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Interview ou reportage d'une émission cinéma produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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Transcription
00:00Claude Lelouch, bonjour.
00:01Bonjour, bonjour.
00:02Je suis tellement contente de passer cette tête-à-tête avec vous
00:04pour parler de Finalement, c'est votre 51e film.
00:07Il y a plein d'idées, il y a plein d'audaces,
00:09il y a plein de surprises, comme toujours avec vous.
00:11On a l'impression que c'est comme un premier film.
00:13Est-ce que vous concevez tous vos films comme cela ?
00:15Oui.
00:17Oui, parce qu'à l'âge que j'ai,
00:19je profite à la fois de l'expérience
00:21et puis de l'émerveillement permanent
00:23du quotidien, du présent,
00:25qu'on passe notre vie à faire des choses pour la première fois.
00:27À mon âge, on commence aussi à en faire
00:29pour la dernière fois.
00:31Le mélange des deux permet d'arriver à une synthèse.
00:33J'ai passé ma vie à essayer de filmer
00:35des hommes et des femmes
00:37qui me semblaient un peu moins dégueulasses que les autres,
00:39qui me semblaient fréquentables.
00:41J'ai eu envie de filmer des hommes
00:43que j'avais envie d'avoir pour amis,
00:45des femmes que j'avais envie de prendre dans mes bras.
00:47Je me suis focalisé
00:49sur tout ce que j'aimais.
00:51J'ai travaillé avec un très grand metteur en scène
00:53qui s'appelle La Vie.
00:55J'ai tout pompé.
00:58Les personnages de mes films,
01:00les dialogues de mes films,
01:02je les ai entendus.
01:04J'ai été le reporter de mon temps, à ma façon.
01:06C'est ce que vous dites vous-même,
01:08la somme de tout au film.
01:10Vous avez l'impression d'avoir réalisé un seul film dans votre vie.
01:12J'ai le sentiment d'avoir fait un seul film.
01:14Un grand film.
01:16Avec une famille d'hommes et de femmes
01:18qui ont des points communs
01:20dans la mesure où ils sont un peu plus fréquentables
01:22que les autres.
01:24Ce plaisir de raconter des histoires que vous avez,
01:26parce que c'est vrai, quand on regarde,
01:28c'est d'ailleurs un film encore difficile à résumer,
01:30tellement riche d'histoires,
01:32on sent quand même que c'est ce que vous aimez le plus.
01:34J'adore les histoires extraordinaires
01:36quand elles deviennent possibles.
01:38Je ne crois pas aux super-héros.
01:40Ça n'existe que dans les films américains.
01:42Les super-salauds aussi, ça n'existe pas.
01:44On a tous les qualités de nos défauts.
01:46Les plus beaux personnages sont des personnages
01:48qui ont les qualités de leurs défauts
01:50qui ne sont pas parfaites.
01:52La perfection n'existe pas.
01:54C'est ça qui m'intéresse.
01:56Et puis surtout,
01:58comme on a tous rendez-vous au même endroit,
02:00autant y aller en chantant.
02:02C'est pour ça qu'il y a tant de musique dans mes films.
02:04Parce que la musique parle
02:06à notre part d'irrationnel,
02:08à notre inconscient qui, lui, nous dit
02:10qu'on est là pour toujours,
02:12alors que notre part de rationnel nous dit qu'on est mortel.
02:14Donc j'ai plus fait mes films
02:16sur l'irrationnel que sur le rationnel
02:18et j'adore dans mes films mélanger les deux
02:20puisque c'est le propre de chacun d'entre nous.
02:23Il y a ce qu'on croit savoir
02:25et puis il y a tout ce qu'on ne sait pas.
02:27Mais tout ce qu'on ne sait pas est plus important.
02:29Et de l'irrationnel, il y en a dans le film
02:31à travers notamment ce personnage de Lino
02:33qui est atteint d'un syndrome sans filtre
02:35qui le fait divaguer comme si rêver sa vie
02:37était considéré comme une maladie.
02:39Pour vous, la notion de rêve
02:41est quelque chose de primordial dans la vie ?
02:43Mais bien sûr.
02:45La vie est compliquée, elle est difficile.
02:47La vie, c'est une grosse emmerdement au pays des merveilles.
02:49Le rêve, il nous soulage de tout.
02:51Et comme on ne meurt jamais d'une overdose de rêve,
02:53j'en profite.
02:55Bien sûr, le rêve...
02:57C'était quoi votre plus grand rêve dans la vie ?
02:59Mon plus grand rêve, à moi, serait un jour
03:01de pouvoir parler avec Dieu.
03:03J'aimerais bien discuter avec lui quand même
03:05parce qu'il est fortif.
03:09Si vous n'aviez pas été Claude Lelouch,
03:11qu'est-ce que vous auriez fait ?
