Que s'est-il passé entre l'été 1940 et l'été 1943 en Algérie française ? À l'époque, Philippe Pétain entend restaurer l'ordre colonial et mettre au pas les populations qualifiées d'« indigènes ». Le décret Crémieux, qui accordait aux juifs d'Algérie la citoyenneté française, est abrogé en 1940. Cependant, l'arrivée des alliés à Alger en novembre 1942 ne marque pas un tournant politique...
Pour en discuter, Jean-Pierre Gratien reçoit le co-auteur du documentaire, Jacques Attali, et l'historienne, Alya Aglan.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous.
00:00:17Que s'est-il passé entre l'été 1940
00:00:20et l'été 1943 en Algérie française ?
00:00:23La question nous intéresse aujourd'hui
00:00:26dans ce débat doc, avec le documentaire
00:00:28qui suit tout d'abord l'Algérie sous Vichy,
00:00:30réalisé par Stéphane Benhamou.
00:00:32Philippe Pétain, vous allez le voir,
00:00:34entendait rétablir en Algérie l'ordre colonial,
00:00:37mettre au pas les populations dites indigènes.
00:00:40Il y abroge aussi le décret Crémieux,
00:00:43qui faisait des Juifs d'Algérie, des citoyens français.
00:00:46Mais le plus troublant est de constater ici
00:00:48que l'arrivée des Alliés à Alger, en novembre 1942,
00:00:52fut loin de signifier un changement rapide de politique.
00:00:56Je vous laisse découvrir cette page d'histoire
00:00:58et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,
00:01:01en compagnie de celui qui a coécrit et inspiré ce film,
00:01:04Jacques Attali, ainsi que l'historienne Alia Aglan.
00:01:08Avec eux, nous nous interrogerons
00:01:10sur le cas de l'Algérie française sous le régime de Vichy
00:01:14et juste après. Bon doc.
00:01:17Musique douce
00:01:21-"Juin 1940.
00:01:23Alors que le pays s'effondre,
00:01:26que les Français de la métropole fuient l'avance allemande
00:01:29et se précipitent dans l'exode,
00:01:31Alger garde son visage habituel,
00:01:33celui d'une ville qui serait toujours en paix,
00:01:36sans bombardements ni occupation allemande.
00:01:39Et la deuxième ville de France,
00:01:41qui ne comprend pas comment la défaite a été possible,
00:01:44entend bien rester à l'écart du conflit mondial.
00:01:47...
00:01:50Alors, de l'été 1940 à l'été 1943,
00:01:54l'Algérie française se donne avec enthousiasme
00:01:57à la révolution nationale voulue par Pétain.
00:01:59...
00:02:01Une ferveur si grande
00:02:03que même le débarquement allié du 8 novembre 1942
00:02:06n'est pas immédiatement suivi d'un changement politique.
00:02:09...
00:02:12Cette anomalie de l'histoire n'a rien d'un accident
00:02:15ou d'une simple parenthèse.
00:02:17Tout ce don de nombreux Européens d'Algérie
00:02:20rêve depuis longtemps s'accomplit par la grâce du maréchal.
00:02:24Rétablissement de l'ordre colonial,
00:02:27exaltation de la grandeur de l'Empire,
00:02:29mise au pas des populations et, divine surprise,
00:02:33abrogation du décret Crémieux,
00:02:36qui, en 1870, avait fait des Juifs d'Algérie
00:02:39des citoyens français.
00:02:41...
00:02:43Cette mesure d'épuration de la communauté nationale
00:02:46n'a cessé d'être réclamée,
00:02:48par pur antisémitisme,
00:02:50mais aussi par simple calcul.
00:02:52Exclure les Juifs de la société algérienne,
00:02:55c'est dire aux Allemands que Vichy sait
00:02:58quelle population sacrifier
00:03:00pour prouver sa pleine et entière collaboration.
00:03:03Enlever leurs droits aux Juifs,
00:03:05c'est signifier à d'autres, les musulmans,
00:03:08qu'ils n'ont plus à espérer en obtenir.
00:03:11...
00:03:18...
00:03:24...
00:03:31...
00:03:34Pour la majorité des Européens d'Algérie,
00:03:37la perspective de la révolution nationale
00:03:40promise par Pétain apparaît comme une aubaine,
00:03:43celle de restaurer l'ordre colonial,
00:03:46la puissance de l'Eglise et de l'armée d'Afrique.
00:03:49...
00:03:51...
00:04:03Au gouvernement d'Alger, on s'inquiète tout de même.
00:04:06Des émissaires sont envoyés dans toute l'Algérie
00:04:09pour mesurer les réactions des populations indigènes.
00:04:12Que pensent les 7 millions de musulmans,
00:04:15de cette France qui a été battue
00:04:18et contre laquelle il ne serait plus impossible de se révolter ?
00:04:22...
00:04:24Il y a donc urgence à montrer que, malgré la terrible défaite,
00:04:28l'Empire français n'a rien perdu de sa puissance.
00:04:31...
00:04:36C'est le général Végan,
00:04:38commandant en chef de l'armée française pendant la débâcle,
00:04:43qui est chargé d'incarner cette France
00:04:46qui ne serait plus rien, dit-on à Vichy, sans l'Algérie.
00:04:50Début octobre 1940,
00:04:52il est nommé délégué général du gouvernement en Afrique du Nord.
00:04:58Il doit veiller à la mise en place de la politique décidée à Vichy.
00:05:02Cela commence par l'application très stricte du statut des Juifs
00:05:06qui, en Algérie, s'accompagne de l'abrogation du décret Crémieux.
00:05:10...
00:05:12Un décret qui avait fait des Juifs d'Algérie des Français, en 1870,
00:05:17parce qu'ils renonçaient à toute autre loi que celle de la République.
00:05:21...
00:05:23Cette abrogation est une obsession de longue date
00:05:26chez de nombreux Européens.
00:05:28Et forcément, pense-t-on alors, cela plaira aux leaders musulmans.
00:05:32Qu'importe que ceci n'ait jamais réclamé une telle sanction.
00:05:36Quand on est en 1940,
00:05:38imaginez qu'on est déjà à la troisième, à la quatrième génération
00:05:42de citoyens français.
00:05:44Pour eux, le coup de tonnerre, la déchéance de la nationalité,
00:05:48est un coup de massue extraordinaire.
00:05:51Et l'abrogation du décret, dans le fond,
00:05:54c'est une terrible sommation leur disant
00:05:57que vous n'appartenez qu'à une seule culture.
00:06:00Vous ne pouvez pas appartenir à deux cultures.
00:06:04Et nous, on va choisir pour vous. Et on va choisir de vous exclure.
00:06:08...
00:06:10Avec cette abrogation, les Juifs sont immédiatement exclus
00:06:14de l'armée et de la fonction publique,
00:06:17en particulier de l'enseignement et de la magistrature,
00:06:21de la presse et du cinéma.
00:06:23De nouveaux décrets fixant des quotas pour les médecins
00:06:27et les avocats sont annoncés.
00:06:293500 fonctionnaires juifs sont licenciés
00:06:32dans la misère.
00:06:35...
00:06:55Sur les 130 000 Juifs français alors en Algérie,
00:06:58seuls 1310, reconnus comme héros de la Grande Guerre,
00:07:01restent citoyens français.
00:07:03Chaque mairie doit garantir au gouvernement
00:07:06qu'elle ne compte plus de Juifs parmi ses employés municipaux.
00:07:10...
00:07:14Il y a l'exclusion des professions,
00:07:16l'exclusion de la fonction publique,
00:07:19mais l'exclusion scolaire, c'est ce qui est le plus durement vécu.
00:07:23Et on a des témoins célèbres,
00:07:25on peut la raconter, par exemple.
00:07:28...
00:07:31Je voudrais parler comme Algérien,
00:07:34né juif d'Algérie,
00:07:36de cette partie de la communauté
00:07:38qui avait reçu en 1870
00:07:40du décret Crémieux
00:07:42la nationalité française
00:07:44et l'avait perdue en 1940.
00:07:47Quand j'avais 10 ans,
00:07:49j'ai perdu la citoyenneté française
00:07:52au moment du régime de Vichy
00:07:54et pendant quelques années,
00:07:56exclu de l'école française.
00:07:58J'ai fait partie de ce qu'on appelait à ce moment-là
00:08:01les Juifs indigènes,
00:08:03qui ont rencontré parmi les Algériens de l'époque
00:08:06plus de solidarité que de la part
00:08:08de ce qu'on appelait les Français d'Algérie.
00:08:11C'est l'un des tremblements de terre de mon existence.
00:08:15...
00:08:23L'exclusion des écoles, des élèves et des enseignants juifs
00:08:26est, pour tous ceux qui l'ont vécu,
00:08:28l'événement le plus marquant de ces années de guerre.
00:08:31...
00:08:37Le souvenir que j'ai de cette année scolaire 41,
00:08:41ce sont les promenades que nous faisions
00:08:44au Vieux Saïda.
00:08:46Et en chantant, Marechal nous voilà.
00:08:49Évidemment, je ne savais pas ce que je chantais.
00:08:53...
00:09:02Les vacances se sont passées,
00:09:05et j'étais surprise de voir à l'entrée de l'école
00:09:08une dame, très célèbre,
00:09:10qui me dit...
00:09:12Toi, tu ne rentres pas.
00:09:14...
00:09:20Mais pourquoi, madame ?
00:09:22Est-ce que tu es juive ?
00:09:24Rentre chez toi.
00:09:26...
00:09:39Dans l'urgence, la communauté juive
00:09:41met en place des cours avec l'aide des enseignants juifs révoqués
00:09:44et de certains professeurs non juifs.
00:09:47À Oran, Albert Camus donne des cours
00:09:49dans une petite école privée fondée par André Bénichoux,
00:09:52un professeur de philosophie révoqué.
00:09:54Les cours sont le plus souvent donnés dans des appartements.
00:09:58Des écoles privées catholiques
00:10:00admettent quelques élèves juifs.
00:10:02...
00:10:06Georges Hardy, le recteur de l'Académie d'Alger,
00:10:09vice-président de la Légion française des combattants,
00:10:12en charge de la propagande de cette organisation pétainiste,
00:10:15met en application avec un zèle particulier
00:10:18les mesures discriminatoires à l'égard des étudiants juifs.
00:10:22...
00:10:24Vichy et le gouvernement alger
00:10:26accentuent la communautarisation de la société algérienne.
00:10:29L'abrogation du décret Crémieux en est la preuve la plus manifeste.
00:10:34...
00:10:43On a vraiment 3 groupes qui ont été constitués
00:10:46avec les Français de plein droit,
00:10:49les Juifs, par le décret Crémieux, intégrés dans ce groupe-là,
00:10:54mais en réalité tout le temps en but à de l'antisémitisme,
00:10:58ou régulièrement, je devrais dire.
00:11:00Et donc, même s'ils sont Français pleinement citoyens,
00:11:03ils sont dans une position fragile.
00:11:05Et puis il y a les dix musulmans,
00:11:07Français de nationalité, sans des droits pleins de citoyenneté.
00:11:11Et c'est clair que retirer des droits aux Indes
00:11:15n'en fait pas gagner aux autres,
00:11:16parce qu'en fait, chacun est dans une catégorie juridico-politique
00:11:20ou dans une situation sociale et économique assez particulière.
00:11:23...
00:11:25Ce n'était pourtant pas le projet qu'avait pour l'Algérie la République,
00:11:29et même avant elle, le Second Empire finissant.
00:11:32Il avait été prévu que chaque population
00:11:34soit intégrée dans la communauté nationale,
00:11:36à l'exception des musulmans,
00:11:38qu'on ne pouvait considérer autrement que comme des indigènes.
00:11:42Ce qui valait pour les Juifs en 1870
00:11:46fut proposé ensuite aux Italiens d'Algérie
00:11:49qui eurent leur décret crémieux en 1889.
00:11:52Avec la brogation,
00:11:54on en revient à une stratégie coloniale sans assimilation
00:11:58qui a consisté à diviser et à catégoriser les populations
00:12:02pour finalement les opposer.
