Quincy Jones, musicien et producteur américain, est mort à l'âge de 91 ans. Il avait étudié la musique en France dans les années 1950 et il a travaillé avec Nana Mouskouri, Jacques Brel, Henry Salvador... Il a toujours gardé un lien avec la France. Anthony Martin, journaliste musical à RTL nous raconte cet amoureux de la France.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 04 novembre 2024.
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00:00R.T.L. Soir
00:02Musicien, chef d'orchestre, arrangeur, producteur, il a tout fait dans la musique pendant un demi-siècle.
00:06Quincy Jones vient donc de mourir à l'âge de 91 ans.
00:09Bonsoir Anthony Martin.
00:10Bonsoir Agnès, bonsoir Yves.
00:11Vous êtes notre grand spécialiste musical à la rédaction de R.T.L.
00:15Quincy Jones avait un lien tout à fait particulier avec la France, on va en parler.
00:19Mais pour comprendre la réussite de ce producteur et musicien de légende,
00:23il faut d'abord rappeler d'où il vient Anthony.
00:26Il vient de loin, gamin d'un ghetto de Chicago dans les années 30.
00:30Vous voyez le décor, je n'ai pas besoin de vous en dire plus.
00:32Il disait « Enfant, je n'ai vu que des mitraillettes et des cigarettes ».
00:35Donc ça donne déjà une idée de son enfance.
00:37Il avait raconté dans son autobiographie qu'il avait été élevé dans la misère la plus profonde.
00:42Moi, ce qui m'avait marqué, je me souviens d'un passage
00:43où il décrivait que sa grand-mère lui cuisinait des rats frits à la poêle.
00:48À 11 ans, il était gangster déjà, il faisait des cambriolages.
00:52La légende raconte qu'il le racontait lui-même aussi.
00:56C'est que c'est en cambriolant un commerce qu'il a découvert dans un coin un piano
01:00et qu'une voix lui aurait dit « Va toucher ce piano ! »
01:02et qu'il aurait eu comme une illumination et qu'il aurait tracé sa voix.
01:07Il semblerait que ce soit plutôt dans une salle des fêtes
01:09que Quincy Jones a découvert le piano et la musique à l'âge de 11 ans.
01:13Et c'est vraiment la musique qui l'a empêché de mal tourner.
01:15C'était la mort jeune ou la prison.
01:17Alors, il fait là, à l'âge de 14 ans, une rencontre absolument décisive avec Ray Charles.
01:21Exactement, Ray Charles a aidé Quincy Jones à se projeter dans la musique et c'était parti.
01:26Ado, Quincy Jones jouait de la trompette, autodidacte au départ.
01:31Il s'est très vite fait remarquer.
01:32Le grand jazzman américain Lionel Hampton l'a engagé dans son orchestre.
01:36Ça a pris un peu de temps parce qu'il était trop jeune, Quincy Jones, pour avoir un contrat.
01:39Donc, il a dû attendre deux ans pour être engagé dans l'orchestre de Lionel Hampton.
01:43Il était musicien professionnel.
01:45Il n'avait pas encore 20 ans, Quincy Jones.
01:47Et c'est grâce à ce job de trompettiste dans l'orchestre de Lionel Hampton
01:51que Quincy Jones a découvert la France.
01:53Puisque la tournée de cet orchestre passait par Paris en 1953.
01:57Quincy Jones avait 20 ans.
01:59Il découvre alors la ville de Paris, le respect qu'on accorde en France aux musiciens.
02:03Et très vite, il ressent une connivence avec notre pays et ses artistes.
02:06Et on va justement s'arrêter sur ce lien avec la France qui commence en 1957
02:12puisqu'il vient étudier la musique à Paris.
02:14Exactement, tout simplement parce que Quincy Jones voulait apprendre à écrire de la musique pour cordes,
02:20pour les violons notamment.
02:21Et aux Etats-Unis, c'était très mal vu d'enseigner ce genre de choses à des Afro-Américains.
02:26Voilà pourquoi il est venu en France, Quincy Jones, à l'âge de 30 ans.
02:30Il avait prévu de rester deux semaines à Paris.
02:32Il y restait cinq ans.
02:33Il s'est inscrit à l'école de musique de Fontainebleau,
02:35notamment pour suivre les cours de composition de celle qui était à l'époque la meilleure prof de musique.
02:41La pianiste, compositrice, chef d'orchestre, Nadia Boulanger.
02:44Olivier Messiaen aussi était un des professeurs.
02:47Quincy Jones apprend notamment la musique de Maurice Ravel.
02:50Alors les autres élèves de la promo, c'est pas mal.
02:52C'était Astor Piazzolla, Lalo Chiffrin qui signera quand même la musique de Mission Impossible
02:57et Michel Legrand, le compositeur adoré.
03:00Quincy Jones, ils ne se sont jamais quittés.
03:02Écoutez ce que Michel Legrand m'avait confié en 2009 sur RTL.
03:06C'est un vieux frère d'enfance.
03:07On s'est connus pratiquement au culot de courte avec QQ.
03:10Il m'appelle Mimi, je peux bien l'appeler QQ.
03:12Il fait partie de ma vie, il fait partie de ma famille, de ma vraie famille.
03:16Les choses de jazz qu'il a écrites sont inimitables.
03:19C'est unique au monde.
03:20Ça a été toute ma vie, ça.
03:22Ça rentre dans le phénomène des monstres.
03:31Alors pour gagner un peu d'argent, Quincy Jones se fait embaucher chez Barclay.
03:34Exactement, la maison de disque d'Eddie Barclay.
03:36Il est très vite devenu directeur musical de chez Barclay.
