Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00« Here, les plus belles années de notre vie » de Robert Zemeckis raconte la vie de différents habitants d'une même maison de Nouvelle-Angleterre à différentes époques et se passe intégralement dans le salon.
00:11C'est l'adaptation d'un roman graphique de Richard Maguire. Marie ?
00:15Oui, un roman graphique était paru en 2014. Il faut imaginer que Robert Zemeckis reprend vraiment l'esthétique et l'audace de ce roman graphique.
00:26Vous êtes dans la même pièce, sous le même angle, c'est très important. Il y a une caméra fixe posée dans un coin du salon.
00:33Parfois, il y a le salon. Parfois, on est bien avant le salon, bien avant la création de la maison. Dans la bande dessinée, il remonte à 10 millions d'années.
00:44On remonte au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, etc. Et en fait, se superpose à l'écran un présent qui est tantôt dans les années 50, tantôt dans les années 60, jusqu'à aujourd'hui.
00:57Et de temps en temps, apparaît une sorte de fenêtre dans cet écran, un cadre dans le cadre, qui vient nous ramener soit bien longtemps avant, soit bien longtemps après.
01:09C'est extrêmement troublant. Dans la BD, chaque rectangle, chaque époque, chaque dessin était daté. Ce qui n'est pas dans le film.
01:19Il y a beaucoup moins de personnages, beaucoup moins de histoires. Il y a un énorme travail de simplification du livre opéré par Robert Zemeckis.
01:28Mais ça produit en tout cas quelque chose qui est à la fois extrêmement expérimental et en même temps avec une vocation tout à fait, j'allais dire, sentimentale.
01:37Parce qu'il réunit deux acteurs américains que tout le monde adore, à commencer par Tom Hanks.
01:43Oui, Tom Hanks, Robin Wright.
01:45Robin Wright, Paul Bettany, l'héros de Forrest Gump.
01:48Il y a même le scénariste aussi, Eric Ross. Il vous a mis dans tous vos états, Frédéric.
01:53Pour moi, je crois, je n'ai pas encore vu la fin de l'année, je crois que c'est le plus beau film de l'année.
01:57La semaine dernière, c'était Anora.
01:59Il est très instable, ce garçon.
02:01Tu ne vas pas lui reprocher d'aimer.
02:05Ce que je veux dire, c'est que c'est la plus grosse émotion de cinéma que j'ai eue cette année.
02:09Et donc encore plus grande que celle que j'ai eue pour Anora.
02:11Je trouve le film absolument sublime.
02:13C'est ce que je voulais entendre.
02:14D'abord, pour ce que vous dites, tu parlais de cet angle.
02:18C'est extraordinaire parce que cet angle, c'est un peu celui du cinématographe, d'une vue lumière.
02:22Donc à un moment donné, on peut voir vraiment les vertus du cinématographe, ce qu'il peut montrer.
02:26Et ce film, ce que c'est exactement, c'est une fresque de toutes les représentations académiques de l'Americana via Hollywood.
02:33C'est exactement comment Hollywood a représenté l'Americana pendant un siècle.
02:37Et on a cette fresque complète de tout ce qui a été réalisé, qui s'incarne sous nos yeux.
02:43Avec des idées de montage qui sont d'une ingéniosité.
02:47Je veux dire, on ne sait jamais comment on va passer d'une image à l'autre, d'un temps à l'autre.
02:51A quelle fois ça va s'animer.
02:53On revoit les acteurs qu'on a aimés, jeunes, sans que le de-aging fasse tâche.
02:57Véritablement, je vois, d'un moment à ce qu'il y a 20 ans, ça m'émeut énormément comme un gamin.
03:01Et il y a autre chose, je crois que c'est véritablement une réflexion absolument passionnante sur ce que c'est que la représentation
03:07et comment nous sommes prisonniers de nos représentations.
03:09Parler du de-aging, il faut juste préciser, c'est le rajeunissement numérique, mais pour le coup est très réussi.
