Rembob'INA propose un numéro exceptionnel consacré à la langue des signes, avec la diffusion d'un bouleversant documentaire signé Simone Vannier, formidable plaidoyer pour la réhabilitation du langage gestuel en France, à une époque où il était encore proscrit et méprisé.
La comédienne et metteure en scène, née sourde, Emmanuelle Laborit, véritable militante des signes, revient sur son histoire et sur le combat qu'il reste à mener. L'occasion de découvrir sa première apparition à la télévision, à l'âge de 8 ans, pour signer un poème intitulé « Emmanuelle » et de revivre un moment historique pour la culture sourde, lorsqu'elle reçoit, le 5 avril 1993, le Molière de la Révélation Théâtrale pour son rôle dans « Les enfants du silence », devant une salle conquise et émue.
Patrick Cohen, en compagnie de Richard Poirot de l'INA, reçoit :
- Emmanuelle LABORIT, actrice, auteure et metteure en scène
- Florine ARCHAMBEAUD, interprète
C'est une plongée dans l'histoire de notre pays au travers des trésors cachés de la télévision. Fictions, documentaires, magazines d'actualité, émission de divertissements, débats politiques...
Le dimanche, Patrick Cohen nous invite à jeter un coup d´oeil dans le rétroviseur de notre petite lucarne. En présence d´acteurs ou de témoins de l'époque, de spécialistes des archives de l´INA, Patrick Cohen revient sur les grandes heures de la télévision. Emblématiques ou polémiques, ces programmes ont marqué les esprits et l'histoire du petit écran.
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La comédienne et metteure en scène, née sourde, Emmanuelle Laborit, véritable militante des signes, revient sur son histoire et sur le combat qu'il reste à mener. L'occasion de découvrir sa première apparition à la télévision, à l'âge de 8 ans, pour signer un poème intitulé « Emmanuelle » et de revivre un moment historique pour la culture sourde, lorsqu'elle reçoit, le 5 avril 1993, le Molière de la Révélation Théâtrale pour son rôle dans « Les enfants du silence », devant une salle conquise et émue.
Patrick Cohen, en compagnie de Richard Poirot de l'INA, reçoit :
- Emmanuelle LABORIT, actrice, auteure et metteure en scène
- Florine ARCHAMBEAUD, interprète
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:22Bonjour à tous, bienvenue à Rambobina
00:00:24pour une émission consacrée à la langue des signes
00:00:27et à un film passionnant,
00:00:28du silence, réalisé en 77 par Simone Vannier,
00:00:32bouleversant plaidoyer pour la réhabilitation
00:00:34de la langue des signes en France,
00:00:36à une époque où elle était encore méprisée et proscrite.
00:00:39La langue des signes a par la suite changé la vie
00:00:42de nombreuses familles, dont celle de notre invitée.
00:00:45Bonjour, Emmanuelle Laborit.
00:00:47Bonjour.
00:00:48Bonjour à vous, petite fille du chercheur Henri Laborit,
00:00:51fille du psychiatre et psychanalyste Jacques Laborit.
00:00:54Vous êtes née sourde
00:00:55et vous êtes devenue une artiste accomplie,
00:00:58actrice récompensée par un Molière,
00:01:00c'est une séquence émouvante qu'on verra plus tard dans l'émission,
00:01:04auteur, metteur en scène et aussi directrice de théâtre.
00:01:08A mes côtés, Florine Archambault.
00:01:10Bonjour. Vous êtes interprète.
00:01:12Vous allez, à la fois, ce que vous avez commencé à faire,
00:01:15signer pour Emmanuelle et nous traduire ses propos.
00:01:18Emmanuelle Laborit, est-ce qu'on peut dire
00:01:21que vous avez fait de cet apprentissage
00:01:23de la langue des signes votre combat ?
00:01:26Alors, écoutez, oui, je suis passionnée par cette langue.
00:01:29Effectivement, elle représente pour moi un trésor.
00:01:32C'est très beau, c'est très riche, c'est très complexe.
00:01:35C'est une matière incroyable, la langue des signes.
00:01:38C'est une matière linguistique, artistique, pédagogique.
00:01:41C'est un droit à la langue pour tous et des tous.
00:01:44Elle n'est pas réservée seulement aux personnes sourdes,
00:01:47même si, bien sûr, elle est un besoin vital pour les personnes sourdes,
00:01:50mais elle est aussi utile pour les personnes sourdes
00:01:53mais elle est aussi utile pour les personnes entendantes
00:01:56pour ouvrir sur un autre système de pensée,
00:01:59une autre expression, une autre langue qu'une langue uniquement vocale.
00:02:03C'est aussi un autre monde.
00:02:04C'est cette seule langue qui utilise les expressions du visage,
00:02:08qui utilise le corps, les emplacements.
00:02:10Elle est sublime, en effet.
00:02:12Avant de devenir la militante qu'on connaît
00:02:14depuis votre prime jeunesse pour revendiquer vos droits
00:02:17à l'usage de cette langue, il y a d'abord eu sa découverte,
00:02:21à l'âge de 7 ans,
00:02:22dans votre autobiographie,
00:02:24Le cri de la mouette,
00:02:26vous racontez le choc que vous avez ressenti.
00:02:29Je vous cite,
00:02:46En fait, toute ma famille est entendante.
00:02:49Donc tout le monde entend.
00:02:50Ils ont été, malheureusement, conseillés,
00:02:53on leur a conseillé d'éviter la langue des signes
00:02:55car elle diminuait les capacités mentales et intellectuelles.
00:02:59C'était ce qu'on disait aux parents, et c'était un choc, évidemment.
00:03:02On voulait que son enfant soit bien intégré dans la société,
00:03:06au maximum, etc.
00:03:07On a commencé comme ça.
00:03:08C'est ce que mon père a appris,
00:03:10qu'il y avait la langue des signes qui existait,
00:03:13notamment à IVT, l'International Visual Theatre,
00:03:16et c'est à la radio, à France Culture,
00:03:18qu'il a entendu parler Alfredo Corrado,
00:03:20qui est lui-même une personne sourde,
00:03:22mais qui était traduit à l'époque par Bill Moody,
00:03:25comme là, je suis en train d'être traduite par Florine,
00:03:28en discutant avec vous, Patrick.
00:03:30C'est mon père qui a entendu Alfredo,
00:03:32mais lui est médecin,
00:03:33et il s'est dit qu'on lui avait caché des choses, quelque part.
00:03:37Donc il a eu envie d'aller voir à IVT,
00:03:39de voir de ses yeux.
00:03:40Quand je suis arrivée sur place,
00:03:42pour moi, c'était une nouvelle naissance
00:03:45car c'était une langue que je n'avais jamais vue,
00:03:47non plus d'adultes sourds, en fait.
00:03:49Et donc, effectivement,
00:03:51j'étais dans cette bulle un peu familiale,
00:03:53entre mon père, ma mère,
00:03:54c'était une langue un peu unique, familiale,
00:03:57qu'on comprenait qu'entre nous,
00:03:59et là, c'était une ouverture aux autres,
00:04:01aux différentes personnes, et ça a tout à fait changé ma vie.
00:04:04C'est une histoire vraiment incroyable
00:04:07parce que cette langue des signes,
00:04:09elle a été inventée au XVIIIe siècle,
00:04:11il y a très longtemps, par l'abbé de l'épée,
00:04:13elle a été utilisée au XVIIIe, au XIXe,
00:04:16proscrite lors d'un congrès international à Milan,
00:04:19en 1880, par des professeurs oralistes,
00:04:21c'est-à-dire qu'ils préconisaient
00:04:23d'apprendre à parler et lire sur les lèvres,
00:04:26et il a fallu attendre plus d'un siècle
00:04:28pour que le droit à une éducation bilingue,
00:04:31français, langue des signes, soit enfin reconnu,
00:04:34avec l'adoption de la loi Fabius,
00:04:37en janvier 1991.
00:04:39On peut vraiment parler d'obscurantisme
00:04:41et d'une longue période d'obscurantisme,
00:04:44Emmanuel Laborie.
00:04:46Oui, absolument.
00:04:48En fait, vraiment, ça a été une oppression,
00:04:50vous le disiez, pendant 100 ans,
00:04:52et vraiment, cette langue des signes,
00:04:54elle était quand même utilisée,
00:04:56mais de façon honteuse.
00:04:57Elle était utilisée entre deux portes
00:04:59parce que même les sourds eux-mêmes
00:05:01avaient peur du regard des autres.
00:05:03Et quand j'écoutais, même à l'époque,
00:05:06les adultes sourds raconter leur vie,
00:05:08ils avaient ce regard sur la langue des signes
00:05:10qui était un regard de singer, de moquerie,
00:05:13sur la langue qui utilisait ce corps-là
00:05:15et l'oral qu'il faisait.
00:05:16Et donc, il y a eu aussi presque des choses horribles.
00:05:19C'était de la maltraitance,
00:05:21on attachait les mains derrière le dos,
00:05:23les règles en fer sur les doigts,
00:05:25c'était vraiment un monde terrible.
00:05:27Et effectivement, ça a tout changé,
00:05:29d'avoir ce moment où on a reconnu ça,
00:05:31et c'est aussi ce moment où Yvette a été construite,
00:05:34et ça s'appelle le réveil sourd.
00:05:36C'était cette époque, après la loi Fabius,
00:05:38et pendant la loi Fabius, où on a repris
00:05:40cette appartenance de notre langue,
00:05:42notamment par le théâtre, par l'art,
00:05:44et effectivement, ça a permis de redonner cette lumière,
00:05:47et les entendants ont découvert cette langue des signes à l'époque,
00:05:51dont ils n'avaient pas connaissance.
00:05:53Ils pensaient que c'était quelque chose de basique.
00:05:55C'est pour ça que les entendants ont eu envie
00:05:58d'apprendre la langue des signes.
00:05:59C'est pour ça qu'Yvette a créé un centre de formation
00:06:02en parallèle des cours de théâtre,
00:06:04pour avoir une transmission de cette langue
00:06:07auprès des entendants proches et qui souhaitaient l'apprendre.
00:06:10La première utilisation, c'était aussi
00:06:12un outil pédagogique de transmission.
00:06:14On a inventé des supports pédagogiques.
00:06:16Tout ça, ça a été aussi le pionnier.
00:06:18Je suis arrivée au bon moment,
00:06:20parce que c'était déjà tout en train de se passer.
00:06:22On va reparler de votre mobilisation,
00:06:25du rôle de l'art, de l'IVT,
00:06:27mais on va d'abord regarder ensemble
00:06:29ce documentaire,
00:06:31Les mains du silence, réalisé pour l'émission Bande à part,
00:06:34un magazine de société qui s'intéressait
00:06:36aux gens qui vivaient autrement, à la marge,
00:06:38choisis ou subis, signé de la documentariste Simone Vanier,
00:06:42un programme diffusé en deux parties sur Antenne 2,
00:06:44les 23 et 24 juin 1977.
