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Cagoulé, ligoté sur une cible en plein milieu d'un champ de tir, lors d'un exercice à balles réelles des avions de chasse de son tout nouvel escadron : voici l'incroyable bizutage subi par un jeune pilote de l'armée de l'air en 2019.

Pour la première fois, Antoine, la victime de ce simulacre d'exécution, brise la loi du silence et accepte de témoigner à visage découvert. Il raconte la violence et le sentiment d'impunité qui régneraient dans le petit monde des pilotes de chasse. Alors qu'à longueur de déclarations, le ministère des Armées prône l'exemplarité et la tolérance zéro, le réalisateur Pierre-Stéphane Fort s'est procuré des dizaines de documents inédits qui contredisent la version officielle. Insultes, harcèlement, traitements dégradants, coups...

Pendant des mois, de nombreux militaires ont été contactés, témoins ou victimes, pilotes, mécaniciens ou officiers de renseignement : ils dénoncent des faits d'une extrême gravité et déplorent l'absence de réaction des plus hautes instances de l'armée, voire l'omerta qui régnerait dans ses rangs. Révélations sur la face sombre d'un univers aussi fascinant qu'inquiétant, celui des pilotes de chasse.

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Transcription
00:00Musique d'ambiance
00:02...
00:09L'aviation de chasse est la vitrine de l'excellence de l'armée de l'air.
00:14Notre enquête lève le voile sur la face cachée
00:17de cet univers qui fascine.
00:19Antoine a été la victime d'un incroyable bizutage.
00:25Ce jeune pilote s'est retrouvé ligoté sur une cible,
00:29en plein champ de tir, lors d'un exercice à balles réelles.
00:33En regardant les photos, quand je suis attaché sur la cible,
00:37c'est complètement ahurissant, en fait.
00:41Malgré son devoir de réserve, le militaire témoigne un visage découvert.
00:47Son affaire a fait le tour du monde.
00:50C'est l'histoire hallucinante révélée ce matin par la Provence.
00:53Ce pilote a été retrouvé à l'air.
00:5520 minutes sous des tirs d'obus,
00:58sanglés à un pilote, marqués d'impact et surmontés d'une croix rouge.
01:01...
01:04Musique douce
01:07L'histoire se déroule sur la base aérienne de Solenzara, en Corse.
01:12...
01:14En mars 2019, Antoine, fraîchement diplômé,
01:16rejoint son nouvel escadron.
01:18Il rencontre ses collègues pour la première fois.
01:22...
01:24A ce moment-là, ça fait 10 ans que je suis complètement impliqué
01:27dans ma formation dans l'armée de l'air, ça fait 20 ans que j'en rêve.
01:31C'est l'aboutissement, en fait.
01:33En franchissant les portes de l'escadron,
01:35j'ai à peine eu le temps de poser mes sacs,
01:37qu'en fait, il y a un gradé qui passe à côté de moi
01:40et qui me sent, qui dit, qu'est-ce qu'on nous a encore envoyé, là ?
01:44...
01:47Ses frères d'armes le cagoulent et l'emmènent en voiture.
01:50Ils prennent même des photos.
01:51...
01:53Après un voyage d'environ 30 minutes,
01:55on me sort du véhicule, on me lie les mains avec du scotch,
02:00les chevilles et les genoux.
02:03...
02:06Je suis balancé à l'arrière d'un pick-up,
02:08et là, c'est beaucoup plus violent, ça roule à toute allure.
02:11Les chemins sont complètement cabossés,
02:13je me cogne de tous les côtés.
02:15...
02:17Et là, franchement, je me sens un peu en danger à ce moment-là.
02:21...
02:26Désorienté, Antoine n'a aucune idée de l'endroit où il se trouve.
02:30...
02:32En fait, on entend les bruits de la mer,
02:34qui est juste derrière,
02:35et à un moment donné, je pensais même être sur la plage.
02:39...
02:41Et puis, très rapidement, il y a quelqu'un qui m'attache,
02:44ce qui s'avère être un poteau.
02:46...
02:48Ils me font une petite blague en me disant
02:49qu'on va te laisser là pour l'éternité, ou je sais plus quoi.
02:52Et en fait, ils s'en vont.
02:54...
02:55Et j'entends des bruits d'avions.
02:58...
03:01Le militaire vient d'être ligoté au beau milieu d'un champ de tir.
03:06Les bisuteurs filment toute la scène.
03:08...
03:18J'entends un, deux avions de chasse.
03:21Et il y en a un, j'entends tirer.
03:26Et...
03:27Vraiment, il y a un... Enfin, le sang se glace, en fait.
03:31Parce que...
03:33Franchement, j'ai pas compris.
03:36...
03:37Après quelques minutes,
03:39l'un des militaires enlève la cagoule du jeune pilote.
03:42...
03:46Le bruit des tirs est si puissant
03:48que le micro du smartphone sature.
03:50...
03:55L'exercice est à balles réelles.
03:58Dans les canons du Mirage, des obus de 30 mm,
04:01identiques à ceux-ci,
04:02capables de transpercer le blindage d'un char d'assaut.
04:05...
04:08La première chose qu'on nous apprend quand on va tirer sur un champ de tir,
04:11je l'ai fait, moi, toute cette partie-là,
04:14c'est de dégager à gauche.
04:16Donc, on va prendre notre visée sur la cible, la cible est là,
04:20et dès qu'on a tiré, on dégage sur la gauche,
04:22parce que les obus qui vont se planter sur la cible,
04:25tous les ricochets vont vers la droite.
04:29Moi, je suis là, en fait. C'est pour ça que j'ai peur.
04:32...
04:36De son propre chef, le capitaine qui m'a emmené sur le champ de tir
04:40ne pouvait pas prendre cette décision-là
04:42sans risquer sa carrière, en fait.
04:44Très clairement.
04:45Il est couvert ?
04:46Forcément, il est couvert.
04:48Je pense même que c'est un ordre qui lui a été donné.
04:52En fait, il faut que toute la chaîne hiérarchique
04:55de l'escadron soit au courant.
04:56...
04:58Pourquoi avoir organisé cette mise en scène macabre ?
05:01La hiérarchie était-elle réellement complice,
05:04comme l'affirme Antoine ?
05:05...
05:07Nous avons retrouvé l'un des soldats qui a participé au bisutage.
05:11...
05:13Nous filmons en caméra cachée.
05:14...
05:23Bonjour.
05:24M. Farr, je suis désolé de vous déranger, je suis journaliste.
05:27D'accord.
05:29Je travaille sur l'affaire du bisutage de Solen Zahra.
05:32Vous comprenez que c'est choquant, ces photos ?
05:34Il y a énormément de choses qui sont choquantes.
05:37Je peux vous sortir des photos de rentrées d'école d'infirmière
05:41Quelle peut être la justification à ça ?
05:43Ca va être compliqué à vous en parler en moins de 5 minutes.
05:47C'est juste à côté, je vais rester à le voir.
05:49On parle là-bas.
05:50...
05:53Selon le militaire, leur but n'a jamais été d'effrayer Antoine
05:57ni de mettre sa vie en danger.
05:59...
06:03Ils n'étaient pas armés.
06:05Il n'y avait même pas d'émissions d'entraînement à bord.
06:08Il y a des tirs, pourtant.
06:09C'est l'autre avion.
06:10C'est deux avions.
06:11Il y a un avion qui est armé et un qui ne l'est pas.
06:14On n'a pas fait passer l'avion à un autre.
06:17On a choisi un endroit sur le chantier
06:19où on pouvait faire ce qu'on avait fait.
06:21Le bisutage, c'est interdit ?
06:23Non, mais la mise en danger.
06:24Vous pensez qu'on a été capables de mettre quelqu'un
06:28avec un armement,
06:29avec potentiellement une blessure,
06:31que ce soit pour moi ou pour les autres ?
06:33Qui décide de ce bisutage ?
06:34Les escaliers de chasse, c'est 90 % des fichiers.