03:16Rajeunissement numérique, dont chacun pourra discuter le degré ou non de réussite.
03:20Je dirais un truc tout simple, c'est que le film arrive à me faire croire et ne jamais me faire douter
03:24que Paul Bettany est le père de Tom Hanks, est plus âgé que Robin Wright Penn.
03:29Mais ils sont 20 ans d'écart dans l'autre sens.
03:32C'est donc bien que ça fonctionne.
03:34En tout cas, qu'en termes de suspension d'incrédulité, il y a un truc formidable qui se passe.
03:37Moi, ce qui me bouleverse avec le film, c'est que ça fait un petit moment que j'aimais qu'il s'est devenu
03:41un peu le vilain petit canard d'Hollywood.
03:43Il faut faire attention parce que Philippe adore Sacré Sorcière.
03:45On ne sait pas trop pourquoi, mais il voit un culte sur tel.
03:48Mais il a raison.
03:49Je parle en termes de réception critique.
03:50Revoyons le débat, oui.
03:51Je parle en termes de réception critique.
03:52Et puis bien que j'aie un Marwen, qui était un film tout à fait passionnant,
03:55qui a été, comme celui-là, sacrifié par le distributeur.
03:57Attention !
03:58Mais c'était le cas aussi d'Allier, dans une moindre mesure.
04:00Et donc, du coup, qu'est-ce qu'on a ?
04:02Ce n'est pas pour rien qu'il commence avec la fin des dinosaures, il y a 65 millions d'années.
04:05C'est un hommage à Terrence Malick.
04:07Evidemment.
04:08Mais parce que le défricheur qui est devenu...
04:10Quand on voit des dinosaures, c'est Malick.
04:11C'est quelqu'un qui nous dit, avec ce cinéma, qui expérimente des trucs formellement incroyables,
04:15il nous dit qu'en fait, oui, on est à ce moment dans l'histoire du cinéma
04:18où des formes grandioses, impressionnantes vont disparaître.
04:21Qu'est-ce qui va rester ?
04:22Ce qui va rester, c'est de l'émotion.
04:23C'est quelque chose, je n'ai pas envie de dire d'universel, c'est toujours un peu tarte à la crème,
04:27mais qui va un peu au noyau de l'humanité.
04:29Ça aurait fait plaisir à Frédéric.
04:31Je vois que vous avez...
04:32Sauf que ce n'est pas du tout universel.
04:33C'est très limité à l'Amérique, je trouve,
04:35et à une représentation un peu idéale et un peu banale
04:39de ce que c'est qu'une famille américaine.
04:41Le foyer comme lieu d'aliénation et de destruction de tous les rêves,
04:44ce n'est pas si banal.
04:47Voilà le livre en question.
04:49En tout cas, j'ai vraiment aimé cette bande dessinée.
04:52Comment il s'appelle ?
04:53Here, ici.
04:54Donc, de Robert Maguire.
04:56Mais je trouve que le film aurait dû se dissocier du livre
05:00et de tordre le livre parce que j'ai trouvé que ça ne fonctionnait pas,
05:03justement, le coup de l'émotion avec cette caméra qui ne bouge pas.
05:06Je me suis sentie vraiment loin de l'action,
05:08à plein de moments qui étaient censés être des moments un petit peu tristes,
05:11notamment lorsque la mère,
05:13la personne qui incarne la mère de Tom Hanks, Kelly Rayleigh,
05:16a un AVC et qu'elle est en train de mourir.
05:19Elle est tellement loin de la caméra.
05:21Et c'est à ce moment-là que je me suis dit, en fait,
05:22ce que j'aime au cinéma,
05:23c'est d'avoir une caméra qui est une sorte de narrateur omniscient
05:27et je peux aller voir, en fait, le grain de peau.
05:29Je peux être tellement proche d'un visage que...
05:31Tu veux du découpage.
