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@simon_moutairou, scénariste & réalisateur du long métrage de fiction “Ni Chaînes Ni Maitre”, qui raconte le marronnage et l’esclavage dans une colonie française, nous parle de ses engagements 🙏
Transcription
00:00Et donc le marronnage, en Martinique, en Guadeloupe, en Afrique francophone,
00:03c'est vraiment un terme de fierté qui parle de la manière dont on peut briser ses chaînes.
00:07Salutations à la communauté fraîche, je suis Simon Moutaïrou,
00:10scénariste, réalisateur du film Ni chaîne ni maître,
00:12qui n'est pas un film sur l'esclavage, mais un film sur le marronnage,
00:15sur celles et ceux qui ont brisé leurs chaînes,
00:16qui se sont enfouis des plantations, qui ont réécrit leur destin.
00:19C'était vraiment important pour moi, en termes d'engagement,
00:21de raconter cette histoire en 2024, parce que l'oppression est encore là.
00:24On peut être opprimé parce qu'on est une femme, pour sa religion,
00:26pour sa couleur de peau, pour son origine sociale.
00:28Et je voulais vraiment montrer les marrons et les marronnes pour nous inspirer,
00:32pour nous élever, pour nous dire que même quand on est dans la pire oppression,
00:36il est toujours possible de dire non.
00:37Quand je suis en quatrième, c'était avant la loi Taubira de 2000 ans,
00:41on me parle du commerce triangulaire et en fait, on ne parle que de chiffres.
00:44Il y a la France, les États-Unis, l'Afrique, c'est comme si elle était totalement déshumanisée.
00:48Et c'est vrai qu'à l'époque, je me rappelle que ça me met en colère.
00:51Et en fait, il y a un ami du basket qui me parle de la littérature créole,
00:54donc Chamoiseau, Glissant, Maurice Condé, Aimé Césaire.
00:57Et je lis cette littérature et elle devient le complément de ce que j'ai peu appris à l'école.
01:01Et j'y trouve de la fierté, de l'inspiration, de la poésie.
01:06J'ai longtemps attendu ce film en tant que cinéphile.
01:08Je suis venu à Paris, j'ai commencé à faire mes armes dans le cinéma français.
01:11Et j'étais persuadé que quelqu'un allait faire un film sur ce sujet,
01:13parce que c'est quand même un sujet qui nous concerne tous,
01:15quel que soit notre âge, quelle que soit notre couleur.
01:17Et comme le film n'est pas venu, le destin a fait que c'est moi qui l'ai porté.
01:20Au XVIe siècle, on appelait en espagnol cimarron,
01:23l'animal domestique qui retournait à l'état sauvage.
01:26Et quand l'esclavage a été décrété,
01:28que des hommes et des femmes ont été traités comme des animaux,
01:31de la même manière, on a dit que l'esclavisé,
01:33homme ou femme qui s'enfuyait de la plantation, était comme un chien marron,
01:36donc un animal qui retournait à l'état sauvage.
01:39Et ce qui est très puissant, ce qui est très beau, comme pour la négritude,
01:42c'est que ce sont des termes extrêmement méprisants et extrêmement négatifs
01:45qu'on a repris pour notre propre fierté.
01:47Et donc le marronnage, en Martinique, en Guadeloupe, en Afrique francophone,
01:50c'est vraiment un terme de fierté qui parle de la manière dont on peut briser ses chaînes.
01:55Le message que je veux faire passer, c'est celui de la résilience, du courage,
01:59et c'est celui de l'engagement.
02:00Parce qu'en fait, à l'époque de l'esclavage, tu as un système dominant
02:02qui te dit que certains êtres humains sont des animaux.
02:05Et très peu de personnes ont le courage de questionner ce système,
02:08de questionner cette horreur.
02:09Et pour moi, il y a vraiment un parallèle à faire avec notre époque.
02:12C'est que dans notre époque également, il y a des injustices criantes,
02:15il y a des oppressions terribles.
02:16Je rappelle que l'esclavage dans plusieurs pays est encore une réalité.
02:19Et le cynisme, c'est de croire qu'on ne pourra rien faire.
02:22Évidemment qu'on peut faire quelque chose en s'engageant, en étant courageux,
02:25en la jouant en collectif.
02:26Donc il était temps, surtout dans la France fracturée de 2024,
02:29de parler de notre passé commun.
02:31Et c'était mon objectif avec ce film.
02:32J'ai choisi la voie du cinéma parce que je suis fou du cinéma
02:36et que le cinéma a un énorme pouvoir sur les consciences.
02:39Aujourd'hui, si tu veux toucher les gens, si tu veux les marquer à vie,
02:41si tu veux légèrement influer sur l'inconscient collectif,
02:45c'est vraiment avec le cinéma que tu peux le faire.
02:46Pour moi, le cinéma, il a le pouvoir de mettre de la chair,
02:49de l'émotion dans les livres d'histoire.
02:51Donc pour moi, nous les artistes, c'est vraiment important
02:53qu'on soit capable de compléter le travail des historiens.
02:55Et les marrons, les marronnes, c'est des héros, des héroïnes de l'histoire de France.
02:59Et voilà, j'ai fait ce film parce que je voulais leur ériger une statue,
03:03une statue politique, mais aussi une statue esthétique.
03:05Parce que pour moi, c'était vraiment important de mettre en valeur
03:07la beauté de ses visages, la beauté de ses langues,
03:09le Wolof, le Bambara, le Moray,
03:11et la beauté de cette spiritualité, l'animisme africain.

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