Vendée Globe 2024 / Rencontre avec Benjamin Ferré, Monnoyeur - Duo for a Job
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00:00Alors Benjamin, on commence tout simplement par une présentation, est-ce que tu peux te présenter ?
00:05Je peux me présenter ?
00:08Alors je m'appelle Benjamin Ferré, j'ai 33 ans,
00:12et je prépare le prochain Vendée Globe, un tour du monde en solitaire.
00:17Et voilà, ça fait 4 ans que je prépare ça.
00:20Moi je viens plutôt du monde de l'aventure et de l'exploration à la base,
00:24et pas du tout du serail de la course au large, dans lequel je suis tombé un peu plus tard que la moyenne.
00:30Et voilà, je me suis lancé dans ce grand défi de faire le tour du monde tout seul sur mon bateau dans quelques semaines.
00:37Alors quand tu parles d'aventure, tu as fait des aventures de différents types, sur plusieurs supports,
00:44à tel point que tu en as même monté une activité économique et un premier métier où tu étais incubateur,
00:52développeur, pour accompagner les aventuriers.
00:56Ouais, c'est ça. C'est qu'en fait, moi j'ai découvert l'aventure quand j'avais 18 ans.
01:02À ce moment-là, je faisais mes études à Angers et j'ai participé au 4L Trophy,
01:09qui est une course de 4L au milieu du désert, dans le désert marocain.
01:14Et voilà, c'était une semaine féerique avec notre 4L Rose,
01:19sponsorisée par Body Minute, institut exclusivement féminin.
01:23On était deux mecs dans notre 4L Rose.
01:25Et donc c'est là où j'ai commencé à toucher du doigt un peu l'univers de l'aventure,
01:30le sponsor, la communication, tout ce qu'il pouvait y avoir autour de ces projets-là,
01:34et tout ce que ça pouvait apporter.
01:37Et du coup, une fois que j'ai découvert ça, j'ai enchaîné plein de projets d'aventure,
01:43entrecoupés soit de boulot, soit d'entreprises que j'ai montées.
01:49Et du coup, c'est vrai que ça a enchaîné, mais dans des univers différents.
01:53Donc après le 4L Trophy, je suis parti faire un tour du monde en stop, en solitaire.
01:59J'avais 20 ans et je suis parti, j'ai fait 40 000 kilomètres autour du globe en autostop.
02:06Et c'est à ce moment-là où j'ai commencé à découvrir le bateau à voile,
02:10parce que j'avais fait du stop de Ushuaïa jusqu'en Antarctique.
02:14Je rêvais d'aller découvrir ce continent blanc immaculé,
02:19et donc je l'avais fait en bateau stop.
02:22J'avais été embarqué à l'époque sur l'Esprit d'équipe,
02:25qui était le bateau avec lequel Péan et Tabarly avaient gagné la Wishbread à l'époque,
02:29qui était transformé en bateau de course-croisière.
02:32Et voilà, donc j'avais passé le cap Horn il y a plus de 10 ans.
02:36C'est marrant de se retrouver là à vouloir boucler la boucle.
02:39Et donc j'ai fait ce tour du monde en stop,
02:42et après, deux ans plus tard, je suis parti pour traverser l'Atlantique
02:46avec deux copains, au sextant, sur un voilier,
02:50alors qu'on n'avait vraiment aucune expérience de navigation.
02:53Pour te dire, à l'époque, on regardait la météo maritime sur Météo France,
02:58on ne connaissait même pas les vents, j'avais vraiment zéro connaissance.
03:02Et mes deux potes non plus, on est partis, la fleur au fusil,
03:06sur un Bongo 8.70, de Saint-Malo, pour essayer de rejoindre la Martinique,
03:11sans assistance, sans énergie fossile, et au sextant,
03:16en se dirigeant seulement grâce aux astres, aux étoiles et au soleil.
03:21On était partis pour deux semaines et demie, trois semaines, tu vois, une transat.
03:25On a eu trois mois et demie, arrivé de l'autre côté.
03:28C'est à ce moment-là que je suis tombé amoureux de l'aventure maritime.
03:33Je me souviens de nuit, seul, à la barre.
03:36C'est ça qui me faisait rêver, sous les étoiles.
03:39Je me disais, ça doit être incroyable de vivre ça en solitaire.
03:42C'est comme ça que, petit à petit, j'ai bifurqué vers le solitaire et la course au large.
03:48C'est en 2017, où j'ai croisé la route d'Olivier Taillard,
03:56qui était un très bon copain de Clarisse, qui avait fait la mini-transat.
03:59Il m'a raconté sa mini-transat avec des étoiles dans les yeux.
04:04J'ai écouté son récit et je me suis dit, j'ai envie de faire ça.
04:08C'est comme ça que je me suis lancé dans la mini-transat en 2017.
04:12C'était là le premier pas dans la course au large.
04:16Cette mini-transat, je l'ai faite aux couleurs d'Imago.
04:22Imago, c'est le premier incubateur d'aventure en France.
04:25C'est une association que j'ai créée en 2015.
04:30Elle partait du constat qu'il y avait énormément de gens en France,
04:36des jeunes et des moins jeunes, qui avaient envie de se lancer dans un projet d'aventure,
04:39mais qui ne savaient pas forcément comment s'y prendre.
04:41Nous, on a créé cet incubateur pour aider les gens à passer de l'envie à l'idée et de l'idée à l'action.
04:47Les aider à se lancer.
04:49On s'est rendu compte que dans l'exercice du passage à l'action,
04:53il y avait trois phases intéressantes.
04:55La première, c'était l'inspiration.
04:57C'était l'idée d'écouter le récit de quelqu'un et de se dire,
05:02si cette personne-là l'a fait, pourquoi pas moi ?
05:05La deuxième phase, c'était l'émulation collective.
05:07On se rendait compte que plein de gens avaient des projets,
05:10où ils avaient envie de se lancer,
05:12mais ils se sentaient très isolés dans leurs projets.
05:15Si tu mettais 15 moutons à cinq pattes dans une même salle pendant une semaine,
05:20à ce moment-là, ça devenait une espèce de normalité d'avoir des projets un peu fous.
05:24Le troisième point, c'est l'expérience des clics.
05:26Imago a été créé autour de ces trois piliers pour aider les gens à passer à l'action.