00:12:06Toute l'extrême droite européenne
00:12:09a fait campagne pour la brogation du décret
00:12:11pratiquement depuis toujours.
00:12:14Depuis 1870, la campagne n'a jamais cessé.
00:12:20Elle a naturellement démarré avec une force inouïe
00:12:23au moment de l'affaire Dreyfus.
00:12:25Elle a culminé dans les émeutes anti-juifs à Oran en 1898.
00:12:29Les synagogues ont été mises à sac.
00:12:32C'est-à-dire que si les indigènes ou une fraction des indigènes
00:12:36pouvaient profiter de l'obtention de la citoyenneté pleine,
00:12:40d'autres, beaucoup plus nombreux, pouvaient l'être aussi.
00:12:44Donc, il fallait interdire cela.
00:12:46Il fallait empêcher, enrayer cette situation.
00:12:49Et donc, toute cette extrême droite française,
00:12:53portée notamment, on le sait,
00:12:55par des personnages qui étaient des élus d'Alger comme Édouard Trumon,
00:13:00portait cette revendication avec une force
00:13:03qui a été une force encore plus décuplée
00:13:06dans les années 1920, dans les années 1930
00:13:08au moment de la montée du fascisme en Europe.
00:13:13En Algérie, l'extrême droite a l'habitude d'exploiter,
00:13:16de récupérer ou de déchaîner un anti-judaïsme ancestral.
00:13:20On l'a vu dans les années 1890 et, plus tard, à Constantine.
00:13:28Le 3 août 1934, Emile Morineau, le maire de la ville,
00:13:32laisse courir la rumeur qu'un soldat juif, ivre,
00:13:35aurait uriné sur le mur d'une mosquée.
00:13:38S'y ajoute celle, fausse elle aussi,
00:13:41de l'assassinat par des juifs du Dr Ben Jelloul,
00:13:44un leader nationaliste arabe.
00:13:47Deux jours plus tard,
00:13:49une foule de musulmans venus des environs de la ville
00:13:52envahit le quartier juif pour égorger et piller impunément.
00:13:55Car soldats et policiers postés autour du quartier
00:13:58refusent d'intervenir.
00:14:01Parmi les 25 juifs assassinés,
00:14:035 enfants âgés de 6 mois à 10 ans.
00:14:08On regardait par le balcon.
00:14:10On avait un très grand balcon.
00:14:12On voyait les gens courir d'une famille à l'autre.
00:14:15Ils rentraient dans la maison.
00:14:17D'abord, ils ont commencé par une famille italique.
00:14:20C'était des imprimeurs.
00:14:22Ils ont commencé par là.
00:14:24Ils avaient une fille, leur grande-fille, qui était sage-femme,
00:14:28qui venait d'arriver d'un accouchement.
00:14:32En rentrant, ils l'ont égorgée, ils l'ont ouvert le ventre.
00:14:36Ils ont coupé les seins.
00:14:38Ils ont mis dans le ventre les seins.
00:14:41Une orgie, comme on dit, horrible.
00:14:45Alors là, mon frère a téléphoné tout de suite,
00:14:48comme dit monsieur, à la police.
00:14:51Personne n'est venu. Personne.
00:14:54On aurait dit qu'ils avaient déjà l'ordre de continuer sans moi.
00:14:59Ce jour-là, la France...
00:15:01Non, la France était absente ce jour-là.
00:15:06Le gouverneur général de l'Algérie
00:15:08n'assiste pas aux obsèques des victimes.
00:15:11Et quand une enquête est demandée sur ces événements,
00:15:14on ordonne à la communauté juive
00:15:16de s'abstenir de toute provocation
00:15:18et de montrer moins de morgues.
00:15:24Le drame de Constantine
00:15:26pousse des musulmans à lutter contre l'antisémitisme
00:15:29et des juifs à défendre les droits des musulmans
00:15:33et à oeuvrer ensemble pour la victoire du Front populaire.
00:15:37Une note des renseignements généraux
00:15:39s'inquiète même de ces rapprochements.
00:15:45Après les élections de 1936,
00:15:47les antisémites se déchaînent.
00:15:49À Oran, le maire Gabriel Lambert,
00:15:51ancien officier et prêtre défroqué,
00:15:54le casque colonial sur la tête,
00:15:56dénonce le Front populaire
00:15:58comme une manifestation de l'impérialisme juif
00:16:01et exige la mobilisation générale contre les juifs.
00:16:08Alors que les partis fascistes français,
00:16:10comme le PPF de Dorio, veulent enrôler les musulmans,
00:16:13les principaux leaders nationalistes
00:16:15ne sont pas dupes de l'instrumentalisation
00:16:17qui est faite du décret Crémieux.
00:16:19À la veille de la guerre,
00:16:21celui qu'on appelle le pharmacien de Sétif,
00:16:24Ferhat Abbas, affirme haut et fort...
00:16:27Les juifs sont français et ils le demeurent.
00:16:30Et ce n'est que justice.
00:16:32Il serait intolérable que certains néo-français
00:16:34veuillent faire la loi chez nous et contre nous.
00:16:37Libre à eux de nous exploiter, libre à eux de s'enrichir,
00:16:40ceci jusqu'à nouvel ordre.
00:16:42Et faire du racisme en Algérie contre les Algériens,
00:16:45halte là.
00:16:51Dès l'abrogation du décret Crémieux,
00:16:53Vichy demande aux responsables des affaires indigènes d'Algérie
00:16:58de mesurer les réactions des musulmans à cette annonce.
00:17:02Et elles sont loin d'être celles attendues.
00:17:05On ne se réjouit pas particulièrement.
00:17:08Malgré l'empressement des autorités d'Alger et de Vichy
00:17:11à les rallier à eux,
00:17:13les dirigeants musulmans ne cèdent pas à la propagande antisémite.
00:17:17Le plus important d'entre eux,
00:17:19Messali Hadj,
00:17:21celui qu'on considère comme le père du nationalisme algérien,
00:17:24déclare en mars 1941,
00:17:26depuis la prison où il purge, une lourde peine.
00:17:29L'abrogation du décret Crémieux
00:17:31ne peut être considérée comme un progrès pour le peuple algérien.
00:17:35En ôtant leurs droits aux Juifs,
00:17:37vous n'accordez aux musulmans aucun droit nouveau.
00:17:40L'égalité que vous venez de réaliser entre musulmans et Juifs
00:17:43est une égalité par le bas.
00:17:49Faire un tabac, comme Messali,
00:17:51au rond, cette phrase très célèbre,
00:17:53faites attention à la France,
00:17:55elle peut vous enlever d'une main ce qu'elle vous a donné de l'autre.
00:17:59Donc, il faut peut-être qu'on construise une patrie en propre.
00:18:02C'est la position de faire un tabac
00:18:04qui était très assimilationniste jusqu'en 1941
00:18:07et qui va, à cause de ça précisément, dire
00:18:10il nous faut peut-être réfléchir par nous-mêmes
00:18:13pour avoir une patrie qui nous appartient.
00:18:15C'est pour ça que c'est très important l'histoire de l'abrogation du décret Crémieux.
00:18:18C'est-à-dire que les promesses de l'assimilation s'évanouissent.
00:18:23Seuls quelques dissidents nationalistes vont répondre aux sirènes nazis
00:18:27et s'engager dans la collaboration
00:18:29en tentant d'entraîner avec eux
00:18:31ceux qui partagent leur hostilité à l'égard de la France
00:18:34et leur haine des Juifs.
00:18:44Cette égalité par le bas,
00:18:46voulue par Vichy entre musulmans et Juifs,
00:18:49se fait dans une grande misère.
00:18:51Toujours avec la crainte de révoltes indigènes,
00:18:53la propagande multiplie les démonstrations de charité du régime.
00:19:17C'est dans la misère sociale et le déclassement et la déchéance
00:19:21que, dans le fond, ce sont ces retrouvailles qui vont s'opérer.
00:19:24Et ces espèces de convivialité, de partage
00:19:28qui avait effectivement disparu depuis trois générations.
00:19:33C'est évident.
00:19:35Une grande partie de la population juive en 1940 en Algérie
00:19:38vit quand même sous le seuil de la pauvreté.
00:19:42Les élites les plus importantes de l'époque sont encore les instituteurs.
00:19:45Mais beaucoup de Juifs sont encore des petits commerçants
00:19:50coiffeurs, artisans,
00:19:52vivent dans des conditions insalubres dans certaines villes,
00:19:56au cœur de certaines grandes villes d'ailleurs,
00:19:58dans des conditions très dures, avec des familles nombreuses.
00:20:04Cette misère sociale est encore accentuée
00:20:06par des mesures humiliantes et discriminatoires.
00:20:09Un ancien combattant juif, médaillé de Verdun,
00:20:12perd le droit de faire circuler ses ânes
00:20:14et ses petites voitures pour enfants dans les parcs publics.
00:20:17Interdit également aux Juifs d'acheter des billets
00:20:20de la loterie nationale, mesure de salut public.
00:20:23Il serait insupportable qu'un Juif gagne le gros lot.
00:20:30Ce n'est pas un hasard si Albert Camus
00:20:32situe son roman La Peste dans cette Algérie-là,
00:20:35dans cette ville dorante qui rêve de se donner à l'Espagne franquiste,
00:20:39autant d'une occupation de la métropole qu'on ne subit pas,
00:20:43mais qui est dans tous les esprits,
00:20:45alors même que l'Algérie est ravagée par une épidémie de typhus
00:20:49qui fait plus de 3000 morts en 1941.
00:20:58« Je veux exprimer au moyen de La Peste, »
00:21:00écrit Albert Camus,
00:21:02« l'étouffement dont nous avons tous souffert
00:21:05et l'atmosphère de menace dans laquelle nous avons vécu. »
00:21:09Les médecins juifs ont interdiction
00:21:12de porter soins et secours
00:21:15aux personnes touchées,
00:21:18ce qui est réellement problématique
00:21:20parce qu'il n'y a pas assez de médecins
00:21:22pour faire face à ces épidémies.
00:21:25Donc c'est cruel.
00:21:29Par arrêté réglementant la distribution du lait
00:21:32en ces temps d'épidémie et de misère,
00:21:34le juif d'acheter des billets de la loterie nationale
00:21:37et de la nourriture,
00:21:39le préfet d'Alger fixe les ordres de priorité.
00:21:42D'abord les Européens,
00:21:44ensuite les indigènes,
00:21:46puis les étrangers,
00:21:48et enfin les Juifs,
00:21:50s'il reste encore du lait.
00:21:56Qu'importe la misère, la faim, les épidémies,
00:21:59puisque le culte du maréchal
00:22:01serait le meilleur remède.
00:22:04Dans ce paquebot, un village de Kabylie
00:22:06portera le nom du maréchal.
00:22:08M. Yves Chattel, gouverneur général de l'Algérie,
00:22:11est venu inaugurer le nouveau nom
00:22:13que portera désormais l'ancien village de Beni Amrak,
00:22:16et qui témoigne hautement de l'amour
00:22:18que portent les coins les plus reculés d'Afrique du Nord
00:22:21à l'égard du maréchal.
00:22:23Encoragés par le renforcement des mesures anti-juives,
00:22:26les anciens combattants,
00:22:28réunis sous le parrainage de Pétain
00:22:30en Légion française des combattants,
00:22:32réclament que les Juifs d'Algérie
00:22:34soient astreints au port de l'étoile jaune.
00:22:37Pour montrer leur attachement
00:22:39aux pratiques de l'Inquisition,
00:22:41ils demandent l'interdiction pour les Juifs
00:22:44de paraître dans les rues
00:22:46et de porter des armes.
00:22:48Les combattants,
00:22:50ils demandent l'interdiction pour les Juifs
00:22:52de paraître dans les rues
00:22:54les jours fériés et les dimanches.
00:22:58Il y a aussi, au cours de l'été 1942,
00:23:01le groupe Collaboration de Georges Claude,
00:23:04qui fait toute une série de conférences en Algérie,
00:23:07et qui a une audience certaine,
00:23:10parce que chacune de ces conférences,
00:23:13c'est de 3000 personnes.
