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"Iran, les visages de la colère" est une plongée dans les coulisses du soulèvement "Femme, Vie, Liberté", en Iran. Quelques semaines après la mort de Mahsa Amini, jeune étudiante kurde, le 16 septembre 2022 sous les coups de la police pour quelques mèches s'échappant de son voile, Shooresh Afkari, un réalisateur iranien, contacte une consoeur française, Virginie Plaut. Il veut « lutter à sa manière, en faisant ce qu'il sait faire... filmer et donner à voir l'histoire qui s'écrit sous ses yeux ». Ce film est le journal intime de ce tournage réalisé clandestinement pendant près d'un an et demi à travers l'Iran.

Raconté à la première personne dans les pas du réalisateur iranien, ce documentaire est un récit choral qui dévoile une galerie de personnages hauts en couleurs, représentatifs de cette population iranienne à bout de forces et de patience : un petit couple de grands adolescents qui rêvent de vivre leur amour au grand jour et en toute liberté, un chauffeur de taxi, farouche opposant, et sa mère qui tente coûte que coûte de le protéger, une peintre qui essaie tant bien que mal d'exercer son art malgré le joug de la censure, un médecin soignant clandestinement les manifestants, un jeune homme prêt à tout pour trouver de l'argent...

Prévu pour durer quelques semaines ou mois, le tournage s'est finalement poursuivi pendant près d'un an et demi à travers l'Iran, au gré des rencontres et du courage de ceux qui ont accepté de se confier. Tout y est : les raisons de la colère, les préparations de manifestations, l'espoir, la peur, les désillusions, les conflits familiaux, les solidarités spontanées, les petites bulles de bonheur, la mort qui rôde...

Qui sont ces protestataires prêts à tout risquer au nom de la liberté ? Au-delà des manifestations, à quoi ressemble leur quotidien ? Que se passe-t-il dans leurs têtes, dans leurs coeurs, dans leurs familles ? Des images et des témoignages rares et précieux, d'autant plus émouvants que leur Révolution tant espérée n'a pas abouti.

Réalisé par : Shooresh Afkari et Virginie Plaut
Durée : 52' / Année : 2024
Coproduction : TV Presse et Cairn Films / LCP-Assemblée nationale / France 24

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Transcription
00:00:00Je vous propose de m'appeler Shouresh.
00:00:05En persan, ce prénom signifie « rébellion ».
00:00:10J'ai 37 ans, et j'ai vécu toute ma vie dans l'une des grandes villes d'Iran.
00:00:18J'ai 37 ans, et j'ai vécu toute ma vie dans l'une des grandes villes d'Iran.
00:00:24Pour ma sécurité, et celle de ma famille, je ne peux pas être plus précis.
00:00:30Si jamais ma véritable identité vient à être découverte,
00:00:34je risque une condamnation à mort.
00:00:39En septembre 2022, le meurtre d'une jeune fille a bouleversé le pays.
00:00:45Gina Marsa Amini, une étudiante kurde de 22 ans,
00:00:50arrêtée le 13 septembre pour quelques mèches de cheveux s'échappant de son voile.
00:00:58Morte trois jours plus tard.
00:01:01Sans doute des suites de coups reçus de la part des forces de l'ordre.
00:01:05Elle a été éliminée par la police.
00:01:08Elle a été éliminée par la police.
00:01:10Sans doute des suites de coups reçus de la part des forces de l'ordre.
00:01:17Une injustice de plus, l'injustice de trop.
00:01:24Les femmes d'abord,
00:01:28rejoignent ensuite par les jeunes hommes,
00:01:31puis toute la population sont descendues dans les rues malgré le danger.
00:01:40Le mouvement Femmes, Vies, Libertés est né.
00:01:47J'ai décidé de participer à ma manière,
00:01:50en faisant ce que je fais le mieux.
00:01:55Prendre ma caméra et filmer.
00:02:03Pour raconter notre colère et suivre les destins de courageux protestataires.
00:02:10Une étudiante,
00:02:14un chauffeur de taxi,
00:02:17une peintre,
00:02:20un médecin
00:02:23et une mère de famille.
00:02:30Salut Virginie, je ne sais pas si tu te souviens de moi,
00:02:34on s'était croisé au festival du film de...
00:02:37C'est notre amie commune qui m'a conseillé de te contacter.
00:02:41Je veux faire un documentaire sur la révolte qui a lieu en ce moment en Iran.
00:02:45C'est impossible pour moi de tout faire tout seul d'ici.
00:02:49J'aimerais avoir un co-réalisateur sur ce projet et j'ai pensé à toi.
00:02:54Je t'enverrai les images et tu pourrais faire le montage en Europe.
00:03:07Salut Shouresh, ravi de savoir que tu vas bien.
00:03:11Evidemment je suis partante,
00:03:13mais tu es bien conscient des risques que ça représente pour toi et éventuellement ta famille ?
00:03:19Je sais tout ça, mais je n'ai pas le choix.
00:03:22Il faut qu'on témoigne, il faut que le monde sache.
00:03:27Le chemin a été long,
00:03:29il a fallu prendre beaucoup de précautions.
00:03:32Filmer le plus discrètement possible,
00:03:34souvent avec un simple téléphone portable.
00:03:39Utiliser des messageries cryptées.
00:03:42Changer régulièrement de compte et de numéro.
00:03:46Convenir de mot de passe pour déjouer la surveillance des services de sécurité.
00:03:52Mais finalement, mes images
00:03:55et nos histoires sont arrivées jusqu'à vous.
00:04:35La première fois que j'ai vu Mitra,
00:04:38elle a surgi d'une ruelle en courant.
00:04:44Telle une apparition au milieu des gaz lacrymogènes.
00:04:50Elle fuyait la police après avoir participé à une manifestation.
00:04:54Par réflexe,
00:04:56elle avait fait partie d'un groupe d'hommes.
00:04:59Elle avait fait partie d'un groupe d'hommes.
00:05:01Elle avait participé à une manifestation.
00:05:04Par réflexe, je lui ai ouvert la portière de ma voiture.