05:31Imago existe toujours aujourd'hui.
05:34On a accompagné un peu plus d'une vingtaine de projets d'aventure, d'exploration,
05:38qui doivent porter une dimension sociétale ou environnementale.
05:41Répondre à un problème sociétal ou environnemental à travers le monde et à travers l'aventure.
05:46Il y a cette mini qui va très bien se passer.
05:50Là, il va y avoir le déclic dont tu parles.
05:53D'aventurier, tu vas devenir un peu plus compétiteur.
05:56Ça va te donner envie d'aller un peu plus loin.
05:59En fait, je pense que j'ai toujours été hyper compétiteur.
06:03C'est juste que j'avais un peu abandonné ce côté compétition à travers mes aventures
06:08parce qu'il n'y avait plus le côté compétition où tu te battais contre quelqu'un d'autre.
06:13Mais quand j'étais jeune, j'ai fait plein de sports.
06:16J'ai pratiqué les scrims à haut niveau.
06:18J'ai toujours eu un peu l'esprit de compétition.
06:20Et pendant la mini Transat, je l'avais un peu oublié,
06:23mais j'ai redécouvert que j'avais un bon esprit de compétition.
06:27Et c'est vrai que la mini s'est passée au-delà de mes espérances.
06:32Quand j'ai découvert la mini Transat, je ne connaissais vraiment rien à la course au large.
06:37Je me rappelle les premières navigations en mini, je ne comprenais rien à ce qui se passait sur le bateau.
06:44Mais je suis vraiment tombé amoureux de cet univers, de la course au large.
06:48Je trouvais que c'était tout ma fascinée, que ce soit la météo, la préparation physique, mentale,
06:53le bateau, les voiles, l'aventure, la solidarité entre les marins.
06:57C'était vraiment deux ans, pour moi, d'épanouissement total.
07:01Et du coup, je répétais toujours en mini, plus tu es heureux, plus tu vas vite.
07:05Et c'est vrai que moi, ma mini, je ne sais pas si c'est les 20 plus beaux jours de ma vie,
07:10mais tous les jours, je pleurais de joie de me retrouver là.
07:13Et je voulais juste faire du mieux que je pouvais.
07:17Et c'est vrai que ça s'est super bien passé à l'issue des deux étapes.
07:22Je me retrouvais à une place à laquelle je n'avais jamais rêvé.
07:25Et qui, du coup, a tout accéléré parce qu'il y avait à la fois le côté improbable de se retrouver à cette place-là
07:32et à la fois le coup de projet de cœur que ça amenait et aussi un peu la confiance prise de se dire
07:39« Ok, c'est un univers qui me réussit bien et donc pourquoi pas continuer à faire quelque chose là-dedans. »
07:45Et pourtant, la marche est haute entre la mini et le Vendée Globe.
07:50Pourtant, c'est ce sur quoi tu vas enchaîner assez vite derrière cette mini, avec cet objectif.
07:562024, c'était encore un peu loin, il y avait du temps.
07:58Mais tout de suite, quand même, tu te dis « C'est là que je veux aller. »
08:02En fait, moi, à la fin de la mini-transat, pour moi, j'arrête la course au large.
08:09Je retourne à ma vie de terrien et le bateau s'arrête là.
08:14Et en fait, je reste sur mon petit nuage à la fin de la mini-transat.
08:18Donc pendant 2-3 mois, je suis sur mon petit nuage.
08:21Et pendant ce temps-là, j'ai reçu un texto de Anne Le Cam.
08:27Que j'avais rencontré en 2015 à l'époque du projet Cap à l'Ouest, qui était la traversée de l'Atlantique au Sexton.
08:33Et on avait proposé de donner un coup de main à Jean Le Cam,
08:36qui était dans sa campagne de financement de crowdfunding, qu'est Skisbonk Bank.
08:40Et on lui avait filé un coup de main pour appeler notre communauté à s'investir là-dedans.
08:45C'est à ce moment-là où je rencontre Anne et Jean Le Cam.
08:47Et à l'issue de la mini-transat, Anne Le Cam m'envoie un texto en me disant
08:52« Bien navigué, belle 3ème place signée. Anne et Jean, viens fêter ça quand tu veux à la maison. »
08:59Et donc quelques semaines plus tard, je suis dans le coin à Lorient.
09:04Je me dis « Bon, je vais pousser jusqu'à Port-la-Forêt. »
09:07J'envoie un texto à Anne et je dîne chez les Le Cam.
09:11Un super repas dont Anne a le secret, que tu connais peut-être.
09:16Et on fait un dîner chez les Le Cam.
09:20On commence à refaire le monde. Anne va se coucher.
09:23Et je me retrouve avec Jean Le Cam sur la terrasse avec deux verres à ballons, une bouteille de rouge.
09:29Et pour moi, c'est lunaire. C'est déjà le roi Jean à ce moment-là.
09:35C'est une scène complètement hors du temps.
09:38On refait le monde. Le moment est magique.
09:42Et pendant la soirée, il me dit « Pourquoi tu ne prépares pas le prochain Vendée Globe ? »
09:48Le fait que ce soit Jean qui me dise ça, ça a eu un écho exceptionnel.
09:55Il me dit « Je pense que c'est possible. Je pense que tu peux le faire. »
10:00C'est comme ça que tout s'est accéléré.
10:02Je ne m'étais pas dit. Je n'avais pas de plan en me disant « Je fais la mini-transat puis le Vendée Globe. »
10:07Je crois que c'est toujours un peu comme ça que ça se passe.
10:10C'est toujours quelqu'un qui te donne ce petit supplément d'âme.
10:15Jean a planté cette petite graine dans un coin de ma tête.
10:18Comme c'était Jean, c'est un impact.
10:21Si c'est Zidane qui te dit que tu peux faire la Coupe du Monde,
10:24ça a plus d'impact que ton pote avec qui tu joues au foot le dimanche.
10:28C'est comme ça que tout est parti sur le Vendée Globe.
10:32Et paradoxalement, contrairement à toutes les aventures d'avant,
10:36où je m'étais lancé plutôt sur un coup de tête et assez rapidement,
10:39la décision du Vendée Globe a été hyper réfléchie et hyper longue.