06:37C'est collectif.
06:38On a un emploi du temps.
06:40Des gens ont dit que c'était sympa de le faire.
06:42C'est une bonne idée, on va le mettre en place.
06:45Moi, je vais le mettre dans le vol.
06:47C'est un travail collectif.
06:48Si le chef avait dit non, on ne l'aurait pas fait.
06:51À l'époque,
06:52Antoine n'a pas dénoncé ses chefs par crainte de briser sa carrière.
06:58Mais deux ans plus tard,
06:59il échoue à valider sa qualification de pilote opérationnel
07:03à cause, selon lui, d'une formation bâclée.
07:08Écoeuré,
07:09il veut quitter l'armée.
07:11On lui demande alors de rembourser 250 000 euros
07:14de frais de formation.
07:15Dos au mur,
07:16il écrit à la ministre des Armées.
07:18Si on ne le laisse pas partir,
07:20il dénoncera le bisutage qu'il a vécu.
07:23Il porte plainte.
07:24L'affaire fuite dans la presse.
07:30Le porte-parole de l'armée de l'air est contraint de réagir,
07:33comme ici, il y a quelques mois.
07:35Ca va comme ça ?
07:37Un, deux, un, deux.
07:38Les officiers responsables de cette mise en scène lamentable
07:42ont donc été punis, le mois dernier,
07:45de jours d'arrêt, de privation de liberté.
07:48Ce sont des choses qui laissent aussi une trace indélébile
07:51sur une carrière.
07:52Ce type d'agissement n'est pas en adéquation avec nos valeurs.
07:55Ce n'est pas du tout l'armée de l'air
07:57qui protège au quotidien les Français.
08:00Voilà pour la version officielle.
08:01Mais une fois l'interview terminée,
08:03les propos sont plus ambigus.
08:05Je ne regrette pas d'être venu,
08:07parce que je pense que vous allez avoir de quoi faire ce soir.
08:10Ca vous permettra d'avoir un truc, même si c'est jamais agréable,
08:13quand vous avez enterré l'affaire, par nom.
08:15En fait, ce qui est con, c'est qu'on aurait voulu de nous,
08:18là, de sortir.
08:20Enterrer l'affaire, éviter le scandale à tout prix,
08:23serait-ce la politique habituelle de l'armée de l'air ?
08:26Car selon notre enquête,
08:28ce genre de rituel serait largement répandu.
08:32C'est quand même une tradition. C'est un des escadrons de chasse.
08:35Toutes les unités, en fait.
08:37C'est comme dans une boîte, avec un minimum d'état d'écrit ou autre.
08:42Le visitage d'Antoine, on ne le verrait pas
08:45dans une entreprise privée, quand même.
08:47Non, mais en même temps, notre boulot,
08:49je ne dis pas qu'on a le droit de tout ça.
08:52C'est juste que notre niveau d'accompagnement,
08:54c'est un peu plus élevé que celui de l'armée de l'air.
08:57Je ne dis pas qu'on a le droit de tout ça.
09:00C'est juste que notre niveau d'acceptation de certaines choses
09:03n'est pas le même que pour tout le monde.
09:05On ne vit pas dans le même monde.
09:07Pourtant, je ne suis pas de la vieille génération.
09:09On ne fait pas le métier de monsieur tout le monde.
09:12On n'a pas la formation de monsieur tout le monde.
09:15Donc, on n'a pas la perception des choses qu'on montre tout le monde.
09:18Nous avons sollicité le ministère des Armées sur cette affaire.
09:21Est-ce que vous connaissez ces images, monsieur ?
09:24Son porte-parole nous confirme
09:26que des sanctions internes ont été prises contre les bisuteurs,
09:29plusieurs jours d'arrêt.
09:31Selon lui, l'armée met tout en oeuvre pour éviter ces dérives.
09:35Plusieurs témoins m'expliquent qu'au sein de l'armée de l'air,
09:38le bisutage est institutionnalisé. Qu'en pensez-vous ?
09:41Je pense que le bisutage, c'est quelque chose
09:44qui est proscrit par la loi, qui est interdit.
09:46Il est vrai qu'il existe des actions de tradition.
09:49Ça n'a pas à voir avec le bisutage.
09:52Les traditions sont là au service des femmes et des hommes
09:56pour créer un ciment, une cohésion entre eux.
09:59Ça n'a rien à voir avec des actions de bisutage interdites,
10:02contre lesquelles nous nous élevons avec la plus grande force.
10:05Le chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace
10:08a écrit à tous les commandants d'unité pour rappeler qu'en aucun cas,
10:11tout ce qui pouvait dégrader la dignité humaine
10:14n'était toléré au sein de l'armée de l'air et de l'espace.
10:18Le discours est ferme, mais la réalité serait toute autre.
10:22Nous nous sommes procurés des dizaines de documents inédits
10:25qui contredisent la version officielle.
10:35On vous appelle le jouet,
10:37et il faut le prendre vraiment au sens propre du terme.
10:40Tout le monde peut faire ce qu'il veut de vous.
10:42Allez, là !
10:44On vous fait comprendre que si vous dites quoi que ce soit,
10:47si vous plaignez, ce sera vous, la brebis galeuse,
10:49et ce sera vous qu'on abattra.
10:52Nous avons contacté de nombreux militaires, témoins ou victimes.
10:56Tous dénoncent des faits de harcèlement,
10:58des violences physiques et de multiples abus.
11:02Il y a l'alcool, l'alcool, l'alcool, l'alcool.
11:04Vous devez boire, vous devez.
11:07Si vous ne buvez pas, vous ne pourrez pas vous intégrer.
11:11Nous avons enquêté sur la condition des femmes,
11:14au-delà des clips promotionnels et des grandes déclarations publiques.
11:18Tolérance zéro.
11:20Il n'y a pas de place pour le sexisme dans nos armées.
11:23Parmi les traditions choquantes, il en existe une qui s'appelle le boob check.
11:27J'arrive avec mon avion, je suis un chevalier du ciel,
11:30et j'exige des femmes qui viennent en bout de piste
11:32qu'elles se dépoitraillent et qu'elles me montrent leur sein,
11:34et qu'en plus, elles m'amènent des bières à la descente de mon avion.
11:37Ces gens vivent sur quelle planète ?
11:38La mer de Diop, on l'appelle quoi ?
11:44Et ça, l'encadrement, il est au con, évidemment.
11:47Bien sûr, on participe.
11:50Tu es décevant, ça peut être.
12:04Depuis quelques années,
12:06une base aérienne est particulièrement décriée.
12:09Celle de Nancy Hochet, en Meurthe-et-Moselle.
12:17Là-bas, six militaires ont déposé plainte au pénal
12:21pour des faits de violence physique, de harcèlement moral et sexuel.
12:26Derrière ces grilles, dans certaines unités,
12:29les jeunes recrues seraient livrés à la merci de leurs collègues
12:31et de leurs supérieurs.
12:37Franck est un ancien mécanicien.
12:41Les quatre années passées sur cette base
12:43l'ont plongé dans une grave dépression,
12:45au point d'envisager de mettre fin à ses jours.
12:49Pour protéger sa nouvelle vie, il a souhaité garder l'anonymat.
12:55À 19 ans, major de sa promotion,
12:57il avait choisi Nancy comme première affectation.
13:01Le premier jour, on arrive, on entend gueuler dans l'hangar.
13:04Ah, un nouveau jouet !
13:06C'est la phrase que j'ai entendue une dizaine, une vingtaine de fois,
13:10juste déjà les cinq premiers jours.
13:12C'était moi.
13:14J'étais jeune, j'étais jouet.
13:16J'étais celui avec qui on va pouvoir s'éclater,
13:19on va pouvoir rigoler.
13:22Le mécanicien serait immédiatement l'objet de moqueries,
13:26d'insultes homophobes.
13:29Quelques semaines après son arrivée,
13:31il participe à une randonnée d'intégration avec son escadron.
