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De manière à honorer la mémoire de l’indépendance algérienne, Benjamin Stora, historien, retrace en détails l’époque de colonisation de l’Algérie, les étapes de son indépendance, et le flux migratoire vers la France.

De ce tournant historique pour l'Algérie au racisme encore présent en France aujourd'hui, il témoigne.

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Transcription
00:00Les Algériens voulaient l'indépendance,
00:02donc ils ne peuvent pas être considérés comme n'importe quelle immigration.
00:05Toutes les autres immigrations sont venues reconstruire le pays,
00:08ont fait tourner le pays, etc.
00:09Mais les Algériens, eux, ils s'étaient révoltés contre la France.
00:13Donc, on ne pouvait pas leur pardonner ça.
00:15Je veux dire, il y avait une mémoire de la Revanche qui n'a jamais disparu.
00:19Les Algériens qui sont arrivés en France de manière très importante
00:23sont arrivés après la Première Guerre mondiale.
00:26Il y avait environ 100 000 Algériens,
00:28mais à l'époque, on ne les appelait pas les Algériens,
00:30parce qu'à l'époque, l'Algérie, c'était la France.
00:32Donc, ils ne pouvaient pas être considérés comme des étrangers.
00:35Mais en même temps, c'était des indigènes colonisés,
00:39c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas la nationalité française.
00:41Ils n'étaient donc ni Français ni étrangers.
00:45Donc, c'était ça la grande contradiction principale
00:48qui fait qu'un certain nombre d'Algériens ont estimé
00:51qu'il fallait l'égalité politique.
00:53Ils n'ont pas obtenu l'entrée dans la cité française à égalité.
00:56Et alors, ils ont décidé, à partir de ce moment-là,
00:59de réclamer leur indépendance.
01:01Après la Seconde Guerre mondiale, comme ça a été le cas aussi
01:04après la Première Guerre mondiale,
01:05la France a fait appel aux mains d'œuvre immigrées,
01:08des Italiens, des Espagnols, des Européens,
01:11mais aussi ce qu'on appelait à l'époque les coloniaux.
01:13C'était ceux qui venaient de l'Empire.
01:15Et donc, effectivement, environ un peu plus de 200 000 Algériens
01:19après la Seconde Guerre mondiale qui sont venus s'installer.
01:22Et à partir des années 50, au moment de la guerre d'Algérie,
01:26eh bien, on a assisté à un nouveau développement
01:28qui est la migration familiale.
01:30Et qui sont venus s'installer à la périphérie des grandes villes,
01:34mais des grandes villes industrielles de la France,
01:37c'est-à-dire la région parisienne, la région lyonnaise,
01:40l'est de la France.
01:41Et on a vu aussi l'apparition à cette époque-là des bidonvilles
01:44pour loger ces populations qu'on a commencé à appeler immigrées.
01:48C'est un accueil qui n'était pas bon.
01:51Je dis pas bon, c'est un terme gentil.
01:53En fait, ils ont été mis dans des sortes de ghettos
01:57situés à l'extérieur des grandes métropoles.
02:00Donc, ils n'étaient pas en contact avec la société française,
02:04avec la société réelle.
02:05La grande majorité des Algériens qui sont arrivés dans les années 50
02:09et qui ont vécu dans des bidonvilles, dans des conditions terribles,
02:12leur objectif principal, c'était précisément d'essayer de se sortir
02:16de cette situation sociale et d'accéder, disons, à un logement.
02:21Mais fondamentalement, pour la plupart de ces Algériens,
02:25se réapproprier une identité par l'engagement nationaliste et politique,
02:30ils pouvaient devenir des Algériens alors que leur nom n'existait pas.
02:34Pour les Français de métropole, de France,
02:37ils pensaient que la France avait apporté des tas de choses à l'Algérie, etc.
02:41Donc, ils ne comprenaient pas l'existence d'un nationalisme différent.
02:44Il y avait cette espèce d'incompréhension
02:46fondée aussi sur une sorte de racisme colonial.
02:49Et donc, il y avait une hostilité réelle d'une fraction de la société française.
02:53Il y avait aussi quand même toute une fraction
02:55qui s'est montrée solidaire aussi avec les Algériens.