00:07:13Il faut que les entendants pensent
00:07:16que quelque soit notre handicap,
00:07:19que vous soyez sourds,
00:07:21que vous soyez aveugles,
00:07:23ou d'une autre manière,
00:07:25jamais, nous ne serons comme les entendants, jamais.
00:07:29Alors, les entendants doivent prendre
00:07:35une attitude compréhensible
00:07:38et chercher à s'adapter
00:07:41pour communiquer avec eux.
00:07:43Et veuillez le faire, surtout,
00:07:45parce que le handicap, l'insurdité,
00:07:49c'est le plus difficile à surmonter,
00:07:55le plus difficile à s'adapter.
00:08:07Ce terrible handicap de la surdité,
00:08:09est-ce qu'une bonne rééducation ne pouvait en venir à bout ?
00:08:12Je décidais d'aller voir travailler Mme Borrel,
00:08:15orthophoniste dont la méthode est célèbre dans le monde entier.
00:08:22Oui, allez, arrange-toi un peu.
00:08:35Oui, bien.
00:08:38Ça va bien.
00:08:39Voyons. Tu ne bouges plus.
00:08:41Tu ne bouges plus.
00:08:45Non.
00:08:49Ne bouge plus. C'est fini.
00:08:54Ça va.
00:08:56En regardant Mme Borrel et ses enfants,
00:08:59je compris qu'elle leur construisait un langage.
00:09:03Elle apprend aux sourds, dès leur plus jeune âge,
00:09:06non pas des mots qui, pour eux, seraient vides de sens,
00:09:09mais des concepts.
00:09:11Elle invente des sketchs très simples
00:09:14qui permettent à l'enfant de lier chaque élément de vocabulaire
00:09:18à une situation vécue et de mieux le mémoriser.
00:09:22Ce jour-là, Mme Borrel mimait à sa jeune classe
00:09:26la signification exacte de photo,
00:09:30ça va, stop.
00:09:33Les mères des enfants assistaient au cours
00:09:36pour continuer ce travail à la maison.
00:09:44Après l'idée exprimée par le mot,
00:09:47son schéma vibratoire dessiné au tableau
00:09:50indique aux enfants les variations sonores
00:09:54et leur inculque la bonne prononciation.
00:10:00Ça va.
00:10:02Montre. Ça va.
00:10:06Très bien.
00:10:08Stop.
00:10:09Lève-toi. Allez-y.
00:10:13Stop.
00:10:14Maintenant, plus vite.
00:10:17Ça va.
00:10:21Stop.
00:10:24Stop.
00:10:28Photo.
00:10:30Très bien, William. Très, très bien.
00:10:32J'avais entendu parler des enfants sourds et des écoles,
00:10:35mais je ne pensais pas que ça puisse m'arriver à moi.
00:10:38Ça concernait les autres, mais pas moi.
00:10:41La première réaction, évidemment, c'est l'effondrement.
00:10:46L'impression que tout est perdu,
00:10:49qu'on est complètement perdus nous-mêmes.
00:10:52Et accepter, on n'accepte jamais.
00:10:55Je pense qu'il faut l'admettre.
00:10:57L'admettre, ce n'est pas du jour au lendemain.
00:11:00On peut l'admettre.
00:11:02Je dirais que ça a demandé des mois
00:11:04avant que je puisse admettre que ma fille était sourde.
00:11:06Vous avez constamment espéré ?
00:11:08Espéré, oui, parce que les docteurs vous laissent...
00:11:12Les éducateurs vous donnent quand même de l'espoir.
00:11:15Mais entre l'espoir
00:11:18et vraiment ce qu'on croit vraiment,
00:11:22c'est encore autre chose.
00:11:24C'est assez difficile
00:11:27de croire qu'un jour elle parlera comme tout le monde.
00:11:30Madame Stribault, une minute. Vos sketchs.
00:11:33Oui, je suis là.
00:11:35Bon, voilà pour Valérie.
00:11:38Son sketch, elle lui fait répéter.
00:11:40Qu'est-ce que vous pensez de Valérie ? Elle a fait de gros progrès.
00:11:44Oui, elle travaille bien. Et puis, c'est régulier. Ça se passe bien.
00:11:47Au revoir, madame.
00:11:49Valérie, dis-moi au revoir.
00:11:51Au revoir.
00:11:52À demain.
00:11:54Je crée de toutes pièces,
00:11:56chez l'enfant, si profonde que soit sa surdité,
00:12:00une espèce de connaissance et de représentation du son
00:12:03qui me paraît indispensable à la vie.
00:12:06Par conséquent, je me sers d'appareils très puissants,
00:12:09ou je me sers de vibrateurs,
00:12:11ou je me sers même de procédés de représentation symbolique,
00:12:15jusqu'à ce que les enfants aient de ce monde sonore
00:12:19une représentation aussi proche que possible de la nôtre.
00:12:23Je dis quelquefois que je fais des petits phonéticiens.
00:12:27C'est incontestable.
00:12:29Lorsqu'il s'agit d'un sourd partiel
00:12:32et qu'il peut aller en classe
00:12:34avec le secours d'un orthophoniste,
00:12:36d'un éducateur et d'une bonne prothèse,
00:12:41il y a quand même quelques années à passer
00:12:42avant que ce sujet devienne légal d'un entendant.
00:12:45Mais s'il s'agit d'une surdité profonde
00:12:47pour laquelle tout est accréé,
00:12:49à commencer par le langage et la pensée elles-mêmes,
00:12:52eh bien, c'est une affaire d'une dizaine d'années
00:12:54pour obtenir, dans les meilleurs cas,
00:12:57que le sourd soit légal d'un entendant.
00:13:01Dix ans de rééducation.
00:13:03J'étais effrayée de la discipline familiale que cela supposait.
00:13:07Et si elle ne pouvait être envisagée, que se passait-il ?
00:13:11L'Institut Saint-Jacques,
00:13:12spécialisé dans la rééducation des jeunes sourds
00:13:15depuis le XVIIe siècle,
00:13:17apportait-il une solution ?
00:13:19L'abbé de l'épée,
00:13:21institution des sourds et muets par la voie des signes méthodiques,
00:13:26et l'abbé Sicard,
00:13:29cours d'instruction d'un sourd muet de naissance,
00:13:35avec de très belles planches bien conservées.
00:13:39Je ne vois pas trace de méthode orthophonique dans ces ouvrages.
00:13:42Pourquoi ?
00:13:44Il remonte jusqu'en 1880.
00:13:47À cette date,
00:13:49la publication sur les signes semble tarie,
00:13:53puisque le Congrès de Milan, en 1880,
00:13:57a décidé l'enseignement de la parole à tous les sourds muets.
00:14:01C'est l'oralisme, la méthode orale pure.
00:14:06Donc plus de gestes.
00:14:06Donc plus de gestes.
00:14:08Et depuis 1880, c'est ce décret qui est toujours en vigueur.
00:14:12Toujours.
00:14:13On va refaire aujourd'hui des phrases sur la bougie,
00:14:18comme vous avez fait hier avec Mme Peyre.
00:14:22D'accord ?
00:14:24Patricia, tu la regardes,
00:14:26et tu fais une phrase dessus.
00:14:30Ce n'est pas grave.
00:14:31Et tu la donnes à Christophe.
00:14:33Après, on tourne comme ça.
00:14:34D'accord ? Vas-y, fais une phrase.
00:14:36Tu penses.
00:14:38C'est une bonne idée.
00:14:41J'ai allumé...
00:14:45Allumé...
00:14:47Allumé...
00:14:50Pas là.
00:14:51C'est un bon mot.
00:14:54Quoi ?
00:14:55A-L...
00:14:59C'est un bon mot.
00:15:00Allumé.
00:15:01C'est impossible.
00:15:03Ce n'est pas très bien. Donne à Christophe.
00:15:06La flamme est née...
00:15:10La flamme est née...
00:15:12C'est beau.
00:15:13Donne à Sylvie.
00:15:18La poussée...
00:15:21Pousse...
00:15:23Pousse.
00:15:24Le feu souffle.
00:15:26Ah.
00:15:27La flamme...
00:15:29La flamme...
00:15:30La flamme...
00:15:31La flamme...
00:15:32La flamme...
00:15:33La flamme...
00:15:34La flamme...
00:15:34La flamme...
00:15:36Est poussée...
00:15:38Par le vent...
00:15:41Qui souffle.
00:15:42Voilà. C'est une phrase.
00:15:44C'est joli.
00:15:49La flamme...
00:15:51A très...
00:15:52Par ailleurs...
00:15:54La flamme...
00:15:55Faudrait...
00:15:56Viager...
00:15:57Avec...
00:15:58Autre...
00:15:59La flamme.
00:16:01C'est joli.
00:16:02Alors...
00:16:03La flamme...
00:16:04La flamme est triste...
00:16:07Parce qu'elle...
00:16:09Voudrait...
00:16:10Se fiancer...
00:16:13Fi...
00:16:13Fiancer...
00:16:16Avec une autre flamme.
00:16:20C'est joli. C'est bien.
00:16:22Donne.
00:16:27Je suis content...
00:16:29Parce que la flamme...
00:16:32La flamme...
00:16:33Va vivre.
00:16:35Tu es content...
00:16:37Parce que...
00:16:39La flamme veut vivre.
00:16:41C'est bien.
00:16:42Recommence ta phrase.
00:16:44Je suis content...
00:16:46Parce que la flamme...
00:16:49Va vivre.
00:16:51C'est bien.
00:16:51Du 9 au 12 août,
00:16:55Congrès mondial sur la surdité
00:16:58à Copenhague, au Danemark.
00:17:01Au revoir.
00:17:02À samedi prochain, même heure.
00:17:08Ça allait ?
00:17:10Oui, très bien.
00:17:11Merci.
00:17:16Je t'ai vu présenter le journal pour les sourds et les malentendants.
00:17:20Comment as-tu appris ?
00:17:22Avec mes parents, qui sont devenus sourds très tôt.
00:17:26On a leur plus bas âge.
00:17:27Donc, dès ta plus tendre enfance, tu as eu ce mode de communication ?
00:17:31Oui, j'ai toujours parlé par geste avec mes parents,
00:17:35depuis le plus jeune âge.
00:17:37J'ai grandi avec le langage gestuel.
00:17:39Les enfants sourds qui sont nés de parents sourds
00:17:43et ceux qui sont nés de parents entendants, c'est pareil ?
00:17:46Non, c'est pas pareil.
00:17:47Les enfants nés de parents sourds, à mon avis,
00:17:50sont beaucoup plus mûrs très tôt par rapport aux autres enfants.