03:39Et il dirigeait l'orchestre Barclay en studio.
03:41On doit à Quincy Jones la direction et les arrangements de merveille comme celle-ci
03:45qu'on entend en partie composée avec Michel Legrand.
03:59Ce morceau s'appelle « Et voilà ».
04:00Lors de ses années en France, Quincy Jones a composé énormément de musique de pub,
04:05de musique pour les spectacles.
04:06Il gérait pour Barclay les carrières d'artistes, on le sait peu,
04:09mais c'est bien de le rappeler comme Jacques Brel, Boris Vian, Henri Salvador.
04:13Un des classiques de Salvador, je ne sais pas si vous le connaissez Agnès aussi,
04:16c'est le blues du dentiste.
04:18Évidemment, c'est Quincy Jones qui dirige la musique et l'orchestre en studio.
04:43Je ne sais pas si Quincy Jones, à l'époque, ne parlant pas très bien français, comprenait le délire de Boris Vian.
04:53Mais l'orchestration, effectivement, est là.
04:55Quincy Jones plongeait dans la musique française.
04:57Il a vécu l'arrivée des Yeye en France.
04:59Il aimait beaucoup et il en parlait d'ailleurs.
05:01Après, dans les interviews, il aimait beaucoup France Gall, François Zardy, Eddy Mitchell.
05:05Il disait même souvent, à l'époque, j'étais en partie responsable de la signature de Johnny Hallyday.
05:10Quincy Jones, il adorait Claude Nougaro.
05:12Nougaro qui a adapté en français un morceau composé par Quincy Jones.
05:33Et puis au début des années 60, Anthony, Quincy Jones, alias QQ, comme dirait Michel Legrand,
05:39tombe littéralement sous le charme d'une voix bien particulière, celle de Nana Mouskouri.
05:44Oui, elle chantait Rose Blanche de Corfou, elle avait 28 ans.
05:47Quincy Jones l'a convaincu de le suivre à New York pour enregistrer tout un album de jazz sous sa direction.
05:52Le disque est sorti en 1962 et on n'a presque plus jamais entendu Nana Mouskouri chanter comme ça.
05:58Nana Mouskouri reprenait par exemple un classique de la fin des années 40, No Moon At All.
06:10Even lightning bolts have dimmed their light
06:15Stars have disappeared from sight
06:20And there's no moon at all
06:23Nana Mouskouri, dirigée par Quincy Jones, c'est quelque chose.
06:26Au début des années 60, c'est magnifique.
06:28Laurent Marcic a joint ce matin Nana Mouskouri.
06:30Elle réagit à la disparition de Quincy Jones.
06:34C'était mon grand maître.
06:36C'était mon conservatoire du début.
06:39C'était un homme extraordinaire.
06:41Une légende.
06:42C'était une légende.
06:47Quincy Jones, c'était mon conservatoire, à ce que dit Nana Mouskouri.
06:50Au début des années 60, Quincy Jones a créé son propre orchestre.
06:53Ce n'était pas un très bon financier à l'époque, ça a été un fiasco.
06:56Du coup, il a décroché un poste à New York pour se refaire.
06:59Il est devenu directeur artistique au sein de la maison de disques Mercury.
07:02C'est comme ça qu'il travaillera et qu'il fera d'autres chefs-d'oeuvre,
07:05avec notamment Frank Sinatra.
07:06Il deviendra très vite vice-président du label.
07:08C'était un des premiers hommes noirs aux Etats-Unis à diriger une maison de disques.
07:12Il s'imposera ensuite comme un des plus grands producteurs au monde.
07:16C'est la fin à cette époque-là, au début des années 60, de sa parenthèse française.
07:21Quincy Jones conservera une amitié à vie avec Eddie Barclay.
07:25Il a été une des figures des soirées blanches d'Eddie Barclay à Saint-Tropez.
07:29Il aura aussi une vraie histoire d'amitié, on l'a entendu avec Michel Legrand, Henri Salvador,
07:33Lyne Renaud ou encore Charles Aznavour.
07:35Il adorait la France et il venait très régulièrement dans notre pays.
07:38Son dernier concert chez nous, c'était en 2019 à Bercy.
07:41Quincy Jones est resté toute sa vie à l'affût des nouveaux talents.
07:44Figurez-vous qu'un de ses derniers coups de cœur chez nous, c'était pour la chanteuse Zaz.
07:48Il disait que dans sa voix, il y a quelque chose qui me rappelle le ghetto, la banlieue.
07:52C'est comme ça qu'il s'est retrouvé en studio avec Zaz.
07:55C'était à l'époque en 2014 et Quincy Jones avait produit trois titres de l'album Paris de jazz.
08:00Il avait au passage et à l'occasion retrouvé Charles Aznavour et organisé un duo
08:05entre Zaz et Charles Aznavour sur la chanson « J'aime Paris » au mois de mai.
08:26On était en 2014 et le swing de Quincy Jones est intact.
08:30Zaz a aussi été dirigé par Quincy Jones.
08:33J'ai regardé les messages ce matin sur les réseaux sociaux.
08:35Lynn Renaud, Thomas Dutronc, Omar Sy, Carla Bruni sont très nombreux à rendre hommage à Quincy Jones.
08:56Et sachez qu'à partir de 21h, Éric Jeanjean nous propose un numéro spécial de Bonnustra
09:02consacré à la légende Quincy Jones, bien entendu.
09:05Merci beaucoup Anthony Martin.
09:07On vous retrouve demain à 8h40 dans la matinale d'RTL.
09:09Et dans un instant, un homme orchestre une symphonie à lui tout seul.
09:13Marc-Antoine Lebray, c'est le Breaking News.