00:23:201er août 1942.
00:23:22Le maire de Zeralda, près d'Alger,
00:23:24a décidé de faire de sa petite ville
00:23:27une station balnéaire à la mode.
00:23:29Il croit bon de préciser
00:23:31qu'on pourra se baigner ici
00:23:33uniquement en bonne compagnie.
00:23:35Aussi, il fait apposer un écriteau
00:23:37interdisant la plage à ceux
00:23:39qu'Alger considère comme des indésirables.
00:23:43L'émotion est grande dans la population.
00:23:46Les agents municipaux interviennent
00:23:49et arrêtent une quarantaine de personnes,
00:23:52toutes musulmanes.
00:23:54Le maire les fait enfermer
00:23:56au sous-sol de la mairie
00:23:58sans aucune aération.
00:24:00Toute la nuit, ces détenus hurlent
00:24:02pour qu'on leur vienne à l'aide.
00:24:04Au petit matin, un employé municipal
00:24:06découvre un amoncellement de corps.
00:24:09Sur 40 internés, 25,
00:24:11âgés de 17 à 52 ans,
00:24:13peuvent être ranimés.
00:24:19Suivant une logique implacable
00:24:21dans sa volonté d'exclure les Juifs
00:24:23de toute vie sociale,
00:24:25Alger organise, comme Vichy,
00:24:27la confiscation et l'arianisation
00:24:29des entreprises, biens et valeurs
00:24:31appartenant aux Juifs.
00:24:40L'Algérie n'est pas occupée,
00:24:42mais l'Algérie est un pays
00:24:44où l'alimentation, l'alimentation,
00:24:46l'alimentation, l'alimentation,
00:24:48les nuages, le nij,
00:24:50c'est dans toutes les Philippines et le Japon.
00:24:53Ces nuages sont testé,
00:24:55mais ce sont des mesures
00:24:57qui sont d'inspiration française.
00:24:59Ça rentre tout à fait
00:25:01dans la loi du 22 juillet 41 qui est la loi,
00:25:04la grande loi de l'organisation économique.
00:25:06Entre décembre 41 et octobre 42,
00:25:08il y a donc nomination
00:25:10d'administrateur provisoire en Algérie.
00:25:12La base législative
00:25:14de ces nominations,
00:25:16source la consigne circule. Les juifs sont dans le malheur, ils sont nos frères,
00:25:22nous n'avons pas à profiter de cette situation pour nous emparer de leurs
00:25:26biens. Les vichystes s'inquiètent de cette
00:25:29collusion. La panoplie des biens visés par la mesure de mises sous séquestre
00:25:37touche effectivement les grandes entreprises, beaucoup de biens
00:25:41immobiliers et également les exploitations agricoles et donc des
00:25:45administrateurs provisoires sont placés immédiatement à la tête de ces
00:25:49entreprises d'exploitation agricole. C'est considéré comme bien sûr comme des
00:25:54entreprises stratégiques mais l'objet de l'administrateur provisoire dans les
00:25:59textes de l'époque c'était de remplacer entre guillemets le juif contre une
00:26:04personne aryenne. Mon grand-père dans les Ores à Hetzla parce qu'il était
00:26:08propriétaire de terres, de peu de terres, bien ses terres ont été confisquées et
00:26:13redonnées à des français de souche, on disait à l'époque, qui par parenthèse
00:26:17ont refusé de lui rendre ses biens. Le type qui avait pris ses terres, j'ai
00:26:21retrouvé les lettres justifiées, le fait qu'il ne voulait pas rendre les terres, c'est
00:26:26que ces gens-là n'étaient pas français.
00:26:31Vichy et Algers privent les juifs de citoyenneté, les chassent de leurs
00:26:35emplois, les excluent des écoles, aryanisent leurs biens, ne manquent plus
00:26:41que des camps pour achever de dessiner une barbarie qui s'organise.
00:26:48L'une des premières mesures de Vichy est de se débarrasser des 15 000 juifs
00:26:53étrangers qui se sont engagés dans l'armée française à la déclaration de
00:26:56guerre. Ils sont envoyés en Algérie et au Maroc pour y être internés dans des
00:27:01camps, des camps qui accueillent déjà d'autres indésirables du régime.
00:27:09Il y avait en fait toute une série de camps de type différent, par exemple il
00:27:16y avait des camps de travail simplement, qui pouvaient être des chantiers, à
00:27:21côté de ça, des camps d'éloignement, il y avait des gens qu'on jugeait
00:27:24indésirables, c'était le terme employé, et qu'on en voyait très loin.
00:27:30Il y avait des camps aussi pour les politiques par lesquelles sont passées
00:27:36des gens très connus et particulièrement à Maison Carré, les 27
00:27:41députés ou sénateurs communistes, les fameux 27 qui ont été internés, il y
00:27:47avait des gens qui étaient internés, on disait à l'époque, pour mener indigènes.
00:27:52Vous pouvez avoir des communistes, des nationalistes, des soldats exclus de
00:27:57l'armée, quel que soit le type d'internés, le type de camp, le régime en
00:28:02Algérie est d'une dureté extrême et beaucoup plus dure qu'en France.
00:28:08Il y avait un camp qui s'appelait Hajarat Mghil, au nord de Bechar, et là des gens
00:28:16ont été internés, torturés, et beaucoup sont morts.
00:28:21Il y avait des quantités de catégories, de raisons pour lesquelles on
00:28:30était internés, et curieusement les juifs étaient dans toutes les catégories.
00:28:37Vichy se prépare d'ailleurs à ouvrir plusieurs camps de concentration
00:28:40spécifiquement pour les juifs.
00:28:44Bedot, au sud de Sidi Bel Abbes, est le premier à interner les juifs en âge
00:28:49d'être appelés.
00:28:56Bedot, c'est un camp composé de tentes en toile de la guerre de 14, au milieu d'un
00:29:03désert de cailloux, sur un plateau à plus de mille mètres d'altitude.
00:29:12Près de 50 degrés le jour et des nuits particulièrement fraîches, où la
00:29:17température chute de plusieurs dizaines de degrés.
00:29:22Les chacals, serpents, scorpions, peuplent les tentes des internés, sans compter la
00:29:30vermine et la haine des officiers supérieurs.
00:29:35Pour les surveiller, le détachement de la légion étrangère a toute l'attitude
00:29:40pour les maltraiter et les humilier.
00:29:45En Algérie, les antisémites tiennent désormais la rue.
00:30:05La chasse aux juifs est ouverte aux terrasses des cafés du boulevard Loubet,
00:30:09à Oran, ou sur les plages d'Ayn el Turk. Là, après avoir molesté un certain
00:30:15nombre d'estivants, les militants du SOL, le service d'ordre de la Légion, leur
00:30:20demandent de se déculoter pour prouver qu'ils ne sont pas juifs.
00:30:24Le 31 octobre 1942, alors que en métropole le commissariat général aux
00:30:30questions juives n'a pas encore obtenu de pétain d'ordonner le port de
00:30:34l'étoile jaune en zone libre, à Alger, le gouverneur Chattel passe commande aux
00:30:39établissements altéraques de brassards jaunes, marqués d'une étoile à six
00:30:43branches, destinée à tous les juifs d'Algérie.
00:30:49Peu avant le débarquement des anglo-américains, le projet
00:30:56c'était de déporter des juifs et en tout cas de leur faire porter l'étoile
00:31:02jaune.
00:31:06Automne 1942, l'Algérie s'enfonce dans ce fascisme qui se manifeste violemment.
00:31:13Pour faire face, des jeunes juifs, tous animés d'un fort sentiment patriotique,
00:31:17s'organisent depuis 1940. Ces deux années d'oppression n'ont en rien entamé leur
00:31:23volonté de résister, bien au contraire.
00:31:28Parmi eux, José Aboulker, un étudiant de 22 ans, fils d'un grand professeur de
00:31:34médecine, qui avec sa sœur et ses trois cousins, également futurs médecins, a fait
00:31:39de l'appartement familial du 26 rue Michelet, le lieu névralgique de la
00:31:42résistance à Alger.
00:31:48D'autres groupes se constituent durant ces deux années pour résister au jour le
00:31:52jour et faire de l'Algérie la première terre française libérée par les alliés.
00:31:58A l'automne 1942, ce premier jour J se précise. Un débarquement ici en Algérie
00:32:06et au Maroc va permettre aux alliés de prendre pied sur le sol africain et
00:32:10d'ouvrir un nouveau front face aux allemands et italiens regroupés en Libye
00:32:14et en Tunisie. Les américains craignent plus que tout que les quelques cent
00:32:22mille hommes de l'armée d'Afrique ne tirent sur leurs troupes et les empêchent
00:32:25de débarquer. Pour éviter cela, ils comptent sur les
00:32:29renseignements glanés durant des mois par la résistance française.
00:32:34En juillet 1942, les anglais ont convaincu les américains de lancer cette
00:32:42opération Torch sur l'Afrique du Nord, Torch du nom de la statue de la liberté.
00:32:48Et les contacts se multiplient avec les résistants, le groupe des résistants
00:32:54sur place. Les américains ont choisi délibérément, et on sait les
00:33:01préventions du président Roosevelt à l'égard du général de Gaulle, de tenir
00:33:06hors de l'opération les forces françaises libres et le comité national
00:33:13français de l'ombre du général de Gaulle.
00:33:18Preuve de la confiance faite par les alliés aux résistants d'Alger, seulement
00:33:232300 soldats doivent y débarquer face à une garnison française de 12 000 hommes.
00:33:28Le gros des forces, dont des soldats français, ira à Casablanca et à Oran, où
00:33:34les alliés n'ont pas les mêmes relais. Là-bas, des français de l'armée d'Afrique
00:33:39vont tirer sur d'autres français qui viennent libérer une terre de France.
00:33:47Dans Alger, 377 résistants passent à l'action dans la nuit du 7 au 8 novembre.
00:33:54A 1h30 du matin, José Aboulker occupe sans résistance le commissariat central et en
00:34:00fait le QG de l'insurrection. Ces hommes neutralisent comme prévu tous les lieux
00:34:04stratégiques de la ville. Le général Jouin, commandant en chef des
00:34:10forces françaises en Afrique du Nord, reçoit la visite de Robert Murphy,
00:34:13l'émissaire du président Roosevelt. Celui-ci lui annonce le débarquement et
00:34:18lui demande d'entrer en guerre aux côtés des alliés.
00:34:24Jouin, qui, il y a peu, assurait le maréchal Göring de sa totale loyauté à l'égard de
00:34:31l'Allemagne nazie, souhaite d'abord obtenir l'avis de l'amiral Darland,
00:34:35présent par hasard à Alger. Darland, en bon dauphin de pétain, affirme qu'il est
00:34:40prêt à se battre contre les alliés qui débarquent. Aussitôt, Hitler donne l'ordre
00:34:45d'envahir la zone non occupée de la métropole, à la fois en représailles et
00:34:50pour prévenir un débarquement allié sur les côtes du sud de la France.
00:34:56Le 10 novembre, les américains obtiennent enfin de Darland qu'il leur donne l'arrêt
00:35:01des combats. Ils pourraient alors décider d'envoyer en prison le dauphin de pétain
00:35:05qui a demandé qu'on bombarde leur troupe. Mais ils n'ont qu'un objectif, il est
00:35:10militaire et pas encore politique. Il leur faut à tout prix obtenir le
00:35:14soutien de l'armée d'Afrique. Et pour cela, ils abandonnent tous les pouvoirs sur
00:35:19l'Algérie au pire homme possible. Darland, l'un des français les plus
00:35:24impliqués dans la collaboration, devient l'homme des américains. Sans pour autant
00:35:30renoncer à un iota de ses convictions.
00:35:34Le 11 novembre, le nouveau chef de l'Algérie se proclame au nom de pétain,
00:35:39haut commissaire de France en Afrique. L'un de ses premiers gestes est de décorer
00:35:45lui-même le sous-officier qui a abattu d'une balle dans le dos un résistant, le
00:35:50lieutenant Jean Dreyfus, la nuit du débarquement.