00:17:55Parce qu'ils ont la chance d'avoir des parents sourds,
00:17:59ils peuvent les voir communiquer
00:18:01et donc ont la chance d'avoir le vocabulaire
00:18:04beaucoup plus tôt que les autres.
00:18:06Alors qu'à l'inverse, les enfants de parents entendants
00:18:09ont d'énormes problèmes de vocabulaire et de maturité aussi.
00:18:14Ils sont beaucoup moins mûrs que les autres enfants
00:18:16et beaucoup moins épanouis aussi.
00:18:19Pour en revenir à toi, quand tu étais petite,
00:18:22je suppose que ça ne devait pas toujours être facile
00:18:23de communiquer avec tes parents.
00:18:25Je n'ai eu aucun problème.
00:18:27Ça s'est toujours très bien passé.
00:18:29Je n'ai fait aucun complexe d'avoir des parents sourds, au contraire.
00:18:33Ça m'a même beaucoup servi, je dois dire,
00:18:35parce que quand j'étais petite,
00:18:38que mes parents avaient quelques problèmes que ce soit,
00:18:41je leur servais d'interprète.
00:18:43Et ça m'a beaucoup mûrie.
00:18:46Et vraiment, je suis très contente de vivre dans ce milieu-là.
00:18:51Martine voit les gestes, mais elle ne comprend pas.
00:18:55Alors, on va lui montrer quelques gestes, d'accord ?
00:18:59Sur, par exemple, sentir.
00:19:01Alors, Patricia, toi, tu commences la première.
00:19:04Montre un geste sur sentir.
00:19:10Ça, je ne comprends pas.
00:19:11C'est l'odeur.
00:19:13L'odeur de la nourriture, de la souffle, par exemple.
00:19:16Et toi, Serge ?
00:19:18Ça, c'est...
00:19:20Ça, alors là, je ne vois pas du tout.
00:19:21Une fleur.
00:19:23Les pétales qui s'épanouissent.
00:19:26Ça, c'est du parfum.
00:19:27Ça, c'est le parfum, oui. C'est bien.
00:19:30Vous pouvez me dire comment on fait un cheval.
00:19:35Cheval. Les oreilles du cheval.
00:19:38Et un requin.
00:19:41Un requin.
00:19:43Comment vous dites triste.
00:19:47Triste.
00:19:49Et la nuit.
00:19:51La nuit.
00:19:54Comment tu dis j'aime.
00:19:57J'aime.
00:20:46J'aime.
00:20:48J'aime.
00:20:50J'aime.
00:20:52J'aime.
00:20:54Joël me fit connaître deux demi-sous,
00:20:57Jean-Jacques et Christian,
00:20:59qui, comme elle, avaient été éducateurs à Saint-Jacques.
00:21:02Joël, puisque Serge a voulu rester avec nous,
00:21:04tu veux bien lui traduire par geste ce qu'on va se dire
00:21:06et puis lui demander de rester sage ?
00:21:08D'accord.
00:21:16Il y avait vraiment des choses qui étaient, à nos yeux, aberrantes.
00:21:20Mais il y avait des problèmes
00:21:22parce que les décisions du congrès de Milan étaient toujours en vigueur.
00:21:27Alors, à la suite d'une démarche
00:21:29que nous avons faite avec des professeurs,
00:21:32nous avons obtenu, il y a six mois,
00:21:35la sortie d'un arrêté qui autorise de nouveau les sourds
00:21:39à devenir enseignants.
00:21:43Pour nous, il ne s'agit pas
00:21:46d'en faire des entendants.
00:21:48Pour nous, la véritable intégration,
00:21:50c'est la reconnaissance de l'identité du sourd
00:21:53en tant que sourd,
00:21:55c'est-à-dire ayant une propre culture
00:21:58et, à travers cela,
00:22:00ayant une propre langue, la langue des signes.
00:22:03C'est là un problème, pour nous,
00:22:06qui est extrêmement important.
00:22:09Je retrouvais Frère Joannic, mon premier interlocuteur.
00:22:13Éducateur dans une institution de jeunes sourds
00:22:16pendant plus de 20 ans,
00:22:18toute sa vie, il a tenté de s'intégrer.
00:22:21À présent, il s'emploie à faire connaître la langue des signes.
00:22:25Il l'apprend au professeur, sociologue, linguiste,
00:22:29que cela intéresse.
00:22:31L'EJS permet de différencier
00:22:34la langue des signes
00:22:36et permet de différencier
00:22:38ce qu'on veut dire.
00:22:40Par exemple,
00:22:42on dit « voir », « voir », « voir ».
00:22:46Si on réveillait,
00:22:48on réveillait.
00:22:54Après le « voir »,
00:23:00on regardait.
00:23:07Visiter.
00:23:22Matins et soirs,
00:23:24le faible jardinier
00:23:28faisait un pas dans le jardin
00:23:31et deux collègues
00:23:36avaient remarqué
00:23:39son manœuvre.
00:23:43Ils avaient vu l'idée
00:23:47de lui trouver un toit comique
00:23:54qu'il avait pris
00:23:57dans le musée, un merle.
00:24:01Après,
00:24:04ils l'avaient mis dans le jardin.
00:24:09Un peu plus tard,
00:24:12le faible jardinier...
00:24:15Vous savez, ça veut dire le faible jardinier.
00:24:23Et ça ?
00:24:25Oui.
00:24:27Les oiseaux noirs...
00:24:30Noirs.
00:24:34Les orthophonistes font leur travail.
00:24:38S'ils réussissent
00:24:42à bien faire parler les sourds,
00:24:45je les félicite.
00:24:47Mais le problème est bien plus difficile
00:24:50parce que les sourds, vous savez,
00:24:53n'ont pas la possibilité
00:24:55de contrôler leur voix.
00:24:59Ils ne savent pas s'ils parlent bien,
00:25:02s'ils parlent mal,
00:25:04s'ils parlent trop fort, pas assez fort.
00:25:07Ils ne le savent pas au fil des jours.
00:25:12Il faut leur dire
00:25:14qu'ils soient capables
00:25:17de bien parler,
00:25:19qu'ils aient un orthophoniste avec eux à demeure
00:25:23pour les aider à retirer en cas de besoin.
00:25:29On ne voit pas cette possibilité.
00:25:35Parce que les sourds, vous savez,
00:25:38dans leur ensemble,
00:25:40ils croient bien parler.
00:25:42Ils pensent que je parle.
00:25:44Ils sentent vibrer leur corde vocale.
00:25:47Mes orthophonistes, moi aussi,
00:25:50je sens vibrer mes cordes vocales.
00:25:53Mais je ne connais pas ma voix.
00:25:56Je ne connais pas son timbre,
00:25:59son intensité, je ne la connais pas.
00:26:02Mais je parle mieux que je peux.
00:26:04Je parle mieux que je peux.
00:26:20Bonjour, monsieur, la rue du Temple, s'il vous plaît.
00:26:24Je ne vous ai pas compris.
00:26:26Je cherche la rue du Temple.
00:26:29Répétez, s'il vous plaît.
00:26:30Les sourds veulent bien vivre avec les Attendants.
00:26:35Ils le veulent.
00:26:37Oui, même vous, les Attendants,
00:26:40vous ne vous rendez pas compte de ce désir
00:26:43que les sourds ont de vouloir communiquer avec les Attendants,
00:26:48parler avec eux.
00:26:50Vous ne vous rendez pas compte
00:26:53parce que vous n'êtes pas assez informé.
00:26:56Parce que vous n'êtes pas assez informé.
00:27:18Et ce qu'ils font...
00:27:22Je ne l'entends pas.
00:27:24Je ne peux pas l'entendre.
00:27:27Je suis sourd.
00:27:30Je ne peux pas vous donner une idée
00:27:33de l'insolitude du sourd.
00:27:37Il vit en permanence dans une cage ouverte.
00:27:43Il porte sa cage avec lui
00:27:47parce qu'il voit tout le monde autour de lui.
00:27:54Mais il ne se rend pas compte de ce qu'on dit.
00:28:00Il voit des gens bavarder.
00:28:03Que disent-ils ? Il ne le sait pas.
00:28:15Il voit un étroupement dans la rue.
00:28:19Peut-être qu'il s'approchera, qu'il le regardera,
00:28:23mais il ne sait pas de quoi il est servi.
00:28:28Et aussi, vous savez,
00:28:31je trouve qu'avec les Attendants,
00:28:34il y a une espèce de barrière,
00:28:38une barrière entre nous et les Attendants.
00:28:41Au moment où les gens ne voulaient pas ouvrir leur cage ouverte,
00:28:46nous-mêmes, on ne l'ouvre pas non plus.
00:28:58Mon frère,
00:29:01oublie le monde de frustration des Attendants.
00:29:05N'aimez plus de sons imparfaits
00:29:08qui resteront sans réponse.
00:29:15Cesse l'impossible dialogue.
00:29:22Cesse l'impossible dialogue.
00:29:27Cesse l'impossible dialogue.
00:29:32Cesse l'impossible dialogue.
00:29:35Cesse l'impossible dialogue.
00:29:38Détourne-toi de ce qui t'oppresse.
00:29:46Communiquons avec la langue qui ne vient du cœur.
00:29:53La langue universelle des signes.
00:30:01Regroupons-nous
00:30:03et formons la communauté des sourds.
00:30:11Soyons les artisans de notre culture.
00:30:21Assumons notre différence
00:30:24et faisons face.
00:30:28Exprimons l'univers qui nous est propre
00:30:32et notre vision du monde.
00:30:56Un jour, le lion aperçut au bord d'une plage
00:30:59le dauphin qui jouait avec la crête des vagues.
00:31:03Il lui fit compliment de sa grâce et lui dit
00:31:07« Nous nous devons d'être amis car chacun de nous est le plus grand dans son royaume.
00:31:12Toi, le roi des animaux marins, et moi, le roi des animaux terrestres. »
00:31:17Le dauphin, charmé, lui rendit ses civilités et acquiesça.
00:31:23Ils se jurèrent donc un pacte de mutuelle assistance
00:31:27et se quittèrent, enchantés l'un de l'autre.
00:31:35A peine le lion s'éloignait-il du rivage
00:31:39qu'il fut attaqué par son ennemi, le taureau sauvage.
00:31:43La bataille fut rude
00:31:46et le lion appela au secours son nouvel allié, le dauphin.
00:31:50Ce dernier s'efforça de s'arracher à la mer pour lui venir en aide.
00:31:54Mais il n'y parvint pas.
00:32:04Alors le lion accusa son ami de trahison.
00:32:09« Ce n'est pas à moi qu'il faut en prendre, répondit le dauphin,
00:32:13mais à la nature qui m'a fait aquatique.
00:32:16Sache que je ne puis marcher sur terre,
00:32:20je ne puis t'aider que sur la mer. »
00:32:24La morale de cette fable
00:32:27est qu'il faut, hélas,
00:32:30chercher ses amis parmi les siens.