13:35Mais la balade en montagne aurait viré au cauchemar.
13:41On est partis sur une marche, alors, bien sûr,
13:44les sacs à dos remplis d'alcool.
13:46On s'arrête tous dans un bois et puis, eux, commencent à manger.
13:50Moi, je n'avais pas le droit de manger, mais de picoler.
13:53Ils m'ont donné l'obligation de boire du rhum, pur,
13:57parce qu'il fallait que je sois un homme, une bête,
14:00un mec, comme ils disent.
14:03On sort du bois
14:05et j'ai un de mes sergents qui me regarde et me dit
14:08« T'as chaud, toi ? »
14:10Je dis « Non, chef. »
14:12Il me dit « Si, t'as chaud. »
14:14Il sort son couteau et découpe mes fringues.
14:16Il découpe mon pantalon, qui devient un caleçon,
14:21et il découpe mon tee-shirt, qui devient une bandoulière.
14:24On continue à marcher vers le chalet.
14:26Là, vous avez un camion blanc qui passe, avec des gens dedans.
14:31On vous met dans le camion.
14:32Je me retrouve dans le noir, dans une benne de Duper.
14:35On est peut-être 20 dans la benne.
14:38Et là, je me fais frapper de tous les côtés.
14:43On vous frappe, quoi.
14:44Des coups de pied, des baffes, des fessées.
14:48Donc, je suis plongé en suite.
14:50Je suis pommé. Qu'est-ce qui m'arrive ? C'est quoi, ce délire ?
14:53J'arrive pas à comprendre.
14:54Mais ça fait rire. C'est marrant.
14:56Le camion s'arrête devant un chalet isolé.
14:59A l'intérieur, plusieurs dizaines de militaires sont présents.
15:04Un sergent-chef ordonne alors à Franck
15:06d'insulter les mécaniciens armuriers
15:09sur notre camion.
15:10Et ça continue.
15:11Là, j'ai mon parrain qui vient me chercher
15:15et qui me dit, écoute, tu vas te présenter.
15:17Donc, je monte sur la table.
15:23Il y avait un mec juste en bas qui me regardait.
15:26Il me dit, si tu dis un truc, je vais te péter la gueule.
15:29Mon parrain me regarde et me dit, tu vas répéter après moi.
15:32Il me dit au cul. Je lui dis non, je vais te péter la gueule.
15:35Et là, il me dit, je vais te péter la gueule.
15:38Il me dit au cul. Je lui dis non, je ne veux pas dire ça.
15:41Mon chef physique me dit, au cul les pétafles,
15:44au cul, je ne sais plus, c'était le dépannage.
15:46J'ai le mec qui regarde en bas, qui me shole par call-back,
15:49qui me plaque au sol.
15:50Il y a une dizaine de mecs qui viennent me tabasser.
15:53Ils m'ont baissé le pantalon, mon caleçon.
15:55J'ai pris des fessées, des coups de pied dans la tête,
15:58dans les bras, dans les jambes.
16:00Et beaucoup, ça les fait marrer.
16:03Il y en a plein qui me regardent, c'est marrant.
16:05Je parle de toute hiérarchie.
16:08Que vous soyez sergent ou adjudant-chef,
16:11il y en a certains, ça les fait marrer. C'est rigolo.
16:17Et c'est le seul jour où il y a quelqu'un,
16:20justement, un colonel, qui est intervenu en gueulant,
16:23vous arrêtez ça.
16:24Il m'a relevé, il m'a demandé si ça allait.
16:26J'étais complètement sonné, je ne sais plus où j'étais.
16:28Pourquoi cet officier est intervenu ?
16:30Je pense que c'est trop violent. Trop violent.
16:32Il s'est dit, là, il faut que j'arrête la scène.
16:35C'est trop grave.
16:36Et après, forcément, j'ai craqué.
16:39Je commençais à verser des larmes,
16:42et mon parrain m'a emmené, il m'a dit,
16:46tout ça, t'es un peu faible comme personne,
16:49ça te rendra plus fort.
16:51C'est votre chef qui vous dit ça ?
16:53Oui, c'est un de mes chefs qui me dit ça.
16:55Je n'aurais jamais pensé que ça pouvait exister.
16:57Dans un gang, peut-être.
17:00Mais là, je parle bien de l'armée.
17:01Je parle d'une institution militaire.
17:08Les accusations du jeune sergent sont graves.
17:12Pour les vérifier, nous avons tenté de retrouver les militaires
17:15qui auraient participé à cette journée d'intégration.
17:19Mais sept ans se sont écoulés, et la plupart ont été mutés.
17:24Nous parvenons à joindre au téléphone
17:26le colonel qui aurait interrompu les coups.
17:30Il ignore que nous l'enregistrons.
17:31Je travaille actuellement sur une enquête
17:34concernant un jeune mécanicien armement
17:35que vous avez eu sous vos ordres à la base de Nancy-Aucher.
17:38Le sergent...
17:40Est-ce que vous vous souvenez de lui ?
17:43J'ai rencontré le sergent.
17:44Il m'explique qu'en 2014,
17:46il a subi des violences de la part de certains de ses camarades,
17:49notamment dans le chalet qui était le but de la rentrée.
17:52A priori, c'est vous qui avez fait cesser les violences.
17:55C'est ce qu'il m'a dit.
18:02Dans le cas d'effectivement moi, je suis venu en cause.
18:04Est-ce que vous vous rappelez plus tard ?
18:06Je voudrais savoir si à l'époque...
18:08Non, mais juste, colonel, je voudrais simplement savoir
18:10si à l'époque, vous avez dénoncé les faits auprès du commandant de base.
18:13Si on avait eu connaissance des faits
18:15d'une quelconque violence sur un jeune sergent,
18:18on aurait évidemment naturellement dénoncé les faits.
18:21Mais...
18:23Mais pourtant, le sergent dit que vous l'avez vu.
18:26Le sergent dit que vous l'avez vu et que vous avez arrêté les violences.
18:29Donc vous les avez vues, ces violences ?
18:32Alors, j'ai vraiment arrêté cette conversation.
18:35Je suis vraiment désolé.
18:37Est-ce que vous avez signalé les faits à la justice ou pas ?
18:39C'est ça qui m'intéresse, simplement.
18:41Merci beaucoup. Bonne journée à vous.
18:45Dans cette affaire, une enquête préliminaire est en cours.
18:49Nous sommes finalement rappelés par son avocate.
18:52Selon elle, le colonel aurait été entendu en audition libre,
18:56mais ne serait à ce jour pas mis en examen.
18:59Nous retranscrivons ses propos.
19:05Je vous assure,
19:06et c'est ce qu'il a expliqué aux enquêteurs de la gendarmerie,
19:08donc je ne pourrais pas vous dire le contraire,
19:11qu'il n'a pas le souvenir de cette journée.
19:14S'il n'en a pas le souvenir sept ans après
19:16et s'il ne les a pas dénoncés à l'époque,
19:18c'est que pour lui, ce jour-là, il ne s'est rien passé de particulier.
19:25Alors, ces violences ont-elles existé ?
19:28Ou Franck les a-t-il inventées ?
19:31Dans ce document remis à la justice,
19:33le jeune homme donne des lieux, des dates et surtout des noms.
19:39Nous avons fini par retrouver l'un des militaires
19:41qu'il accuse de harcèlement.
19:44Il n'est plus dans l'armée aujourd'hui.
19:47Nous frappons à sa porte, en caméra cachée.
19:53Bonjour, monsieur. Vous êtes...
19:56Oui.
19:57Est-ce que vous étiez militaire sur la base de Nancy Hochet ?
20:01Oui.
20:02Je suis journaliste. Vous, vous avez été entendu par les enquêteurs ?
20:06Vous avez été entendu. Vous êtes mis en cause dans l'affaire ?
20:09Oui, j'ai été mis en cause.
20:10Vous avez été mis en cause.
20:12En toute transparence.
20:14Vous reconnaissez le harcèlement ou pas ?