00:05:08Elle a sauté dedans sans hésiter.
00:05:27Derrière son apparence de frêle jeune fille,
00:05:29je comprends rapidement que j'ai à côté de moi
00:05:32l'une des plus déterminées du mouvement,
00:05:34toujours prête à battre les rappels des troupes.
00:05:40Salut les gars, comment ça va ?
00:05:43Pourquoi vous ne sortez pas ?
00:05:45C'est aujourd'hui qu'il faut sortir.
00:05:47Si vous ne manifestez pas aujourd'hui,
00:05:49ils exécuteront deux d'entre nous demain.
00:05:51Nous serons deux personnes de moins.
00:05:53Je vous en supplie, où êtes-vous ?
00:05:56Salut à tous.
00:05:58Mais qu'est-ce que vous faites ?
00:06:00Pourquoi vous ne venez pas ?
00:06:03Demain, ils ont prévu d'exécuter deux d'entre nous.
00:06:06C'est aujourd'hui le moment de sortir.
00:06:09Je vous en supplie, venez s'il vous plaît.
00:06:12Je m'appelle Mitra, j'ai 18 ans.
00:06:15Je suis étudiante en premier semestre de comptabilité.
00:06:18Je suis née et j'ai grandi dans une famille religieuse.
00:06:22Je suis prisonnière de ma maison et je sors très rarement.
00:06:26Je me lève le matin, je me lève le soir,
00:06:29je me lève le matin, je me lève le soir,
00:06:32je me lève le soir, je me lève le soir,
00:06:35je me lève le soir, je me lève le soir,
00:06:38je me lève le soir, je me lève le soir,
00:06:41je me lève le matin sans objectif, sans savoir quoi faire.
00:06:46Nous, les femmes iraniennes, n'avons pas de véritable avenir.
00:06:51Ici, une femme vaut la moitié d'un homme.
00:06:54Elle est considérée comme une marchandise.
00:07:02Mais si nous luttons aujourd'hui, c'est que nous sommes remplis d'espoir.
00:07:06De belles choses nous attendent bientôt.
00:07:12Quelques jours après notre rencontre,
00:07:15Mitra me laisse un message.
00:07:18Elle a quelqu'un à me présenter.
00:07:21Il s'appelle Arash. Il a 19 ans.
00:07:24Cela fait un peu plus d'un an qu'ils se fréquentent,
00:07:27brisant ainsi l'un des grands tabous de la République islamique d'Iran.
00:07:32La première fois que j'ai vu Arash,
00:07:35j'étais de sortie avec une de mes camarades.
00:07:37En réalité, ce jour-là, je n'avais pas remarqué Arash.
00:07:45Je venais à peine de sortir et ma mère n'arrêtait pas de m'appeler.
00:07:50Et puis, mon ami m'a dit que ce gars,
00:07:53dont je ne me souvenais pas,
00:07:56avait dit qu'il m'aimait bien et qu'il voulait mon numéro.
00:08:01Et nous avons commencé à nous parler et appris à nous connaître.
00:08:04Mais en Iran, il est très difficile d'avoir une relation,
00:08:08surtout à 18 et 19 ans.
00:08:11Mais nous n'avons aucune liberté, nous ne pouvons rien faire.
00:08:15Si nous allons au parc, nous serons repérés par la police.
00:08:19Dans les rues, tout le monde nous surveille.
00:08:22Nous ne pouvons rien dire à nos familles.
00:08:25Nous ne sommes pas autorisés à voyager, car c'est interdit pour les filles.
00:08:29Et nous ne pouvons même pas faire l'amour.
00:08:32Par exemple, une fois, Mitra est venue chez nous.
00:08:41Nous ne faisions rien de spécial.
00:08:44Nous étions vraiment assis à distance et nous faisions des recherches sur Internet.
00:08:52Et ma mère est arrivée.
00:08:57On ne faisait rien de mal.
00:09:00Mais parce qu'une fille était avec moi, dans notre maison,
00:09:05c'était une catastrophe pour notre réputation.
00:09:09Ma mère est entrée dans une rage folle.
00:09:12Elle s'est précipitée vers nous et nous a giflés tous les deux.
00:09:23À quoi tu penses ?
00:09:26À la liberté.
00:09:29Allez, imaginons que nous soyons libres.
00:09:43Si on était libres, on ferait ce qui nous plaît.
00:09:48On profiterait de la vie.
00:09:51Personne ne m'appellerait toutes les deux secondes pour me demander où je suis.
00:09:56Et dans mes rêves, on pourrait se tenir la main dans la rue.
00:10:00On pourrait aller à Paris.
00:10:03On irait dans les cafés sur les Champs-Élysées.
00:10:09Et surtout, je voudrais absolument t'embrasser, en pleine rue.
00:10:20C'est ce que j'aimerais le plus.
00:10:29Hormis ces deux jeunes amoureux pleins de rêves et d'espoir,
00:10:33Jopin a trouvé d'autres témoignages.
00:10:36Mes compatriotes ont trop peur pour s'exposer.
00:10:41Combien de temps tu veux rester dehors ?
00:10:44Je dois être de retour avant que mon père ne rentre.
00:10:47C'est-à-dire ?
00:10:48C'est-à-dire à 20h30 ou 21h.
00:10:51Très bien.
00:10:54Alors disons 18h15.
00:10:57Je serai sur le boulevard où on s'est rencontrés.
00:11:00Sur le même banc. Je t'attendrai.
00:11:07Allô ? Salut, comment ça va ?
00:11:10Alors où es-tu ? Tu devais venir.
00:11:13Honnêtement, j'y ai beaucoup réfléchi et je ne peux pas.
00:11:19Alors je ne compte plus sur toi.
00:11:22Non, je suis vraiment désolé.
00:11:25Et je te conseille d'abandonner ce projet.
00:11:32Je commence à douter de pouvoir mener à bien ce documentaire.
00:11:36Lorsque je rencontre Kave.
00:11:40Ce jour-là, je prends un taxi pour me rendre à l'autre bout de la ville.