00:32:54Non, vraiment, il ne faut pas toujours croire les fables.
00:32:58Chez les bourgeois qui ont trois enfants sourds,
00:33:01les réunions de famille donnent l'exemple
00:33:04d'une parfaite harmonie entre sourds et entendants.
00:33:07Chacun va au-devant de l'autre
00:33:10et les entendants s'initient à la langue des signes.
00:33:13Le lion accusa son ami de trahison.
00:33:44De 27 francs.
00:33:47Le gars était en train de regarder dans ses papiers,
00:33:50il y a 27 francs de supplément.
00:33:53Le môme dit, vous avez le menu ?
00:33:58Quand on vit dans un petit village,
00:34:01le fait d'avoir des enfants sourds, vos voisins vous ont pas considéré
00:34:04un peu comme des bêtes curieuses ?
00:34:07Non, je crois que vraiment, ça a été notre chance, justement,
00:34:10d'être à la campagne, parce que les enfants ont jamais été privés
00:34:13et tout le monde, vraiment, a été compétent à nous aider.
00:34:19L'instructeur qui les a fait démarrer,
00:34:23vraiment nous a aidé énormément,
00:34:26puisqu'on leur faisait quand même suivre des cours d'orthopédie.
00:34:30Yaya, hier soir, m'a fait parler
00:34:33d'un problème qu'il posait réellement pour la première fois.
00:34:37Il était un peu inquiet par l'arrivée assez rapide
00:34:41depuis quelques temps de toute une série de linguistes
00:34:44ou de sociologues qui, visiblement, ont l'air de prendre
00:34:47le problème des sourds d'un point de vue purement intellectuel
00:34:50et qui ont l'air de considérer un peu les sourds, le langage gestuel,
00:34:53quelque chose qu'ils découvrent, qu'ils connaissent pas, tu vois,
00:34:56et qu'ils prennent un peu comme des ethnologues,
00:34:59comme les ethnologues ont fait auparavant avec les indiens.
00:35:02On a tout dit sur les indiens, sur telle et telle tribu,
00:35:05et là, on découvre les sourds qu'on met un petit peu
00:35:08comme une espèce de minorité ethnique
00:35:11et on investit là-dessus, mais est-ce que, réellement,
00:35:14les sourds en aillent gagner ?
00:35:16Et Yaya me faisait part de ces inquiétudes
00:35:19et je crois qu'il faut pas oublier ça non plus.
00:35:22Oui, d'accord, tu as raison.
00:35:25Je vois bien le danger que tu soulignes.
00:35:28Je dis à l'abord que des sociologues et des linguistes,
00:35:31y en a pas des masses qui s'y intéressent.
00:35:34D'autre part, tu fais la comparaison avec les indiens
00:35:37et ça me paraît précisément assez juste.
00:35:40Bon, disons, les ethnologues qui se sont intéressés aux indiens,
00:35:44qu'est-ce qu'ils ont dit précisément des indiens ?
00:35:47Et surtout, les plus récents ethnologues,
00:35:50quand ils parlent des indiens, qu'est-ce qu'ils en disent ?
00:35:53Justement, ils montrent que les indiens
00:35:56ne sont pas les indiens qu'on croyait qu'ils étaient.
00:35:59C'est une langue qui a sa propre grammaire,
00:36:02son propre vocabulaire, sa propre structure,
00:36:05comme n'importe quelle langue.
00:36:07Mais est-ce qu'un signe traduit exactement un mot ?
00:36:11Ah non, un signe ne traduit pas un mot,
00:36:14pas plus qu'un mot français traduit un mot anglais.
00:36:17Un signe est un symbole qui représente un concept,
00:36:20par exemple une idée ou un objet.
00:36:23Mais alors, j'ai souvent entendu dire, à propos de la langue des signes,
00:36:27que c'était une langue qui ne permettait
00:36:30que l'expression de notions assez concrètes.
00:36:33Est-ce que c'est vrai, ça ?
00:36:36C'est un concept qui est très populaire.
00:36:39Un signe est un symbole, et en tant que symbole,
00:36:42il peut représenter n'importe quel concept,
00:36:45de la même manière qu'un mot représente un concept.
00:36:48On a un exemple ici, Joe qui a fait ses études
00:36:51à l'Université de Gallaudet en psychologie sociale.
00:36:58En prenant une phrase de Hamlet, une phrase très connue,
00:37:01« to be or not to be », Joe pourra démontrer des nuances.
00:37:03« To be or not to be ».
00:37:20Ça, c'est la « dectilologie ».
00:37:23Oui, ça, je connais. C'est comme si on éplaie les lettres l'une après l'autre.
00:37:26Oui, c'est ça.
00:37:28Mais il y a une autre façon de le faire ?
00:37:30Oui, il y a d'autres façons.
00:37:32« To be or not to be ».
00:37:37Ça, c'est ce qu'on appelle l'anglais signé.
00:37:43« To be or not to be ».
00:37:48Ça, c'est l'intermédiaire entre l'anglais signé et la vraie langue des signes.
00:37:54« To be or not to be ».
00:37:57Ça, c'est la vraie langue des signes.
00:38:02« To be or not to be ».
00:38:05C'est une version poétique.
00:38:07La meilleure preuve qu'une culture est vivante, c'est son théâtre.
00:38:11Quelques sourds français l'ont compris.
00:38:14Ils ont créé à Vincennes un atelier théâtral.
00:38:17Leur travail est encore expérimental.
00:38:20Mais le plaisir de se rencontrer les libère de l'oppression quotidienne
00:38:24et leur fait découvrir la communication de groupe.
00:38:29Bonjour madame.
00:38:32Bonjour madame.
00:38:35Je veux apprendre les signes.
00:38:42C'est pas facile.
00:38:43Oh non, c'est pas facile.
00:38:45Comment vous dites « difficile » ?
00:38:48Difficile.
00:38:53Martine, Martine.
00:38:57Je vais te...
00:39:00Attends, qu'est-ce que tu dis là ?
00:39:01C'est un ami, Victor, qui travaille ici.
00:39:06Oui, c'est Martine.
00:39:10Oui, elle est venue pour voir le travail des sourds.
00:39:13Je suis très content que tu viennes voir la façon dont nous employons le langage gestuel.
00:39:18Tu sais, les sourds, en plus, tu peux plonger dans notre piscine,
00:39:22dans notre aquarium, tu peux te laisser aller, c'est très facile.
00:39:25Tu te laisses aller, tu te laisses complètement plonger,
00:39:26puis tu verras, on ne parle pas, mais on parle avec des gestes.
00:39:28C'est difficile.
00:39:29Non, non, c'est pas du tout difficile.
00:39:31Non, non, c'est comme genre, regarde, c'est très facile, tu peux apprendre.
00:39:33Excuse-moi, il faut que j'aille travailler, je vais travailler tout de suite.
00:39:36Vous vous souvenez, on a déjà parlé de cet exercice
00:39:38où on fait un travail de recherche sur la musique visuelle qui part de l'intérieur.
00:39:42Nous allons transcrire sur une feuille de papier ce que nous ressentons avec cette corde.
00:39:48Alors lui va transcrire.
00:39:59Hum.
00:40:29Hum.
00:40:31Hum.
00:40:33Hum.
00:40:35Hum.
00:40:38Hum.
00:40:40Hum.
00:40:42Hum.
00:40:44Hum.
00:40:46Hum.
00:40:48Hum.
00:40:50Hum.
00:40:52Hum.
00:40:54Hum.
00:40:56Hum.
00:40:57Hum.
00:40:59Hum.
00:41:01Hum.
00:41:03Hum.
00:41:05Hum.
00:41:07Hum.
00:41:09Hum.
00:41:11Hum.
00:41:13Hum.
00:41:15Hum.
00:41:17Hum.
00:41:19Hum.
00:41:21Hum.
00:41:23Hum.
00:41:25Hum.
00:41:27Hum.
00:41:29Hum.
00:41:31Hum.
00:41:33Hum.
00:41:35Hum.
00:41:37Hum.
00:41:39Hum.
00:41:41Hum.
00:41:42Hum.
00:41:44Hum.
00:41:51Les sourds n'ont pas la chance de connaître la musique,
00:41:54sans vibrer tous ensemble une corde.
00:41:57Les gestes, inspirés par les vibrations de la corde,
00:42:01sont transcrits et deviennent une véritable musique collective.
00:42:24Ensuite, un sourd déchiffre la partition,
00:42:28soigneusement transcrite sur le papier,
00:42:30l'interprète et la module avec son corps.
00:42:54Lorsqu'un sourd déchiffre une corde,
00:42:57la corde s'éloigne de lui-même.
00:43:00Lorsqu'un sourd déchiffre une corde,
00:43:03la corde s'éloigne de lui-même.
00:43:06Lorsqu'un sourd déchiffre une corde,
00:43:09la corde s'éloigne de lui-même.
00:43:12Lorsqu'un sourd déchiffre une corde,
00:43:15la corde s'éloigne de lui-même.
00:43:18Lorsqu'un sourd déchiffre une corde,
00:43:22la corde s'éloigne de lui-même.
00:43:29Lorsque je suis venu à Paris
00:43:33travailler avec des enfants sourds
00:43:35et avec les sourds adultes,
00:43:37j'ai été très étonné.
00:43:39En France, l'oppression des sourds est étonnante.
00:43:42Ils sont fermés.
00:43:44La communication des sourds entre eux
00:43:47est une communication par petits groupes.
00:43:50le monde des entendants le domine complètement.
00:43:53Lorsque je suis venu ici au château de Vincennes travailler,
00:43:57j'ai tenté de casser ces peurs par rapport au monde des entendants
00:44:01pour que le cœur du sourd, pour que son expression puisse se développer.
00:44:05Beaucoup de sourds ici en France sont extraordinaires
00:44:09dans la façon dont ils peuvent être ensemble.
00:44:11Mais leur langage gestuel est tous différent.
00:44:14Par exemple, rien que si vous regardez dans Paris,
00:44:16vous voyez que dans chaque lieu de Paris, le langage gestuel est différent.
00:44:19Les sourds aiment s'exprimer ici avec leurs mains
00:44:22et d'une façon très belle, d'une façon complètement différente du monde des entendants.
00:44:26Les entendants s'expriment avec des mots, paf, paf, paf, avec des mots,
00:44:29tandis que les sourds s'expriment en donnant tout ce qu'ils ont dans le cœur
00:44:33avec leurs mains, avec leur corps.
00:44:35C'est la même chose que nous faisons avec les adultes et avec les enfants.
00:44:38Par exemple, avec les adultes, nous développons une poésie visuelle,
00:44:42une communication visuelle, tout ce qui est langage visuel,
00:44:45bien sûr est différent, mais par exemple, dans notre théâtre,
00:44:48que nous allons donner, qui est très différent du théâtre des entendants,
00:44:51il n'y aura pas de rideaux, il n'y aura pas des gens qui seront assis
00:44:54et qui regarderont le théâtre s'ouvrir.