00:35:55Après le débarquement américain en novembre 42, on a le sentiment que le
00:36:01décret Kremlin va être établi. Dans le fond, l'administration Vichysse
00:36:05progressivement va être remplacée, va être chassée, etc. Ce ne sera pas le cas.
00:36:10A partir de là, grand espoir. On va, le statut des juifs va être aboli, les
00:36:16juifs vont être rétablis dans leurs droits, on va pouvoir aller rejoindre
00:36:19De Gaulle et se battre auprès de De Gaulle ? Pas du tout.
00:36:22On assiste à des autorités qui continuent d'exercer au nom du maréchal
00:36:27pétain empêché, avec des personnels huichistes, et en prolongeant les mêmes
00:36:32mesures. Évidemment, l'annonce du débarquement de novembre 42 crée d'abord
00:36:38de l'espoir dans les camps, en particulier par exemple à Djelfa où il y a les anciens
00:36:42des brigades internationales, à Bossuet où il y avait des communistes qu'on avait
00:36:47envoyés de métropole, et les espoirs sont déçus.
00:36:53Le général Giraud arrive dans les bagages des armées alliées avec l'engagement de
00:36:58Roosevelt qu'il dirigera l'Afrique française.
00:37:01De Gaulle hors jeu, se dit-il. Il attend son heure dans l'ombre de
00:37:06Darlan. En tant que commandant en chef des armées, il ordonne la mobilisation de
00:37:11onze classes d'âge. Mais au lieu d'envoyer les conscrits juifs avec les
00:37:15autres rejoindre l'armée d'Afrique, il les expédie dans les camps du désert,
00:37:20renommé pour l'occasion unité de travail. Aucun juif n'est admis dans une
00:37:26unité combattante. Il ne fallait pas que les juifs deviennent des anciens
00:37:33combattants et qu'ils puissent réintégrer leur nationalité et leur
00:37:38citoyenneté française. C'était le but de la manœuvre. Il y a des notes
00:37:42qu'on a découvertes après la guerre en particulier qui montrent bien que c'était
00:37:45le but. Surtout que les juifs ne se combattent pas et ne combattent pas
00:37:50brillamment. Ça casserait trop de préjugés et surtout ça leur donnerait des droits.
00:37:55Pendant plus d'un mois, l'Algérie de Darlan est la copie conforme de l'Algérie
00:38:00d'avant le débarquement, qu'on espérait pourtant libérateur.
00:38:10Le 24 décembre, le jeune bonnier de la chapelle Abba, l'amiral Darlan, est
00:38:17jeune patriote, alors bénéficiant d'aide et aussi du rôle de ce que l'on
00:38:27appelle le complot monarchiste autour d'Aïda Seyde-la-Vilgerie, le rôle du
00:38:31comte de Paris, etc. Ce meurtre, d'une certaine façon, arrange
00:38:37tout le monde. Les américains qui ont obtenu de Darlan ce qu'il voulait de lui,
00:38:40l'arrêt des combats, les royalistes, les girodistes et l'égoliste qui sont
00:38:45débarrassés d'un rival et même les pétinistes et les allemands qui voient
00:38:49éliminer un homme qui les a trahis.
00:38:54Darlan éliminé, les américains imposent le général Giraud, qui s'empresse de faire
00:39:04nommer un juge d'instruction pour le jeune patriote, dont la grâce est
00:39:09refusée, fusillée immédiatement. Ils sont nombreux, les français d'Algérie, à
00:39:16applaudir la nomination de Giraud. Ils vont pouvoir continuer à exploiter les
00:39:21musulmans à leur guise, à ostraciser les juifs et laisser toute liberté à
00:39:26l'administration wichiste de se venger de ceux qui leur ont flanqué une belle
00:39:29frousse en ouvrant la ville aux américains.
00:39:34Cette année 1943 sont prises des mesures à l'encontre de ceux qui ont
00:39:42participé au débarquement du 8 novembre, les conjurés, les résistants.
00:39:48C'est ainsi que le 30 décembre, il y a eu le rafle. Il illustre parfaitement le pouvoir qui se
00:39:56met en place. Fascisme militaire sous protectorat américain.
00:39:59La surprise vient du fait que ce débarquement anglo-américain ne règle
00:40:04rien sur le fond. Pourquoi ? Parce que celui qui est nommé nouveau gouverneur
00:40:07général de l'Algérie par Giraud, c'est Marcel Perouton. Et qui est-ce qui a été
00:40:11l'homme d'abrogation du décret Clavius ? C'est Marcel Perouton. L'homme qui a
00:40:14inventé le statut des juifs va se retrouver à la tête de l'Algérie de
00:40:18l'époque.
00:40:20Le 14 mars 1943, il va jusqu'au bout de sa logique antisémite et maréchaliste.
00:40:27Comme il est contraint d'annuler toutes les législations prises par Vichy depuis
00:40:31le 22 juin 1940, ce qui englobe l'abrogation du décret
00:40:35Crémieux, il l'abroge de nouveau avec l'aval des américains pour surtout ne
00:40:41pas rendre leur citoyenneté aux juifs. Ce qui veut dire qu'une deuxième fois, en
00:40:47quelque sorte, les juifs voient s'éloigner la perspective de recouvrer
00:40:52leurs droits de citoyens. Pas question pour Giraud d'abroger les
00:40:57lois d'exclusion, ni de laisser entrer des officiers et des soldats juifs dans
00:41:01l'armée d'Afrique. Il explique aux américains que redonner
00:41:04des droits aux juifs serait très mal vu des arabes car ils se haïssent.
00:41:08Giraud répète une formule entendue de Darland qui lui plaît. Les juifs à l'échoppe
00:41:14et les musulmans à la charrue. Il y a toute une série d'articles, de notes etc qui
00:41:20sont envoyés aux américains par le biais de Giraud et de ses conseillers qui
00:41:24disent grosso modo la culture des juifs, pour aller vite, c'est une culture
00:41:28indigène. Ils ne pourront jamais s'assimiler à la société française, pas
00:41:31possible. Ils appartiennent à l'Orient, ils sont dans une culture différente, donc
00:41:36ils doivent rester dans le statut différent qui est le leur, qui est en fait
00:41:40le statut indigène, voilà. Donc c'est pas très compliqué. Et si on leur donne un
00:41:45privilège par l'octroi de la citoyenneté, ça risque de mécontenter les
00:41:49populations arabes. Donc à partir de là, restons dans le statut courant.
00:41:54Et en effet rien ne semble avoir changé à Alger. Les 2300 hommes du service d'ordre
00:41:59de la Légion ont repris le contrôle de la rue comme avant le débarquement
00:42:03allié, et les juifs spoliés ne parviennent pas à récupérer leurs
00:42:07biens.
00:42:12Ceux qui étaient à même de spolier les biens juifs vont se retrouver à la tête
00:42:18de la mesure de restitution. Et leur attitude à eux, ça va être plutôt de
00:42:23figer la situation que plutôt d'accélérer le processus de restitution.
00:42:31L'idéologie pétainiste est si prégnante en Algérie que les exploitants de salles
00:42:36de cinéma renoncent à distribuer le film Casablanca, considéré comme trop
00:42:41hostile à Vichy.
00:42:54Rien ne semble infléchir la position de Giraud. Rien, pas même le plus élémentaire
00:43:00sentiment républicain. Alors comme il ne rêve que de
00:43:04grandeur et de pouvoir, les Américains décident de toucher son point le plus
00:43:08sensible. Ils envoient à Alger Jean Monnet, le
00:43:12futur père de l'Europe. Celui-ci qui coordonne l'effort de guerre
00:43:16entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis lui propose un marché. Il n'aura des
00:43:22armes pour l'armée d'Afrique que s'il renonce sur le champ à la législation
00:43:26antirépublicaine de Vichy, sans toutefois se soucier du rétablissement
00:43:30du décret Crémieux. Bien malgré lui, Giraud opte en père.
00:43:40À Oran, les conseillers musulmans soutiennent les démarches de la
00:43:43communauté juive en vue d'annuler l'abrogation du décret Crémieux.
00:43:47Ils signent une déclaration affirmant leur sincère entente amicale avec les
00:43:52français de confession israélite. Ferhat Abbas, qui ne s'est jamais réjoui de
00:43:58l'abrogation de ce décret, publie un manifeste qui va changer le cours de
00:44:03l'histoire. Il y réclame la condamnation et
00:44:06l'abolition de la colonisation, la liberté et l'égalité pour tous les
00:44:11habitants de l'Algérie. Le texte dit clairement que les musulmans avaient
00:44:17espéré jusque là obtenir la citoyenneté française et que c'est parce qu'on la
00:44:21leur a refusé qu'ils cessent de la revendiquer.
00:44:30Alors en âge d'être appelé et désireux de combattre pour libérer la France,
00:44:34Sidney Chouraki, futur fondateur du mémorial du camp des milles, a multiplié
00:44:40les démarches pour intégrer cette armée d'Afrique qui ne voulait pas de juifs.
00:44:45Mon père, qui n'oubliait pas qu'il était avocat, a écrit une lettre commandée.
00:44:50L'objet de cette lettre, c'était bien sûr d'en avoir le cœur net sur la position
00:44:54officielle et pour le moins sinueuse et hypocrite qui ne voulait pas que les
00:44:59juifs combattent, mais c'était aussi d'affirmer que les juifs d'Afrique du Nord,
00:45:06les juifs algériens de nationalité française voulaient se battre et qu'ils
00:45:11ne comprenaient pas pourquoi, à un moment où il y avait besoin d'hommes, où les
00:45:17américains et les anglo-américains étaient en difficulté dans certains combats en Libye,
00:45:23en Tunisie, pourquoi on ne faisait pas appel à eux ? Pas de réponse à cette lettre commandée,
00:45:29mais quelques jours après, des juifs, dont mon père, sont envoyés dans des unités spéciales
00:45:39dont le nom a varié. On connaît les BPI, bataillons de pionniers israélites, et ils
00:45:46se retrouvent en particulier de cette manière-là dans le camp de Bedeau. L'existence de ces camps
00:45:52en Algérie, gardés longtemps totalement secrètes, commence à être connue, même en Amérique.
00:45:59Anna Arendt, la philosophe, s'en émeut. Des milliers de juifs sont envoyés dans des lieux que les
00:46:04français eux-mêmes nomment des camps de concentration ou de punition. Mon père m'a beaucoup élevé
00:46:12dans cette idée que ce qu'il avait le plus meurtri pendant la guerre, c'était de ressentir et de
00:46:19voir des atteintes à la dignité plus qu'à la liberté et plus qu'à la vie. On déshumanisait
00:46:29les gens, on les rabaissait pour pouvoir mieux les traiter comme des sous-hommes qu'on voulait à
00:46:39terme mettre à l'écart et peut-être même à terme exterminer. Et ça, ils l'ont bien senti,
00:46:46c'était vraiment aussi pour eux un moteur, s'opposer à cet engrenage de déshumanisation,
00:46:53de rabaissement qu'ils ne pouvaient pas supporter. En avril 1943, Sidney Chouraki,
00:47:01comme les appelés juifs internés à Bedeau, sont libérés des camps.
00:47:09Et à ce moment-là, chose incroyable, ces gens, au lieu de rentrer chez eux,
00:47:14eh bien ils se sont engagés dans les armées françaises et ils ont suivi d'un côté,
00:47:19juin, donc à travers la campagne d'Italie et jusqu'en Allemagne, le Delattre,
00:47:24débarquement en Provence, etc. Et d'autres se sont engagés dans les armées anglaises ou américaines.
00:47:30Cette normalisation des institutions républicaines se poursuit avec un début de retour dans les
00:47:37universités, lycées et écoles des jeunes juifs. Mais l'année scolaire est déjà presque terminée
00:47:44et ces élèves sont parfois très mal accueillis par leurs condisciples.
00:47:47Quand nous sommes revenus à l'école d'Aïk, j'ai encore dans l'oreille les petites juives
00:47:58qui sont de retour. Et à mon âge, je n'ai pas oublié. Et nous avons toutes sauté une classe.