03:13J'aurais été avocat.
03:15Comme votre personnage de Lino dans le film.
03:17Oui, parce que j'aime bien défendre les choses indéfendables.
03:19On a tous des excuses.
03:21Même les pires salauds,
03:23les monstres ont des excuses.
03:25Ça fait partie du casting de la vie.
03:27Il y a 8 milliards de gens.
03:29Il faut les bons, les méchants, les trucs, les tueurs.
03:31Ça fait partie du casting.
03:33Mais j'aurais aimé défendre les gens indéfendables.
03:35Parce qu'on a,
03:37effectivement,
03:39tous, à un moment donné,
03:41des faiblesses.
03:43J'aurais aimé être avocat.
03:45Mais quelque part, avec mes films, je défends la vie.
03:48Alors, Kad Merad,
03:50il joue cet avocat qui part sur les routes.
03:52C'est une vraie fuite en avant pour lui.
03:54Un peu comme se lancer aussi dans un nouveau film.
03:56C'est quoi, à chaque fois, pour vous,
03:58le point de départ d'un nouveau film ?
04:00Ça commence comment ?
04:02Comme les histoires d'amour.
04:04J'ai un coup de foudre, à un moment donné, pour un thème.
04:06J'avais très envie, avec ce film,
04:08d'expliquer.
04:10De dire aux gens que tout ce qui nous arrive dans la vie,
04:12c'est pour notre bien.
04:14Tout ce qui m'a fait...
04:16Tout ce qui m'a fait du mal m'a fait du bien.
04:18Tout ce que j'ai réussi, je l'ai d'abord raté.
04:20L'échec est la plus grande école du monde.
04:22Le succès, ils vont en con.
04:24Mais l'échec vous fait progresser.
04:26Donc, j'ai fait des progrès.
04:28Mes plus grands succès sont venus derrière des films
04:30qui n'avaient pas marché.
04:32Et ça se vérifie en permanence.
04:34L'histoire du monde s'est construite sur des catastrophes,
04:36sur des horreurs, sur des choses terribles.
04:38Mais on a fabriqué un monde merveilleux.
04:40Aujourd'hui, on a tous les outils qu'il faut
04:42pour fabriquer un monde nouveau
04:44parce que ce sont des outils dangereux.
04:46J'allais dire, est-ce que vous êtes optimiste
04:48pour notre monde ?
04:50Oui, parce que je pense que
04:52on va trouver les bonnes personnes
04:54pour appuyer sur les bons boutons.
04:56Le positif a toujours été plus fort que le négatif.
04:58Le oui est plus fort que le non.
05:00Définitivement.
05:02C'est un film qui surprend.
05:04Il y a aussi toute une partie comédie musicale.
05:06Évidemment, la musique est très importante pour vous
05:08avec Barbara Pravi qui est sublime,
05:10qu'Admirade qui chante aussi, notamment la chanson du film.
05:13À cette phrase que vous écrivez,
05:15il n'y a que les chansons pour dire la folie des sentiments.
05:17Oui, parce qu'on peut tout dire en chanson.
05:19On peut tout dire.
05:21La musique ne fait jamais de mal.
05:23Les paroles peuvent être terribles.
05:25Mais la musique, c'est ce qui parle
05:27à notre part d'irrationnel, à notre inconscient.
05:29Notre inconscient nous dit qu'on est
05:31là pour toujours, immortel.
05:33J'adore mélanger dans le rationnel et l'irrationnel
05:35la dualité de chacun d'entre nous.
05:37Il y a ce qu'on sait, il y a ce qu'on ne sait pas.
05:39Il y a ce qu'on a envie de dire, il y a ce qu'on dit.
05:41Il y a ce qu'on pense.
05:43Cette contradiction permanente
05:45alimente l'histoire
05:47de finalement.
05:49Finalement, finalement...
05:51Finalement, ça veut dire quoi pour vous ?
05:53Finalement, ça veut dire que ça ne finira jamais.
05:55Donc, ce n'est pas votre dernier film ?
05:57Non, il y en aura.
05:59Il y en aura un 52e.
06:01J'espère. Et un 53e aussi.
06:03Vous avez déjà l'idée du prochain ?
06:05Oui, sérieusement.
06:07Chaque film a inventé celui d'après.
06:10Jusqu'au jour où un film me dira non, stop, c'est fini.
06:12Chaque film vous redonne l'énergie de faire le prochain ?
06:14Oui, parce que...
06:16D'abord, à chaque fois qu'on fait un film,
06:18on retourne à l'école, on apprend tellement de choses.
06:20Vous êtes encore stressé quand vous faites un film ?
06:22Stressé ? Non, je m'amuse.
06:24C'est une cour de récré pour moi.
06:26J'ai tout appris dans la cour de récré.