10:45Je crois que c'était la première fois que l'ampleur du projet me faisait vraiment peur.
10:50Pour faire face à l'ampleur de ce projet, tu vas rester dans le giron de Jean Le Cam
10:57avec ce qu'on a appelé Jean et ses enfants.
11:00Il y a Eric, il y a Violette.
11:02Tu vas arriver dans un projet plutôt collectif
11:05qui permet de partager tes angoisses et tes doutes
11:08et aussi du matériel et des hommes et des moyens.
11:12Raconte-nous ce giron de Jean Le Cam dans lequel se construisent beaucoup de choses.
11:19Lui, il est très content de ça parce que ça le stimule aussi.
11:22Il y a plein d'échanges.
11:25C'est un projet qui était assez tôt quand même, c'est quatre ans avant.
11:30Et finalement, c'est lui qui est le plus en retard dans sa préparation.
11:33C'est lui qui a le bateau en dernier finalement.
11:36Après, il dira quand même qu'il n'a jamais été aussi prêt pour un Vendée Globe que celui-ci.
11:42Mais la façon dont ça démarre, c'est vrai que c'est assez naturel.
11:48Jean me parle de Vendée Globe, moi je garde ça dans un coin de ma tête.
11:53Pendant son Vendée Globe, pendant le Vendée Globe 2020,
11:59moi j'apprends que Michel Desjoyeaux qui était propriétaire du bateau Banque Populaire va le vendre.
12:06Et donc j'envoie un mail à Anne Le Cam qui le transmet à Jean en lui disant
12:11voilà il y a l'opportunité sur ce bateau etc.
12:13Et Jean me dit en fait c'est un super bateau à avoir pour un projet comme le tien.
12:17Donc déjà, avant même que le projet se lance,
12:21Jean était déjà dans les prises de décision un peu importantes du projet.
12:28Et je me rappelle d'une scène magique où on sort le bateau de chez Meragité à Port-la-Forêt.
12:34Donc à l'époque Banque Populaire déstiquait le bateau blanc.
12:37Michel Desjoyeaux amène le bateau sous la grue, on met le bateau à l'eau.
12:41Et Jean Le Cam, moi je ne savais pas maîtriser un Imoca à l'époque.
12:44Et donc Jean Le Cam monte sur le bateau, prend la barre,
12:47et moi je pars avec Jean, je sors sous la grue, on va mettre le bateau au ponton.
12:52Et donc c'était lunaire, tu avais la passation entre Michel Desjoyeaux et Jean Le Cam.
12:57Moi j'arrivais au ponton avec Jean Le Cam.
13:00Et à ce moment-là, tout de suite on s'inscrit dans cette aventure un peu collective.
13:05Parce que moi à ce moment-là, je n'ai plus de logement en Bretagne.
13:08Et donc les trois premiers mois où je récupère mon bateau, en fait j'habite chez Anne et Jean.
13:13Donc c'est vrai que tu parles de Jean et ses enfants,
13:16mais tu vois moi je les appelle les Darons, j'ai habité pendant trois mois chez eux.
13:21Et c'était vraiment un moment génial parce que Jean, dès le début, il m'a répété,
13:25c'est pas une histoire de transmission, c'est une histoire de partage.
13:28Et donc c'est deux générations qui doivent interagir.
13:31Et donc moi tu peux apprendre de mon expérience, de ma sagesse, de ce que tu veux.
13:35Mais moi je vais aussi avoir besoin d'apprendre de toi.
13:38Ta jeunesse, ta façon de monter les projets, etc.
13:41Et donc tout ça, ça a été hyper riche dès le début.
13:43Et donc pendant trois mois, il m'emmenait à l'école tous les matins.
13:46Je rentrais dans la voiture avec Jean, on allait au chantier.
13:49Et puis Jean c'est un amoureux de la technique.
13:51Donc les premiers mois, on était dans le bateau, etc.
13:54Donc c'était génial de démarrer comme ça.
13:56Et puis après, c'est lancé Violette qui a rejoint un peu le giron,
14:01Eric qui était juste à côté.
14:03Et donc c'est vrai que c'était génial d'être dans cette dynamique hyper collective
14:08et qui moi me rappelait en fait beaucoup l'esprit mini, tu vois.
14:11Et quand j'ai lancé le projet de Vendée Globe,
14:14un des critères dont je voulais pas me détacher, c'était garder l'esprit mini.
14:18Garder cette légèreté, ce côté un peu faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
14:23Et donc c'était génial de s'inscrire dans un truc collectif à l'ampleur du Vendée Globe.
14:28C'était vraiment ce que je voulais quand même.
14:30Après, il y a un programme sportif et un calendrier qui est quand même bien balancé
14:34avec pas mal d'étapes.
14:36Je me souviens de la Vendée Arctic où vous arrivez un peu en mode découverte.
14:42Et puis finalement, ça se passe hyper bien parce que le scénario météo le permet.
14:47Raconte-nous un peu ton apprentissage de l'IMOCA,
14:51de se retrouver seul en mer sur quand même un bateau qui va vite et qui va fort.
14:56Et puis tu as monté en gamme sportive au fil des deux ans qui viennent de s'écouler,
15:01au fil des courses qui se sont enchaînées assez vite.
15:08C'est sûr qu'en tout cas ces trois ans et demi-là, ils sont passés à une vitesse hallucinante.
15:13J'ai l'impression que ma première navigation sur le bateau, c'était hier.
15:17Tout a démarré.
15:20La première course que je fais, elle est en solitaire.
15:24Avant ça, j'ai fait seulement ma calife.
15:26J'ai navigué une vingtaine d'heures sur mon bateau tout seul.
15:29J'ai l'impression de rien connaître à l'IMOCA.
15:32C'est la Bermude qui ne se passe pas trop mal dans le sens où j'arrive à finir la course
15:37et à apprivoiser un petit peu le bateau.
15:40Après, arrive la Vendée Arctique avec ce scénario incroyable.
15:46Les foilers partent.
15:49Je crois qu'ils battent le record des 24 heures et des records de vitesse.
15:53Et moi, avec mon bateau à dérive, je sais que j'ai un jeu différent à faire
15:58ne pouvant pas égaler leur vitesse.
16:00Donc, j'essaie de passer un petit trou de dorsale.