00:11:44En engageant la conversation, je réalise vite que le chauffeur fait partie des révolutionnaires les plus virulents.
00:11:52Malgré les risques, il accepte immédiatement de participer à notre projet.
00:12:02Dans cinq minutes, je vais te montrer où vivent les membres du gouvernement et les mollas.
00:12:08Regarde, ça, ça appartient à nos dirigeants.
00:12:12Regarde un peu l'espace qu'ils ont dans le meilleur endroit de la ville.
00:12:18Tout ça leur appartient.
00:12:21J'ai peur de filmer.
00:12:24Ils ont des caméras.
00:12:27Laisse-moi faire un tour.
00:12:29Peux-tu remonter la vitre ?
00:12:38Regarde ce bâtiment.
00:12:40Il appartient à l'imam des prières du vendredi.
00:12:43Un vrai château.
00:12:45Cinquante familles pourraient vivre dans un immeuble de cette taille.
00:12:51Je me demande bien où ils trouvent tout cet argent.
00:12:54Ah, l'enfoiré.
00:12:56Regarde, il a un autocollant de l'ancien chef des gardiens de la révolution.
00:13:00Je suis bien content que les Américains les réduisent en bouillies.
00:13:04Et j'aimerais bien avoir un cocktail Molotov en ce moment.
00:13:08Vraiment dommage que je ne puisse pas faire grand-chose.
00:13:12Regarde un peu ce mouchard.
00:13:14Ce mouchard des gardiens de la révolution.
00:13:16Vas-y, filme-le.
00:13:18Que tout le monde voit.
00:13:25Qu'est-ce que tu aurais fait si tu avais eu un cocktail Molotov ?
00:13:29Je l'aurais cramé.
00:13:38Je m'appelle Kaveh.
00:13:40J'ai 28 ans.
00:13:42Quand j'étais plus jeune,
00:13:44mon père était accro à la drogue.
00:13:47Un jour, il a quitté la maison et n'est jamais revenu.
00:13:56Ma mère a emprunté beaucoup d'argent pour acheter une vieille voiture
00:14:01afin d'acheter une voiture.
00:14:03Ma mère a emprunté beaucoup d'argent pour acheter une vieille voiture
00:14:07afin de travailler dans le transport scolaire.
00:14:10C'était pour payer le loyer et tout le reste.
00:14:14Moi, j'adorais étudier.
00:14:17Alors j'ai décidé de faire la plonge dans un restaurant
00:14:21pour pouvoir me payer l'université en parallèle.
00:14:27Mais j'ai dû arrêter.
00:14:33Il n'y a aucun avenir ici.
00:14:36Quand je vois que les enfants des riches politiciens ou des molas mènent la belle vie,
00:14:41qu'ils vivent tous en Europe ou aux Etats-Unis
00:14:44ou alors ici dans les quartiers très riches.
00:14:47Et nous alors ?
00:14:49On travaille jour et nuit pour ne rien gagner.
00:14:52Quand tu vois notre situation,
00:14:54pourquoi ne pas manifester dans les rues ?
00:14:56Mais tout le monde me dit, tu vas te faire tuer.
00:14:59Et alors ?
00:15:01A quoi bon vivre dans ces conditions ?
00:15:04Je ne sais pas.
00:15:14J'ai cherché sur Internet la recette du cocktail monotophe.
00:15:20La seule chose qui pourrait apaiser un peu ma colère,
00:15:24ce serait de détruire quelques-unes des voitures des forces de l'ordre
00:15:27avec des cocktails monotophe.
00:15:29Viens, on en teste un.
00:15:33Imaginons que c'est la voiture d'un flic là.
00:15:38Super.
00:15:47Ouais, ça brûle bien.
00:15:51C'est pour quand ?
00:15:53Ce soir ?
00:15:55Ce soir.
00:15:56Ce soir, j'espère.
00:15:58Quand ce sera le moment, les autres nous le feront savoir.
00:16:07En traversant le pays à la recherche de nouveaux témoignages,
00:16:11je m'interroge.
00:16:13Comment le peuple iranien a-t-il pu supporter cela si longtemps ?
00:16:21Comment avons-nous pu survivre dans ce pays où tout est interdit ?
00:16:25Chanter et danser en public pour les femmes.
00:16:29Se tenir la main.
00:16:31Rire dans la rue.
00:16:33Être heureux.
00:16:40Comment l'Iran a-t-il pu former autant d'intellectuels et d'artistes
00:16:44avec cette chape de plomb de la censure ?
00:16:48Je ne sais pas.
00:16:49Comment l'Iran a-t-il pu former autant d'intellectuels et d'artistes
00:16:53avec cette chape de plomb de la censure ?
00:16:56Je décide de creuser cette question.
00:17:00Par l'entremise d'un ami,
00:17:02je réussis à entrer en contact avec une jeune peintre.
00:17:10Je m'appelle Golbahar, j'ai 24 ans.
00:17:20Mon père n'a jamais été trop strict.
00:17:23J'ai toujours pu vivre comme je le souhaitais.
00:17:32Ma mère a toujours tout fait pour ne pas porter le hijab obligatoire.
00:17:38Elle a d'ailleurs souvent eu des problèmes avec l'effort du régime à cause de ça.
00:17:41Je me souviens d'un épisode marquant pour moi.
00:17:45J'ai envoyé une de mes œuvres à une exposition.
00:17:50Elle avait été acceptée.
00:17:53C'était important pour moi de voir ce qu'elle avait fait.
00:17:57J'avais appris à la fin.
00:17:59J'avais appris à la fin.
00:18:01J'ai appris à la fin.
00:18:03J'ai appris à la fin.
00:18:05J'ai appris à la fin.
00:18:07J'ai appris à la fin.
00:18:09J'ai appris à la fin.
00:18:11Je voulais une bonne femme,
00:18:13une femme qui m'a vu dans les yeux.
00:18:15Ce n'est pas possible.
00:18:17Je ne pouvais pas.
00:18:19Je ne pouvais pas prendre une seule photo d'elle.