20:17Non.
20:19Pour vous, il n'y a pas eu de harcèlement ?
20:20Non.
20:22Nous l'interrogeons sur la randonnée
20:24et les violences que Franck affirme avoir subies dans le chalet.
20:28C'était un grand barbecue, finalement.
20:30Je suis sorti du bruit et j'ai vu à la fin que ça chamaille.
20:34Quand vous dites que ça chamaille, il y a des coups ?
20:37Moi, je n'ai pas vu de coups.
20:39C'est des petites fessées.
20:41C'est-à-dire ?
20:42Des petites fessées.
20:43Lui, il dit qu'il met des fessées,
20:45il met des coups de pied, des coups de poing.
20:48Là, pour le coup, je vous assure à 100 % que je n'ai pas vu ça.
20:51Moi, je ne vois pas un brouhaha, un empilage sur une personne.
20:55En gros, c'est des gens qui s'empruntent sur une personne
20:58pour des petites fessées comme ça, des petits jeux.
21:01C'est pas grand-chose.
21:02Des coups dans les côtes ?
21:03Des coups, mais oui, des petits chatouilles, des petits pansements.
21:08Ça, ça ressemble plutôt à une bagarre d'enfants, mais...
21:11C'est exactement ça. On est des grands enfants.
21:13Des fessées, des chatouilles.
21:15A l'entendre, il s'agirait d'un jeu sans conséquences.
21:21Puis, à demi-mot, il reconnaît que la situation
21:24était bien en train de dégénérer.
21:27C'était normal de chamailler, comme vous dites ?
21:30Ça commence par aller vous faire foutre les pétards.
21:34On insulte, du coup, les pétards arrivent, ils commencent à nous foutre.
21:37C'est là que les pétards, à un moment donné,
21:39ils pensaient à mal le prendre.
21:41Du coup, finalement, ils viennent voir les pétards,
21:43ils disent, c'est bon, on va se calmer, on va arrêter le...
21:46Ils prenaient mal.
21:47Il y en a qui venaient très, très loin, à 5h, 5h.
21:49Avec Gauche, je ne sais plus où c'était, mais on dit, c'est bon, c'est bon.
21:53C'est comme ça qu'on a été éduqués, que nos parents ont été éduqués,
21:57qu'on a... Je ne sais pas, il faut que je transmette le...
21:59C'est peut-être con, hein ?
22:01Et des fois, pareil, c'est, je ne sais pas,
22:04on met un petit bruit dessus, celui-là, quand même,
22:06il est un petit peu trop...
22:07Il est temps, là, il faut peut-être le bruler,
22:10le resserrer un petit peu, ou...
22:12En gros, on a besoin de mettre la pression au mec
22:15pour voir s'ils seront capables de la supporter plus tard, c'est ça ?
22:17Bien sûr.
22:18Et ça, l'encadrement, il est au courant, évidemment.
22:21Bien sûr, il participe.
22:25Bien sûr.
22:26Il faut que tu le soutiennes.
22:29Qu'en est-il du colonel qui aurait interrompu les coups ?
22:33Le même qui nous assurait, par la voix de son avocate,
22:36ne plus se souvenir de cette journée.
22:39Lui, il dit...
22:41Voilà, il y a ces violences,
22:42et là, il y a un haut-gradé,
22:44donc le colonel de l'époque, celui qui commandait l'Esta.
22:48Il vient de soutenir les mécanos.
22:50Ce jour-là, il a un geste de fin.
22:52C'est bon, non ?
22:53Les colonels se détachaient des sergents,
22:56les sergents se détachaient des gens chefs.
22:58Vous avez vu ça ?
22:59Ce jour-là, oui, bien sûr.
23:01Il prouve la fuite.
23:02C'est amusant, au final.
23:04C'est pas...
23:06À part qu'on est les deux comme ça, devant un journaliste,
23:09on peut pas retenir ce qu'ils se passent des retours, bien sûr.
23:12C'était admis ?
23:13Bien sûr, c'était dans le marbre...
23:16C'est admis, c'était en marbre, quoi.
23:21Sur la base de Nancy Hochet,
23:23les violences et les pressions psychologiques
23:26seraient-elles institutionnalisées ?
23:31Selon Franck, après l'épisode du chalet,
23:33les brimades se transforment en harcèlement quotidien.
23:38Comme cette coupe en forme de pénis qui lui est imposée.
23:41Dénigrés et insultés pendant quatre années,
23:44ils sombrent dans une profonde dépression.
23:51Ça a déclenché des mécanismes qu'on appelle des dissociations.
23:56J'ai commencé à être violent sur moi-même.
23:59La moindre réflexion me faisait monter.
24:02Je pouvais me plaquer la tête dans les murs.
24:04Je me baffais, tout seul.
24:07Je devenais complètement taré, quoi.
24:10Je devenais débile.
24:12Parfois, je roulais à fond en voiture
24:14et je rêvais de me défoncer dans un mur.
24:17On vous a tellement rabâché que vous étiez une merde,
24:20que vous n'étiez rien, qu'on finit par y croire.
24:23Se faire du mal, c'était quelque chose qui me punissait,
24:27mais qui me soulageait.
24:29Mentalement, en fait.
24:30Ça m'a enlevé la...
24:33Ça m'a enlevé cette pression.
24:36Le jeune mécanicien est alors diagnostiqué dépressif
24:39à tendance suicidaire.
24:41Sous anxiolytique, il est placé en arrêt de travail longue durée
24:44par sa thérapeute.
24:48Ces troubles psychiques font suite à des événements traumatiques répétés
24:52survenus au sein de l'armée,
24:54qui ont entraîné un état de stress post-traumatique,
24:57nécessitant une prise en charge médicale et psychologique.
25:00Les parents de Franck décident de signaler son état
25:03au commandant de la base de Nancy-Aucher
25:05et de dénoncer par écrit ce que leur fils dit avoir subi.
25:09Monsieur le colonel, nous sommes les parents d'un jeune sergent.
25:12Pour nous, ces violences physiques et morales
25:15l'ont détruit psychologiquement.
25:17Nous avons longuement hésité à vous écrire,
25:19mais on ne sait plus ce qu'on doit faire aujourd'hui.
25:22Un mois plus tard, le commandant de la base leur répond.
25:36Mais selon Franck, à ce moment-là,
25:38aucune enquête interne n'aurait été déclenchée.
25:42Quatre mois plus tard,
25:43il finira par saisir lui-même la cellule Thémis
25:46en charge des cas de harcèlement sexuel dans l'armée.
25:50Son dossier est enfin transmis à la justice.
25:55Le commandant de base de l'époque a-t-il vraiment pris des mesures,
25:59comme il l'affirme dans sa lettre ?
26:01Nous lui avons posé la question.
26:03Je pense qu'on va s'arrêter tout de suite.
26:05Je n'ai rien à vous dire sur ce sujet.
26:07Il y a une enquête en cours et je ne commente pas ce sujet-là.
26:10Ce n'est pas du tout au sujet de l'enquête, colonel.
26:12C'est au sujet de votre réaction
26:14quand vous avez reçu la lettre des parents.
26:16Je n'ai rien de plus à vous dire là-dessus.
26:18Certains soldats que vous avez eus sous votre commandement
26:21m'ont dit que vous aviez peut-être cherché à étouffer cette affaire.
26:24Est-ce que c'est le cas ?
26:32Donnez-moi les noms des personnes qui n'ont pas dit ça
26:35et je me quitterai avec elles.
26:36J'ai fait ce que je devais faire en tant que commandant à l'époque.
26:39Et maintenant, il y a une enquête judiciaire
26:42qui donnera les résultats qu'elle aura.
26:50Une enquête préliminaire est toujours en cours
26:52pour des faits de harcèlement et violences volontaires.
26:55Franck espère qu'un procès se tiendra cette année.
27:03Maître Momon est avocate spécialisée en droits militaires depuis 20 ans.