00:44:56Non, il y aura des entendants et des sourds qui seront tous ensemble,
00:44:59qui vont échanger, qui vont communiquer et qui vont nous permettre de nous rassembler.
00:45:19Les enfants sourds s'initient également à la communication de groupes
00:45:23à l'atelier théâtral de Vincennes.
00:45:26Pour oublier les efforts quotidiens que leur impose la rééducation,
00:45:30à la maison, à l'école,
00:45:32ils inventent, à tour de rôle, avec leurs dessins,
00:45:35une histoire collective, une histoire visuelle,
00:45:38une histoire visuelle, une histoire visuelle,
00:45:41une histoire visuelle, une histoire visuelle,
00:45:44une histoire visuelle, une histoire visuelle,
00:45:47une histoire collective, et cela raconte avec la langue des signes.
00:46:18Le volcan, il crache le feu, mais les sourds n'ont pas peur,
00:46:24parce qu'ils n'entendent pas.
00:46:26Ils continuent de marcher.
00:46:33Alors, Paul, qu'est-ce qu'il y a ?
00:46:36Il n'y a rien.
00:46:37Il n'y a rien.
00:46:38Il n'y a rien.
00:46:39Il n'y a rien.
00:46:40Il n'y a rien.
00:46:41Il n'y a rien.
00:46:42Il n'y a rien.
00:46:43Il n'y a rien.
00:46:45La flamme jaillit.
00:46:48L'arbre est mort.
00:46:50Il n'y a que le feu de vivant.
00:46:53Tout est mort.
00:46:55Ils sont tous tristes.
00:46:58C'est un monstre, une araignée géante.
00:47:02Les hommes, les femmes, personne ne l'a vu.
00:47:06L'araignée continue de marcher.
00:47:09Quand ils l'aperçoivent, ils se sauvent.
00:47:11Ils s'enfuient vers l'Amérique.
00:47:14Et l'araignée a tout détruit en France.
00:47:19Maintenant, elle se repose et mange chez prisonniers.
00:47:25Elle part en Amérique pour dévorer tout le monde, hommes et femmes.
00:47:33Avant, la mer était claire, les arbres, tout était beau.
00:47:40On pouvait manger des pommes.
00:47:43Et puis un jour, le volcan explose.
00:47:48Les maisons sont sales.
00:47:51Tout est sale.
00:47:53La mer est sale.
00:47:54Les gens s'enfuient.
00:47:56Deux garçons, deux jeunes garçons courent.
00:47:58Ils s'enfuient, ils ont peur.
00:48:00Tout le monde meurt.
00:48:01Les arbres meurent.
00:48:02Tout est triste.
00:48:03Le soleil se cache.
00:48:07Ce n'est pas moi.
00:48:08C'est une histoire.
00:48:11Martine, Gilles va te raconter une petite histoire qu'il a inventée.
00:48:15C'est un conte de fées à sa manière.
00:48:22Une dame met au monde un bébé.
00:48:25C'est une petite fille qui est mignonne, qui est bien.
00:48:28Elle grandit.
00:48:30Sa maman lui parle et puis...
00:48:32Elle grandit.
00:48:34Sa maman lui parle et puis non.
00:48:37Elle l'appelle, elle ne répond pas.
00:48:40Alors sa maman l'emmène au docteur.
00:48:43Le docteur lui dit...
00:48:47Oh oui, en effet, cet enfant est sourd.
00:48:50La maman est affolée.
00:48:51Mais comment ça se fait?
00:48:54C'est le drame.
00:48:56On peut la faire entendre.
00:48:59Alors le docteur répond...
00:49:01Oui, on va lui mettre une prothèse.
00:49:04On va l'emmener chez les spécialistes.
00:49:06Ah bon, d'accord.
00:49:08Alors on lui met des prothèses.
00:49:10On la fait parler, etc.
00:49:13Les premiers progrès se voient.
00:49:15Elle dit papa, maman.
00:49:17C'est merveilleux pour la maman.
00:49:20Mais cet enfant grandit.
00:49:23Elle va de médecin en médecin.
00:49:26Chez les prothésistes, les orthophonistes.
00:49:29Sa maman voudrait qu'elle entende.
00:49:32Le miracle n'a pas lieu.
00:49:34Elle n'entend pas.
00:49:35On l'a fait parler, on l'a fait parler.
00:49:37Mais cet enfant, en fin de compte, n'y arrive pas.
00:49:40Elle est fatiguée.
00:49:43Elle ne peut pas.
00:49:46Un jour, dans un jardin, elle rencontre un homme et une femme
00:49:52qui s'expriment avec leurs mains.
00:49:55Elle court vers eux.
00:49:56Elle leur dit, vous êtes sourds ?
00:49:58Comment faites-vous pour parler comme ça ?
00:50:00Vous ne parlez pas ?
00:50:01Alors il dit, non, on ne parle pas.
00:50:03Pourquoi ? Nous, on connait les gestes.
00:50:04On s'exprime comme ça.
00:50:05On est heureux.
00:50:06Alors il lui montre comment on dit manger.
00:50:09On fait le geste manger.
00:50:11Partir, on fait le geste.
00:50:13Elle apprend.
00:50:15Elle va voir sa maman.
00:50:16Elle est toute heureuse.
00:50:17Elle lui dit, tu vois, regarde maman, je fais des gestes.
00:50:20Elle lui montre.
00:50:21Sa maman lui dit, mais c'est merveilleux.
00:50:23Qui c'est qui t'a montré ça ?
00:50:24Alors elle explique.
00:50:26Alors elle jette tout, l'appareil.
00:50:29C'est une découverte.
00:50:32Elle vit bien maintenant.
00:50:34Elle est heureuse.
00:50:35Elle parle avec les gestes.
00:50:37Sa personnalité est épanouie.
00:50:39Vraiment, tout ce qui était médical, ça n'existe plus.
00:50:46Elle se mariera.
00:50:47Elle est heureuse.
00:50:48Sa vie est épanouie, tu vois.
00:50:51Tu vois, les appareils, ça ne sert à rien.
00:50:54Elle est heureuse.
00:50:56C'est comme ça.
00:51:20...
00:51:49...
00:52:18...
00:52:47...
00:53:16...
00:53:45...
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00:54:38...
00:55:07...
00:55:36...
00:56:05...
00:56:34...
00:56:43-"Les mains du silence", émission de Simone Vanier
00:56:46pour Antenne 2 en 77, avec entre autres intervenant,
00:56:50on l'a vu, Alfredo Corrado, dont vous avez parlé tout à l'heure,
00:56:54cofondateur de l'IVT, l'International Visual Theatre.
00:56:58Cet homme que votre père a écouté un jour à la radio
00:57:02et c'est comme ça qu'il a découvert l'existence de la langue des signes.
00:57:07Qu'est-ce qui vous touche particulièrement aujourd'hui,
00:57:10Emmanuel Labori, en voyant ce film ?
00:57:18Je pense que c'est surtout que c'est une trace d'histoire.
00:57:21En fait, maintenant, quand on voit les jeunes aujourd'hui,
00:57:23les jeunes sourds, même Alfredo Corrado,
00:57:25parfois, ils ne savent pas qui c'est.
00:57:26Et pour moi, c'est difficile à entendre
00:57:28parce que pour moi, ça fait partie de notre histoire,
00:57:30de notre patrimoine.
00:57:31Et il n'y a pas effectivement ce programme dans l'éducation nationale.
00:57:34On n'a pas un programme Histoire des sourds,
00:57:36on n'a pas ce chapitre-là, effectivement.
00:57:38Et en fait, c'est dommage parce que je trouve que ça fait partie
00:57:40d'une histoire, d'une trace qui fait qu'on peut se projeter aussi dans l'avenir.
00:57:42Et je pense que ce genre de film, c'est très très important
00:57:44de voir aussi comment a été fondé l'IVT,
00:57:47quelles sont les personnes qui étaient à l'époque,
00:57:49comment vivaient-ils,
00:57:50comment les sourds ont pris aussi conscience de leur identité,
00:57:53ont pris conscience de la beauté de cette langue des signes
00:57:55qui était dévalorisée pendant tellement d'années
00:57:57et qu'à cette époque-là, c'était vraiment très fin,
00:57:59en fait, le processus aussi identitaire
00:58:01et la patience aussi qui a permis à ces pionniers et ces pionnières
00:58:03de faire ce qu'on est aujourd'hui.
00:58:05Et vous parliez effectivement d'Alfredo Corrado
00:58:07en tant que co-fondateur,
00:58:08puisqu'évidemment, il était avec Jean Grémion,
00:58:09avec Bill Moody, avec Ralph Robbins.
00:58:11Effectivement, sans ces personnes-là,
00:58:13en fait, finalement, sans ces personnes qui ont eu le courage
00:58:15de vraiment tout quitter, en plus de quitter même leur travail
00:58:18pour intégrer cette nouvelle structure, pour y croire.
00:58:21C'était un engagement terrible à l'époque,
00:58:22et un engagement déjà militant.
00:58:24Et vraiment, c'est comme ça que ce métier était amateur au départ.
00:58:28Évidemment, maintenant, ce sont des comédiens
00:58:30et des comédiennes professionnelles
00:58:31qui sont devenus à leur tour enseignants, enseignantes, etc.,
00:58:34même linguistes aussi.
00:58:36Donc, chaque métier s'est aussi creusé, finalement,
00:58:39ou créé à partir de là.
00:58:40Donc, Alfredo, je pense qu'il a été la clé de tout ça.
00:58:42Pour moi, Alfredo, c'est ce qu'on disait tout à l'heure,
00:58:45100 ans d'obscurantisme, 100 ans de...
00:58:47Finalement, la première...
00:58:49En fait, c'est Laurent Clerc, qui était français,
00:58:51qui a apporté la langue des signes aux Etats-Unis.
00:58:54Et en fait, c'est là, après, aux Etats-Unis,
00:58:56que notamment l'université Gallaudet s'est créée.
00:58:58Et alors qu'en France, il y a eu 100 ans, justement,
00:59:01d'oppression de la langue des signes.
00:59:02Et finalement, les Etats-Unis sont revenus
00:59:04apporter la langue des signes en France
00:59:06à la fin dans les années 90, disons.
00:59:08Donc, c'est une jolie image de la transmission de cette langue
00:59:11qui est partie de la France pour aller aux Etats-Unis
00:59:13et qui est revenue en France, finalement, dans ce réveil-là.
00:59:15Alfredo Corrado, qu'on voit ici,
00:59:17cofondateur de l'IVT en 1976
00:59:20et dont vous avez pris la suite en 2003.