16:05J'arrive à la passer.
16:07Je repars et je me retrouve en tête de la Vendée Arctique
16:09sur ma deuxième course pendant trois jours.
16:12Là, c'est lunaire. Je suis comme un gosse.
16:15On arrive proche de l'Islande.
16:18À ce moment-là, je suis troisième.
16:20Il y a Thomas Ruyant qui me double.
16:22Je suis comme un gamin.
16:23Je me dis qu'il y a Thomas Ruyant qui me double.
16:25Je ne suis plus du tout dans l'esprit compétition.
16:28On arrive en Islande.
16:30La course est interrompue
16:32parce que les conditions météo font qu'on ne peut pas finir la course.
16:36Là, je retrouve le côté aventure incroyable
16:38parce qu'il faut se mettre à l'abri,
16:40aller dans un espèce de fjord islandais, etc.
16:43C'est lunaire.
16:44Moi, je prends un plaisir fou à ça
16:46parce qu'il y a la course, la fin de la course,
16:48le côté aventure derrière.
16:50On ramène finalement le bateau au Sable d'Olonne.
16:52Là, je rejoins toute mon équipe
16:55qui est à l'époque l'équipe de Jean Le Cap.
16:57Ils travaillent pour quelqu'un parce que Jean leur a demandé.
17:00J'étais quand même en quête de légitimité à ce moment-là.
17:03Ce moment-là, je te le raconte
17:05parce qu'il a été hyper important dans la construction de mon projet.
17:09Je sentais que je venais de nulle part, de l'Aménie,
17:12que le grand écart était très important.
17:14Je ne me sentais pas très protégé et même très attendu.
17:18Je sentais qu'il y avait un certain nombre de personnes
17:21qui étaient très observateurs de comment j'allais lancer le projet
17:24et qui étaient prêts à dégainer s'il fallait.
17:27J'avais ma première couche de protection
17:29que j'appelais ma petite couche d'ozone,
17:32et la deuxième, c'est d'avoir fait un super résultat
17:35sur une de mes premières courses, la Vendée Arctique,
17:37qui était une course très difficile.
17:39Tout de suite, ça m'a mis à l'abri.
17:42Ça m'a enlevé une pression qui était énorme.
17:45Du coup, ça m'a permis de me concentrer
17:47avec vraiment beaucoup de détachement et de légèreté
17:50sur le fait de progresser et de m'occuper de mon bateau
17:53et de ne pas m'occuper vraiment de ce que les gens
17:56pouvaient penser de ces débuts en Imoca.
17:59Donc ça, c'était indispensable.
18:01Et ce qui était marrant à cette époque-là,
18:03c'est que je termine la Vendée Arctique,
18:06et à ce moment-là, j'ai un rendez-vous sponsor, etc.,
18:10et donc je ne ramène pas mon bateau
18:12des Sables d'Olonne jusqu'à Port-la-Forêt.
18:15Donc mon équipe le ramène le dimanche.
18:18Le lundi soir, je dîne chez les Le Cam,
18:20et je suis quand même un peu content
18:22d'avoir fait un beau résultat, etc.
18:24Et les gens, ils me disent, non, mais t'as pas ramené ton bateau,
18:27t'es vraiment qu'un con, quoi.
18:29Et t'as un décalage énorme entre, à la fois,
18:32moi je suis super content d'avoir fini 4e de la Vendée Arctique,
18:35et à la fois l'espèce de bon sens paysan
18:37qui me ramène les pieds sur terre
18:39et qui me dit, en fait, ton objectif,
18:41c'est pas la Vendée Arctique, c'est le Vendée Globe,
18:43et t'as encore du chemin à parcourir,
18:45et donc là, il faut que tu te concentres.
18:47Et en fait, le moment où t'apprends le plus,
18:49c'est quand tu ramènes ton bateau après les courses.
18:51Et donc c'est toi le maître à bord, c'est toi qui pilote ton bateau,
18:54et jamais tu laisses ton bateau.
18:56Dans toutes les courses que j'ai faites, là, depuis 3 ans et demi,
18:58jamais personne n'a pris mon bateau sans moi, quoi.
19:00Je l'ai toujours ramené, de la route du Rhum, j'ai ramené le bateau.
19:03Et donc cette quête d'apprentissage,
19:05elle a été faite petit à petit en passant énormément de temps en mer, en fait.
19:09Et ça, c'est Jean qui me l'a inculqué,
19:11c'est que si t'as pas le meilleur bateau,
19:14la meilleure façon d'être prêt pour un Vendée Globe,
19:17c'est d'être celui qui a passé le plus grand nombre d'heures en mer, en fait,
19:21pour bien connaître son bateau.
19:23Et donc moi, c'est ce que je me suis attelé à faire
19:25ces dernières années, c'est de naviguer au maximum,
19:27de faire toutes les courses,
19:29et même de ramener mon bateau des courses,
19:31même si c'était une transatlantique,
19:33je l'ai ramené, j'ai ramené mon bateau à mon port, quoi.
19:35Et donc là, à deux mois du Vendée,
19:38le marin Benjamin Ferré se sent légitime,
19:43il n'y a pas de syndrome de l'imposteur, il n'y a plus de syndrome de l'imposteur ?
19:45Il n'y a plus le syndrome de l'imposteur que j'ai eu.
19:48C'est vrai que je ne te cache pas que quand j'ai rejoint le pôle Finistère course au large,
19:51et que les premiers briefings,
19:53il y avait Charlie Dalin, Thomas Ruyant, Jérémy Beyou, Sam Davis,
19:57et que moi j'étais au milieu de ça,
19:59j'avais un énorme syndrome de l'imposteur,
20:01mais vraiment, je me demandais ce que je faisais là,
20:03et je ne me sentais pas du tout légitime.
20:05Aujourd'hui, ça va un peu mieux par rapport à ça,
20:07mais voilà, je sais que tout ça,
20:10ces trois dernières années, même s'il y a eu des réussites, des bons résultats,
20:13ils seront effacés par le Vendée Globe.
20:16L'objectif final, c'est de boucler la boucle,
20:18et c'est ça dont je rêve, quoi.
20:20Donc je me sens prêt,
20:22je me sens à l'aise sur mon bateau,
20:24j'ai l'impression de bien le connaître,
20:26donc je suis serein par rapport à ça.
