Si Trump était un candidat menant une campagne nourrie de déclarations guidées par l’isolationnisme, la xénophobie et le nationalisme, quel président sera-t-il ? Son premier mandat est une boussole, mais le second pourrait être pire pour les femmes, les minorités, la diplomatie, la démocratie… Pire pour les Etats-Unis et pour le monde.
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00:00Il a joué la stratégie de la peur, la stratégie de la division, et ça a marché.
00:04Donald Trump, il a été réélu président des Etats-Unis.
00:08Et la question qu'on se pose, c'est « et maintenant ? ».
00:10Quand on sait que sa campagne était teintée de beaucoup de déclarations xénophobes, nationalistes, isolationnistes,
00:17et quand on se souvient de son premier mandat, on peut se demander est-ce que le second mandat sera pire que le premier ?
00:24Alors pour en parler, je vous propose de rencontrer Paul Quignot.
00:27Salut Paul, tu es le directeur délégué de Libération et notamment tu as été sur le quai toute la nuit à l'Ibé pour couvrir cette nuit américaine.
00:37Comment ça s'est passé, Paul ?
00:38Je vous fais une toute petite pause, merci de regarder cette vidéo.
00:41Abonnez-vous si jamais elle vous plaît, on fait des discussions comme ça toutes les semaines.
00:45Commentez pour donner votre avis, likez si ça vous dit, et surtout je vous souhaite un bon visionnage.
00:50Ça s'est bien passé, on était en gros une quinzaine en permanence au siège de l'Ibé, toutes fonctions confondues,
00:59et puis bien sûr une demi-douzaine d'envoyés spéciaux dans de nombreux états américains.
01:07Donc voilà, nos envoyés spéciaux nous envoyaient des puces pour alimenter ce qu'on appelle le live,
01:14on avait le petit buffet ici qui nous a aidés à tenir, et on était, voilà, la grosse partie de la nuit s'est passée comme prévu,
01:23c'est-à-dire en gros jusqu'à 4h30, 5h, voilà, les résultats tombaient comme ils étaient attendus,
01:29donc voilà, on déroulait tranquillement notre live et ce qu'on appelle des papiers d'angle qui commençaient à pouvoir être faits.
01:40L'ambiance a commencé à changer à partir du moment où le premier swing state a basculé en faveur de Trump,
01:51en l'occurrence la Caroline du Nord, et surtout quand un deuxième swing state, la Géorgie, a confirmé l'élan Trumpiste lors de cette élection.
02:03Donc à partir de 5h, même si les résultats n'ont été officiels là qu'il y a une demi-heure ou une heure maximum,
02:11on a compris à partir de, voilà, 5h30, 6h que le résultat était plié.
02:18L'autre moment qui a fait basculer la nuit, c'est l'intervention au QG de Kamala Harris, du co-président de sa campagne,
02:27qui est venu expliquer que la candidate démocrate n'allait pas venir s'exprimer, donc c'était un message qui était assez clair,
02:36et surtout le ton de son message, le côté sinistre de son intervention a permis de comprendre que c'était plié.
02:45— Comment est-ce que ça s'est passé pour toi au fil de la nuit ? Est-ce que tu t'attendais au début à ce que les États-clés soient plutôt pour Kamala Harris ?
02:55Est-ce que tu t'attendais à ce revirement de situation ? Comment est-ce que tu envisageais cette nuit américaine avant de la commencer ?
03:01— Je pense qu'on a été, comme beaucoup de gens, surpris. Pourquoi on a été surpris ?
03:10C'est que l'ampleur de la victoire de Trump est massive. Et c'est ça, la surprise du scrutin, que personne n'avait vraiment vu voir.
03:23Le scrutin s'annonçait serré, on s'était tous préparés à avoir une matinée compliquée avec des résultats indécis, des contestations, etc.
03:36Comme il y a 4 ans. C'est pas du tout le scénario dans lequel on est. Donald Trump progresse dans la quasi-majorité des États.
03:47Il progresse dans la quasi-majorité des classes sociales, chez les jeunes. Il est plus fort que jamais auprès des catégories populaires.
04:02Donc la surprise, elle, vient de là. On s'attendait à un match serré. Et finalement, on a un raz-de-marée et un visage de l'Amérique qui est très différent de celui auquel on s'attendait.
04:15Surtout qu'en plus, avant cette nuit américaine, il y avait des sondages qui étaient surprenants et qui donnaient Kamala Harris plutôt en avant.
