06:33Et finalement, je me suis naturellement
06:35rapproché du parti politique
06:37qui incarnait le mieux mes idées
06:39et mes valeurs, c'est-à-dire le Front National,
06:41puisque, je le rappelle encore,
06:43la campagne de Nicolas Sarkozy
06:45était totalement axée sur le programme
06:47du Front National.
06:49Après avoir adhéré au Front National, vous vous installez à Nîmes,
06:51dans le Gard, et à partir de là, votre trajectoire politique
06:53est liée à celle de Julien Sanchez,
06:55ancien maire RN de Bocquer,
06:57aujourd'hui devenu eurodéputé.
06:59Qu'est-ce que vous avez appris à ses côtés ?
07:01Parce qu'à l'époque, vous étiez plutôt dans le rôle de l'ombre.
07:03Oui, dans le rôle de l'ombre.
07:05J'ai appris beaucoup avec Julien Sanchez.
07:07J'ai organisé un grand nombre
07:09de ses campagnes électorales dans l'ombre,
07:11que ce soit des élections départementales
07:13ou législatives,
07:15et évidemment municipales en 2014,
07:17quand il a brigué la mairie de Bocquer
07:19qu'il a remportée.
07:21J'ai appris beaucoup, tout simplement,
07:23sur comment organiser une campagne électorale,
07:25sur l'organisation politique
07:27en général, et ensuite,
07:29quand il a remporté la mairie de Bocquer,
07:31je suis devenu son directeur de cabinet,
07:33donc j'ai quitté mon emploi dans le privé,
07:35que j'avais quitté pour organiser
07:37cette campagne électorale.
07:39J'ai appris beaucoup, et je vais vous dire,
07:41j'ai tout appris avec lui.
07:43Vous sortez de l'ombre, pour le coup, en 2014,
07:45vous êtes peu connu à ce moment-là,
07:47mais Marine Le Pen vous demande de mener une liste FN
07:49aux municipales à Nîmes,
07:51et vous faites un très bon score, plus de 24%.
07:53Ça a été un tournant pour vous, à ce moment-là ?
07:55Oui, parce qu'à l'époque, je n'imaginais pas du tout
07:57être candidat aux élections municipales.
07:59À l'époque, tout le monde attendait Julien Sanchez
08:01comme candidat tête de liste aux élections
08:03municipales à Nîmes. Il a fait le choix,
08:05et je fais partie de ceux qui l'ont convaincu,
08:07d'aller à Bocquer, et donc il a fait le choix
08:09de se présenter à Bocquer,
08:11qu'il a remporté. Il a été d'ailleurs brillamment réélu
08:13en 2020,
08:15et donc je suis sorti de l'ombre.
08:17C'était difficile, 27 ans,
08:19j'avais 27 ans, j'en parlais
08:21ses 18, d'ailleurs, à l'époque.
08:23C'est pas simple de se lancer
08:25pour une première candidature,
08:27et depuis, effectivement, j'ai mis un pied
08:29dans la politique, et je n'en suis
08:31jamais sorti, puisque je me suis présenté à l'ensemble
08:33des élections
08:35depuis cette année-là.
08:37Vous avez été élu député en 2022, et à partir de là,
08:39tout est allé très vite. Vice-président du groupe
08:41RN dès votre première année à l'Assemblée,
08:43porte-parole de votre groupe sur le projet de loi
08:45immigration, c'était en 2023, et porte-parole
08:47de votre parti en 2024.
08:49Pour quelqu'un qui voulait rester dans l'ombre,
08:51c'est pas très réussi.
08:53Écoutez, Marine Le Pen
08:55et Jordan Bardella marquent hors de leur
08:57confiance, et j'en suis très flatté
08:59et très honoré, et c'est pour ça que
09:01je travaille énormément
09:03justement pour faire honneur à l'honneur
09:05qu'ils me font. Ce passage dans la lumière, c'est quelque chose qui n'a été
09:07pas évident pour vous au début ?
09:09C'est jamais évident, et c'est jamais naturel
09:11que de prendre la parole publiquement,
09:13que d'être présent sur des
09:15plateaux de télévision, mais ça se travaille,
09:17on apprend. Alors, Yoann Gillet,
09:19en politique, on combat ses adversaires sur le terrain
09:21des idées. En ce qui vous concerne,
09:23on vous a attaqué sur un autre registre.
09:25En 2014, en pleine campagne municipale,
09:27vos affiches ont été recouvertes d'un bandeau
09:29évoquant votre orientation sexuelle.