20:28Évidemment, je sors d'un abandon,
20:31ma dernière course était un abandon,
20:33et donc ça, ça m'a travaillé quand même un peu.
20:36Il n'y a pas très longtemps, Tanguy Le Glatin me disait
20:39« La souffrance est éphémère, l'abandon est définitif. »
20:43Bon, ben c'est vrai.
20:45Et quand tu as connu l'abandon,
20:47tu n'as qu'une seule envie, c'est quand même de finir la course,
20:49quoi qu'il arrive, quoi.
20:51C'est ce que je me souhaite sur le Vendée Globe,
20:53je veux absolument boucler cette boucle, coûte que coûte, quoi.
20:58Le bateau, tu le maîtrises de mieux en mieux,
21:02tu l'as dit, tu as passé beaucoup d'heures en mer,
21:05mais il y a cette casse qui arrive.
21:08En termes de fiabilisation, de mise au point, de développement,
21:13est-ce que tu en es là où tu souhaitais l'être ?
21:16Oui, on est là où je voulais.
21:19Moi, j'ai fait le choix ces trois dernières années
21:22de ne pas beaucoup toucher au bateau,
21:24justement de ne pas faire de grandes transformations.
21:26C'est un bateau qui est mythique et qui est extraordinaire.
21:29C'est l'Imoca le plus titré aujourd'hui dans la classe des Imocas.
21:33Donc, moi je me suis toujours dit,
21:36tant que je ne suis pas au niveau du bateau,
21:39je ne change pas le bateau, tu vois.
21:41Et ce bateau-là, il est déjà extraordinaire,
21:43donc je n'avais pas besoin de l'améliorer plus que ça.
21:46La seule importance pour moi, c'était de le fiabiliser,
21:49d'avoir un bateau très fiable pour le Vendée Globe.
21:52Et je pense que malgré les quelques péripéties qu'on a eues cette année,
21:55on a une équipe géniale,
21:57on a toutes les compétences techniques pour avoir fait un bateau fiable.
22:00Et moi, je leur fais 100% confiance.
22:02En plus d'avoir l'expertise de Jean,
22:04qui n'est jamais très loin quand il y a un sujet un peu touchy.
22:07Donc voilà, moi je suis très confiant dans mon bateau,
22:09je suis très confiant dans mon équipe.
22:11Et du coup, je pars avec une certaine sérénité
22:15dans le bateau et je pense que c'est primordial.
22:18C'est vraiment indispensable.
22:21Moi, c'est comme l'équitation,
22:23je suis tombé de cheval il n'y a pas très longtemps,
22:25je suis remonté dessus,
22:26mais j'ai quand même 100% confiance dans ma monture.
22:29Techniquement, c'est la quille sur laquelle tu as quelques soucis ?
22:32Oui, j'ai eu des gros problèmes techniques sur la quille
22:35qui ont été doubles.
22:37Si on rentre un peu dans le détail technique,
22:39c'est que la première fois, ça a été mon palier de quille
22:42qui s'est légèrement déformé,
22:44c'est un problème qu'on connaissait sur ce bateau-là
22:48qui a amené une déformation du fond de coque
22:51qu'on a dû reconstruire.
22:53Et le deuxième épisode que j'ai eu,
22:55qui m'a créé un abandon sur la dernière course,
22:57c'est que sur ces bateaux-là,
22:59on a des vérins hydrauliques qui permettent de bouger
23:01la quille qui pèse 4,5 tonnes.
23:03Ce vérin-là a explosé,
23:05c'est le flux du vérin qui a explosé
23:07et qui a forcément amené beaucoup de dommages collatéraux,
23:10dont un démantèlement du fond de coque
23:12qu'on a dû reconstruire.
23:13Et donc on a reconstruit toute une partie
23:15vraiment névralgique du bateau.
23:17Et donc ça, ça pourrait amener des inquiétudes.
23:19Et d'un autre côté, je suis reconnaissant
23:22d'avoir eu cette mésaventure il y a 6 mois
23:26et pas au bout de 4 jours sur le Vendée Globe.
23:29Ça fait partie, je pense, de ces projets-là,
23:32ça fait partie de ces vies d'équipe.
23:34Ça permet aussi de se souder,
23:36ça permet de se retrouver à Horta, dans la mouise,
23:39à devoir trouver un soudeur au coin de la rue
23:42pour refaire un vérin, pour ramener le bateau.
23:44Et c'est là où tu retrouves l'aventure,
23:46c'est que tout n'est pas toujours millimétré.
23:49Et je crois que j'ai aussi aimé ça,
23:51j'ai aussi aimé mes galères ces 4 dernières années.
23:54Et c'est ce qui fait que je suis d'autant plus joyeux
23:58et excité d'être au départ du Vendée Globe
24:00parce qu'on oublie quand même
24:02à quel point c'est difficile
24:04déjà d'être sur la ligne de départ.
24:06Et donc d'être là, d'être qualifié,
24:08d'être avec un bateau, avec un sponsor
24:10qui est fidèle et loyal,
24:12c'est déjà extraordinaire.
24:14Donc là, je suis rentré dans une phase
24:16où il me reste plus que quelques jours avant le départ
24:19et je veux vraiment réussir à me rappeler
24:21que c'est une chance d'être là
24:23et je veux réussir à savourer chaque moment jusqu'au départ.
24:26Et je pense que c'est grâce à ça
24:28que j'aurai une certaine sérénité.
24:30Si j'arrive à vraiment profiter,
24:32je serai heureux sur l'eau et donc rapide.
24:35Alors en très peu de temps,
24:37j'ai quand même ingéré beaucoup de données et d'informations
24:40évidemment sur toute la partie mécanique,
24:43hydraulique, électronique, électrique
24:46d'un bateau, savoir le faire.
24:48Mais il y a la partie aussi météo,
24:50gestion de la météo, stratégie de la météo,
24:53tactique, gestion à bord des systèmes, des datas.
24:56Raconte-nous un peu tout cet apprentissage
24:58en vitesse accélérée
25:00parce que tu as une tête bien faite,
25:02tu as fait des grandes écoles,
25:04mais c'est quand même un apprentissage
25:06en temps réduit, conduire une 4L c'est sympa,
25:08faire du stop c'est sympa,
25:10là c'est un autre dos quand même.