27:08Elle a traité des centaines de dossiers
27:10et reconnaît qu'une forme d'omerta règne toujours au sein des armées.
27:15On constate que la victime prend un risque
27:18parce qu'elle est celle par qui le scandale arrive.
27:21Donc, le chef de corps, le chef d'escadron,
27:24ne voudra pas que ce scandale arrive dans son régiment
27:27parce que lui aussi a sa responsabilité
27:29et il ne veut pas qu'au-dessus, on se dise
27:31que dans ce régiment, il y a un problème
27:33parce qu'il y a un mauvais commandement, etc.
27:35Donc, on appelle ça en droits des militaires
27:38l'ouverture du parachute.
27:39C'est bien nommé, c'est-à-dire qu'on essaie
27:41de préserver l'autorité supérieure en ouvrant un parachute.
27:44Et parfois, c'est au détriment de la victime
27:46dont on minimise la crédibilité des propos,
27:50qu'on incite aussi parfois à ne pas déposer plainte.
27:53Il y a la peur de l'écho médiatique et il y a la peur de l'écho judiciaire.
27:57Et on préfère encore, parfois, régler les affaires entre soi.
28:05Sur la base de Nancy Hochet,
28:07d'autres militaires disent avoir payé le prix fort
28:10parce qu'ils ont tenté de résister au système.
28:14C'est le cas de Jean-Baptiste, ancien pilote de chasse.
28:19Confronté, selon lui, à l'acharnement d'une partie de sa hiérarchie,
28:23détruit psychologiquement,
28:25il a fini par quitter l'armée et a porté plainte pour harcèlement.
28:30C'est la première fois depuis trois ans qu'il revient sur les lieux.
28:35Je retrouve la boule au ventre que j'avais à l'époque.
28:39Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de raison,
28:42mais je revois ces dizaines, centaines de fois
28:45où je suis passé par là, où j'avais peur.
28:50On arrive, on n'est pas serein, on a peur dans la journée.
28:54Chaque jour, on sait que ça va être une lutte.
28:58Là, on va arriver, on a la base aérienne sur notre gauche.
29:03Donc le portail avec l'insigne de la base, un mirage de mille.
29:09Voilà. C'est là où j'ai travaillé pendant quatre ans.
29:17À l'âge de 28 ans,
29:19Jean-Baptiste est muté sur cette base pour devenir opérationnel
29:22et voler en terrain de guerre.
29:25Mais rapidement, il aurait été pris en grippe par son chef d'escadron.
29:31Selon Jean-Baptiste, l'homme décrète que le jeune pilote
29:34n'y a pas sa place et aurait tout fait pour le faire renvoyer.
29:39On décide de me surcharger de travail
29:41en me demandant, pendant la préparation des vols,
29:44de gérer la gestion du bar,
29:46à savoir l'approvisionnement en chips et cacahuètes et en bière.
29:49On me demande de bouger des meubles d'un bureau à un autre.
29:52On me demande de nettoyer le plafond du bar.
29:57On me changeait le programme de vol au dernier moment
29:59pour que je ne puisse pas être prêt, on me donnait des mauvaises consignes,
30:01ce qui fait que ça va impacter votre niveau en vol fatalement.
30:06Et ça, c'était le but.
30:07C'était que je me plante en vol,
30:09enfin, en termes de niveau de pilotage,
30:12et qu'on puisse me le reprocher pour pouvoir me licencier.
30:16Au fil des mois, selon lui, la pression est toujours plus forte.
30:19Les relations s'enveniment avec d'autres cadres de l'escadron.
30:25Un jour, lors d'un briefing mission,
30:27on est dans la salle de guerre,
30:29environ cinq, six personnels navigants.
30:32On se met à échanger sur le missile de croisière avec mon navigateur.
30:36Et il se met à commencer le jeu des questions-réponses
30:39pour voir un peu si j'ai travaillé le missile.
30:43Sur une question, je réponds mal,
30:46et immédiatement, il me met une gifle.
30:50Je ressens une fois de plus de l'humiliation
30:54et aussi de la colère.
30:56De la colère parce que je vois que je ne vais pas m'en tirer,
30:59je vois qu'on a passé le stade uniquement du harcèlement moral.
31:05On en vient au physique.
31:07Et donc, je ne sais pas quelle sera la prochaine étape.
31:13Je ne sais plus à qui en parler.
31:14Je ne sais pas comment je peux demander de l'aide.
31:17J'ai écumé toutes les strates hiérarchiques de la base aérienne.
31:21Au final, je me retrouve encore plus à terre qu'avant.
31:28Nous avons contacté l'armée de l'air
31:30au sujet de l'affaire de Jean-Baptiste.
31:32Mais son porte-parole refuse de commenter les dossiers
31:36dans lesquels une enquête judiciaire est en cours.
31:40Nous avons donc appelé directement le chef d'escadron
31:43qui aurait orchestré le harcèlement moral.
31:46Ce haut-gradé travaille toujours pour l'armée.
31:48Nous l'enregistrons à son insu.
31:52Je vous le dis de façon très sincère.
31:55Moi, je n'avais aucune don contre M. ***.
32:00Je n'avais pas de problème avec lui.
32:05Je n'avais aucun souci.
32:07D'accord. Vous réfutez le harcèlement moral, si j'ai bien compris.
32:09Non, mais totalement.
32:11Il n'a pas été harcelé moralement, quand même.
32:14Il n'a pas été harcelé moralement. En tout cas, il n'a pas peur de moi.
32:17Effectivement, à Nancy, M. *** n'était pas bien.
32:21Il n'était pas bien dans sa peau.
32:22Il n'était pas bien dans l'environnement dans lequel il fonctionnait.
32:26Donc, il était mal dans sa peau à Nancy.
32:28Il y a sans doute une raison à ça.
32:30Mais certainement.
32:31Et je ne remets pas en cause le fait qu'il y avait certainement des raisons.
32:35Et vous, vous regardez ça avec vos yeux extérieurs,
32:38en vous disant que c'est vraiment hallucinant
32:40tout ce qu'on lui demandait.
32:41Regardez toute la pression qu'on lui mettait.
32:43Mais la pression, on ne la met pas plus qu'à n'importe qui.
32:47C'est juste qu'il la subissait de façon différente.
32:52Pourtant, ce n'est pas ce que décrit un ancien pilote de la base de Nancy Hochet.
32:58Dans un courrier adressé à la justice,
33:00il témoigne du harcèlement dont aurait été victime Jean-Baptiste.
33:06Ayant travaillé pendant 18 mois environ dans la même unité que le capitaine ***,
33:10j'ai pu constater à de multiples reprises
33:12le traitement qui lui était réservé.
33:14Le capitaine *** a été, de mon point de vue, particulièrement visé.
33:18Il apparaît évident que l'attitude de certaines personnes à son égard
33:21a influencé le groupe de manière générale
33:23et instauré un climat de travail difficilement vivable au quotidien
33:26et surtout hostile à sa réussite dans l'institution.
33:39Malgré les humiliations qu'il subirait,
33:41Jean-Baptiste n'abandonne pas.
33:44On le voit ici piloter un Mirage.
33:48Il parvient même à décrocher sa qualification de pilote opérationnel,
33:52son Graal, synonyme de mission en terrain de guerre.
33:57Février 2017, il est envoyé sur la base d'Enjamina au Tchad
34:01pour participer à l'opération Barkhane.
34:04Pendant plusieurs mois, il vole dans toute la région.
34:08Contrairement à la réputation que lui font certains de ses collègues de Nancy,
34:12Jean-Baptiste se révèle excellent.
34:15En témoigne la notation de son chef de mission.
34:19Pour cette première opération extérieure,
34:21ce jeune pilote de combat opérationnel
34:23a su s'adapter rapidement à l'environnement complexe du théâtre
34:27et s'est vite révélé tant au sol qu'en vol
34:29comme un équipier de très bon niveau, digne de confiance.