04:21Il y avait l'IOA, je crois, qui était traditionnellement républicaine. Le sondage disait qu'il y avait plus de gens qui allaient voter pour Kamala Harris.
04:28Et finalement, pas du tout. L'IOA est restée pour Trump. Et ça, pour vous, c'était vraiment une surprise. Il y avait l'espoir que Kamala Harris rassemble suffisamment pour choper cette première place ?
04:40On savait que tout allait se jouer dans les swing states. Et donc, c'est pour ça que je disais tout à l'heure que les deux premiers qui ont basculé du côté de Trump étaient évidemment une mauvaise nouvelle.
04:50L'espoir était un tout petit peu maintenu, ou l'illusion de l'espoir était un tout petit peu maintenue jusqu'à ce qu'on comprenne que la Pennsylvanie, elle aussi, basculait.
05:00Donc là, on était plutôt vers les 6h30 du matin, si je me souviens bien. Et à partir de ce moment-là, il n'y avait plus de suspense. Et là, le score est sans appel.
05:13Et c'est là où, encore une fois, c'est vraiment ce qui fait la spécificité de ce résultat. C'est la vague. C'est vraiment une vague.
05:24Est-ce qu'on peut imaginer aujourd'hui à quoi vont ressembler les États-Unis maintenant que Trump a été réélu ?
05:32Oui, parce qu'on a l'expérience de son premier mandat. Et ce que moi, je crains, c'est que ça soit la même chose en pire, puisque Donald Trump, il a aujourd'hui quasiment les pleins pouvoirs.
05:46Son élection est incontestable. La Cour suprême est avec lui. Les chambres seront à sa main. Donc oui, on a une idée de ce à quoi ça va ressembler.
06:01Ça va être pire pour les femmes, le droit des femmes. Ça va être pire pour les minorités, blacks, latinos. Ça va être pire pour la planète.
06:17On sait que Donald Trump se préoccupe assez peu des enjeux climatiques. Quand je dis assez peu, c'est évidemment une litotte. Il s'en fout complètement.
06:29Ça va être pire pour l'information. Donald Trump a mené une campagne complotiste où la notion même de vérité n'existe plus.
06:42Ce qui est aussi très difficile à combattre, c'est qu'on n'est plus dans un combat normal où on s'oppose sur des points de vue qui peuvent être différents,
06:56mais qui reposent quand même sur un socle commun d'analyse ou en tout cas de vérité des faits. Là, on a dépassé ce stade-là et ça, ça va s'accentuer dans le mandat de Trump.
07:14Toutes les minorités ethniques, les minorités sexuelles, ça risque d'être pire que le premier mandat. Il a plus de pouvoir, là, quand il entrera à la Maison Blanche en janvier, il aura plus de pouvoir qu'il n'en avait lors de son premier mandat.
07:35Et justement, concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Le fait qu'il ait plus de pouvoir, ça veut dire que là, il peut vraiment faire ce qu'il veut. Comment est-ce que les différents contre-pouvoirs qui existent se portent à la suite de cette élection ? Est-ce que Donald Trump, globalement, il a les plans de pouvoir, il fait ce qu'il veut ?
07:52Alors, il aura toujours une opposition, une société civile qui pourra aussi se mobiliser, mais en tout cas, là, les démocrates ont pris un gros coup sur la carafe. Ils vont devoir analyser les résultats.
08:11Ça pourra prendre sans doute un peu de temps, mais ce qui est très frappant, c'est qu'on avait tous pensé que le retrait de Joe Biden allait donner d'ailleurs de l'élan au début de campagne à Kamala Harris. Les démocrates vont devoir analyser les raisons de cet échec.
08:32Ils sont sans doute multiples, puisque, encore une fois, Donald Trump progresse dans la quasi-majorité des États et auprès de la quasi-majorité des catégories de population, comme je le disais tout à l'heure.
08:45Donc, il va y avoir un vrai travail d'analyse pour les démocrates avant que toute opposition puisse prétendre jouer un rôle et empêcher Donald Trump de faire ce qu'il veut.
09:02Alors, on a une question dans le chat. C'est Joe Taquette qui te demande, puisqu'il a été élu par le peuple, c'est un signe que c'est de la démocratie. Les questions qu'on se pose avec cette élection, c'est est-ce qu'avec l'élection de Donald Trump, est-ce que la démocratie américaine pourra toujours être en bonne santé ?