25:12C'est vrai que l'apprentissage accéléré
25:14il a été ultra violent.
25:16Il a été très rapide sur tout un tas de domaines.
25:19Alors à la fois c'est ce que j'aime le plus
25:21dans la course au large parce que je pense
25:23que c'est l'univers le plus complet du monde,
25:25c'est que tu as tout dedans.
25:27Et quasiment tout ce qu'il y a dans cette boîte-là me fascine.
25:30Donc j'ai adoré apprendre l'apprentissage
25:32et sans fin dans la course au large.
25:34Et à la fois il a été difficile
25:36parce que moi je me suis rendu compte
25:38que je ne savais pas,
25:40je ne suis pas quelqu'un
25:42qui apprend par moi-même.
25:44Tu me mets sur un Imoca pendant une semaine tout seul,
25:46je ne saurais rien faire de plus
25:48qu'il y a une semaine.
25:50Je ne suis pas quelqu'un comme les enfants
25:52dans le bac à sable qui vont faire tout seul
25:54leur château de sable.
25:56Donc moi j'ai toujours eu besoin de gens
25:58pour me faire progresser.
26:00Et donc ça a été un peu l'objectif de ce projet,
26:02c'était de m'entourer de gens compétents
26:04dans tous ces domaines-là.
26:06Donc il y avait Jean Le Cam sur l'aspect technique
26:08et sur tous les autres aspects,
26:10j'ai eu besoin d'experts qui m'ont fait progresser.
26:12Et donc voilà,
26:14il y a eu plein de domaines différents
26:16mais aujourd'hui mon bot-captain,
26:18il s'appelle Pierre Leroy,
26:20il est navigateur mais il est aussi météorologue.
26:22Et donc le choix de faire la Jacques Vabre avec Pierre,
26:24c'était aussi pour approfondir tout cet aspect météo
26:26qui à mon sens est primordial
26:28dans la préparation d'un Vendée Globe.
26:30Voilà, de m'entourer,
26:32de réussir à rentrer dans le pôle Finistère
26:34cours au large,
26:36pour être au contact des plus grands marins du monde
26:38pour essayer de m'en inspirer
26:40et de progresser vite.
26:42Voilà, essayer d'être là aussi
26:44dans toutes les parties électroniques du bateau
26:46pour apprendre,
26:48aller voir Cocoche, le maître des ficelles
26:50pour me former à faire des épissures
26:52et travailler tout ça.
26:54Donc ça a été un apprentissage très rapide
26:56et à la fois avec que des gens
26:58qui étaient très experts, très pédagogues
27:00et du coup c'est grâce à eux que j'ai progressé
27:02ces dernières années.
27:04Ça nous donne l'occasion de parler de tuteurs
27:06et de tutorats.
27:08Ben ouais ouais
27:10et c'est sûr que tout ce projet
27:12il est ancré
27:14autour de la transmission.
27:16Moi mon bateau il s'appelle
27:18Monowire Duo for a Job.
27:20Monowire c'est mon sponsor principal,
27:22c'est une entreprise qui est centenaire,
27:24ils sont à la cinquième génération.
27:26Ils sont incroyables,
27:28ils ont cet esprit de transmission
27:30depuis des années.
27:32Le bateau s'appelle
27:34Monowire Duo for a Job.
27:36Duo for a Job c'est Monowire
27:38qui a décidé d'offrir la moitié
27:40de la visibilité du bateau à cette association
27:42qui est une association
27:44qui réinsère les jeunes issus de l'immigration
27:46en les aidant à trouver du travail
27:48et il les aide à ça
27:50grâce à des mentors qui ont plus de 50 ans
27:52et qui ont une certaine expérience professionnelle
27:54et qui les aident à retrouver le chemin de l'emploi
27:56qui est le premier pied
27:58à la réinsertion dans un environnement
28:00autour de cet esprit de transmission
28:02intergénérationnel.
28:04Tout le projet a été construit
28:06autour de ça.
28:08Moi je suis ambassadeur de Premier de Cordée
28:10qui est le sport à l'hôpital pour les enfants
28:12et c'est de redonner le sourire aux enfants
28:14à l'hôpital, des jeunes enfants.
28:16Je crois que c'est un sujet
28:18qui me tient à cœur
28:20et le projet le porte bien
28:22et c'est l'idée
28:24de se dire que moi je crois que j'appartiens
28:26à une génération qui a
28:28beaucoup remis en question ce qui avait été fait
28:30dans les années précédentes par nos anciens
28:32et moi je crois fondamentalement
28:34que
28:36on devient quelqu'un grâce à nos anciens
28:38grâce à leurs enseignements, à leur bon sens
28:40à leur expérience
28:42c'est comme ça qu'on grandit
28:44et on ne pourra jamais affronter les enjeux qui sont les nôtres
28:46sans se servir des enseignements des anciens
28:48et donc voilà
28:50tout le monde fait des kits pédagogiques
28:52pour les enfants, nous on a fait des kits
28:54pour les maisons de retraite
28:56et mon village départ du Vendée Globe
28:58je passe trois jours
29:00à aller voir
29:02des retraités dans une maison de retraite
29:04alors voilà
29:06ce truc de transmission
29:08il est important pour moi.