34:34Il récolte même une citation du chef d'état-major des armées
34:37et se voit attribuer la médaille d'or de la Défense nationale.
34:42Le lieutenant Jean-Baptiste a fait preuve de belles qualités militaires,
34:46mérite d'être cité en exemple.
34:52Maintenant qu'il a prouvé sa valeur,
34:54Jean-Baptiste rentre confiant à Nancy Hochet.
34:57Mais pour terminer sa formation,
34:59il doit encore passer une ultime qualification.
35:02Le 9 août 2017, il part en vol d'évaluation
35:05avec son chef d'escadron,
35:07celui qu'il accuse de le harceler depuis des mois.
35:10Le vol se passe de manière correcte.
35:13Il y a du bon, du moins bon.
35:15Et au retour, avant le débriefing,
35:17il congédie mon navigateur et son navigateur.
35:24On s'isole dans son bureau, ce qui est très mauvais signe.
35:27Et là, il décide de mettre plein de points en sécurité.
35:31C'est-à-dire que si vous avez beaucoup de points rouges,
35:34vous pouvez être envoyé.
35:36Par conséquent, il va jusqu'à inventer des motifs.
35:39C'est-à-dire que sur le débriefing,
35:41il dit que j'ai failli percuter son appareil.
35:44Je demande des explications sur la scène,
35:47parce que je n'en ai pas le souvenir.
35:49Il m'explique que c'est le chef,
35:51et que je suis trop jeune pour comprendre ce qui s'est passé.
35:57Jean-Baptiste nous a fourni le compte-rendu de vol
36:00signé par son chef,
36:01un document également transmis à la justice.
36:05Selon lui, son supérieur aurait falsifié sa notation
36:08en prétextant que la sécurité était engagée à plusieurs reprises.
36:13Ce qui ne l'intéressait ni formellement.
36:31Pour prouver sa bonne foi,
36:33Jean-Baptiste contacte le contrôleur aérien
36:36qui a supervisé l'exercice.
36:40Dans cet échange d'e-mails très technique,
36:43le contrôleur semble contredire la notation du vol.
36:47Nous avons sollicité un expert aéronautique
36:50pour nous aider à les décrypter.
36:53Bonjour, monsieur Tellemann.
36:56Xavier Tellemann,
36:59Xavier Tellemann a travaillé 6 ans
37:01au sein de l'aviation de chasse de la Marine nationale
37:04et conseille des entreprises du secteur aérien.
37:08Nous lui avons présenté les différents documents
37:11concernant le vol de Jean-Baptiste.
37:16Comment vous comprenez quand vous lisez ce compte-rendu de vol ?
37:20Très clairement, c'est un vol raté, du début à la fin.
37:23Le briefing est raté, la préparation est insuffisante,
37:26le vol est mal exécuté, le respect des zones n'est pas là,
37:29la sécurité du vol est engagée.
37:31Il est rouge dans quasiment chacun des critères.
37:34C'est quasiment le pire vol de sa carrière.
37:37S'il était un jeune pilote en début d'école,
37:40là, il a ce qu'on appelle une burne.
37:42C'est le genre de vol, c'est la fin de sa carrière.
37:45Je vous ai également communiqué les échanges de mails
37:48entre le pilote et le contrôleur aérien.
37:50Qu'est-ce qu'il en ressort ?
37:52Il y a clairement une contradiction
37:54entre l'instructeur qui dit que tu n'as pas respecté les règles,
37:57tu t'es mis en danger, tu es monté, tu as eu un croisement,
38:00et le contrôleur aérien qui dit que c'était lui qui était responsable,
38:04j'étais en charge de votre sécurité et de l'anticollision,
38:07et je vous ai autorisé à faire telle action
38:09parce que j'avais tout vérifié autour de vous,
38:11il n'y avait pas de risque de collision.
38:13Selon Jean-Baptiste, c'est donc grâce à son obstination
38:16et au témoignage du contrôleur aérien qu'il n'a pas été renvoyé.
38:21Mais les mois qui suivent, il affirme rester plus que jamais
38:25la cible de certains de ses chefs.
38:28Au bout de trois ans de pression quotidienne,
38:32de harcèlement quotidien, j'endormais pas, j'étais pas bien,
38:36j'avais les mains qui tremblaient quand je partais à l'avion.
38:39Il y a un moment où on comprend que je pourrais pas le gagner, ce combat.
38:43Je ne montrais plus dans un Mirage 2000.
38:45Je l'ai intégré, je l'ai accepté.
38:48Donc il y a un moment où je...
38:50Pour ma santé, ma santé physique, ma santé mentale,
38:55pour ma vie privée,
38:57il est plus sage de...
39:00de se retirer les ailes tout seul.
39:07Le pilote a dénoncé ce qu'il aurait vécu dans un livre,
39:10une première dans l'histoire de l'armée de l'air.
39:14Il a porté plainte contre X pour harcèlement moral
39:17et a déjà été entendu par les gendarmes qui enquêtent sur son affaire.
39:23Que se passe-t-il sur la base de Nancy Hochet ?
39:26Pourquoi autant de signalements de comportement délictueux ?
39:30Six soldats, victimes présumées de harcèlement moral et sexuel
39:34ou encore de violence physique, ont déposé plainte.
39:37Leur avocat, Maître Bernard, parle d'un cercle vicieux.
39:41C'est quelque chose qui se transmet de génération en génération.
39:45C'est-à-dire que les harcelés,
39:47compte tenu du niveau d'obéissance qu'on exige dans l'armée,
39:51au lieu d'un moment se révolter et de dire
39:54que ce sont des méthodes auxquelles il faut mettre un terme,
39:58finissent par se satisfaire de devenir les harceleurs.
40:01Celui qui a réussi à accepter l'humiliation et le harcèlement,
40:06le bizutage, finit par devenir le pire harceleur
40:10en disant qu'il avait vécu et qu'il allait le faire vivre aux autres.
40:14C'est quelque chose d'atroce.
40:17Je ne comprends pas, en revanche,
40:20que l'institution, qui est forcément au courant,
40:24continue à cautionner ce type de comportement.
40:27L'institution couvre-t-elle des dérapages à Nancy ?
40:31Nous avons sollicité le porte-parole de l'armée de l'air,
40:35Stéphane Speth.
40:37Souvenez-vous, c'est lui qui s'était exprimé
40:40à propos du bizutage sur le champ de tir en Corse.
40:43Ce type d'agissement n'est pas en adéquation avec nos valeurs.
40:47Ce n'est pas l'armée de l'air qui protège au quotidien les Français.
40:51Cette fois-ci, pas question d'une interview filmée.
40:54Nous avons dû nous contenter d'un appel téléphonique.
40:58L'homme connaît très bien Nancy Hochet
41:01pour y avoir exercé plus de 10 ans comme pilote de chasse.
41:06Sur la base de Nancy Hochet,
41:08il y a six plaintes pénales pour harcèlement moral,
41:11des pilotes de chasse, des mécaniciens, des agents de renseignement.
41:15Tous me disent que c'est une sorte de tradition,
41:18que c'est dans les murs.
41:35Moi, j'ai des témoins qui me disent qu'à partir du moment
41:38où ils dénoncent les faits, ça va se savoir sur la base,
41:41au sein des unités où ils travaillent, et ça va leur être reproché.
42:06J'ai pas eu beaucoup de situations équivalentes,
42:09mais le lanceur d'alerte était dans le rôle du félicité
42:12que dans le rôle de l'ostracisé.
42:16D'après le porte-parole, les six dossiers de harcèlement présumés
42:20ont fait l'objet d'enquêtes internes.
42:22Une seule aurait abouti à des sanctions.
42:25Il n'a pas souhaité donner plus de détails.
42:28...
42:32Au sein des armées, il y a un autre sujet
42:35dont la ministre, Florence Parly, a fait son cheval de bataille.
42:39L'intégration des femmes.
42:41C'est un combat.
42:43Et un combat que je mènerai jusqu'au bout,
42:45avec un principe très simple.