06:28Mes films doivent être des cours de récré.
06:30Moi, je suis un cinaste amateur.
06:32Je ne suis pas un professionnel de la profession, comme dirait Godard.
06:34Je les aime bien, ils font très bien leur boulot.
06:36Mais moi, je fais des films pour m'amuser.
06:38C'est ma cour de récréation.
06:40Khadmerad rêvait de faire un film avec vous.
06:42Finalement, vous le prenez sur ce film.
06:44Il joue le fils de Lino Ventura.
06:46Il l'a pris comment ? C'était une pression pour lui ?
06:48Non, pas du tout.
06:50Je pense que...
06:52Il rêvait de tourner avec moi.
06:54Je sais bien quand les rêves seraient allés.
06:56Vous avez exaucé son rêve.
06:58J'ai mis beaucoup de temps à trouver le personnage de ce film.
07:00J'ai pensé à beaucoup de gens.
07:02Et puis, à un moment donné, il y a Khad qui est arrivé,
07:04comme ça, par hasard.
07:06C'est lui parce qu'il ne se prend pas au sérieux.
07:08Il est tout le temps dans l'humour.
07:10Il a une modestie permanente.
07:12C'est un homme honnête.
07:14Et puis, quand il joue avec les autres,
07:16il est généreux.
07:18Il a envie qu'il soit bon.
07:20Après tous les grands acteurs
07:22que j'ai eu la chance de diriger,
07:24je ne pensais pas qu'on allait pouvoir encore m'épater
07:26une fois. Il a réussi à m'épater.
07:28Il m'a bouleversé.
07:30Il a énormément d'émotions en lui.
07:32Oui, et puis, il peut tout faire.
07:35Il peut séduire aux larmes.
07:37Et puis, il chante.
07:39Il a la voix d'Yves Montand.
07:41Sérieusement, j'ai bien connu Yves.
07:43Quand je l'ai entendu chanter,
07:45je me suis dit que c'était Montand.
07:47Et puis, Barbara Pravi, avec Khad,
07:49quand ils chantent ensemble...
07:51Cette scène est absolument magnifique.
07:53Ils sont magnifiques, tous les deux.
08:04...
08:28Tout ce qu'on fait dans la vie, c'est pour aimer
08:30et être aimé.
08:33Oui, bien sûr.
08:35On fait tout ça.
08:37Votre métier, vous le faites pour qu'on vous aime,
08:39pour être aimé.
08:41Tout ce qu'on fait au nom de l'amour,
08:43toutes les secondes qui ne sont pas consacrées
08:45à l'amour dans la vie sont des secondes perdues.
08:47C'est la seule chose qui compte.
08:49Tous les chemins mènent à l'amour,
08:51qu'on le veuille ou non, d'une façon ou d'une autre.
08:53Je me suis focalisé là-dessus.
08:55Aujourd'hui, après autant d'années dans le cinéma,
08:57qu'est-ce qui vous passionne ?
08:59Aujourd'hui, il y a 8 milliards de gens
09:01qui sont devenus des cinéastes.
09:03Nos yeux, c'est la plus belle caméra du monde.
09:05Vous êtes en train de me filmer, je suis en train de vous filmer.
09:07Depuis votre naissance, vous filmez.
09:09Nos oreilles, c'est le plus beau micro du monde.
09:11Et la mémoire, qu'est-ce que c'est ?
09:13La mémoire, c'est une salle de montage.
09:15C'est ce qu'il reste quand on a tout coupé.
09:17Qu'est-ce qu'il reste ?
09:19On fait tout du cinéma.
09:21Le cinéma est un art naturel.
09:23Il y en a qui filment un peu mieux que d'autres,
09:25et ça me permet de parler avec vous aujourd'hui.
09:27C'est vrai que j'ai grandi dans les salles de cinéma.
09:29Ça m'a sauvé la vie sous l'occupation.
09:31Depuis, j'ai été drogué,
09:33et puis c'est foutu.
09:35Il faut jouer à un film tous les jours.
09:37Vous voyez un film tous les jours ?
09:39Pratiquement, oui.
09:41Et c'était quoi votre première grande émotion au cinéma ?
09:43C'était les comiques de l'époque.
09:45Fernand L.
09:47Il y a eu Bourville, qui est arrivé beaucoup plus tard.
09:49Il y avait Relis, et puis Rémus,
09:51Pagnol.
09:53Et puis après, il est arrivé le cinéma américain,
09:55La Libération.
09:57Le cinéma sud-venu.
09:59Les Polars.
10:01Et l'aristocratie, la comédie musicale.
10:03Il n'y a rien de plus beau
10:05qu'une comédie musicale quand elle est réussie.
10:07Donc si vous voulez,
10:09j'ai grandi petit à petit avec tous ces films.

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