00:18:22Je n'avais pas de photos,
00:18:25je ne pouvais me souvent pas prendre cette photo.
00:18:28J'ai sélectionné les photos de la femme qui avait été intégrée dans l'exposition.
00:18:33Je me suis dit,
00:18:35j'allais faire des photos de la femme qui avait été intégrée dans l'exposition.
00:18:38J'avais trempé les yeux,
00:18:39de mes amis, peintres ou comédiens, on se sentait vraiment déprimés.
00:18:43Et on n'arrivait pas à travailler.
00:18:49On se demandait si avec toute cette censure qu'on subissait, ça avait un sens de continuer à créer.
00:19:00Mais ensemble, on a trouvé la force de peindre un tableau.
00:19:11C'est la seule chose que je sais faire.
00:19:22Alors par mon travail, j'exprime ma rage et ma protestation.
00:19:28Après chaque journée de tournage, je m'empresse d'envoyer les images à Virginie, qui montre
00:19:49le documentaire à Paris, et de les supprimer de mon disque dur.
00:19:56Si jamais je me fais arrêter, il ne faut surtout pas qu'elle soit en ma possession,
00:20:01ni pour moi, ni pour les personnes que j'ai filmées.
00:20:06Mais le réseau Internet est extrêmement lent en Iran.
00:20:10Le régime le ralentit volontairement pour que les opposants aient du mal à communiquer entre eux
00:20:15et à organiser leurs actions.
00:20:17Et pour avoir accès à tous les sites et éviter de me faire repérer par les forces de sécurité,
00:20:23je dois passer par un VPN, un logiciel qui me géolocalise à l'étranger.
00:20:29Parfois, il me faut plus de 24 heures pour envoyer quelques minutes de vidéo.
00:20:40Cela fait maintenant quelques semaines que je n'ai plus de nouvelles d'Omitra.
00:20:44J'ai essayé de la joindre, tenté de me renseigner pour savoir s'il lui était arrivé quelque chose,
00:20:51mais je n'ai trouvé aucun indice.
00:20:54Quand je reçois enfin un signe de sa part.
00:21:04Pour échapper à la surveillance oppressante de sa famille très religieuse,
00:21:08elle leur a fait croire qu'elle partait étudier à Téhéran, à plusieurs centaines de kilomètres de là,
00:21:15et qu'elle logerait dans un internat de jeunes filles très strictes.
00:21:20Alors qu'en réalité, elle continue son combat ailleurs, aux côtés de son petit ami Arash.
00:21:28Ma famille m'a emmenée à la gare et m'a fait monter dans le bus.
00:21:31On avait prévu un plan avec Arash.
00:21:34Il a pris un taxi et a suivi le bus.
00:21:50Dès qu'on est sortis de la ville, j'ai demandé au chauffeur d'arrêter le bus pour que je puisse descendre.
00:21:55Il a été surpris.
00:21:57Il m'a même demandé si j'étais sûre de vouloir descendre.
00:22:03Arash était là avec le taxi.
00:22:06Il faisait nuit, on avait vraiment froid.
00:22:11Je me suis dit qu'il allait me chercher à la gare.
00:22:14Arash était là avec le taxi.
00:22:16Il faisait nuit, on avait vraiment froid.
00:22:34On ne savait pas où aller.
00:22:44Un garçon et une fille qui se promènent la nuit, ça pouvait attirer l'attention de la police.
00:22:50On risquait d'être arrêtés.
00:22:54Finalement, on s'est cachés sous un pont pour que personne ne nous voit.
00:23:04Et le lendemain, je suis partie à la recherche d'un lieu où dormir.
00:23:09Finalement, j'en ai trouvé un moins cher que les autres,
00:23:12même si c'était encore trop pour moi, qui n'est pas grand-chose.
00:23:25Et puis, j'ai trouvé un petit boulot.
00:23:34En partant ce soir, je me suis dit que j'allais dormir chez moi.
00:23:38En partant ce soir, couvre-toi le visage pour ne pas être reconnue.
00:23:44Tu peux prendre des masques dans mon sac si tu n'en as plus.
00:23:48C'est bon, j'en ai.
00:23:49Garde-les pour toi, c'est plus important.
00:23:52Je ferai attention, ne t'inquiète pas.
00:23:56Toi, n'oublie pas qu'ils sont sans pitié.
00:23:58Ils frappent tout le monde.
00:23:59Sois prudente, tu restes à mes côtés et il ne se passera rien.
00:24:03Si on m'arrête, je dis que je ne te connais pas.
00:24:06On dit qu'on va faire des courses, qu'on ne fait que passer.
00:24:13Mais bon, ce sont des connards, des menteurs et des barbares.
00:24:18Ils te reprocheront toujours quelque chose, même si tu n'as rien fait de mal.
00:24:23Alors, quel est le plan pour ce soir ?
00:24:25Les gars sont en route.
00:24:27Arash, tu n'aurais pas dû les laver avec ça.
00:24:29Pourquoi ? Ça marche bien.
00:24:31Ça va rayer le fond.
00:24:33D'accord.
00:24:42Salut Mohsen, comment vas-tu ?
00:24:45Pour ce soir, essaie de nous livrer au moins 1 000 tracts.
00:24:48Je ne peux pas, je n'ai pas d'argent.
00:24:50Je ne peux pas, je n'ai pas d'argent.
00:24:52Je ne peux pas, je n'ai pas d'argent.
00:24:54Je ne peux pas, je n'ai pas d'argent.
00:24:56Alors, pour moi, 1 000 tracts.
00:25:02Les gars, ce soir à 23h, on se retrouve à la station 7.
00:25:04Assurez-vous de porter gants, masques, chapeaux, lunettes de soleil,
00:25:06vêtements confortables et chaussures adaptées.
00:25:08Vous avez l'habitude.
00:25:10On se retrouve tous et ensuite, on se répartira deux par deux.
00:25:12Et on fait ce qu'on a prévu.
00:25:14Au revoir.
00:25:26...
00:25:30Depuis le début du soulèvement, j'entends parler de ces médecins
00:25:33qui soignent clandestinement les nombreux manifestants blessés.