09:17C'est compliqué de dire que la démocratie n'est pas en bonne santé quand le peuple s'exprime de manière aussi claire. Donc, oui, la démocratie s'est exprimée, c'est sans appel, et ça ne sert à rien de prétendre le contraire.
09:32Après, les leviers, l'idéologie de Donald Trump, oui, sont des menaces pour la démocratie. Comme je disais tout à l'heure, cette ère de post-vérité, de fake news permanente, de complotisme font que, oui, la démocratie américaine est malmenée.
10:00Pas simplement américaine, parce qu'on a compris depuis quelques années que ce qu'on appelle les démocraties libérales étaient en souffrance et menacées par ce vent mauvais et cette révolution réactionnaire dont Donald Trump est l'emblème américain, mais il y en a aussi en Europe.
10:23Donc, oui, d'un point de vue politique, encore une fois, la démocratie, le peuple s'est exprimé, mais les ressorts et l'idéologie, la manière de faire de la politique de Donald Trump représentent évidemment un danger pour la démocratie.
10:43Donald Trump est raciste, suprémaciste, complotiste, et tout ça sont des leviers anti-démocratiques.
10:56Et est-ce que, dans sa politique, il va respecter les contre-pouvoirs, tout ce qui fait que la démocratie fonctionne, ou est-ce qu'il pourrait bien n'en avoir pas grand-chose à faire ?
11:07Là, de toute façon, les pouvoirs seront de son côté. Donc, d'une certaine manière, il n'aura peut-être même pas besoin d'être dans les outrances et les menaces physiques qui avaient été à l'œuvre au moment de l'élection de Joe Biden.
11:26On se souvient de l'assaut du Capitole. Là, il n'est plus question de ça, puisque de toute façon, il a le pouvoir avec lui, il a les institutions, il a la force politique pour exercer son mandat, et ça va évidemment lui suffire.
11:46C'est une question qu'on a de Vince Darkt sur le chat de Twitch. Est-ce que ça pourrait tenter le Parti démocrate d'aller vers une ligne un peu plus droitière, un peu plus réactionnaire ?
11:57Il faut espérer que non, parce que ça n'est pas en essayant de s'inger ou d'aller sur le terrain de l'adversaire. Et évidemment, encore moins quand on parle de valeur. Là, on n'est pas dans un combat politique classique, si j'ose dire.
12:14La démocratie, c'est quoi ? C'est de faire vivre et de pouvoir effectivement faire coexister des opinions et des positions politiques différentes.
12:28Alors oui, sauf que là, encore une fois, il suffit d'écouter le discours de Donald Trump quand il est monté à la tribune pour sa première intervention. C'était même avant l'annonce officielle du résultat.
12:47Voilà, on est dans un charabia insensé pendant une bonne quinzaine, vingtaine de minutes où il a été à peine question de programme, d'orientation politique, de stratégie internationale, de stratégie environnementale.
13:10Il en a dit deux ou trois mots, mais les vingt premières minutes de son discours étaient juste insensés. Donc c'est ça qui est terrifiant. Et c'est ça que les démocrates n'ont pas réussi à contrecarrer.
13:26Mais c'est évidemment compliqué puisqu'il ne s'agit pas d'opposer des arguments qui reposent sur des faits à d'autres arguments, puisque là, la possibilité de dire n'importe quoi n'est plus un obstacle à la progression politique.
13:49Est-ce que cette élection, ça pourrait fragiliser d'une manière ou d'une autre les démocraties ailleurs dans le monde ?
13:58Je ne suis pas devin, mais j'en ai peur. D'abord parce que c'est déjà un petit peu le cas. L'Europe n'est pas à l'abri de cette révolution réactionnaire qui est à l'œuvre aux Etats-Unis. Elle l'a été au Brésil, elle l'est dans d'autres pays.
14:18En Europe, on sait que la Hongrie, l'Italie, avec évidemment des spécificités européennes, ce ne sont pas exactement les mêmes modèles, mais ils sont quand même copains.
14:31Donc, moi, ma plus grande inquiétude, c'est de savoir comment l'Europe va résister, en fait, puisqu'il y a une partie du vert qui est déjà dans son fruit, et qu'évidemment que la victoire de Donald Trump va forcément donner des ailes aux représentants de courants idéologiques qui se rapprochent de ce qu'est Donald Trump
15:00et de cette révolution réactionnaire dont je parlais.