00:48:07Et le jour de la rentrée, je le revois encore aujourd'hui, le directeur d'école,
00:48:13qui s'appelait monsieur Pérezhomme, celui-là même, qui avait demandé à tous les juifs présents
00:48:19en classe, en 42, donc de faire leur sac et de s'en aller, eh bien c'est celui-là qui a appelé
00:48:28les élèves au fur et à mesure, le jour de la rentrée. Et lorsqu'il m'a appelé, je me suis précipité
00:48:34pour m'installer dans la file où se trouvait le dernier appelé avant moi.
00:48:40Et à ce moment-là, on m'a fait signe d'aller ailleurs, puisqu'il y avait trois files,
00:48:46une pour les Européens, on disait alors les Européens, une pour les musulmans et une pour les juifs.
00:48:53Et donc, on m'a remis dans la file des juifs, où je n'étais pas allé automatiquement.
00:49:02Tant que Giraud reste aux commandes, les libertés publiques sont bafouées en Algérie.
00:49:07Et c'est bien avec l'intention de les rétablir que le général de Gaulle arrive à Alger pour une rencontre décisive.
00:49:14Pour le général de Gaulle, l'accord ne peut se faire que par une élimination définitive
00:49:24des personnels de Vichy des mesures discriminatoires.
00:49:27C'est un homme qui combat pour le pouvoir, bien sûr d'abord contre Pétain, et puis ensuite contre Giraud,
00:49:32parce qu'il veut s'imposer aux yeux des Américains comme le seul interlocuteur politique
00:49:36assis à la table des négociations, et il va se battre pour ça.
00:49:40Début juillet 1943, Giraud, qui se croit assuré de son autorité, part un mois aux Etats-Unis, Canada et Royaume-Uni,
00:49:48afin d'obtenir des armes pour le corps expéditionnaire français.
00:49:52De Gaulle en profite pour prendre le pouvoir à Alger.
00:49:55De nombreux giraudistes, comme le général Jouin, se découvrent gaullistes.
00:50:01Le 14 juillet 1943, De Gaulle préside seul le défilé de la fête nationale
00:50:07qui apparaît à tous les Algériens comme la fête de la victoire.
00:50:15Il a donc fallu huit mois depuis le débarquement allié pour débarrasser l'Algérie de toute influence vichyste.
00:50:23Et pourtant, il faudra que les Juifs d'Algérie attendent encore pour que soit annulée l'abrogation du décret Crémieux.
00:50:29Le 15 septembre 1943, le général De Gaulle reçoit bien le grand rabbin d'Alger,
00:50:34mais c'est seulement pour lui dire que les Juifs d'Algérie redeviendront un jour français.
00:50:39Sans préciser ni quand, ni comment.
00:50:42Et c'est le plus discrètement possible.
00:50:45Par un simple communiqué, donc illégalement, que sera annulée en octobre 1943 par De Gaulle
00:50:51l'abrogation faite par Giraud du décret Crémieux.
00:51:16Le décret Crémieux n'est donc rétabli qu'en catimini,
00:51:20quand on aurait espéré que soit prononcée cette phrase que les Juifs d'Algérie attendent depuis 1940.
00:51:27C'est l'honneur de la République française que de rendre leur citoyenneté à une centaine de milliers de nos compatriotes
00:51:34qui n'auraient jamais dû en être privés.
00:51:45Je prends l'exemple de mon grand-père paternel, Stora, Benjamin Stora.
00:51:49Eh bien lui, il est mort de chagrin pratiquement, en 1945, parce qu'il n'avait pas pu récupérer.
00:51:54C'est-à-dire que le rétablissement du décret ne signifiait pas le fait de se réapproprier les biens qui avaient été confisqués.
00:52:00Ce n'était pas si simple que ça.
00:52:02Il y avait une espèce de résistance sourde, disons en bas, de la population européenne
00:52:06qui voulait rester attachée à ses privilèges de base.
00:52:08La déflagration gigantesque de l'abrogation du décret marquait les esprits.
00:52:13Même si apparemment les choses vont reprendre normalement, le cours des choses va reprendre normalement,
00:52:19en fait la blessure est très forte.
00:52:21La méfiance est grande.
00:52:23Le fait d'accorder à la France de manière inconditionnelle, disons, son amour et son soutien, va être ébréché.
00:52:31Et donc c'est pour ça que cette période des années 40-43 est si importante.
00:52:36Dans l'histoire, pas seulement des juifs d'Algérie, mais dans l'histoire de l'Algérie tout court,
00:52:41parce qu'elle nous a montré cette histoire, qu'il y avait des bifurcations possibles,
00:52:45c'est-à-dire des réflexions possibles, des initiatives différentes qui pouvaient exister
00:52:49que celles tout simplement de l'empire colonial autoritaire.
00:52:52C'est-à-dire que ceux qui étaient dans cette histoire, en particulier ceux qu'on a appelés les indigènes,
00:52:57ont été obligés de réfléchir différemment, ont été obligés de se positionner différemment.
00:53:01C'est pour ça que c'est une période extrêmement importante.
00:53:04Alors que Philippe Pétain met en oeuvre sa politique collaborationniste avec le régime nazi,
00:53:10que s'est-il passé entre l'été 1940 et l'été 1943 en Algérie française ?
00:53:16Nous en savons déjà beaucoup plus après ce documentaire réalisé par Stéphane Benhamou
00:53:21et nous allons y revenir maintenant plus au-delà avec nos deux invités présents aujourd'hui
00:53:26sur ce plateau de Débat Doc, Jacques Attali, pour commencer.
00:53:29Bonjour.
00:53:30Bienvenue à vous. Vous êtes écrivain, ancien haut fonctionnaire, ancien conseiller spécial
00:53:34pendant dix ans du président de la République François Mitterrand.
00:53:37Vous êtes aussi le fondateur de plusieurs organisations internationales.
00:53:40On va citer Action contre la faim, Eureka, Positif Planète.
00:53:44Mais avec vous aujourd'hui, nous recevons avant tout le co-auteur du documentaire que nous venons de voir
00:53:50qui est lui-même inspiré par votre livre L'année des dupes, Algiers 1943,
00:53:56publié et toujours disponible chez Fayard.
00:53:59On va évidemment y revenir dans un instant avec vous.
00:54:02Alia Eglant est également avec nous. Bienvenue à vous.
00:54:05Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'université parisien Panthéon-Sorbonne,
00:54:09spécialiste du XXe siècle, plus particulièrement de la Seconde Guerre mondiale.
00:54:14Vous êtes l'auteur, entre autres, de La France à l'envers, la guerre de Vichy 1940-1945,
00:54:21publié chez Gallimard et réédité en poche chez Folio Inédit.
00:54:27Jacques Attali, L'année des dupes, Algiers 1943, c'est donc le titre de votre livre
00:54:35et qui a fait l'objet de l'adaptation du film que nous venons de voir.
00:54:39Cette année 1943 n'est pas n'importe laquelle puisque vous êtes vous-même né le 1er novembre 1943 à Algiers.
00:54:48Que raconte ce livre, que raconte le film que nous venons de voir,
00:54:52vous concernant personnellement, vous et les vôtres, dans cette fameuse année 1943 à Algiers ?
00:54:57Comme beaucoup de gens qui ont traversé cette période, que ce soit en Europe ou ailleurs,
00:55:02il y a beaucoup de gens qui ont dit, je n'ai rien su de cette histoire par mes parents,
00:55:07je n'ai rien su de ce qu'ils ont souffert pendant cette période,
00:55:12je n'ai pas su que l'Algérie était sous le même régime que la France, mais sans Allemands.
00:55:17Je n'ai rien su de tout cela.
00:55:20Je n'ai pas su non plus, parce qu'il m'a fallu du temps aussi pour le découvrir après,
00:55:24que le décret Crémieux n'a jamais été rétabli en réalité,
00:55:27qu'il a été rétabli d'une façon informelle une semaine avant ma naissance.
00:55:32Et ça a été pour moi une grande surprise que de creuser tout ça et de le comprendre.
00:55:37Vous avez dit que vos aïeux ne vous ont jamais parlé de cet épisode de l'histoire.
00:55:41Non, personne ne m'en a jamais parlé, même si...
00:55:45Mes parents étaient commerçants,
00:55:47donc ils n'étaient pas concernés par l'interdiction d'exercer des médecins,
00:55:51des fonctionnaires, des professeurs.
00:55:54Mais malgré tout, ils ont été privés de l'essentiel de leurs moyens de vie.
00:55:58Et je connaissais, puisque c'était des amis de mon père,
00:56:03une partie de ceux qui ont joué un rôle dans le débarquement,
00:56:07en particulier la famille des grands médecins,
00:56:11qui est ensuite un joueur clé dans l'histoire de France.
00:56:15Ceux qu'on voit dans le film,
00:56:17qui ont été des grands acteurs de cette période et après,
00:56:20qui étaient des amis de mon père.
00:56:22Mais je n'ai rien su de cette histoire.
00:56:26Allez à gland, avant de parler de 1943,
00:56:29cette année des tubes, si on reprend l'expression prise par Jacques Attali dans son livre,
00:56:33il faut parler de ce qu'ont été les transpositions des lois antisémites
00:56:38mises en place par le régime de Vichy,
00:56:41principalement à l'automne 1940 puis au printemps 1941.
00:56:46En Algérie française, on assiste tout simplement, avec ce régime de Vichy,
00:56:51à une simple transposition de ces lois dites anti-juives
00:56:54du côté de l'Algérie française,
00:56:56avec cette fameuse abrogation du décret Crémieux ?
00:56:59C'est plus qu'une transposition,
00:57:01l'Algérie, c'est des départements français depuis 1848,
00:57:06et le projet antisémite en Algérie
00:57:09nous dit la pureté du projet antisémite en France.
00:57:12On le comprend par rapport à la métropole
00:57:15comme, finalement, un fabuleux laboratoire
00:57:18de tout ce qu'ils n'ont pas osé faire dans la métropole,
00:57:21parce qu'il y avait, dans les tiroirs,
00:57:23depuis la fin des années 30,
00:57:25et avec la Révolution nationale,
00:57:27le projet de dénaturaliser de manière globale
00:57:31tous les Juifs en métropole.
00:57:34Et donc, ce qui s'essaye en Algérie,
00:57:37à la faveur de ce que vous appelez cette transposition,
00:57:41en fait, ce sont des décrets,
00:57:43toute la législation antisémite a eu des décrets d'application
00:57:46dans tout l'Empire, même en Indochine,
00:57:49les interdictions d'exercer.
00:57:51Il se trouve que les communautés juives
00:57:53ont la même importance en Indochine qu'en Algérie.
00:57:55En Algérie, la bourgation du décret Crémieux
00:57:58représentait 117 000 personnes, tout de même.
00:58:01À priver de la citoyenneté française,
00:58:03117 000 personnes,
00:58:05mais c'était des projets
00:58:07qui auraient tout à fait convenu
00:58:10à la Révolution nationale en métropole.
00:58:13Et ce qui est intéressant, c'est que,
00:58:15vu d'Algérie, la Révolution nationale,
00:58:17elle est proprement d'initiative française,
00:58:19alors qu'en métropole, on a pu dire
00:58:21que c'était sous pression allemande,
00:58:23qu'il y avait une législation antisémite,
00:58:25qu'on avait protégé les Juifs étrangers,
00:58:28enfin, pardon,
00:58:30protégé les Juifs français
00:58:32et livré les Juifs étrangers,
00:58:34là, on comprend très bien que le projet antisémite,
00:58:37c'est de faire des Juifs, des étrangers chez eux,
00:58:39c'est-à-dire en métropole,
00:58:41comme en Algérie.
00:58:43Et c'est là ce qui est moins connu,
00:58:46parce que les études sur l'occupation,
00:58:49sur les années de guerre,
00:58:51n'ont intégré les territoires coloniaux
00:58:53que très récemment, c'est-à-dire,
00:58:55en gros, dans les 20 dernières années,
00:58:57et que l'historiographie a eu une sorte de retard là-dessus.
00:58:59On va préciser, pour ceux qui nous regardent,
00:59:01et pour étudier ce que vous dites,
00:59:03les Allemands n'ont jamais, à aucun moment,
00:59:05occupé l'Algérie française, par exemple.