00:25:37Impossible pour ces derniers de se rendre dans les hôpitaux
00:25:40sous peine d'être dénoncés au régime.
00:25:42...
00:25:49Alors le Dr Soprani et ses collègues ont décidé de s'engager
00:25:52à leur manière en mettant leurs compétences
00:25:54au service de la cause.
00:25:56...
00:25:57Il m'a fallu de longues semaines de discussion
00:26:00pour gagner sa confiance
00:26:01et le convaincre de me laisser l'accompagner dans ses tournées.
00:26:04...
00:26:07Téléphone
00:26:11...
00:26:13Bonjour, docteur.
00:26:15Bonjour. Qu'est-ce qui t'arrive ?
00:26:17J'ai très mal à l'oeil, docteur.
00:26:20Qu'est-ce que je peux faire ?
00:26:21...
00:26:23Ne t'inquiète pas, je vais t'examiner.
00:26:25Tu es au même endroit que la dernière fois ?
00:26:28Oui, je n'ai pas bougé.
00:26:30D'accord.
00:26:32J'arrive. À tout à l'heure.
00:26:34...
00:26:36Téléphone
00:26:38...
00:26:39...
00:26:42...
00:26:43...
00:26:44...
00:26:48...
00:26:49...
00:26:54Prends une profonde respiration.
00:26:56...
00:27:00Ton rythme cardiaque est bon.
00:27:02Je vais t'examiner les yeux maintenant.
00:27:05...
00:27:11Là, ça ne va pas, ton oeil s'est infecté.
00:27:14Je dois demander conseil à un spécialiste.
00:27:16Je te donnerai son numéro pour que tu puisses t'adresser à lui.
00:27:20Merci, docteur. Je t'en prie.
00:27:22...
00:27:28Je suis médecin depuis dix ans.
00:27:31Mon père était colonel dans la garde impériale du Shah d'Iran.
00:27:35Il n'a pas quitté l'Iran après la révolution islamique,
00:27:39donc il a été arrêté.
00:27:40...
00:27:42Des milliers de personnes ont été exécutées en quelques jours.
00:27:46...
00:27:50Mon père a été miraculeusement libéré.
00:27:52...
00:27:57Mais après sa libération, il était incapable de travailler
00:28:00à cause des tortures physiques et psychologiques qu'il avait subies.
00:28:04...
00:28:10Son esprit était brisé et il s'est mis à la retraite.
00:28:15Peu de temps après,
00:28:16il a fait une crise cardiaque et il est mort.
00:28:20...
00:28:24J'ai toujours été opposé au régime de la République islamique,
00:28:29mais je n'ai jamais participé à aucune des manifestations.
00:28:33Honnêtement, j'avais peur.
00:28:36...
00:28:38Surtout après ce que le régime avait fait subir à mon père.
00:28:42Mais quand la nouvelle de la mort de la jeune fille
00:28:44s'est répandue, la mort de Massa Amini,
00:28:48j'ai pu constater le nombre élevé de blessés et de morts,
00:28:52parce que j'étais en première ligne en tant que soignant.
00:28:55J'ai vu également les forces de l'ordre
00:28:58enlever les blessés à l'intérieur de l'hôpital.
00:29:01...
00:29:04Je les ai même vus à plusieurs reprises faire disparaître
00:29:07les corps des personnes qu'elles avaient tuées.
00:29:09Si les forces de l'ordre faisaient ça,
00:29:11c'est parce que les blessures des victimes
00:29:14étaient tellement atroces, avec de nombreux splats
00:29:16et des marques de coups, que le régime craignait
00:29:19les réactions des familles de ces victimes.
00:29:21Je me souviens d'une petite fille qui avait reçu
00:29:24un coup de bâton si fort sur la tête
00:29:26que son oeil était sorti de son orbite.
00:29:28A ce moment-là, j'ai décidé de réagir
00:29:31et de faire tout ce que je pouvais pour aider les blessés.
00:29:35...
00:29:59Vos cicatrices vont mieux.
00:30:02Je vais retirer le pansement pour regarder.
00:30:04Il y a eu des saignements.
00:30:06Je vais changer le pansement.
00:30:08J'ai beaucoup de maux de tête et de vertiges.
00:30:11Ne vous inquiétez pas, laissez-moi vérifier votre pression artérielle.
00:30:23Vos vertiges sont dues à une baisse de tension.
00:30:25Je vais vous poser une perfusion et vous vous sentirez mieux.
00:30:35Depuis 1979 et l'avènement de la République islamique en Iran,
00:30:40à plusieurs reprises, le peuple a tenté de faire tomber le régime.
00:30:47Mais pour la première fois, en ce début février 2023,
00:30:51j'ai l'impression que nous en sommes proches.
00:30:56Dans la rue, on assiste à des scènes que je n'aurais jamais cru voir un jour.
00:31:00Des jeunes Iraniens n'hésitant pas à humilier publiquement dirigeants et religieux.
00:31:12Et à l'étranger, pour la première fois depuis 1979,
00:31:16les opposants en exil de tout bord ont décidé de s'allier pour faire chuter les mots de l'art.
00:31:27Salut Virginie.
00:31:29Aujourd'hui, j'ai eu envie de t'écrire pour partager avec toi mon espoir.
00:31:34Depuis hier, nous avons une coalition de l'opposition iranienne à l'étranger.
00:31:38C'est une grande première.
00:31:41Je sens que cette fois-ci, c'est la bonne.
00:31:46En plus, j'ai vu grâce à mon VPN qu'il y avait des manifestations
00:31:50pour nous soutenir en Europe et même à Paris.
00:31:58Salut Chouresh.
00:32:02Tu m'as peut-être vu sur les images, j'étais à la manifestation parisienne.
00:32:06Oui, il y a une vraie mobilisation pour vous ici.
00:32:19Tu n'imagines pas à quel point c'est important pour nous de savoir tout ça.
00:32:22Ça nous donne de la force et du courage.
00:32:29Ménosélande d'euphorie sont régulièrement douchés par la réalité quotidienne.