00:59:23Vous avez pris la direction de ce théâtre.
00:59:26Et l'université Gallaudet à Washington,
00:59:29c'est là qu'Alfredo Corrado a fait ses études.
00:59:33Et cet établissement a joué un rôle important dans votre parcours
00:59:36car vous avez eu la chance de vous y rendre à l'âge de 7 ans.
00:59:40On a retrouvé cet archive de votre père
00:59:43invité au journal des sourds et des malentendants,
00:59:46qui était diffusé le samedi après le journal de 13h
00:59:49sur Antenne 2, présenté par Claude Marcotte.
00:59:51Une émission référence, d'ailleurs,
00:59:53dans l'histoire de la prise en compte des sourds à la télé.
00:59:55On va en reparler tout à l'heure avec Richard Poirot.
00:59:57Nous sommes le 6 octobre 79
00:59:59et donc, votre père, Jacques Laborit,
01:00:01raconte l'importance de ce voyage
01:00:04pour vous, pour lui et pour votre mère.
01:00:09Je m'appelle Jacques Laborit,
01:00:11je suis psychiatre
01:00:13et je suis le papa d'une petite fille de 7 ans et demi
01:00:16qui est sourde, profonde.
01:00:18Docteur, pouvez-vous nous dire,
01:00:20à partir de votre expérience avec votre enfant,
01:00:24ce que vous a apporté Galaudet College ?
01:00:28Je crois que, bon, ce qui a été très important
01:00:31pour Emmanuelle, d'après ce qu'elle m'a dit, en tout cas,
01:00:34c'est d'une part, bon, la découverte de la langue des signes
01:00:37parce qu'on sait très bien qu'en France, c'est pas utilisé.
01:00:39Deuxièmement, c'est le fait de vivre pendant un mois
01:00:42avec des sourds adultes et des enfants sourds
01:00:45alors qu'en France, elle n'avait jamais rencontré de sourds adultes.
01:00:48Ce que j'espère continuer ici, c'est, bon, d'une part,
01:00:52j'ai envie quand même de me mettre, moi,
01:00:56à l'apprentissage de la langue des signes avec ma femme,
01:00:59aussi d'avoir la possibilité qu'Emmanuelle puisse
01:01:03continuer à le faire ici en rencontrant des sourds adultes.
01:01:06Bon, je crois que, simplement, ce que j'aimerais,
01:01:10c'est qu'on se rende bien compte
01:01:13qu'un sourd, ben, restera toujours un sourd,
01:01:16c'est-à-dire n'entendra pas et qu'en dehors de la rééducation
01:01:19oraliste et de la lecture labiale,
01:01:22il existe une langue qu'ils peuvent utiliser
01:01:25et que, bon, nous, entendant, on pourrait peut-être
01:01:28se pencher sur le problème et voir un petit peu ce que ça signifie.
01:01:31On pourrait se pencher sur le problème, dit-il.
01:01:34Il avait compris les enjeux à venir.
01:01:37Quels souvenirs, vous, Emmanuel Labori, gardez-vous
01:01:40de ce voyage à Washington ?
01:01:44En fait, pour moi, c'était un coup de massue.
01:01:47Un coup de massue ?
01:01:50Oui, j'avais les yeux d'une petite fille de 7 ans.
01:01:53Imaginez, j'ai vu un campus, une ville, quoi,
01:01:56une ville de personnes sourdes, tout le monde signait, en fait.
01:01:59Moi, je pensais que tout le monde était sourd et, en fait, non.
01:02:02Je me suis rendue compte qu'il y avait énormément d'entendants
01:02:05qui étaient professeurs, qui étaient là, donc j'étais un peu perdue.
01:02:08Je pensais que la langue des signes, c'était que pour les sourds,
01:02:11c'est ce qu'on m'avait dit. Et là, je me rendais compte qu'en fait, non,
01:02:14c'était un pays avec une culture et tout le monde partageait ça.
01:02:17Et ça a été la clé, et aussi pour mon père lui-même, il le dit,
01:02:20parce qu'il est docteur, il est psychiatre, il est médecin
01:02:23et il s'est beaucoup battu, justement, notamment pour l'ouverture d'un pôle
01:02:26à l'Institut Sainte-Anne, à l'hôpital Sainte-Anne,
01:02:29qui a permis d'accueillir les patients sourds et sourdes
01:02:32qui souffraient de problèmes psychiatrices.
01:02:35Ils étaient punis deux fois, quelque part, par la maladie,
01:02:39et la langue des signes a permis d'avoir un outil de communication
01:02:42et ça a permis d'être à l'égal des autres patients.
01:02:45Et donc, je pense que ça a été la clé pour mon père, pour moi aussi,
01:02:48et ça a permis d'ouvrir cette unité. Donc, je pense que oui, ça a changé ma vie
01:02:51aussi de la même façon, clairement.
01:02:54À l'IVT, la formation d'Alfredo Corrado se faisait à travers la poésie
01:02:57et l'expression corporelle. Un document encore dans les archives
01:03:00de l'INA, c'est votre première apparition télévisée
01:03:03en décembre 1980
01:03:06Dans le journal des sourds et des malentendants, on vous voit signer
01:03:09un poème de Chantal Lienel,
01:03:12le poème d'Emmanuel.
01:03:15Soleil
01:03:18Emmanuel, sais-tu ce que veut dire ce signe ?
01:03:21Soleil
01:03:24Le soleil, tu es le rayon de soleil
01:03:27La lumière, la joie dans le foyer
01:03:30Merci papa
01:03:33Merci maman
01:03:36d'avoir choisi un joli prénom
01:03:39Non, ce n'est pas seulement le prénom
01:03:42qu'il faut remercier
01:03:45N'oublie pas qu'avant de te donner le signe
01:03:48Emmanuel
01:03:51tes parents ont souffert,
01:03:54lutté, pleuré
01:03:57mais maintenant, ils ont compris
01:04:00la seule chose à faire, c'est de te donner le soleil
01:04:03dans le cœur
01:04:10Merci papa
01:04:13Merci maman
01:04:16de me laisser parler avec mes mains
01:04:19Bravo Emmanuel
01:04:22Le soleil en toi brillera toujours
01:04:25mais donne l'exemple
01:04:29Merci papa
01:04:32Merci maman
01:04:35de m'avoir mis sur les deux chemins
01:04:38Merci papa, merci maman
01:04:41de m'avoir donné un joli prénom
01:04:44Ce signe, soleil, ne meurt jamais
01:04:47Et voilà, c'est ce que...
01:04:50C'est un sentiment qui vous anime
01:04:53encore aujourd'hui Emmanuel
01:04:56Oui, tout à fait
01:04:59Ça n'a pas changé, j'ai toujours le soleil dans le cœur
01:05:02C'est Chantal Yennel qui a écrit ce poème
01:05:05C'est Joël qu'on voit à l'écran, son ex-mari à l'époque
01:05:08C'est Chantal qui m'a donné le soleil dans le cœur
01:05:11mon nom signe en langue des signes
01:05:14parce que c'est vrai que j'étais timide au départ
01:05:17grâce à cette langue des signes, ça m'a permis
01:05:20de m'ouvrir sur le monde comme un soleil
01:05:23C'est la première femme comédienne que j'ai rencontrée, sourde
01:05:26Donc une grande comédienne, pour moi c'était un modèle
01:05:29C'était presque une maman du théâtre
01:05:32Elle peut tout jouer, elle a pu jouer tous les rôles
01:05:35des rôles très dramatiques, des rôles très romantiques
01:05:38Elle a une finesse dans sa langue des signes
01:05:41des registres de langue qui sont incroyables
01:05:44Je la trouve formidable cette femme
01:05:47C'est une chance qu'elle m'ait donné ce nom-là
01:05:50On pense souvent, nous les entendants
01:05:53que l'émotion passe par la voix
01:05:56et uniquement par la voix
01:05:59et vous êtes en train, face à moi
01:06:02de nous démontrer, mais vous l'avez fait déjà
01:06:05de multiples reprises, de démontrer le contraire
01:06:08c'est-à-dire que l'expression corporelle
01:06:11exprime toute une palette d'émotions
01:06:14et votre émotion ici en est la preuve
01:06:17Cette fibre artistique
01:06:20elle ne vous a plus lâchée Emmanuel
01:06:2393 est une date importante car vous obtenez
01:06:26le Molière de la révélation théâtrale pour votre rôle
01:06:29dans Les Enfants du silence, mise en scène par Jean Dalryck
01:06:32et Levant Beskardès, une adaptation de la pièce
01:06:35américaine éponyme. Comment êtes-vous arrivé
01:06:38sur cette pièce ?