00:59:07Il n'y avait pratiquement pas d'Allemands à Alger,
00:59:09il y avait quelques Italiens,
00:59:11et les Allemands, comme vous le dites, ne comptaient pas.
00:59:13Je sais si c'est dans un contexte
00:59:15plus lointain encore,
00:59:17mais je craignerais mieux,
00:59:19les Français d'Algérie
00:59:21ont voulu les abolir dès 1880,
00:59:23à la fois par antisémitisme,
00:59:25il ne faut pas oublier qu'à Alger,
00:59:27pendant plusieurs occasions,
00:59:29il n'y a des députés
00:59:31que explicitement antisémites,
00:59:33sur un parti antisémite qui occupe
00:59:35tous les sièges des députés d'Alger vers les années 1900.
00:59:37Il y a des journaux antisémites aussi.
00:59:39Il y a un maire antisémite très longtemps
00:59:41dans plusieurs villes d'Algérie.
00:59:43Et il y a une deuxième raison à cela,
00:59:45à l'antisémitisme s'ajoute l'idée
00:59:47que les droits qu'on accorde aux Juifs,
00:59:49on va, malheureusement,
00:59:51pensait-il, les accorder aux musulmans.
00:59:53Donc il y avait la peur
00:59:55que ce qu'on faisait pour les Juifs,
00:59:57on allait devoir le faire pour les musulmans.
00:59:59Tout au long des années
01:00:011900, 1910, 1920, 1930,
01:00:03il y avait cette envie
01:00:05de revenir sur le décret Camus.
01:00:07Là, la circonstance si présente,
01:00:09c'est fait extrêmement rapidement,
01:00:11et ça va très loin,
01:00:13puisque, comme je l'explique dans le livre
01:00:15et on le dit dans le film,
01:00:17il y avait des camps de concentration
01:00:19qui n'étaient pas des camps d'extermination,
01:00:21mais qui étaient des concentrations
01:00:23où il y avait à la fois des Juifs, des communistes
01:00:25et des tas de gens qui, beaucoup en sont morts.
01:00:27Et il y avait une usine
01:00:29dont j'ai retrouvé l'existence.
01:00:31D'ailleurs, un enfant de cette famille
01:00:33était en classe avec moi
01:00:35à Alger quelques années plus tard
01:00:37qui avait fabriqué
01:00:39des étoiles jaunes
01:00:41qui allaient être distribuées quelques jours
01:00:43après l'arrivée des Américains.
01:00:45Il n'y a que l'arrivée des Américains
01:00:47qui, comme vous l'avez dit,
01:00:49n'a pas changé grand-chose au statut des Juifs.
01:00:51On va y revenir.
01:00:53Mais qui a au moins arrêté la distribution des étoiles jaunes.
01:00:55Et puis pour bien comprendre
01:00:57ce qu'on voit dans ce documentaire,
01:00:59notamment la loi d'arianisation des entreprises juives,
01:01:01ça c'était le 22 juillet en France métropolitaine,
01:01:03elle est appliquée en Algérie française.
01:01:05La loi sur la spoliation des biens juifs
01:01:07intervient le 27 juillet de cette année 1941
01:01:09et, effectivement,
01:01:11elle a des répercussions immédiates aussi
01:01:13du côté de l'Algérie française
01:01:15concernant les Juifs algériens.
01:01:17Il y a toute une législation
01:01:19qui vise à priver les Juifs
01:01:21de leurs droits de propriété.
01:01:23En métropole,
01:01:25ça commence assez vite.
01:01:27Il y a une sorte de compétition
01:01:29et de rivalité entre les Français et les Allemands.
01:01:31En Algérie,
01:01:33même si les Allemands
01:01:35ne sont pas là comme occupants,
01:01:37ils sont quand même là.
01:01:39Il y a des commissions de contrôle italiennes
01:01:41et allemandes qui circulent pas mal.
01:01:43Mais ce que je veux dire,
01:01:45c'est qu'en Algérie,
01:01:47la fortune des Juifs
01:01:49revient directement à l'Etat français.
01:01:51Donc ils sont, je dirais,
01:01:53encore plus plein d'alent pour mettre la main
01:01:55et les priver
01:01:57de leurs revenus.
01:01:59C'est vraiment une mise...
01:02:01On les traite comme s'ils étaient
01:02:03dans un régime
01:02:05d'incapacité légale.
01:02:07On nomme des administrateurs provisoires.
01:02:09Ils n'ont plus le droit de gérer leur bien.
01:02:11Ils n'ont plus le droit d'avoir
01:02:13accès à leur propriété.
01:02:15Les deux mesures sont
01:02:17cumulatives. On les expulse
01:02:19de la communauté française et on les empêche
01:02:21de vivre au sens très propre
01:02:23du terme.
01:02:25Si ça avait duré plus que ça,
01:02:27ils auraient été dans la misère absolue.
01:02:29Ca aurait justifié ce qui s'est passé
01:02:31en Allemagne. Il y a eu des débats en Allemagne
01:02:33sur cette question un peu avant.
01:02:35Qu'est-ce qu'on fait des Juifs si on les prive de leur bien ?
01:02:37Il y a eu un grand conseil des ministres
01:02:39de novembre 1938 à Bernard là-dessus.
01:02:41Il n'y a pas d'autre solution que de les tuer.
01:02:43A partir du moment où on fait des mendiants dans la rue,
01:02:45on ne peut pas aller voir des Juifs dans la rue.
01:02:47Donc la mécanique était en place.
01:02:49On en fait des parias.
01:02:51On va voir un premier extrait du film.
01:02:53Il s'agit de l'historien Benjamin Stora
01:02:55qui nous explique ce que sont les conséquences
01:02:57de l'abrogation de ce décret
01:02:59crémieux auprès des musulmans.
01:03:01« Faire un tabass » comme Messali d'ailleurs
01:03:03auront cette phrase très célèbre
01:03:05« Faites attention à la France,
01:03:07elle peut vous enlever d'une main
01:03:09ce qu'elle nous a donné de l'autre. »
01:03:11Donc, il faut peut-être
01:03:13qu'on construise une patrie en propre.
01:03:15C'est la position de « Faire un tabass »
01:03:17qui était très assimilationniste jusqu'en 1941
01:03:19et qui va,
01:03:21à cause de ça précisément, dire
01:03:23il nous faut peut-être réfléchir par nous-mêmes
01:03:25pour avoir une patrie qui nous appartienne.
01:03:27C'est pour ça que c'est très important l'histoire
01:03:29de l'abrogation du décret crémieux.
01:03:31C'est-à-dire que les promesses de l'assimilation s'évanouissent.
01:03:33« Faire un tabass » et Messaliadj,
01:03:35les deux principaux leaders nationalistes
01:03:37de l'époque
01:03:39qui ont réagi de leur côté
01:03:41face à cette abrogation
01:03:43avec cette crainte que vous évoquiez tout à l'heure.
01:03:45Plus encore,
01:03:47quand on dit à « Faire un tabass »
01:03:49qui est en prison qu'on va le libérer
01:03:51s'il approuve
01:03:53l'abrogation du décret crémieux, il refuse.
01:03:55Il dit « Nous, ce que nous voulons,
01:03:57ce n'est pas que les Juifs aient moins,
01:03:59c'est que nous ayons plus.
01:04:01Il ne faut pas que les Juifs rejoignent notre statut,
01:04:03il faut que nous rejoignions le statut des Juifs. »
01:04:05Il demandait encore
01:04:07la nationalité française planée entière.
01:04:09Autrement dit,
01:04:11le message qu'envoyait le régime de Vichy
01:04:13aux musulmans
01:04:15c'était, à travers l'abrogation
01:04:17de ce décret crémieux,
01:04:19vous ne serez jamais, vous,
01:04:21considérés comme des citoyens français
01:04:23comme l'ont été les Juifs algériens.
01:04:25Le message, c'est aussi
01:04:27« battez-vous », c'est un message
01:04:29de guerre civile, parce que la guerre civile
01:04:31c'est quelque chose qui sature absolument
01:04:33tous les discours
01:04:35du maréchal Pétain,
01:04:37sauf qu'il accuse
01:04:39les gaullistes, les dissidents,
01:04:41les nationalistes, qui seraient
01:04:43en cheville avec l'étranger alors qu'on prenait
01:04:45les communistes, d'être
01:04:47des ferments de guerre civile. Or, qui organise
01:04:49la guerre civile ? C'est le gouvernement de Vichy
01:04:51parce que, parmi les citoyens,
01:04:53il va inventer des catégories
01:04:55de citoyens qui n'ont pas les mêmes droits
01:04:57ou qui sont même privés de l'ensemble
01:04:59de leurs droits. On oublie de dire
01:05:01souvent que les Français libres
01:05:03qui partent rejoindre De Gaulle
01:05:05perdent leur nationalité, leur citoyenneté,
01:05:07alors De Gaulle le premier,
01:05:09et vous avez de toute façon
01:05:11une politique de Vichy qui est
01:05:13d'exclure de la communauté ces ennemis
01:05:15intérieurs qui sont fantasmés
01:05:17et dedans il y a toute cette catégorie
01:05:19des indésirables, de l'anti-France,
01:05:21dont les Juifs, évidemment, font partie.
01:05:23Mais les musulmans,
01:05:25il est très évident qu'ils n'auraient pas
01:05:27eu droit à un meilleur traitement,
01:05:29mais il aurait été, peut-être,
01:05:31de bonne guerre
01:05:33pour la Révolution nationale
01:05:35que de mettre face à face
01:05:37deux communautés, et pour dire,
01:05:39vous voyez, il y a un vrai antisémitisme
01:05:41très populaire, regardez,
01:05:43les musulmans y participent,
01:05:45et cet antisémitisme
01:05:47populaire n'a pas pris en France,
01:05:49malgré la propagande,
01:05:51et en Algérie, il aurait pu
01:05:53prendre s'ils avaient réussi à dresser
01:05:55les communautés les unes contre les autres.
01:05:57On va peut-être passer à la suite,
01:05:59c'est-à-dire à ce qui se passe
01:06:01après l'arrivée des Américains,
01:06:03c'est d'ailleurs frappant que
01:06:05l'émission que nous sommes en train de faire
01:06:07passe à la télévision quelques jours
01:06:09avant l'anniversaire toujours oublié
01:06:11du premier débarquement en France,
01:06:13car au fond, le premier débarquement
01:06:15en France, ce n'est pas le département de Jouy-en-44...
01:06:17Et vous dites, ce débarquement,
01:06:19on ne le commémore pas.
01:06:21Pourquoi ? Parce que ce sont des Français
01:06:23qui se sont battus contre les Alliés,
01:06:25contre les Américains.
01:06:27Les Français ont tiré sur les Alliés à Londres,
01:06:29à Canablanca, ils se sont battus en rang,
01:06:31et à Algérie, il s'en est fallu de rien,
01:06:33mais c'est parce que c'est un petit groupe de Juifs
01:06:35qui a réussi à reprendre
01:06:37le contrôle de la ville
01:06:39et qui l'a donné
01:06:41aux Alliés,
01:06:43avec une anecdote
01:06:45terrifiante où un des officiers,
01:06:49un des rares officiers
01:06:51juifs qui était encore là
01:06:53et qui participe de cette opération
01:06:55est assassiné
01:06:57d'une balle dans le dos par un
01:06:59collaborateur de Vichy,
01:07:01qui, quelques jours plus tard, va être décoré
01:07:03par les nouveaux arrivants,
01:07:05c'est-à-dire Darlan et Végan,
01:07:07qui montrent bien par cette décoration
01:07:09que ce qui a été fait
01:07:11en permettant la libération
01:07:13d'Alger était honteux.
01:07:15Ce qui est assez étonnant, assez troublant,
01:07:17effectivement, c'est cette période,
01:07:19l'opération Torch, ce fameux débarquement
01:07:21a lieu en novembre
01:07:231942,
01:07:25il se trouve que Darlan, celui qu'on appelait
01:07:27le dauphin de Pétain, c'est pas n'importe qui,
01:07:29Darlan, l'amiral Darlan,
01:07:31est sur place,
01:07:33et c'est lui qui va passer un accord
01:07:35avec les Américains, avec les Alliés,
01:07:37pour tourner sa veste, on peut dire
01:07:39les choses comme ça ?