42:47Tolérance zéro.
42:49Il n'y a pas de place pour le sexisme dans nos armées.
42:52Bonjour, Léna. Bonjour.
42:54Sergent Myriam, bienvenue sur la base.
42:56Je suis opérateur de défense solaire.
42:58On va passer cette journée ensemble.
43:00L'armée de l'air se targue d'être le corps d'armée le plus féminisé,
43:04avec 23 % de femmes dans ses rangs.
43:06L'armée de l'air et de l'espace m'a aidée à dépasser mes limites.
43:10Je suis plus forte qu'avant.
43:12...
43:15Mais au-delà de la communication,
43:17comment sont vraiment traitées les femmes ?
43:20Quelle est leur place dans cette ambiance pour le moins virile ?
43:24...
43:27Cet officier a accepté de témoigner de son expérience dans l'armée de l'air.
43:34Elle nous a demandé de cacher son visage
43:36et raconte un quotidien teinté de sexisme.
43:41C'est compliqué, parce que c'est quelque chose qui est dans les murs.
43:44Ce sont des blagues graveleuses,
43:46des connotations sexuelles lourdes, récurrentes.
43:51...
43:54Mais c'est en OPEX, en opération extérieure,
43:57lorsqu'une partie de l'escadron part en mission de guerre,
44:00que la pression masculine serait la plus forte.
44:03Au fil des semaines, dans le huis clos du camp militaire,
44:06les références au sexe deviendraient omniprésentes.
44:09Comme sur la messagerie de travail de son unité,
44:12où les pilotes partagent ce genre de vidéos
44:15récupérées sur des sites pornographiques.
44:19Ou encore cette coutume dégradante que l'officier découvre
44:22et qui va finir de la scandaliser.
44:28Parmi les traditions choquantes,
44:30il en existe une qui s'appelle le boobs check.
44:33Il arrive qu'on demande au personnel féminin,
44:36présent à proximité du détachement chasse,
44:39d'aller montrer ses sangs au bout de piste.
44:42À qui ? Les montrer à qui ?
44:44Aux pilotes et aux navigateurs qui sont dans l'avion.
44:47On vous l'a demandé ?
44:49On a demandé à plusieurs personnels féminins,
44:52dont moi, si j'acceptais de faire un boobs check.
44:55Qu'est-ce que vous avez répondu ?
44:58Que je n'en avais pas envie.
45:00Ça porte atteinte, au final, à ma dignité.
45:03Et je comprends que certaines cèdent
45:06parce qu'il y a une pression,
45:08parce que parfois c'est un superhierarchique,
45:11parce qu'on vous dit que c'est sympa, que c'est drôle,
45:14ça s'inscrivait simplement dans un schéma,
45:17dans une routine complètement banale.
45:20C'était, tiens, c'est l'heure du boobs check.
45:25Selon Maître Bernard, l'expérience de la jeune femme
45:28ne serait malheureusement pas exceptionnelle.
45:33On discrimine les femmes quand elles tombent enceintes.
45:36On les dénigre. Je reprends les expressions des clientes.
45:39Je n'étais qu'une paire de nichons.
45:42Alors que ce sont des femmes qui, souvent,
45:45sont ultra-diplômées,
45:47habilité confidentielle défense,
45:49officielle renseignement,
45:51elles restent un bout de viande,
45:53un bout de nichon, une paire de fesses.
45:55Parce que les pilotes, non.
45:57Pour certains. Pour certains.
46:00Aucune autre image de la femme que celle-ci.
46:05Est-ce que l'armée de l'air tolère parfois
46:07que les femmes soient rabaissées au rang d'objets sexuels ?
46:10A nouveau, nous avons posé la question à son porte-parole.
46:14J'ai une témoin qui me raconte une vieille tradition
46:17des escadrons de chasse qui consiste à montrer ses seins
46:20aux pilotes en bout de piste quand ils se posent.
46:23Vous avez dit quoi ? C'est une vieille tradition ?
46:26Vous avez été pilote de chasse.
46:28Vous savez si c'est une tradition ou non
46:30au sein de l'aviation de chasse ?
46:32J'ai passé 15 ans dans un escadron de chasse,
46:35en l'occurrence, et je n'ai jamais vu
46:37une personne militaire me montrer ses parties intimes
46:42comme vous le décrivez.
46:44Donc ce n'est pas, en l'occurrence...
46:46Moi, c'est pas une tradition que j'auto-qualifie comme...
46:50C'est pas un fait que je qualifie
46:52comme une tradition dans la chasse. C'est faux.
46:55On a, au XXIe siècle, le respect de la femme.
46:58C'est cardinal dans nos valeurs.
47:01Une nouvelle fois, cette version officielle
47:03est contredite par l'ancien militaire
47:05de la base de Nancy-Hochet.
47:08Vous saviez que parfois, on demandait
47:10à certaines féminines d'aller montrer leur sang
47:12au bout de piste aux pilotes ?
47:14J'ai entendu parler de ça.
47:16Ça, vous questionnez pas.
47:18J'avais de l'avis.
47:20Ça arrivait qu'à Nancy ou vous l'avez entendu sur d'autres bases ?
47:24C'est un peu partout.
47:26C'est un peu partout.
47:28On a demandé à l'opération Slavior.
47:30Pourquoi les pilotes permettent ça ?
47:32Il y a une forme d'impunité pour eux ?
47:35D'impunité, je sais pas, mais je pense
47:37que dès le départ, dès la récolte,
47:39on le raconte, c'est renouvelable.
47:41Ils y croient.
47:42C'est bon, pour un atout,
47:44on part et on trouve qu'est-ce qui se passe.
47:53Notre enquête se termine par un récit poignant.
47:56Celui de Louise.
48:01Victime présumée d'un viol,
48:03elle dénonce une prise en charge par l'armée
48:05qui aurait été désastreuse.
48:09La jeune femme s'est engagée comme mécanicienne armement à 18 ans.
48:13Après quatre années de service,
48:15elle choisit de venir à Nancy-Hochet
48:17pour participer à sa première mission de guerre.
48:28L'OPEC, c'était l'aboutissement.
48:30C'était un rêve, à la base.
48:32J'avais gravi les échelons
48:35et j'y avais enfin droit.
48:37C'est vraiment quelque chose qui me tenait à cœur
48:40et que j'attendais impatiemment et plus que tout.
48:44Décembre 2020, sur la base de Niamey, au Niger.
48:49La jeune femme est concentrée sur sa mission.
48:51Sport dès 6h du matin, travail appliqué,
48:54pas de fête ni de sortie tardive.
48:58Seul écart, le repas du réveillon de Noël,
49:01organisé sur la base.
49:04Tout le monde était festif,
49:06c'était une ambiance de bon enfant.
49:09Tout le monde était là pour oublier
49:11le fait d'être loin de sa famille.
49:13Il y a eu de la musique, la danse.
49:17Et puis la soirée se finit à minuit, comme prévu.
49:20Je suis un groupe sans me poser de questions.
49:25On m'a dit, allez, suis-nous,
49:27on boit un dernier verre
49:29et on te raccompagnera.
49:38On était peut-être 5, 7 personnes autour d'une table.
49:44Je me souviens après quelqu'un qui jouait de la guitare.
49:50Et à partir de là, mes souvenirs sont très flous
49:55et je ne me souviens que de Flash.
49:59Les Flash dont je me souviens,
50:02c'est ce caporal-chef,
50:07nu devant moi.
50:09J'étais incapable de me défendre,
50:13de crier.
50:15J'étais comme inerte, en coma.
50:21Je vois un deuxième Flash
50:24où je suis allongée sur ce canapé.
50:27Et ce même caporal-chef qui me tenait les jambes écartées.
50:33Et pour le troisième et dernier Flash dont je me souviens,
50:41c'est un réveil de douleur.
50:44C'est la douleur d'une pénétration anal
50:50qui m'a fait subir, qui m'a réveillée.
50:53Qui m'a fait prendre conscience.
