Gilbert Montagné n’oubliera jamais le premier le jour où il a découvert cet objet devenu indispensable...
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00:00Le téléphone, pour moi, a toujours été un objet de rêve,
00:05quelque chose d'inaccessible.
00:08Mais on n'avait pas les moyens pour ça, on ne pouvait pas.
00:14En 68, vraiment mon rêve, c'était de la voir à la maison,
00:19dans notre petit appartement de la rue des Pyrénées.
00:21Mon père m'a dit « Maintenant, tu gagnes presque plus que moi ».
00:25J'ai donc acheté le téléphone pour mes parents,
00:28dans mon quartier, en tout cas, Ménilmontant.
00:30Il fallait attendre trois ans, deux ans et demi, trois ans.
00:32Imaginez, ça paraît incroyable.
00:35Et moi, en tant que non-voyant, je l'ai eu en trois semaines.
00:38Mais le téléphone, ça ne m'a jamais lâché. Jamais.
00:41Mais je peux vous parler d'un réveil téléphonique,
00:44environ deux, trois heures du matin.
00:46Le téléphone sonne, moi je suis en plein sommeil.
00:49J'écroche, « Hello ».
00:52Et j'entends une voix qui dit « Zuber, this is Ray Charles ».
00:58Alors là, je croyais que je rêvais,
01:00je ne savais plus du tout où j'habitais.
01:02Il m'a appelé, il m'a dit qu'il savait que
01:05j'essayais de faire bouger les choses pour les non-voyants, entre autres.
01:09Il était très sensible à ça.
01:13Puis après, j'ai pu le rencontrer.
01:16Ça a été pour moi quelque chose de très important dans ma vie,
01:19parce que j'ai pu le remercier.
01:22J'ai pu le remercier, justement,
01:25de m'avoir ouvert les portes du possible.
01:28Ça, c'est un réveil téléphonique dont je me souviendrai toute ma vie.
01:33Une fois, très peu de temps après le décès de ma mère,
01:38j'étais sur une petite route dans l'Allier.
01:41D'ailleurs, à l'époque, il n'y avait pas les relais qu'il y a maintenant.
01:43Ça passait très mal.
01:45Et mon portable a sonné.
01:47C'était un portable qui pesait quand même 3 kilos, un truc comme ça à l'époque.
01:51Je décroche et j'ai entendu simplement « C'est toi ? »
01:56Je lui dis « Oui » et ça a coupé.
01:59Jamais j'ai entendu une voix aussi proche que la voix de ma maman.
02:06Alors, on peut dire « T'as halluciné, bien sûr ».
02:08OK, on peut dire ce qu'on veut, mais moi, je pense que c'était elle.
02:12Je pense que peut-être, peut-être, ceux qui nous ont quittés,
02:17peut-être ont-ils un moyen d'intervenir sur les relais de téléphone très courts.
02:22Ils ne peuvent pas te faire une conversation.
02:24Peut-être que c'est ça.
02:25De toute façon, c'est un objet, c'est vrai, qui favorise l'indépendance.
02:29J'adore les rêves qui deviennent possibles.
02:33Je crois beaucoup aux forces du possible.
02:35Et il faut avoir confiance dans le fait de pouvoir ouvrir les portes du possible.