02:58Simone Veil s'est engagée aux côtés des femmes algériennes
03:00qui étaient détenues dans les prisons françaises.
03:02Donc, il y a quand même eu un sentiment anticolonialiste dans la société française.
03:07Petit à petit, à partir des années 1956, 1957, 1958,
03:11sont arrivés d'Algérie les témoignages, notamment des appelés du contingent.
03:15Alors, l'opinion publique française a commencé à se modifier.
03:18Beaucoup de Français ont commencé à dire, dans le fond,
03:20si les Algériens se révoltent, c'est qu'il y a bien une cause.
03:24Jusqu'à la fermeture des frontières officielles, en 1974,
03:28on a eu effectivement une espèce de montée du racisme anti-algérien
03:31à l'intérieur de la société française.
03:33Par exemple, dans une ville comme Marseille,
03:35il y a eu beaucoup d'Algériens qui ont été assassinés dans les années 70.
03:38Suite à cette vague de racisme qui existait dans la société française,
03:43les nouvelles générations de cette époque,
03:46dont je fais partie d'ailleurs, c'était il y a longtemps,
03:48ont espéré une société plus ouverte, une société plus égalitaire.
03:54Et donc, il y a eu plusieurs marches qui ont existé en 1983,
03:581984, 1985, etc.,
04:00qui ont donné naissance à des grands mouvements antiracistes,
04:03où il y a eu cet espoir, disons, d'une société nouvelle,
04:07débarrassée des fantômes du passé de la colonisation,
04:10en fait, fondamentalement.
04:12Et puis non, et puis non, parce que dans les années 90, 2000,
04:16il y a eu toute une fraction de la société française
04:18qui a commencé à valoriser l'histoire coloniale,
04:22en disant que c'était formidable, l'Empire, c'était mieux avant.
04:26Ce qui est venu bousculer cet espoir
04:30qui existait à l'intérieur de la société française,
04:33il y a plusieurs éléments.
04:34La montée du chômage.
04:35Et donc, quand il y a montée du chômage,
04:36on va chercher un bouc émissaire.
04:38Le bouc émissaire le plus commode, le plus facile, le plus évident,
04:41c'est l'étranger.
04:41Deuxième aspect qui est très important, malheureusement,
04:44ça a été le terrorisme en Algérie dans les années 90.
04:47Ça a nourri un fantasme,
04:48ça a nourri une peur à l'intérieur de la société française.
04:52Je dois quand même dire qu'il y a eu de la solidarité aussi
04:57dans la société française vis-à-vis des Algériens qui fuyaient aussi.
05:03Le manque de liberté, le terrorisme, etc.
05:07Il y a eu aussi des marques de solidarité,
05:08parce qu'il ne faut jamais oublier ça.
05:10Tout n'est pas univoque, tout n'est pas uniforme.
05:12Il y a toute une partie de la société qui est un atout pour la France,
05:17par le fait de parler plusieurs langues, d'avoir plusieurs cultures,
05:21de pouvoir voyager à l'intérieur de plusieurs civilisations.
05:24Et toute cette chance-là, elle est combattue aujourd'hui
05:26par toute une série de mouvements
05:28que moi, je pourrais appeler une sorte de néo-nationalisme français.
05:32Pour rentrer en France, quand on est Algérien, c'est très compliqué.
05:35Donc, dire aujourd'hui qu'il y a des facilités,
05:38qu'il faut fermer, qu'il faut réguler, etc.
05:40Ça n'a plus à voir avec des arguments de propagande idéologique anti-algérienne
05:45qu'avec la réalité.
05:46Les liens entre la France et l'Algérie, ils sont énormes.
05:48Pourquoi ? Parce qu'il y a beaucoup de Franco-Algériens
05:51entre les deux rives, qui vivent en France et qui vivent en Algérie.
05:54Il y a en commun et en partage, qu'on le veuille ou non, la langue.
05:57La langue française, bien sûr, ça c'est évident.
06:00Il y a aussi en commun une histoire, un passé, des souvenirs communs.
06:04Il est évident que la France a besoin de l'Algérie.
06:06Il y a une nécessité qui ne peut pas disparaître
06:09simplement parce qu'il y a des discours de ressentiment, de haine, de vengeance.
06:14Il y a la réalité à la fois de l'histoire et de la géographie.

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