00:32:34Alors que j'ai rendez-vous avec Kaveh, de chauffeur de taxi militant,
00:32:38pour la suite de notre tournage, je tombe sur sa mère inconsolable,
00:32:43au milieu de leur appartement dévasté.
00:32:49Il était 8h ou 9h du matin.
00:32:52J'ai entendu du monde frapper à la porte.
00:32:55J'ai entendu du monde frapper à la porte.
00:32:58Je suis allée ouvrir.
00:33:00Plusieurs personnes sont entrées, le visage couvert.
00:33:03Je ne les connaissais pas du tout.
00:33:05Je ne savais pas qui ils étaient ni d'où ils venaient.
00:33:08Ils sont entrés dans la chambre.
00:33:11Kaveh dormait, il rentrait du travail.
00:33:13Ils l'ont attrapé, ils l'ont emmené.
00:33:20Je n'arrêtais pas de demander, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:33:22Pourquoi l'emmenez-vous ? Qu'a-t-il fait ?
00:33:24Ils m'ont dit qu'ils me tiendraient au courant.
00:33:26Vous ne l'avez pas suivi pour voir où il était emmené ?
00:33:29Non, on ne sait pas où ils l'ont emmené.
00:33:31On ne sait même pas qui étaient ces gens.
00:33:34À mon avis, c'était les services de renseignement,
00:33:37des gardiens de la Révolution.
00:33:40J'avais entendu dire qu'ils faisaient irruption, qu'ils emmenaient les jeunes.
00:33:44Je n'ai aucune idée de quel crime on l'accuse.
00:33:48Je n'ai aucune nouvelle de lui.
00:33:52Ils ne l'ayant rien pris, il n'y avait rien de suspect.
00:33:57Ils ont pris le disque dur de son ordinateur, mais n'ont rien trouvé d'autre.
00:34:03Ils m'ont menacé, je ne dois en parler à personne.
00:34:06J'ai tellement peur qu'ils fassent quelque chose à mon fils,
00:34:09comme ils l'ont fait à tant d'autres.
00:34:22Mithra a donc réussi à échapper à la police
00:34:25et à profiter des plaisirs clandestins que s'offre régulièrement,
00:34:29malgré le danger que cela représente,
00:34:32la jeunesse iranienne.
00:34:51c'est trop bien
00:35:21C'est trop bien
00:35:51Oui maman, salut
00:35:55Je t'ai dit que j'avais cours aujourd'hui, ça fait dix fois que tu m'appelles
00:35:58Je suis en classe, je ne peux pas répondre au téléphone
00:36:03Tu me saoules, j'en veux plus
00:36:10Je t'ai dit que j'étais en cours toute la journée
00:36:13Oui, j'ai des cours tous les jours
00:36:16Ok, je t'enverrai mon emploi du temps
00:36:18Je te l'ai proposé mais tu n'en as pas voulu
00:36:23Tu n'as qu'à appeler l'université
00:36:28Mais oui, bien sûr que je mets mon voile pour aller à l'université
00:36:35Ok maman, ça suffit
00:36:38J'en ai assez
00:36:48Après quelques mois de flottement face au mouvement Femme, Vie, Liberté, le régime est repassé à l'offensive. Le guide suprême nous abreuve de discours de propagande sur les médias d'État.
00:37:03Pour les femmes, il est obligatoire qu'elles portent des vêtements qui ne représentent qu'une face, deux doigts et deux jambes.
00:37:15Ce qui n'est pas acceptable, c'est que nos gens soient musulmans, musulmans, musulmans, et que nos femmes soient musulmanes.
00:37:26Ils doivent respecter le régime de la ville.
00:37:34Dans la rue, une répression encore plus sévère s'organise.
00:37:39Un peu partout, des caméras de surveillance intelligente sont censées repérer et identifier les femmes ne portant pas le voile.
00:37:47Et les arrestations arbitraires pour étouffer toute résistance se multiplient. Personne n'est à l'abri.
00:37:54Les vétérans sont seuls à la porte.
00:37:57Les vétérans sont seuls à la porte.
00:38:00Les vétérans sont seuls à la porte.
00:38:03Mais la violence reste.
00:38:05pas le voile. Et les arrestations arbitraires pour étouffer toute résistance se multiplient.
00:38:14Personne n'est à l'abri.
00:38:35Virginie, c'est moi. J'ai été arrêtée, mais j'ai réussi à m'échapper. J'ai dû
00:38:54me cacher quelques jours. J'espère que tu n'as pas essayé de me joindre. Ils ont
00:38:59pris mon téléphone et ma caméra. Si jamais ils se rendent compte que je communique avec
00:39:03une Occidentale... Tellement contente d'avoir de tes nouvelles, je n'en pouvais plus d'attendre.
00:39:14Comme promis, je ne t'ai envoyé aucun message. Ne t'inquiète pas. En lisant les journaux
00:39:23étrangers sur Internet, je prends la mesure du nombre de victimes de notre mouvement.
00:39:29Près de 600 morts dans les manifestations, dont plusieurs dizaines d'enfants.
00:39:39Plus de 20 000 personnes auraient été arrêtées. Une dizaine a déjà été exécutée.
00:39:47D'autres attendent dans le couloir de la mort. Sans compter ceux qui,
00:40:11comme KV, le chauffeur de taxi, manquent toujours à l'appel.
00:40:17Qu'ils aillent tous au diable. Chaque jour, sa mère fait le tour des commissariats et des prisons
00:40:24pour tenter de retrouver sa trace. Ils me forcent à porter le tchador, ce maudit hijab obligatoire.
00:40:30Je suis obligée de porter ça pour m'adresser aux autorités. J'espère qu'ils iront tous en
00:40:38enfer. Je n'ai jamais été confrontée à une telle situation. Mon dieu, aidez-moi. J'ai
00:40:48tellement peur. Je n'ai pas réussi à manger ni à dormir depuis des jours.
00:41:09Je n'ai qu'un seul fils. Je donnerai ma vie pour lui. Je ne peux pas rester assise et attendre.