50:56Et à ce moment-là,
50:59complètement inerte, incapable de faire quoi que ce soit.
51:15J'étais incapable de me défendre,
51:18de crier à l'aide ou de faire quelque chose.
51:23Pourtant, je suis quelqu'un de sportive
51:27et je pensais que dans un tel événement,
51:31j'aurais pu faire quelque chose, me défendre,
51:34mais impossible.
51:38Le lendemain, elle se réveille dans sa tente,
51:41sans savoir comment aller rentrer.
51:45À ce moment-là, je vois que je suis en retard.
51:48Je ne me pose pas de questions, aucune.
51:50Je me lève, je me prépare, j'y vais.
51:56Et c'est le soir, au moment d'aller à la douche,
52:00que je vois toutes les marques sur mon corps.
52:05Des hématomes au niveau des poignets, des genoux,
52:10comme si on m'avait poussée, fait tomber.
52:14Un hématome d'une marque d'une main dans ma nuque.
52:17Des criffures sur la poitrine et surtout des saignements.
52:24Des saignements intimes, anormaux.
52:27Et une douleur à tous les niveaux.
52:30À ce moment-là, j'ai une colère
52:35qui m'envahit et qui me dit
52:40que ce qui s'est passé n'est pas normal.
52:43Et je ne peux pas laisser passer ça.
52:46Il faut que tu en parles.
52:48Dès le lendemain, elle dépose plainte
52:51contre son violeur présumé à la gendarmerie du camp
52:54et se rend à l'infirmerie.
52:56J'ai été prise en charge.
52:58On m'a fait des examens gynécologiques, sanguins.
53:04Le service médical me prend en photo.
53:07Il prend en photo tous mes hématomes.
53:10En état de choc,
53:11Louise demande un rapatriement d'urgence en France.
53:14Mais à partir de ce moment-là, selon elle,
53:17sa prise en charge a été déplorable.
53:20Le médecin ne m'écoute pas.
53:22Personne ne veut me faire rapatrier.
53:24Le médecin me propose même, après ce qui s'est passé,
53:27de retourner au travail.
53:30Peut-être me dit-on que ça va me changer les idées,
53:33que fallait peut-être que je relativise.
53:37Personne n'a eu, à ce moment-là,
53:39les bons gestes ni les bonnes paroles.
53:45Les gens ne réalisaient pas que j'avais été violée
53:49et que j'étais en état de choc.
53:52La seule chose qu'ont su faire le service médical
53:54pour gérer la situation,
53:56ça a été de me faire avaler de force
54:00des médicaments très forts.
54:04Quels médicaments ?
54:06Valium et Tertien.
54:10À forte dose.
54:12J'étais complètement shootée.
54:14Ma mère au téléphone attrapait peur
54:17de m'entendre complètement à l'ouest.
54:20J'étais incapable de parler.
54:22Je n'arrivais même pas à articuler.
54:24Louise aurait été placée sous camisole chimique
54:27pendant 7 jours avant d'être finalement rapatriée en France.
54:31Ce type de prise en charge est-il fréquent ?
54:33Nous posons la question au porte-parole du ministère des Armées.
54:37Nous lui montrons le témoignage de Louise.
54:43Les gens ne réalisaient pas que j'avais été violée
54:47et que j'étais en état de choc.
54:51Qu'est-ce que ça vous évoque ?
54:55Évidemment, si ces faits sont avérés,
54:58un chamboulement et une absolue nécessité
55:01de prendre en compte la situation de cette personne.
55:05Et si les faits sont avérés,
55:08d'expliquer pourquoi il n'y a pas eu une prise en charge
55:11plus précautionneuse, plus humaine
55:14et plus enveloppante pour cette personne.
55:17Mais quand on a créé Temis, c'était en 2014,
55:20il y a 8 ans, bien avant MeToo.
55:23On a toujours eu un œil particulier
55:26sur ces questions de harcèlement, de violence sexuelle.
55:29Quand je l'ai rencontrée en interview,
55:31ce que cette jeune femme dit, c'est que
55:33durant les premiers jours, les premières heures,
55:35on ne l'a pas écoutée, on n'a pas su s'occuper d'elle.
55:37Les médecins de l'armée sont-ils formés
55:39à l'accueil d'une victime de viol ?
55:41Je ne suis pas capable de vous le dire.
55:43Je ne suis pas capable de vous le dire.
55:45Je pense que c'est le cas,
55:47mais je n'ai pas d'élément particulier.
55:49Il faut poser la question au service de santé des armées.
55:52C'est ce que nous avons fait.
55:54Peuvent-ils nous confirmer les déclarations de Louise ?
55:58Qu'en est-il de la formation des médecins militaires ?
56:03Après plusieurs relances,
56:05ils finiront par nous répondre par mail
56:07que leurs médecins sont bien formés
56:09à la prise en charge des victimes de viol,
56:11mais qu'ils refusent de commenter les cas particuliers.
56:17Louise, elle, a récemment reçu les conclusions
56:20de la cellule Temis,
56:22chargée des enquêtes internes de l'armée
56:24sur les cas de violence sexuelle.
56:26Les investigations conduites,
56:28les auditions et entretiens menés
56:30n'ont pas permis de caractériser ces faits.
56:33En effet, tous les témoignages ne concordent pas.
56:36Par ailleurs,
56:38si le mis en cause reconnaît bien la relation sexuelle,
56:40il dément l'absence de consentement de votre part.
56:43Il est donc impossible à ce stade
56:45de valider l'une ou l'autre des versions de cet événement.
56:50Le violeur présumé serait toujours en poste au sein de l'armée.
56:53Nous ne sommes pas parvenus à le contacter.
56:56De son côté,
56:58Louise est en arrêt maladie longue durée.
57:00Dépressive,
57:02elle souffre d'agoraphobie
57:04et a été placée sous anxiolytique.
57:08L'armée, ça a toujours été un rêve.
57:11Et pour moi, c'était une réelle fierté, mon métier.
57:14Cet événement m'a fait développer une haine,
57:17une haine du monde militaire.
57:20Pour moi,
57:21l'armée a étouffé l'affaire.
57:25Cette personne, elle, est toujours au travail
57:28et n'a eu aucun compte à rendre.
57:31Je ne sais pas
57:33comment appréhender l'avenir
57:36et comment me reconstruire
57:38sans jugement et sans reconnaissance
57:41de ce qui s'est passé ce soir-là.
57:45L'enquête judiciaire est toujours en cours.
57:48Mais pour qu'un procès puisse un jour avoir lieu,
57:51les témoignages des soldats présents
57:53durant cette soirée seront essentiels.
57:55Auront-ils le courage de parler ?
58:00Pour ceux qui ont vu et qui ont su,
58:02souvent, il y a une peur de dénoncer les faits.
58:05Une peur parce qu'on est un témoin
58:07et qu'on a peur pour sa carrière,
58:09peur pour sa notation,
58:11peur pour son renouvellement de contrat.
58:13Il y a beaucoup de militaires qui voient,
58:15qui ont vu, qui savent,
58:17mais qui ont peur de dénoncer.
58:19Alors même que le Code de la Défense
58:21peut se protéger lorsqu'il dénonce des faits.
58:23Mais ce que j'ai constaté,
58:25dans plusieurs de mes dossiers,
58:27c'est la difficulté d'obtenir des témoignages écrits,
58:29des attestations,
58:31même par ceux qui ont vu et qui ont su,
58:33parce qu'ils ont peur pour leur propre carrière.
58:35Face à la gravité des témoignages
58:37que nous avons recueillis,
58:39nous avons demandé un tournage
58:41au sein de la cellule Temis.
58:43Nous avons souhaité filmer
58:45sur la base de Nancy Hochet.
58:47Enfin, nous avons sollicité
58:49une interview de nombreux responsables
58:51de l'armée de l'air
58:53et du chef d'état-major des armées.
58:55Aucune de ces demandes
58:57ne nous a été accordée.

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