09:31Vous étiez préparé à ce genre
09:33d'attaque ? Non, pas du tout.
09:35C'était ma première campagne électorale.
09:37Elle a été très rude.
09:39Quand on a 27 ans et qu'on se lance
09:41pour la première fois dans une élection,
09:43et qu'on est victime d'attaques en dessous
09:45de la ceinture, effectivement, c'est difficile
09:47à encaisser. Aujourd'hui, je le vois
09:49différemment. Je pense que ça m'a aidé
09:51à m'endorcir, ça m'a aidé
09:53à comprendre ce qu'était le monde
09:55politique, finalement,
09:57et ça m'a aidé aussi
09:59à faire l'impasse sur certaines choses et
10:01tout simplement à laisser les autres
10:03parler. Aujourd'hui,
10:05ce genre d'attaques peuvent encore
10:07venir.
10:09Je les entends, mais je ne les retiens pas.
10:11Vous avez été aussi victime de violences physiques,
10:13cette fois en 2009, une agression très violente
10:15à Nîmes. Vous étiez en terrasse d'un café
10:17avec des militants de votre parti et des hommes
10:19vous ont roué de coups, à la tête
10:21notamment, alors que vous étiez à terre.
10:23Ils ont reconnu vous avoir agressé
10:25en raison de vos idées.
10:27Est-ce que vous avez été soutenu
10:29à l'époque ?
10:31Oui, il y a eu le soutien de mon
10:33parti politique et de Marine Le Pen
10:35qui, tout de suite, m'a apporté son soutien.
10:37Il y a eu aussi
10:39les médias locaux
10:41qui ont joué un jeu un peu dangereux
10:43à la suite de cette agression,
10:45mettant mon agression
10:47au conditionnel.
10:49C'est vrai que je l'ai relativement
10:51mal pris, c'est difficile à accepter.
10:53En revanche, il y a eu un soutien politique
10:55unanime. Une fois que Marine Le Pen
10:57m'a apporté son soutien publiquement,
10:59l'ensemble de la classe politique
11:01m'a apporté son soutien
11:03et, tout simplement,
11:05a dénoncé ces violences
11:07qui sont inacceptables et qui sont de plus en plus
11:09nombreuses. Ce qui m'a marqué
11:11d'autant plus dans cette agression,
11:13c'est plutôt
11:15la réaction de la justice
11:17qui était très longue. Il y a eu
11:19plusieurs années avant qu'une audience
11:21se réunisse.
11:23Ils ont été condamnés,
11:25mais ils n'ont pas payé, puisqu'ils ont
11:27été condamnés à de la prison
11:29avec sursis, avec un versement
11:31de dommages et intérêts qu'ils devaient
11:33verser sous deux mois
11:35suite au jugement. Et s'ils ne payaient
11:37pas ces dommages et intérêts, ils devaient
11:39exécuter leur peine en prison.
11:41Le fait est qu'ils n'ont pas payé
11:43et qu'ils n'ont pas été incarcérés.
11:45Je vous propose de terminer cette émission sur une note
11:47plus légère. Il est temps de passer à notre
11:49quiz. Je vais vous proposer des phrases
11:51qu'il s'agit de compléter.
11:53Être député, c'est renoncer
11:55à ?
11:57À avoir
11:59une vie sociale. Quand on est
12:01député et qu'on veut bien faire son travail,
12:03il faut travailler 7 sur 7
12:05sur le terrain, évidemment.
12:07On est relativement pris à Paris,
12:09grosso modo, du lundi au jeudi.
12:11Et donc, du vendredi
12:13au dimanche inclus, il faut être
12:15sur le terrain. C'est important pour pouvoir faire remonter
12:17les problématiques du terrain à Paris.
12:19Quand je qualifie les opposants à la
12:21tauromachie de mangeurs de graines ?
12:25Je pense que je dis la vérité. En tout cas,
12:27en l'occurrence, je parlais
12:29d'Emeric Caron, à l'époque, qui avait
12:31voulu mettre fin
12:33à une tradition
12:35importante dans ma région.
12:37Donc, je persiste et je signe.
12:39Yohan Gillet, j'ouvrirais un bar
12:41à l'autre bout du monde, le jour
12:43où ?
12:45Où j'aurais décidé d'arrêter
12:47ma carrière politique. Oui, c'est un rêve.
12:49C'est un rêve d'ouvrir un bar
12:51à l'autre bout du monde, si possible sur une plage,
12:53et d'aller travailler en short et en thong.
12:55Merci, Yohan Gillet, d'avoir été notre invité.

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