05:32Ça y est !
05:33Tu veux du découpage !
05:34Mais c'est justement parce qu'il n'y a pas de découpage.
05:36Ce film, justement...
05:37Mais le découpage est à l'inverse.
05:39C'est-à-dire que tu as un découpage.
05:41C'est ce que disaient les Frères Lumière.
05:42C'est-à-dire que comme tu ne bouges pas la caméra,
05:44tu bouges tes acteurs.
05:46Ils ont d'ailleurs inventé un nouvel objectif
05:49pour avoir la profondeur de champ.
05:50Parce que je suis d'accord avec toi que,
05:52parfois, c'est tout au fond que se situe l'action.
05:55Mais du coup, toi...
05:56Mais c'est ça qui le rend intéressant !
05:57Tu regardes !
05:58Tu regardes !
05:59Tu dois te mouvoir.
06:00Alors, après, moi, ce que je peux entendre dans ce que tu dis,
06:03c'est que le défaut qu'il peut y avoir,
06:06c'est l'exercice de style.
06:08C'est-à-dire qu'il y a un moment où tu comprends
06:10que le film va être tout le temps comme ça
06:12et ça peut te donner une distance.
06:14Moi, à part moment, ça me donne une distance
06:16en disant, mais oui,
06:18les acteurs sont ramenés numériquement.
06:22Et en même temps, j'ai été émue aux larmes.
06:24Et je n'y attendais pas du tout,
06:26parce que je passe tout le film à me dire,
06:27mais qu'est-ce que c'est que ce machin ?
06:29En plus, un peu furax que un auteur comme Zemeckis
06:32soit complètement sacrifié.
06:34Le film sort mal, on ne l'a pas montré à la presse avant.
06:37Enfin, vraiment, c'est traité comme une espèce de rogaton
06:40qu'on sort comme ça, un peu enloucedé.
06:43Et en même temps, c'est vrai que je passe tout le film
06:45à me dire, mais qu'est-ce que je suis en train de regarder ?
06:47Bon, on le voit, qu'est-ce que c'est que ce truc ?
06:49Mais sauf que je finis en larmes !
06:51Mais oui !
06:53Il y a une séquence, notamment,
06:55parce que dans toute cette blanchité de la famille idéale américaine,
06:58tout à coup, il y a une famille noire dans ce salon.
07:00Et c'est hyper bien cadré.
07:02Et c'est important qu'on soit à distance
07:04parce que ça crée vraiment quelque chose
07:06de frappant et une vraie réflexion.
07:09Mais cette famille-là, qui est comme ça en fond d'image,
07:12et tout à coup, le gamin a eu 16 ans.
07:14Et qu'est-ce qu'on lui apprend pour ses 16 ans à lui ?
07:16Ce n'est pas à danser sur la moquette du salon.
07:20Lui, on lui apprend comment survivre à un contrôle de police.
07:22Et tout à coup, le film,
07:24sur les Etats-Unis, devient extrêmement puissant.
07:26Mais oui, mais c'est important !
07:28C'est quand même le contre-champ de Forrest Gump !
07:30C'est-à-dire que c'est l'histoire des Etats-Unis
07:32d'un point de vue de l'intime et d'un point de vue d'un salaud.
07:34Mais il m'a dit, allez, il faut avoir leurs avis !
07:36Il y a juste un moment.
07:38Il y a une scène où il est là,
07:40il montre un tableau d'elle.
07:42Elle dit, ce n'est pas moi.
07:44Il lui dit, mais c'est exactement toi.
07:46C'est un film, en fait, sur la représentation.
07:48Il parle de la représentation de l'Amérique
07:50via les représentations hollywoodiennes.
07:52Et en fait, le « here » dont on parle,
07:54c'est la représentation qu'on a de son existence.
07:56Et c'est de ça dont les personnages sont à la fois prisonniers
07:58et à un moment donné, énergisés par ces représentations.