29:10Alors à quoi tu t'attends
29:12sur ces trois mois de compétition
29:14sur ces trois mois de mer
29:16sur ces trois mois
29:18des mers que tu connais
29:20un peu mais quand même pas beaucoup
29:22parce que
29:24ça va dans des coins
29:26où on navigue pas très souvent
29:28où peu de gens vont
29:30voilà comment tu t'es préparé
29:32à
29:34affronter
29:36trois mois
29:38durs
29:40en terre inconnue
29:42ben
29:44je crois que c'est quand même aussi pour ça que j'y vais
29:46c'est pour l'aventure, c'est pour l'inconnu
29:48et tu vois on m'a dit
29:50il n'y a pas très longtemps
29:52prépare le pire
29:54espère le meilleur
29:56et prends ce qui vient
29:58et c'est vraiment l'état d'esprit dans lequel j'essaye d'aller
30:00sur ce Vendée Globe
30:02c'est que ah oui il peut tout se passer
30:04et c'est ça l'aventure pour moi
30:06c'est le fait de se lancer dans une aventure où tout est inconnu
30:08c'est sûr que je sais pas
30:10ce que c'est les mers du sud
30:12je connais pas ces mers là
30:14je connais pas la violence des vents qu'on peut y affronter
30:16et à la fois c'est ça que je trouve
30:18terriblement excitant
30:20c'est le côté très singulier
30:22de l'exercice
30:24et c'est le côté unique
30:26t'as peu de gens à être allé
30:28à cet endroit là
30:30et voilà moi j'ai envie d'aller découvrir ça
30:32donc je sais pas exactement
30:34ce que j'attends ou à quoi je m'attends
30:36mais voilà
30:38j'ai juste à coeur de faire
30:40de mon mieux tu vois, avoir aucun regret
30:42et puis m'amuser quoi
30:44c'est quand même
30:46une chance incroyable
30:48à 30 ans de s'accorder 3 mois
30:50seul au milieu des mers
30:52je trouve que c'est un joli
30:54cadeau que je me fais
30:56et que tous les gens qui m'entourent
30:58me font quelque part
31:00moi c'est ça que j'ai envie
31:02de vivre quand même pendant cette aventure
31:04c'est de partager tout ça
31:06avec tous les gens qui font vivre
31:08cette course là
31:10à la fois les premiers qui m'ont fait confiance
31:12à une époque où personne ne faisait confiance
31:14c'est que rétrospectivement
31:16quand je sors de la mini-transat
31:18trouver un grand navigateur
31:20qui me prend sous son aile, un sponsor qui me fait confiance
31:22une équipe qui vient travailler pour moi
31:24et les gens qui viennent
31:26se greffer autour de ce projet
31:28c'est magique
31:30moi je suis hyper reconnaissant
31:32de tout ça
31:34et du coup j'ai envie que ces gens là
31:36soient fiers et j'ai envie d'être à la hauteur
31:38de la confiance qu'ils m'ont accordé
31:42c'est quelque chose que j'ai envie de partager
31:44avec eux
31:46et de partager ça avec tous ceux qui font vivre la course
31:48cette course là
31:50elle est mythique parce qu'il y a des dizaines de milliers
31:52de personnes qui restent à terre
31:54et qui nous font vivre
31:58je devais résumer, je pense que m'amuser
32:00et partager ça avec les gens qui restent à terre
32:02c'est mes deux objectifs du Vendée
32:04et sportivement
32:06il y aura ce match des dériveurs
32:08qu'on a vu sur toutes les courses
32:10avec chacun
32:12à chaque fois qui est arrivé
32:14il y a Violette qui est arrivé là
32:16et qui a bluffé tout le monde
32:20qu'est-ce que tu t'attends
32:22en tant qu'amateur de compétition
32:24à vivre ?
32:26je pense qu'il va y avoir une énorme compétition
32:28dans cette sous-catégorie non prononcée
32:30des bateaux à dérive
32:32qu'on a appelé les bateaux à la dérive
32:34et on va essayer de montrer
32:36qu'on n'est pas tant que ça à la dérive
32:38et je crois qu'il y a un match
32:40qui va être incroyable
32:42entre Tanguy, Guérec, Violette
32:44qui a fait une entrée dans l'IMOCA
32:46exceptionnelle
32:48moi je retrouve vachement l'esprit mini
32:50avec eux
32:52Guérec on est devenu hyper potes
32:54il y a ce côté compétitif
32:56et il y a ce côté hyper amical à terre
32:58je pense qu'on va bien s'amuser
33:00évidemment ce sera
33:02la compétition
33:04mais l'objectif c'est avant tout de finir
33:06quand même
33:08mais j'espère qu'il y aura un match
33:10dans cette catégorie de bateaux à dérive
33:12et qu'on va bien s'amuser
33:14puisque tu parles de
33:16de bonne ambiance
33:20comment tu envisages
33:22tu ne l'as pas encore vécu donc c'est difficile
33:24d'en parler en anticipation
33:26mais quand même un peu
33:28à partir du moment où on part en mer
33:30cette
33:32fraternité
33:34surtout solidarité
33:36qui fait que vous serez
33:38les uns à veiller sur les autres
33:40à un certain moment quand vous aurez passé
33:42le cap de Bonne Espérance
33:44et avant de repasser le cap Horn un mois avant
33:46vous serez à quelques exceptions près
33:48si on parle
33:50d'Equergue Hélène
33:52assez loin de tout le monde
33:54et vous ne pourrez compter que les uns sur les autres
33:56moi je trouve ça super beau
33:58c'est magique de prendre part
34:00à un sport
34:02où ton sauveur
34:04est potentiellement ton principal concurrent
34:06c'est génial
34:08cet état d'esprit
34:10encore plus aujourd'hui
34:12ça démontre
34:14le fait de se dire que tu peux être en compétition avec quelqu'un
34:16et à la fois tu peux avoir une solidarité incroyable
34:18envers lui
34:20moi j'adore ça
34:22c'est une des valeurs
34:24qui m'a le plus plu
34:26dans la course au large
34:28et en plus je l'ai découvert avec l'Esprit Mini
34:30où tu as une solidarité entre les marins
34:32qui est complètement exacerbée
34:34et donc ça, ça me plaît beaucoup
34:36de se dire que
34:38quand tu es en mer
34:40quoi qu'il arrive
34:42le plus important c'est la vie humaine
34:44et donc même si c'est un concurrent
34:46et qu'il faut aller le sauver
34:48ou qu'il faut l'aider
34:50il faut être là
34:52comment t'envisages la chose
34:54d'être capable de t'extraire de temps en temps
34:56de ta navigation
34:58ou au contraire
35:00à ce que tu as envie de rester
35:02très ancré
35:04comment tu envisages
35:06ta vie humaine
35:08c'est vraiment