00:41:14Et s'ils ne me donnent que son cadavre, comme tant d'autres.
00:41:18Comment ça va ? Tout va bien ? Je suis arrivée. Je suis juste à côté du tribunal en ce moment.
00:41:30Et personne ne me donne vraiment de réponse. Ils ne te répondront pas ? Quand je leur dis son nom,
00:41:41ils me disent qu'il n'est pas là. Oui, j'ai aussi essayé de me renseigner, mais personne ne veut
00:41:48me répondre. Et qu'est-ce qu'on fait pour l'avocat ? J'ai parlé à deux amis, ils m'ont dit que le
00:41:56tribunal désignerait un avocat à commis d'office. Je ne sais pas ce qu'il y a de mieux à faire. Je dois
00:42:02encore y réfléchir. Qu'est-ce que je dois faire ? Ils vont tuer mon fils. Non, ça n'arrivera pas,
00:42:13ne pleure pas. On va trouver une solution. S'il te plaît, fais quelque chose, je t'en supplie.
00:42:21Je vais d'abord voir si je peux le trouver, au moins pour savoir s'il est vivant ou non. Ils m'ont
00:42:27dit que je devais chercher dans les prisons, une par une. Mais lesquelles ? C'est la question que
00:42:35j'ai posée, ils ne m'ont pas répondu. Ce matin, je les ai entendu dire à des gens de récupérer le
00:42:41cadavre de leur enfant, quelque part. Mais c'était faux, c'était juste pour briser leurs espoirs. Je
00:42:48fais quoi ? Je vais me renseigner, tu ferais mieux de rentrer chez toi. Rentre chez toi et prends
00:42:55soin de toi. D'accord, au revoir.
00:43:18L'OTAN passe. Cela fait maintenant plus de huit mois que le soulèvement a commencé. Nous espérions
00:43:31la chute rapide du régime, mais nous comprenons désormais qu'il faudra tenir sur la durée,
00:43:36alors même que le quotidien est chaque jour plus insupportable en Iran.
00:43:41Entre les sanctions économiques internationales et nos dirigeants corrompus qui s'accaparent des
00:43:53quelques richesses qu'il nous reste, la population s'enfonce dans la pauvreté.
00:44:11Sommes-mêmes de la misère, ces affiches qui florissent dans les grandes vides iraniennes,
00:44:29proposant des organes contre monnaie sonnante et trébuchante.
00:44:42Quand je travaille, je ne gagne jamais assez. Parfois je cumule deux boulots,
00:44:52mais tout ce que je gagne part dans le loyer ou dans la nourriture. Un jour j'ai fait des
00:45:01recherches sur internet pour savoir comment les gens devenaient riches et je suis tombé
00:45:07sur une annonce pour vendre son rein. On m'appelle Sina, je vis seul, ma mère n'en a rien à faire
00:45:23de moi. Elle dit que je ne suis pas son enfant. Et mon père est un drogué, il ne s'intéresse
00:45:30qu'à lui-même. J'ai toujours voulu être magicien. Je m'imaginais qu'en devenant magicien,
00:45:44je pourrais jouer dans des films, comme toutes ces stars qui ont des maisons et des voitures
00:45:49et qui peuvent aider les pauvres. Si je parviens à vendre mon rein, je n'aurai plus besoin d'emprunter.
00:45:58Ça me ferait un peu d'argent pour mon avenir.
00:46:01Allo ? Bonjour, désolé de vous déranger. J'ai vu votre annonce pour un rein. Est-il
00:46:28encore disponible ? Oui, en effet. Je souhaiterais l'acheter pour 15 500 euros, si vous êtes d'accord
00:46:37bien sûr. Pour combien ? 15 500 euros en liquide. Ça vaut plus que ça en ce moment. Mon rein est en
00:46:50bonne santé, je ne bois pas d'alcool, je ne fume pas, il est sain. Si vous êtes d'accord pour 15
00:46:58500 euros, enregistrez mon numéro. Rappelez-moi pour qu'on règle ça et que je vous remette l'argent.
00:47:04Non, 15 500 c'est trop peu. Pas de problème, bonne continuation. Rappelez-moi si vous changez
00:47:13d'avis. Bonne journée. Bonne journée. Qui vendrait un rein pour 15 500 euros ? Ça n'a aucun sens.
00:47:22Qu'est-ce que je vais faire mon dieu ? 15 500 euros, c'est pas assez. J'ai besoin de beaucoup plus.
00:47:32Tu préfères donc avoir l'argent avec un corps handicapé ? Bien sûr, je préfère vivre en paix
00:47:41pendant deux semaines ou un mois plutôt que de vivre dans le besoin tous les jours. C'est terrible
00:47:49cette souffrance au quotidien, la crainte de ne pas avoir assez d'argent pour acheter du pain, de ne pas vivre correctement.
00:48:13Avec la répression et la surveillance toujours plus grandes, les manifestations se font plus
00:48:18rares. Mais une nouvelle forme de résistance se met en place, peut-être moins spectaculaire,
00:48:26mais tout aussi courageuse et déterminée.
00:48:49La jeune peintre Golbahar délaisse régulièrement ses pinceaux pour tenter d'entretenir la flamme de l'espérance.
00:48:57Si j'écris ce petit message, c'est parce qu'en ce moment, les Iraniens portent un fardeau de tristesse
00:49:07et de colère, trop lourd pour leurs épaules. Avec ça, je veux rappeler que nous devons garder espoir.
00:49:21Parfois, le quotidien est tellement dur, mais le fait de se souvenir que nous sommes nombreux,
00:49:30que nous sommes là les uns pour les autres, ça apaise nos souffrances et les rend supportables.
00:49:38Une initiative qui peut paraître anodine vu d'Occident,
00:49:48mais qui pourrait lui coûter au minimum de longues années de prison.
00:49:52Après plusieurs semaines de recherches vaines, la mère de Kaveh, le chauffeur de taxi,
00:50:03se raccroche désormais à tous les petits signes d'espoir.
00:50:07Là, je vais dans un marché. Il s'appelle le marché du diable.