01:06:41Alors j'ai participé au casting
01:06:44un petit peu comme tout le monde, rien de très original
01:06:47ils cherchaient une femme pour jouer le rôle de Sarah
01:06:50des Enfants du silence, moi j'avais un petit peu peur
01:06:53parce que finalement, effectivement j'avais vu cette pièce
01:06:56quand j'étais petite, j'avais peut-être 10 ans
01:06:59évidemment c'était joué par Chantal justement
01:07:02donc imaginer qu'elle jouait Sarah, c'était un exemple pour moi
01:07:05pour moi je ne pouvais pas être à son égal dans le rôle de Sarah
01:07:08je n'arriverais pas à son niveau, je ne me sentais pas du tout légitime
01:07:12et du coup il a fallu que je l'oublie
01:07:15pour trouver un petit peu mon propre chemin quelque part
01:07:18et justement elle est venue à la première
01:07:21elle était dans la salle et moi j'étais stressée, imaginer la peur
01:07:24et le coeur qui bat à tout rompre de me dire que je vais me produire
01:07:27devant mon mentor, et finalement j'ai gagné la révélation théâtrale
01:07:30le Molière en 1993
01:07:33oui c'était particulier
01:07:36On va regarder ce moment-là
01:07:39particulier pour vous
01:07:42et bien au-delà pour votre communauté
01:07:45c'était donc le 5 avril 1993
01:07:51La révélation théâtrale et le Molière
01:07:54est attribuée à Emmanuelle Laborie
01:07:57pour Les Enfants du silence
01:08:00Emmanuelle Laborie, c'est la petite fille du boisson Laborie
01:08:03elle est sourde, une meuf de naissance
01:08:06elle a les mains claquées mais elle n'entend pas les applaudissements
01:08:09et dans la salle il y aura une traduction
01:08:12faite par Madame Dominique Ross
01:08:15parce qu'elle va s'exprimer avec ses mains
01:08:37C'est dur pour moi de signer
01:08:42c'est la première fois qu'un sourd
01:08:45comme comédien professionnel est reconnu
01:08:48et reçoit un Molière
01:08:51et vraiment je suis très contente pour tous les autres sourds
01:08:54excusez-moi j'ai vraiment les larmes aux yeux, je suis très émue
01:08:57je veux remercier mes parents tout d'abord
01:09:00parce que c'est grâce à eux que j'ai appris la langue des signes
01:09:03vraiment je les remercie
01:09:06c'est en grandissant que j'ai réussi à me structurer
01:09:09et à construire ma personnalité
01:09:12il faut que je remercie ma soeur également
01:09:15parce que tous ils m'ont respectée en tant que personne sourde
01:09:18je veux également remercier IVT
01:09:21qui signifie International Visual Theatre
01:09:24c'est le premier théâtre avec des comédiens sourds
01:09:27il y a un risque que ce théâtre disparaisse actuellement
01:09:30et que les cultures sourdes disparaissent
01:09:33donc j'espère qu'elle sera sauvée
01:09:36il y a des comédiens sourds que vous ne connaissez pas
01:09:39et il faut vraiment qu'il y ait un mélange
01:09:42entre les comédiens sourds et les comédiens entendants
01:09:45de façon à ce qu'on respecte leur culture
01:09:48qui est belle, riche
01:09:51et que le monde ne se ferme pas
01:09:54et qu'il y ait une ouverture réelle entre les deux
01:09:57il y a des films français
01:10:03pour les sourds c'est difficile
01:10:06les films français ne sont pas sous-titrés
01:10:09le théâtre n'est pas vraiment traduit
01:10:12il y a des choses à faire évoluer
01:10:15les enfants du silence pour moi c'est la première expérience
01:10:18en tant que comédienne professionnelle
01:10:21et je voudrais remercier tous les comédiens
01:10:24entendants et sourds nous étions au même niveau
01:10:27je voudrais remercier Leven Bescardès
01:10:30qui est le metteur en scène sourd
01:10:33je voudrais remercier Jean Daleric aussi
01:10:36qui a eu vraiment confiance en moi
01:10:39qui m'a permis de rentrer dans le monde du théâtre
01:10:42je voudrais le remercier
01:10:45je voudrais vous enseigner un signe
01:10:48un signe très simple qui est beau
01:10:51soyons tous unis
01:10:54je vous remercie de vouloir faire ce signe avec moi maintenant
01:10:57et en échange
01:11:04et en échange je vous dirai
01:11:08je vous aime
01:11:19il est difficile de faire plus émouvant
01:11:22et plus beau à la télévision
01:11:25je vous aime et ce commentaire
01:11:28de José Arthur qui commente la soirée des Molières
01:11:31il est difficile de faire plus émouvant
01:11:34et vous êtes juste devant une salle que vous avez bouleversée
01:11:37et j'imagine qu'il vous reste quelque chose au fond de vous
01:11:40de ce moment et de cette émotion Emmanuelle
01:11:43...
01:11:46oui
01:11:49en fait ce moment-là précisément
01:11:52il est important évidemment pour moi
01:11:55mais c'est aussi important pour la communauté sourde
01:11:58pour IVT
01:12:01chassé du château de Vincennes.
01:12:03Il fallait trouver un autre lieu.
01:12:05On n'en avait pas pour accueillir toute la troupe.
01:12:07C'est vrai que j'en ai profité aussi pour alerter,
01:12:10pour signer vraiment...
01:12:12Pour signer, pardon, pour enclencher le signal d'alarme,
01:12:15donner rendez-vous au ministère de la Culture.
01:12:17A l'époque, c'était Jacques Toubon qui était ministre de la Culture.
01:12:21Grâce à ce Molière, on a pu, avec le directeur d'IVT,
01:12:24Jean-François Labauvry, à l'époque,
01:12:26rencontrer tout un tas de politiques.
01:12:28Il m'a accompagnée à ces rendez-vous-là
01:12:30pour qu'on puisse militer et garder et protéger
01:12:33la culture sourde, notamment via IVT.
01:12:35C'est pour ça qu'on est arrivée rue Chaptal, cité Chaptal, après.
01:12:38C'est vrai que c'était grâce à ce Molière-là.
01:12:41C'est aussi comme ça que Jean-François Labauvry
01:12:44m'a poussée à devenir directrice.
01:12:45A l'époque du Molière, je pensais que ça allait ouvrir un nouveau monde.
01:12:49Je pensais que tout allait aller mieux
01:12:52sur d'autres comédiens et comédiennes sourds,
01:12:54d'autres hommes, d'autres femmes, d'autres jeunes.
01:12:57On allait voir partout des sourds.
01:12:59Là, je me suis un peu trompée.
01:13:01Malheureusement, je suis toujours la seule.
01:13:03C'est un peu plus compliqué.
01:13:05Ca n'a pas ouvert autant de portes que ce que j'aurais aimé.
01:13:08Ca s'est un peu resserré sur un petit couloir, mais voilà.
01:13:11Et alors, quelles seraient les priorités ?
01:13:14Si vous aviez une liste à faire aujourd'hui,
01:13:16l'enseignement de la langue, la formation d'enseignants sourds,
01:13:19sur quoi il faudrait appuyer en priorité ?
01:13:22Effectivement, la langue des signes,
01:13:24je pense qu'elle devrait avoir une vraie place.
01:13:26On ne devrait pas rester sur un choix hypothétique,
01:13:29qui n'est pas forcément un choix, d'ailleurs.
01:13:32On devrait vraiment...
01:13:33On demande un engagement politique,
01:13:35pour vraiment dire que la langue des signes
01:13:37devrait être obligatoire pour que l'enfant sourd
01:13:40puisse avoir la possibilité de s'exprimer.
01:13:42J'ai eu de la chance.
01:13:44D'autres enfants sourds n'ont pas cette chance-là.
01:13:46Ils l'apprennent à 20, 30, 40 ans, parfois,
01:13:49et c'est autant d'années perdues.
01:13:51Je pense qu'il faut vraiment...
01:13:52Ca n'empêche pas de rencontrer des entendants,
01:13:55d'apprendre le français, d'apprendre d'autres langues.
01:13:58La langue des signes, c'est une langue d'expression,
01:14:00d'ouverture sur le monde.
01:14:02Il faut vraiment enseigner la langue des signes.
01:14:05Là, aujourd'hui, vous en parliez,
01:14:07depuis 91, avec la loi Fabus,
01:14:08dans l'éducation nationale,
01:14:10on autorise la langue des signes,
01:14:12puisqu'elle a été prohibée.
01:14:13En 2005, on a eu la loi pour l'égalité des chances.
01:14:16On a reconnu la langue des signes comme officielle.
01:14:19Mais ça n'est pas terminé.
01:14:20On se bat, même si elle est reconnue comme officielle.
01:14:23On se bat pour avoir une éducation correcte
01:14:25pour les enfants sourds.
01:14:27Et en fait, c'est inimaginable.
01:14:30A Toulouse, par exemple, là, encore très récemment,
01:14:32il y a une école à Ramonville,
01:14:34qui existe en langue des signes depuis des années,
01:14:37et on refuse des enfants sourds,
01:14:39alors que c'est une école qui propose un enseignement bilingue.
01:14:42Donc, refuser un enfant alors qu'il a droit à son enseignement
01:14:46dans sa langue naturelle, c'est fou de voir ça aujourd'hui.
01:14:49Je n'en reviens pas qu'on en soit encore là, en 2024.
01:14:52Encore maintenant, il faut se battre
01:14:54pour avoir juste un droit d'accès à la langue des signes.
01:14:57Et c'est pareil à IVT.
01:14:59Je suis directrice,
01:15:00en co-direction avec Jennifer Le Sage-David,
01:15:02qui est une femme incroyable, qui se bat beaucoup,
01:15:05on est toutes les deux,
01:15:06et on se bat pour que les artistes sourds
01:15:09soient aussi visibles et représentés.
01:15:11On ne veut pas d'artistes sourds mis dans l'ombre,
01:15:14on veut que ce soit vraiment diffusé
01:15:16pour que la langue des signes soit diffusée.
01:15:18C'est bien que les entendants prennent la langue des signes,
01:15:21mais qu'ils travaillent avec les sourds.
01:15:23Ne pas remplacer les sourds, mais garder cette place-là,
01:15:26dans la culture, dans la santé, dans tous les domaines.
01:15:29Il faut travailler avec les sourds.
01:15:31On ne demande rien de plus, juste travailler ensemble.
01:15:34On demande de vivre avec vous, de vivre de nos passions.
01:15:38Je vous présente Richard Poirot,
01:15:40de l'INA, qui nous a rejoints.
01:15:42Bonjour, Richard.
01:15:43Les premières émissions télé
01:15:46qui s'adressent aux sourds,
01:15:47Richard, ce ne sont pas forcément
01:15:49celles auxquelles on pense.
01:15:51Non, on pourrait penser aux JT, par exemple,
01:15:54c'est pas là que ça t'apparut.
01:15:55On pourrait penser à des émissions de divertissement,
01:15:58ou à d'autres magazines.
01:16:00Non, c'est plus original et plus inattendu,
01:16:02c'est les messes.
01:16:04C'est à la fin des années 60,
01:16:05il y a eu des expérimentations,
01:16:07dans Présence protestante, Le jour du Seigneur,
01:16:10des émissions qu'on connaît.
01:16:11En 69, je crois, il y a eu des expérimentations
01:16:14de sous-titrage de messes.
01:16:16On ne s'y attendait pas, mais c'est là que ça apparaît.
01:16:19C'est étonnant.
01:16:20Si on met de côté, quand même,
01:16:22ces expérimentations dominicales,
01:16:24c'est vraiment dans les années 70,
01:16:26c'est là que les sourds revendiquent
01:16:28la prise en compte et la reconnaissance
01:16:30de la langue des signes.
01:16:32Cette revendication va commencer à imprégner la télé.
01:16:35On l'a vu, Les mains du silence, c'est 77.
01:16:37On est en plein là-dedans.
01:16:39Mais le tout premier JT
01:16:41en langue des signes,
01:16:44c'est durant les congés scolaires de Noël,
01:16:47en 1975.
01:16:48J'aurais adoré vous montrer un extrait,
01:16:50mais les enregistrements n'ont pas été consacrés.
01:16:53Tant pis.
01:16:54Cependant, les deux présentateurs,
01:16:56je voudrais vous en parler,
01:16:58parce que ce sont deux personnes extrêmement importantes
01:17:01dans cette histoire-là.
01:17:03C'est Joël Lelulanieb, ce qu'on voit ici,
01:17:05Joël Lelulanieb, ce qu'on a vu dans le documentaire,
01:17:08et à côté, Claude Marcotte.
01:17:10Pourquoi ce sont deux personnes importantes ?
01:17:12Parce qu'elles sont à part.
01:17:14Ce sont deux journalistes et ce sont deux codas.
01:17:16Un coda, c'est-à-dire un enfant entendant
01:17:19né de parents sourds.
01:17:20Ces deux personnes connaissent parfaitement la langue des sourds.