01:07:41Oui, c'est ce que les Américains ont appelé
01:07:43l'expédient Darlan.
01:07:45C'est pas que les Américains étaient pro-Darlan,
01:07:47mais c'était les nécessités de la guerre.
01:07:49Ils cherchent, en réalité,
01:07:51une sorte de personnalité
01:07:53qui aurait une sorte de légitimité,
01:07:55et Darlan, qui a contribué fortement
01:07:57à fonder la marine,
01:07:59il est encore très respecté
01:08:01dans les milieux de la marine.
01:08:03C'est pas qu'ils aiment Darlan,
01:08:05et même Staline aurait dit,
01:08:07vu les nécessités de la guerre,
01:08:09qu'il faut non seulement faire alliance avec Darlan,
01:08:11mais aussi avec le diable et sa grand-mère.
01:08:13Pour vous dire à quel point
01:08:15Darlan, c'est pas la personnalité,
01:08:17c'est vraiment
01:08:19qui peut incarner une quelconque autorité.
01:08:21Parce que le problème de novembre 1942,
01:08:23c'est qui est l'autorité légitime ?
01:08:25C'est pour ça que les Américains
01:08:27sont combattus
01:08:29sur ordre de Vichy,
01:08:31mais en même temps,
01:08:33Vichy va faire appel aux Allemands,
01:08:35qui vont arriver en Tunisie,
01:08:37à l'imbroglio franco-français,
01:08:39et quand Darlan, finalement,
01:08:41prend langue avec les Américains
01:08:43et est reconnu par eux,
01:08:45il est immédiatement déchu
01:08:47de ses droits,
01:08:49l'exclu de la communauté,
01:08:51le désavoue complètement.
01:08:53Jusqu'à l'assassinat
01:08:55de Darlan en décembre,
01:08:57il y a une sorte
01:08:59de Vichy sous protectorat américain,
01:09:01c'est l'expression,
01:09:03et quand ensuite,
01:09:05après l'assassinat de Darlan,
01:09:07ils ne veulent absolument rien voir à faire
01:09:09avec de Gaulle, ce sera Giraud
01:09:11qui va reprendre l'autorité.
01:09:13Le problème qui se pose
01:09:15à Giraud, comme à Darlan d'ailleurs,
01:09:17c'est qu'il n'est pas républicain.
01:09:19Alors on va voir un extrait,
01:09:21ce sera le deuxième,
01:09:23concernant le général Giraud,
01:09:25qui après l'assassinat
01:09:27de l'amiral Darlan, le 24 décembre
01:09:291942,
01:09:31reprend la main du côté
01:09:34Pas question pour Giraud d'abroger
01:09:36les lois d'exclusion, ni de laisser entrer
01:09:38des officiers et des soldats juifs
01:09:40dans l'armée d'Afrique.
01:09:42Il explique aux américains que redonner des droits
01:09:44aux juifs serait très mal vu des arabes,
01:09:46car ils se haïssent.
01:09:48Giraud répète une formule entendue de Darlan
01:09:50qui lui plaît.
01:09:52Les juifs à l'échoppe,
01:09:54et les musulmans à la charrue.
01:09:56C'est la continuité de la politique,
01:09:58c'est pour ça que c'est une année déduite,
01:10:00parce que les juifs croyaient qu'ils allaient
01:10:03La Dupré, elle est là.
01:10:05Elle est plus complète encore,
01:10:07parce que les américains n'en ont rien à faire de l'Algérie.
01:10:09Pourquoi sont-ils là ?
01:10:11Ils sont là parce qu'il s'agit d'aller au plus vite
01:10:13en Égypte et en Irak pour empêcher
01:10:15les allemands d'avoir accès
01:10:17au pétrole irakien qui commençait à apparaître.
01:10:19Autrement dit, il n'y a peut-être pas forcément
01:10:21d'arrière-pensée politique du côté des américains,
01:10:23mais des arrière-pensées militaires en premier lieu.
01:10:25Implicitement, l'arrière-pensée politique,
01:10:27c'est qu'ils n'en avaient absolument rien à faire
01:10:29ni de la France, ni du sort des juifs.
01:10:32Pour eux, il s'agissait d'aller là.
01:10:34Ce qui, d'ailleurs, a sûrement une relation
01:10:36avec ce qui se passe au même moment
01:10:38avec la descente des troupes allemandes
01:10:40vers l'Azerbaïdjan,
01:10:42qui veut chercher un autre pétrole
01:10:44que le pétrole du Moyen-Orient.
01:10:46Et donc Stalingrad, tout ça se mêle
01:10:48avec cette période.
01:10:50Le pétrole joue un rôle absolument clé
01:10:52dans la structuration générale de la guerre.
01:10:54Et donc les allemands, évidemment,
01:10:56qui veulent absolument protéger leur possibilité
01:10:58de rester en Égypte, puisqu'ils sont déjà
01:11:00en train d'y arriver,
01:11:02envoient des troupes
01:11:04en Tunisie.
01:11:06Les troupes françaises
01:11:08hésitent de savoir
01:11:10de quel camp ils sont.
01:11:12Jouin, à Casablanca,
01:11:14a fait tirer sur les Américains.
01:11:16De Gaulle va le faire chanter.
01:11:18De Gaulle va faire chanter Jouin tout au long de sa vie,
01:11:20tout au long de sa carrière, lui disant
01:11:22faut pas que tu oublies, c'était un camarade de promotion,
01:11:24que tu étais du mauvais côté à ce moment-là.
01:11:26Et Jouin va être vraiment...
01:11:28Même s'il en fait un maréchal,
01:11:30c'est un maréchal traître et marionnette.
01:11:32Et De Gaulle,
01:11:34pas plus que Giraud,
01:11:36pas plus que Darlan,
01:11:38pas plus qu'Eisenhower,
01:11:40n'a rien à faire au sort des Juifs.
01:11:42Lui, pour la même raison, son obsession,
01:11:44c'est que les musulmans n'aient pas le droit de vote.
01:11:46Quand il va génialement,
01:11:48ou plutôt parce que Giraud est très faible,
01:11:50au mois de juillet, comme on le voit dans le film...
01:11:52-...Giraud part aux Etats-Unis,
01:11:54parce que pour lui,
01:11:56les choses sont bien en main du côté...
01:11:58-...Parce que De Gaulle le convainc.
01:12:00Il faut absolument qu'il aille chercher des armes.
01:12:02Quand il revient, c'est fini.
01:12:04De Gaulle, entre-temps, a repris le pouvoir
01:12:06avant le retour de Giraud.
01:12:08Quand la communauté juive va voir De Gaulle,
01:12:10en disant que c'est notre tour,
01:12:12De Gaulle dit qu'on verra ça après la guerre.
01:12:14C'est ça qui est très troublant,
01:12:16effectivement.
01:12:18Après Darlan, Giraud,
01:12:20mais rien ne change, finalement,
01:12:22concernant ce fameux décret Crémieux
01:12:24qui n'est pas rétabli,
01:12:26en tout cas dans les faits, par Giraud.
01:12:28Comment vous l'expliquez ?
01:12:30Vous êtes d'accord avec ce que vient de dire Jacques Attali ?
01:12:32Moi, j'ai une vision
01:12:34un peu plus globale
01:12:36dans le sens où
01:12:38je pense effectivement que
01:12:40l'opération Torch, c'est l'ouverture du second front
01:12:42tant attendue depuis
01:12:44que Staline
01:12:46a changé de bord.
01:12:48Mais le plus important,
01:12:50selon moi, c'est de comprendre
01:12:52que ce qui se passe à Alger,
01:12:54c'est la révolution nationale
01:12:56qui est antirépublicaine.
01:12:58Ni Darlan, ni Giraud
01:13:00n'avaient l'intention d'abolir
01:13:02la législation de Vichy
01:13:04parce qu'ils sont en profond accord.
01:13:06Et eux-mêmes
01:13:08se distinguent
01:13:10en agissant au nom du maréchal
01:13:12avec l'idée qu'ils ont
01:13:14son intime...
01:13:16son intime accord.
01:13:18Et donc, ce qui se passe,
01:13:20c'est que Giraud va être convaincu
01:13:22de faire une déclaration républicaine.
01:13:24C'est la fameuse déclaration du 14 mars
01:13:261943.
01:13:28De même qu'un an avant,
01:13:30les représentants
01:13:32des mouvements de résistance
01:13:34avaient convaincu De Gaulle de faire la même chose.
01:13:36Sauf que De Gaulle a un an d'avance.
01:13:38Alors, que se passe-t-il ?
01:13:40De Gaulle a été très critique sur la Troisième République,
01:13:42sur la responsabilité de la République
01:13:44dans la défaite.
01:13:46Giraud n'est absolument pas républicain
01:13:48et persuadé que la Révolution nationale,
01:13:50c'est un programme de rénovation
01:13:52politique qui vaut le coup.
01:13:54Sauf que Jean Monnet
01:13:56et Macmillan vont presser
01:13:58Giraud de se déclarer
01:14:00en faveur de la démocratie.
01:14:02Et alors, évidemment,
01:14:04les Juifs d'Alger pouvaient comprendre
01:14:06que découlait, voilà,
01:14:08liberté, égalité...
01:14:10Quelle désillusion pour les Juifs algériens.
01:14:12Pour tous les citoyens français privés
01:14:14de leurs droits à l'époque.
01:14:16Et donc, là, la dupris,
01:14:18elle est là. Mais Giraud
01:14:20est convaincu que c'est
01:14:22une juste mesure, l'antisémitisme.
01:14:24Comme Pétain
01:14:26en est convaincu.
01:14:28Il n'a jamais protégé les Juifs.
01:14:30Peut-être que c'est quelque chose
01:14:32qui me distingue un peu
01:14:34de Benjamin quand il dit
01:14:36dans le film que De Gaulle n'est pas antisémite.
01:14:38Moi, j'ai plus de doutes.
01:14:40Parce que De Gaulle,
01:14:42bien des fois, manifeste une attitude
01:14:44de ses suspects.
01:14:46Et là, en particulier,
01:14:48il est exactement sur la ligne
01:14:50de Darlan et de Giraud.
01:14:52Il ne veut pas des Juifs.
01:14:54Et il ne rétablit pas le décret Crémieux.
01:14:56Il va être rétabli par un tour de passe informel
01:14:58dans lequel De Gaulle ne trompe pas.
01:15:00Il n'y a pas la main de De Gaulle
01:15:02dans le soi-disant rétablissement du décret Crémieux.
01:15:04Je suis un peu étonné. J'avais noté
01:15:0620 octobre 1943, rétablissement
01:15:08par le Comité français de libération nationale,
01:15:10qui est à Alger,
01:15:12rétablissement du décret Crémieux
01:15:14par un communiqué de presse.
01:15:16Je ne suis pas tout à fait d'accord
01:15:18avec cette vision. Je ne la partage pas.
01:15:20Parce que De Gaulle dit,
01:15:22depuis le débarquement
01:15:24de l'opération Torch,
01:15:26je ne me rendrai pas
01:15:28à Alger sur convocation
01:15:30des alliés, parce que Alger, c'est la France.
01:15:32Et encore à Casablanca,
01:15:34la fameuse poignée de main
01:15:36forcée avec Giraud, il dit
01:15:38qu'ils veulent me faire avaler Vichy,
01:15:40qu'ils ne parleraient pas Vichy.
01:15:42Il ne veut pas blanchir Vichy,
01:15:44et lui, justement, il voudrait
01:15:46effacer toute la législation
01:15:48de vie, avec les lois
01:15:50antisémites dedans.
01:15:52Il ne le fait pas.
01:15:54Dans la guerre contre Giraud,
01:15:56il va réussir à le faire seulement
01:15:58en octobre 1943. C'est l'un des arguments
01:16:00politiques qui travaille sans arrêt
01:16:02contre Giraud.