00:50:13On m'a dit que je pouvais y trouver des pigeons blancs.
00:50:17C'est ce que je cherche maintenant, un pigeon blanc.
00:50:22Je le relâcherai, dans l'espoir que mon fils soit libéré aussi.
00:50:28Donne-lui de l'argent.
00:50:39Combien ça fait?
00:50:4140 tomans.
00:50:45Merci.
00:50:55Merci.
00:51:25Nous avons beaucoup d'espoir et je suis certaine que notre révolution finira par l'emporter.
00:51:40Quant à Mitra et Orash, ils défilent au pouvoir en vivant leur histoire d'amour au grand jour.
00:51:51À la télé, les religieux disent que si nous subissons une grande sécheresse,
00:51:55c'est parce qu'on ne respecte pas l'obligation de porter le hijab que cela met Dieu en colère.
00:52:02Mais depuis que les femmes enlèvent leur voile, il pleut bien plus souvent.
00:52:13Cette année, il a vraiment beaucoup plu ici, à tel point qu'il y a maintenant une rivière qui traverse notre ville.
00:52:19Orash et moi avons décidé de nous y promener.
00:52:24J'avais dit à Orash que je voulais y aller sans voile.
00:52:32C'est vraiment des super moments, mais en même temps, j'ai toujours peur qu'il se passe quelque chose.
00:52:40À tout instant, la police peut m'arrêter parce que je ne porte pas le voile.
00:52:45Ou bien un gardien de la Révolution peut m'abattre, de loin.
00:52:57Mais enlever mon voile et marcher tête nue me permet de me sentir libre.
00:53:06Surtout aux côtés de mon petit ami.
00:53:12Et c'est aussi pour manifester publiquement mon opposition au régime.
00:53:29Je suis allée au tribunal ce matin.
00:53:31Ils m'ont dit que la lettre pour la libération de Kaveh avait été délivrée, mais ils ne me l'ont pas donnée.
00:53:36Depuis, j'attends ici, mais il n'est toujours pas sorti.
00:53:39Je suis tellement inquiète.
00:53:52Oh, le voilà.
00:53:56Il est là.
00:54:01C'est lui.
00:54:09Bonjour, mon fils.
00:54:34Bonjour, maman.
00:54:36Comment vas-tu, mon chéri, mon bébé?
00:54:37Ils vont nous tomber dessus si on reste ici.
00:54:40Ca va ?
00:54:41Ca va.
00:54:46Je suis tombé.
00:55:00Tu m'avais promis de faire attention.
00:55:03J'ai fait attention, maman, j'y suis pour rien.
00:55:06Tu n'as pas idée de ce que j'ai vécu pendant tout ce temps.
00:55:09C'est ma voiture.
00:55:11Je savais que tu serais content de l'avoir.
00:55:13Alors je suis venue avec.
00:55:23Je suis tellement anxieuse.
00:55:25C'est mieux si c'est toi qui conduis.
00:55:27Qu'avait qu'est-ce que c'est ?
00:55:38C'est une marque de torture ?
00:55:44Non non, c'est plus comme avant.
00:55:47Ils ne frappent pas.
00:55:48Ils essayent de te briser mentalement.
00:55:50Ils ne t'ont pas torturé ?
00:55:52Ils te torturent psychologiquement.
00:55:54C'est pire que de te battre.
00:55:56Ça me brise le coeur.
00:55:58J'ai été placé à l'isolement pendant 40 jours.
00:56:01Je ne savais pas où j'étais.
00:56:05Je ne pouvais pas savoir si on était le jour ou la nuit, ni quelle heure il était.
00:56:10Il n'y avait personne.
00:56:12Et puis quelqu'un est venu me parler.
00:56:15Je ne savais pas si je pouvais le croire.
00:56:17Il a dit qu'il était juge.
00:56:19Et que j'avais été condamné à 20 ans de prison.
00:56:22Quelle horreur.
00:56:25Quand ils m'ont emmené en prison,
00:56:27je pensais que j'allais me retrouver au milieu de meurtriers et de criminels.
00:56:32Mais pas du tout.
00:56:35Tous des intellectuels.
00:56:39Toutes les personnes saines d'esprit qui réfléchissent un peu.
00:56:43Tous sont enfermés là-bas.
00:56:46Ils ont tous été emprisonnés.
00:56:52C'est une université de haut niveau à l'intérieur de la prison.
00:57:00Dieu merci, tu es libre, Kévé.
00:57:02Dieu merci.
00:57:05Sois plus prudent à partir de maintenant.
00:57:07S'il te plaît, nous sommes sous surveillance.
00:57:09Je t'en supplie, j'en peux plus.
00:57:12Il faudra bien qu'ils finissent par dégager un jour.
00:57:15Tu te feras tuer.
00:57:17Au moindre faux pas, ils ne te louperont pas.
00:57:21Tu dois faire attention.
00:57:23Si quelque chose se passe, je manifesterai à nouveau.
00:57:27Jusqu'à ce que ces salauds soient partis.
00:57:29Fais attention.
00:57:30Tu n'auras pas toujours la chance de t'en sortir vivant.
00:57:52Voilà maintenant plus de 18 mois que je parcours l'Iran
00:57:55pour documenter le soulèvement de femmes vies libertés.
00:57:59À plusieurs reprises, j'ai échappé de justesse à une arrestation.
00:58:04Mais je sens que l'étau se resserre.
00:58:07La police me convoque régulièrement au commissariat,
00:58:10interroge mes proches sur mes allées et venues et mon travail.
00:58:14Il est temps pour moi de partir.
00:58:22Une dernière fois, je m'imprime de ces paysages,
00:58:26de ces odeurs qui ont bercé toute ma vie.
00:58:33Je ne sais pas ce qui m'attend de l'autre côté de la frontière.
00:58:37Mais une chose est certaine.
00:58:39Dès la chute de la République islamique,
00:58:42je serai de retour dans mon pays.
00:58:51Sous-titrage MFP.
00:59:21Musique douce
00:59:51...
01:00:21...

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