01:17:24C'est vers eux qu'on se tourne en 1975
01:17:26pour ce journal expérimental.
01:17:27Lorsque ce journal,
01:17:29parce qu'il n'y a pas eu qu'eux durant les vacances scolaires,
01:17:32quand ce journal s'est installé dans la grille
01:17:35des programmes d'antenne 2 en 1976,
01:17:37c'est évidemment vers eux deux
01:17:39que l'on se tourne pour présenter ce journal.
01:17:42Je vous propose de regarder le tout premier,
01:17:44le 27 mars 1976.
01:17:47Musique de suspense
01:17:49...
01:18:03-"Bonjour.
01:18:04Nous sommes très heureux de vous présenter
01:18:07votre nouveau journal.
01:18:09Vous attendiez tous, depuis votre dernier journal de Noël,
01:18:13une nouvelle série que voici et qui est maintenant définitive.
01:18:17Tous les samedis, après le journal de 13h sur la 2,
01:18:21vous pourrez nous retrouver à 13h35.
01:18:25Mais tout d'abord, je dois vous dire
01:18:28que votre nouveau journal est préparé par Betty Dureau.
01:18:32Joël et moi-même vous donnerons les nouvelles
01:18:35en langage labial et gestuel.
01:18:38Nous espérons que ce nouveau journal vous plaira."
01:18:41Pardon, qu'est-ce qui vous faisait rire, Emmanuelle ?
01:18:46C'est vraiment incroyable.
01:18:48Maintenant, ce serait impossible d'imaginer
01:18:50une émission qui soit... Des journalistes en direct,
01:18:53vraiment le seul en plateau en langue des signes.
01:18:56Aujourd'hui, on a le petit médaillon qui écrase les interprètes.
01:18:59Et là, le voir, finalement, seul, en train de signer,
01:19:02avec deux langues en parallèle, c'est impossible aussi.
01:19:05En français, on a une structure, une grammaire particulière.
01:19:09En langue des signes, elle n'a rien à voir.
01:19:11C'est difficile, c'est confusant,
01:19:13de mélanger les deux langues, mais c'est du français signé.
01:19:16C'est un exercice difficile de parler en même temps et de...
01:19:21On ne peut pas faire les deux.
01:19:23C'est vraiment pas de bonne traduction
01:19:25si on doit faire les deux en même temps.
01:19:28C'est du français signé, ce n'est pas de la langue des signes.
01:19:31Avec des mots, en isolant certains mots, ça ne marcherait pas.
01:19:34Il y a deux structures très différentes.
01:19:37C'est assez incroyable d'avoir osé faire ça à l'époque.
01:19:40Ca fait partie de l'histoire, on en parlait tout à l'heure.
01:19:43C'est incroyable de voir ça aujourd'hui.
01:19:45Je pense que la visibilité de la langue des signes
01:19:48dans le monde de la télévision est encore peu montrée.
01:19:51On voit parfois des sous-titrages en direct
01:19:53qui ne sont pas forcément de très bonne qualité
01:19:56ou alors très en retard.
01:19:57On essaye, mais la place de la langue des signes à la télévision
01:20:01n'est pas encore à la hauteur.
01:20:02Donc, effectivement, il y a eu l'époque du confinement,
01:20:05avec le Covid, et...
01:20:08Là, on se demandait pourquoi on ne garderait pas
01:20:11la moitié de l'image en langue des signes.
01:20:13On a l'impression que ça gêne l'image, le monde de la télé.
01:20:16C'est différent, il y a eu beaucoup cette histoire de gêne.
01:20:20Il faut sensibiliser les médias, c'est un gros travail,
01:20:23mais il faut le faire.
01:20:24C'est sûr que là, c'était balbutiant.
01:20:26C'est la première trace du français signé,
01:20:28comme vous l'avez dit, à la télévision française.
01:20:31Je voudrais revenir sur Joël Lulanieps et Claude Marcotte.
01:20:36Ces deux personnes, on va les retrouver,
01:20:39vous en avez parlé tout à l'heure,
01:20:42dans ces fameux médaillons qui vont apparaître à la télévision.
01:20:45Les médaillons qui sont effectivement...
01:20:47Ici, on voit Claude Marcotte, qui traduit un JT,
01:20:51et où là, Joël Lulanieps.
01:20:54Ces deux-là qui présentaient le JT,
01:20:56on les retrouve en interprète à la télévision,
01:20:59parce que ce sont les deux seuls qui connaissent cette langue des signes.
01:21:02Donc, ça va commencer à s'installer.
01:21:05Les Français vont commencer à se familiariser
01:21:07un petit peu avec ces traductions,
01:21:09que ce soit en langue des signes ou en sous-titres.
01:21:12Ca va apparaître dans d'autres émissions,
01:21:14par exemple lors du Vœux des présidents,
01:21:17tous les 31 décembre.
01:21:19La toute première fois, donc, c'est en 81,
01:21:21et c'est pour les vœux de François Mitterrand.
01:21:24On le verra aussi à l'Assemblée nationale,
01:21:27dans les questions au gouvernement.
01:21:29Là, ce sera beaucoup plus tard, en 98,
01:21:31et vous en avez parlé pour le Covid.
01:21:33Il y a vraiment eu un effort qui a été fait de la langue des signes.
01:21:37La situation aujourd'hui ?
01:21:39Il y a des émissions, évidemment.
01:21:41Il y a des émissions soit traduites pour les sourds,
01:21:44soit à destination des sourds.
01:21:46L'œil et la main, sur France 5, que vous connaissez,
01:21:49puisque vous avez participé à son lancement en 93, je crois.
01:21:52Mais aussi sur France 24.
01:21:55Il y a des flashs dans Télématin.
01:21:58Mais ça reste assez timide, vous le disiez.
01:22:00C'est pas vraiment très répandu, c'est très balbutiant.
01:22:03Ce qu'on voit se développer, c'est les sous-titres,
01:22:06notamment grâce aux décodeurs télévisés.
01:22:08Mais la langue des signes n'est pas très présente.
01:22:11C'est dommage, je vais dire quelque chose de bizarre,
01:22:14mais c'est une très belle langue.
01:22:16Et là, je voudrais vous parler d'une émission assez particulière,
01:22:20particulière pour moi, parce que c'est un souvenir d'enfance.
01:22:23C'est un OVNI, c'est une comète qui est apparue
01:22:26à la télévision française, en 1979, dans Recréateur.
01:22:30C'était une émission à destination des enfants.
01:22:33Et ça s'appelle Les mains, Mes mains, on la parole.
01:22:36Mes mains, c'était les mains de Marie-Thérèse Lullier,
01:22:39qui était dans le documentaire qu'on a vu,
01:22:42qui faisait cette chorégraphie très, très belle.
01:22:45Et ce sont, justement, c'est elle qu'on voit ici,
01:22:48Marie-Thérèse Lullier, et c'est elle, donc,
01:22:50qu'on va retrouver plus tard dans Recréateur.
01:22:53Ce qu'elle va faire, en fait,
01:22:55c'est qu'elle va raconter un conte pour enfants.
01:22:57Mais il y a une voix off qui raconte le conte, et puis il y a elle.
01:23:01C'est magnifique, c'est beau, c'est poétique.
01:23:04C'est une histoire qui commence toujours par regarder mes mains.
01:23:07Elles vont vous raconter une histoire.
01:23:11Aujourd'hui,
01:23:13mes mains
01:23:15vont vous raconter l'histoire d'un ballon
01:23:20extraordinaire.
01:23:23Un petit garçon
01:23:26gonfle, gonfle son ballon.
01:23:30Tout ému, il le regarde,
01:23:33mais le ballon s'envole.
01:23:37Il va s'attacher à la branche d'un arbre.
01:23:46Le soleil brille
01:23:49et se reflète doucement
01:23:53dans le ballon.
01:23:56Mais que se passe-t-il ?
01:24:00Le ballon se transforme
01:24:05en une belle pomme toute ronde.
01:24:09La langue des signes comme expression artistique,
01:24:12je trouve ça absolument magnifique.
01:24:14Ce qui est très beau, c'est que c'est universel.
01:24:17Cette émission s'adressait aux sourds,
01:24:19mais elle s'adresse aussi aux entendants.
01:24:21Au final, qu'est-ce que ça donne ? Un pur moment de grâce et de poésie.
01:24:25Et surtout, avec cette émission,
01:24:27c'est surtout une des rares traces audiovisuelles qu'on a,
01:24:31un des rares témoignages de ce que peut être la langue des signes.
01:24:35Emmanuelle, est-ce qu'on peut dire que la télévision
01:24:38tient un rôle important comme outil d'archivage
01:24:41de la langue des signes et comme moyen de transmission
01:24:44et de lieu de mémoire ?
01:24:48Oui, clairement. C'est pour ça que... Merci beaucoup, Lina.
01:24:51Merci, Richard, d'avoir retracé tout ça.
01:24:54C'est un patrimoine, une trace qu'on n'a pas envie de perdre.
01:24:57C'est une langue de parole, c'est une langue orale,
01:25:00elle n'a pas d'écrit particulièrement.
01:25:02C'est une trace visuelle dont on a besoin.
01:25:04C'est pour ça que c'est important d'avoir ces archives,
01:25:07d'avoir Lina, aussi, qui peut vraiment transmettre
01:25:10ce patrimoine qui est fondamental pour cette langue et pour nous.
01:25:14C'est important d'avoir ce regard-là aussi,
01:25:16que les étudiants, les linguistes, les chercheurs,
01:25:19on voit que c'était en français signé, à l'époque.
01:25:22C'est intéressant, on a oublié que c'était le cas.
01:25:24On voit que les personnes étaient précurseurs,
01:25:27précurseuses de cette langue dans la vie.
01:25:29C'est une langue qui évolue, qui est très riche,
01:25:31qui est une matière incroyable et qu'on peut analyser.
01:25:34C'est important d'avoir ces traces,
01:25:36parce qu'il y a des analyses linguistiques
01:25:39qui se font grâce à ces images.
01:25:41C'est grâce aux archives, grâce à Lina.
01:25:43Et IVT, on a un centre-ressources aujourd'hui
01:25:45sur la culture sourde, justement,
01:25:47qui retrace toutes ces années de langue des signes,
01:25:50d'évolution de cette langue, c'est important.
01:25:52Merci beaucoup, Emmanuelle Labori,
01:25:54de nous avoir...
01:25:55J'allais dire de nous avoir fait entendre,
01:25:58mais oui, de nous avoir fait partager
01:26:00votre message, vos combats
01:26:03et vos émotions.
01:26:04Merci à vous, Florine Archambeau,
01:26:06d'avoir traduit avec autant de brio
01:26:11la parole d'Emmanuelle.
01:26:13Merci, Richard Poirot.
01:26:14A très bientôt pour de nouvelles aventures
01:26:17dans les archives de Lina.