01:16:04Contre Giraud, il obtient un gain de cause
01:16:06assez vite, mais sur le cas précis,
01:16:08la seule chose qui reste, après les abrogations
01:16:10qui ont été forcées, comme vous l'avez
01:16:12très bien dit, par les Américains
01:16:14et par les Anglais, par Macmillan,
01:16:16reste l'abrogation de Giraud,
01:16:18et il reçoit le grand rabbin d'Algérie,
01:16:20je crois que c'est début octobre,
01:16:22et il lui dit non.
01:16:24Il lui dit explicitement, nous verrons après la guerre,
01:16:26parce que lui, son obsession,
01:16:28c'est les musulmans.
01:16:30En effet, il y a une déclaration,
01:16:32un communiqué de presse
01:16:34du gouvernement provisoire,
01:16:36un communiqué de presse qui...
01:16:38Mais vous allez au-delà, vous dites
01:16:40finalement, ce fameux décret
01:16:42Crémieux n'aura jamais été rétabli.
01:16:44Non, pour moi, et j'ai confronté
01:16:46ce point de vue avec...
01:16:48Il a été rétabli de fait,
01:16:50parce que tout le monde a oublié qu'il avait été abrogé,
01:16:52donc tout de suite, il a été rétabli de fait.
01:16:54Mais d'un point de vue juridique,
01:16:56qu'est-ce que dit le communiqué en question ?
01:16:58Il dit,
01:17:00compte tenu du fait que l'ordonnance
01:17:02de mars 43,
01:17:04qui a maintenu
01:17:06l'abrogation,
01:17:08parce qu'il y a eu une première abrogation par Vichy
01:17:10et une deuxième abrogation par Giraud.
01:17:12Giraud a abrogé le décret Crémieux.
01:17:14Giraud a abrogé le décret Crémieux.
01:17:16Et en octobre, les juristes
01:17:18sous De Gaulle,
01:17:20mais pas De Gaulle lui-même, disent,
01:17:22cette ordonnance, il n'y a pas eu de décret d'application.
01:17:24Donc, six mois plus tard,
01:17:26elle est caduque.
01:17:28Juridiquement, ça ne tient pas,
01:17:30parce qu'une ordonnance qui établit un fait de droit
01:17:32par elle-même n'a pas besoin
01:17:34de décret d'application.
01:17:36Dans le contexte très particulier de l'époque,
01:17:38moi, je peux dire que je ne suis pas
01:17:40tout à fait d'accord avec vous,
01:17:42parce que De Gaulle n'emploie jamais
01:17:44l'expression gouvernement de Vichy.
01:17:46C'est toujours le prétendu ou le soi-disant gouvernement.
01:17:48Et pour lui,
01:17:50Vichy est nul et non avenu,
01:17:52et cette législation doit disparaître
01:17:54dans son intégralité. Et ce que je comprends
01:17:56des lois antisémites,
01:17:58pour lui, ça fait partie
01:18:00de ce qui doit disparaître avec Vichy.
01:18:02Il y a beaucoup de choses de Vichy
01:18:04qui n'ont pas disparu.
01:18:06Enormément de choses.
01:18:08Peut-être pas les discriminations.
01:18:10Toutes les déclarations de Vichy
01:18:12n'ont pas disparu, loin de là.
01:18:14Et sur les soupçons d'antisémitisme
01:18:16de la part de De Gaulle,
01:18:18évoqués à l'instant par Jacques Attali...
01:18:20Moi, je n'ai pas d'élément là-dessus.
01:18:22Vous n'avez pas d'élément là-dessus.
01:18:24La seule chose que je voudrais ajouter
01:18:26qui nous renvoie à une actualité
01:18:28immédiate,
01:18:30c'est que De Gaulle, son obsession,
01:18:32c'est que les musulmans ne soient pas français.
01:18:34Et il va tout faire pour ça.
01:18:36C'est d'ailleurs assez fascinant que le jeune homme
01:18:38qui tient la plume
01:18:40à cette période du comité
01:18:42du gouvernement provisoire s'appelle
01:18:44Louis-Jox. C'est lui qui,
01:18:4620 ans plus tard,
01:18:48va négocier les accords déviants.
01:18:50Quand De Gaulle,
01:18:52en juin,
01:18:54de juin à octobre
01:18:561958, discute
01:18:58avec Debray, de la constitution
01:19:00de 1958, Debray propose
01:19:02l'élection du président au suffrage universel.
01:19:04On trouve ça dans les mémoires de Georgette Elgé.
01:19:06De Gaulle dit non, pas d'élection au suffrage universel.
01:19:08Et comme par hasard,
01:19:10ce qui n'est pas hasard à mon avis,
01:19:12l'indépendance de l'Algérie, c'est en mars 1962,
01:19:14ou quelque chose par là,
01:19:16et le référendum sur l'élection au suffrage universel,
01:19:18c'est en septembre de la même année.
01:19:20Comme si De Gaulle
01:19:22ne voulait pas être élu président de la République
01:19:24au suffrage universel par les voix musulmanes.
01:19:26On voit une grande constante...
01:19:30C'est pas quelque chose de...
01:19:32On peut considérer
01:19:34ce point de vue comme un point de vue
01:19:36qu'on peut considérer comme respectable.
01:19:38C'est un fait.
01:19:40De Gaulle ne voulait pas être élu président de la République
01:19:42par les voix des musulmans.
01:19:44Et rétroactivement,
01:19:46pour moi, ça explique son attitude sur le décret Crémieux.
01:19:48Quoi qu'il en soit,
01:19:50Alger va devenir
01:19:52la capitale de la France libre
01:19:54aussi en cette année 1943.
01:19:56A l'automne 1943.
01:19:58Une fois que De Gaulle aura
01:20:00repris la main
01:20:02sur nos...
01:20:04nos colonies françaises.
01:20:06Il reprend la main grâce à l'installation
01:20:08de l'Assemblée consultative
01:20:10provisoire à Alger,
01:20:12et qui est une sorte de parlement
01:20:14de la résistance extérieure
01:20:16et intérieure.
01:20:18Ça devient la vraie base arrière de la France libre.
01:20:20Au départ, elle devait être juste
01:20:22consultative, cette Assemblée,
01:20:24puis elle va prendre de plus en plus d'importance
01:20:26pour préparer l'après-guerre.
01:20:28On y trouve des représentants
01:20:30de tous les comités France libre du monde,
01:20:32des mouvements intérieurs de la résistance
01:20:34et évidemment des personnalités...
01:20:36C'est le moment...
01:20:38C'est l'instrument
01:20:40qui va servir à avancer politiquement
01:20:42Giraud.
01:20:44Il va rester à Giraud, évidemment,
01:20:46le fait d'avoir négocié avec les Américains
01:20:48l'équipement et la reconstitution
01:20:50de l'armée d'Afrique.
01:20:52Il aura été un grand militaire,
01:20:54même si, comme vous l'avez dit,
01:20:56il n'était pas du tout un républicain.
01:20:58En effet, tout le monde...
01:21:00C'est anecdotiquement là où De Gaulle
01:21:02fait la connaissance de François Mitterrand
01:21:04et qu'il va retrouver
01:21:06quelques mois plus tard à Paris,
01:21:08au moment de la libération de Paris.
01:21:10De Gaulle fait venir
01:21:12Mitterrand à Alger pour lui proposer
01:21:14de laisser le mouvement de résistance
01:21:16à son neveu.
01:21:18Mitterrand refuse et repart
01:21:20par Marrakech vers Londres
01:21:22et vers la France.
01:21:24Et puis reste le cas des musulmans,
01:21:26ceux qu'on appelle évidemment les indigènes
01:21:28à l'époque.
01:21:30Après l'arrivée de De Gaulle à Alger,
01:21:32que se passe-t-il
01:21:34du côté musulman ?
01:21:36Du côté musulman, il y a ce manifeste
01:21:38nationaliste algérien
01:21:40qui essaye de négocier,
01:21:42je dirais, l'impôt du sang,
01:21:44le fait d'avoir
01:21:46combattu aux côtés
01:21:48de la France libre,
01:21:50leur ouvrir un droit sur l'avenir,
01:21:52selon eux, et là, évidemment,
01:21:54ils n'ont pas du tout été entendus.
01:21:56Et en 45,
01:21:58à l'été 45, il va y avoir
01:22:00des massacres.
01:22:02Notamment le 8 mai 1945,
01:22:04les événements de ce tif, les massacres
01:22:06de ce tif.
01:22:08Le jour de l'armistice.
01:22:10Bien sûr, parce qu'on sort des drapeaux
01:22:12nationalistes, des slogans nationalistes
01:22:14dans une communion
01:22:16qui ne permettait pas, normalement,
01:22:18ce genre de manifestation,
01:22:20et ça va être quelque chose
01:22:22de très cruel et de très brutal.
01:22:24Et je pense
01:22:26que c'est l'une des raisons pour lesquelles
01:22:28dans les commémorations,
01:22:30il n'y a pas le 8 novembre 1942.
01:22:32Je pense que c'est rétroactivement
01:22:34l'une des raisons
01:22:36parce que dans toutes les commémorations,
01:22:38il faut quand même une base
01:22:40un peu consensuelle.
01:22:42Et là, je pense que c'est vraiment une tâche
01:22:44dans le rapport entre
01:22:46l'Algérie et la métropole
01:22:48parce qu'ils se sont battus.
01:22:50Ils ont fait
01:22:52la campagne d'Italie,
01:22:54ils ont donné leur vie,
01:22:56mais il n'y a pas eu
01:22:58de promesse de retour et je pense
01:23:00qu'il y a une énorme déception.
01:23:02C'est d'ailleurs ça qui fait basculer
01:23:04tous les dirigeants algériens dont certains
01:23:06voulaient encore espérer en la France,
01:23:08mais il y a aussi une autre raison
01:23:10pour laquelle le débarquement de 1942
01:23:12n'est pas célébré,
01:23:14c'est que les Français tirent sur les Américains.
01:23:16Alors qu'on a toujours dit
01:23:18que les Français avaient accueilli,
01:23:20que les résistants avaient aidé,
01:23:22ça se fait à Alger.
01:23:24Comme je l'ai dit, ceux qui avaient aidé
01:23:26les Américains se sont fait assassiner
01:23:28par les forces...
01:23:30Ils ont été mis dans les camps tout de suite.
01:23:32Il y en a un qui a été assassiné,
01:23:34les autres ont été mis dans les camps
01:23:36pendant un très long mois.
01:23:38Jusqu'à la fin de l'année.
01:23:40De Gaulle était encore là.
01:23:42C'est pour ça que moi,
01:23:44chaque fois qu'il y a un 8 novembre
01:23:46qui apparaît, je ne manque pas
01:23:48une occasion de dire, est-ce qu'on pourrait
01:23:50fêter ce débarquement en France ?
01:23:52Parce que c'est un débarquement en France.
01:23:54C'est le premier débarquement en France.
01:23:56Vous dites non, ça a été une page censurée
01:23:58de notre histoire pour reprendre l'expression
01:24:00que vous utilisez.
01:24:02Mais c'est aussi une guerre franco-française.
01:24:04Ils ne savent pas
01:24:06à qui ils obéissent.
01:24:08Esteva, Derien...
01:24:10Ils vont passer en jugement.
01:24:12Après, ils vont être jugés.
01:24:14Ce documentaire, issu de
01:24:16votre livre Jacques Attali, nous a permis
01:24:18d'en savoir beaucoup plus sur cette période troublante
01:24:20pour le moins du côté de l'Algérie française
01:24:22entre 1940 et 1943.
01:24:24Un grand merci à vous deux d'avoir participé
01:24:26à ce débadoc aujourd'hui.
01:24:28Vos réactions, ce sera sur hashtag débadoc.
01:24:30Merci à Félicité Gavaldar,
01:24:32qui, comme à l'accoutumée, m'a aidé à préparer cette émission.
01:24:34Je vous retrouverai pour un prochain débadoc.
01:24:36Ce sera, bien sûr, avec son documentaire
01:24:38et son débat. A très bientôt.