35:10c'est vraiment
35:12c'est vraiment
35:14c'est vraiment
35:16c'est vraiment
35:18c'est vraiment
35:20t'as envie de vivre ta vie humaine
35:22alors moi je sais très bien
35:24comment j'aime naviguer
35:26et en fait
35:28quelque part
35:30je crois que je pars
35:32aussi pour
35:34m'extraire de tout un brouhaha
35:36que j'ai dans ma vie de terrien
35:38et donc moi quand je suis en mer
35:40déjà je suis issu de la mini-transat
35:42où on n'a pas de moyens de communication
35:44et donc moi je communique vraiment très peu
35:46quand je suis en mer
35:48et ce Vendée Globe j'ai envie de le vivre comme ça
35:50j'ai envie de le vivre en autarcie
35:52j'ai envie de le vivre focalisé sur
35:54mon bateau
35:56la course, les sensations
35:58que je peux avoir
36:00et essayer le moins possible de re-rentrer
36:02dans la vie de terrien ou d'être connecté à la vie de terrien
36:04et voilà
36:06j'ai vraiment envie de vivre ces trois mois là
36:08avec l'océan
36:10avec mon bateau
36:12et de très peu
36:14m'extraire du bateau
36:16j'ai de la musique
36:18j'aime beaucoup écouter de la musique en mer
36:20et voilà
36:22après
36:24on parle de temps long
36:26mais moi je trouve que t'es quand même overbooké
36:28sur un bateau
36:30on parle de route, réglage, rangement
36:32repas, repos
36:34mais tout ça ça prend du temps en fait
36:36donc moi j'ai jamais l'impression de m'ennuyer sur le bateau
36:38bien sûr il y a des moments de contemplation
36:40et j'ai jamais
36:42vécu le Vendée Globe
36:44peut-être des temps un peu plus long
36:46mais ce temps long j'espère que je vais réussir
36:48à le savourer et que j'aurai le temps de le savourer
36:50parce que
36:52c'est rare d'avoir l'opportunité
36:54de passer trois mois comme ça dans sa vie
36:56donc j'ai vraiment envie de savourer ces moments là
36:58et de pas du tout m'en extraire
37:00comment tu appréhendes
37:02ce moment
37:04qui sera
37:06à temps fort
37:08ça sera trois semaines de village
37:10avec beaucoup beaucoup de monde, beaucoup de sollicitations
37:12vraiment
37:14une ferveur populaire
37:16assez rare
37:18certains disent que ça prolongera un peu
37:20cet esprit olympique qu'on a vu cet été
37:22on aimerait bien tous que ça soit le cas
37:26cette sortie du chenal
37:28décharge d'émotions
37:30et puis derrière la bascule dans la solitude
37:32assez rapide
37:34et
37:36voilà comment tu te prépares à vivre
37:38tout ça, un peu comme une rockstar pendant trois semaines
37:40d'un coup d'un seul, t'es tout seul
37:42et y'a plus personne pour t'aider
37:44comme tu dis
37:46c'est les extrêmes
37:48grand écart absolu
37:50entre le bain de foule
37:52et la solitude
37:54et à la fois je trouve ça génial
37:58ce chenal là
38:00avec des milliers de personnes autour
38:04c'est vraiment un truc que j'ai envie de vivre
38:06j'ai pas du tout envie
38:08de bloquer mes émotions
38:10à ce moment là, j'ai envie de les vivre pleinement
38:12et après de me
38:14remobiliser très vite
38:16pour me concentrer
38:18sur le départ
38:20mais je pense que le village ça va être
38:22c'est un peu ce que je te disais en préambule
38:24c'est qu'il faut savourer tout ça
38:26oui bien sûr
38:28ça prend un peu d'énergie
38:30de partager tout ça
38:32et t'as pas envie de dépenser trop d'énergie avant un départ
38:34mais ça n'empêche que
38:36cette course là elle existe parce qu'il y a des gens qui la suivent
38:38et les gens ils se déplacent
38:40pour venir te voir
38:42et donc tout ça il faut en faire une force
38:44moi je compte bien me nourrir de chaque personne
38:46et de chaque encouragement que je vais croiser
38:48pendant ces trois semaines de village
38:50moi en tout cas
38:52c'est ma façon de me préparer
38:54c'est ma façon de me nourrir
38:56et voilà j'ai envie de partager ça
38:58avec un maximum de gens sur le village
39:00et après je suis très excité
39:02de me retrouver très vite tout seul
39:04et d'être dans ma course
39:06et voilà de pas
39:08de pas bloquer les émotions
39:10et tu vois il y a
39:12Tanguy Le Glatin qui était mon premier coach
39:14en mini
39:16et du coup on travaille aussi un peu avec lui
39:18les aspects mentaux
39:20et il y a un truc trop intéressant
39:22un exercice qu'il m'a demandé de faire là récemment
39:24c'est en fait d'écrire
39:26la façon dont j'ai envie de vivre
39:28la dernière semaine sur le village
39:30et surtout
39:32tes émotions
39:34c'est les tiennes et donc tu les connais
39:36donc tu sais à peu près comment les gérer
39:38mais les émotions qui sont difficiles à gérer
39:40c'est les émotions des autres
39:42qui projettent sur toi
39:44et moi ça je trouve que c'est très vrai
39:46et j'ai pu souffrir un peu de ça sur différentes courses
39:48moi j'ai l'impression d'être un peu une éponge
39:50donc toutes les émotions des gens je les chope
39:52et du coup
39:54tu vois c'est des trucs tout bêtes
39:56mais par exemple tes parents
39:58ou ta famille
40:00ou ta copine
40:02le matin du départ
40:04t'auras peut-être pas un geste d'affection pour eux
40:06t'es concentré, t'es dans ta course
40:08et donc par exemple moi j'ai écrit que j'avais envie
40:10de dire au revoir à mes parents et à ma famille
40:12une semaine avant
40:14et donc on va faire un dîner tous ensemble
40:16où je vais leur dire au revoir
40:18et ça sera notre moment solennel
40:20et donc le matin du départ
40:22ils seront au courant de ça, on se sera déjà dit au revoir
40:24et donc tu génères pas la frustration d'un père ou d'une mère
40:26qui a pas eu la collate de son fils
40:28qui a pas eu le petit geste
40:30et à qui tu génères de la frustration
40:32donc moi c'est ça qui va m'apporter de la sérénité
40:34c'est si tout le monde autour de moi
40:36est serein, heureux et sans frustration
40:38moi je le serai quand
40:40et donc c'est ça sur quoi je travaille un peu
40:42pour les quelques jours et les quelques semaines
40:44avant le départ
40:46c'est de faire en sorte que tout le monde autour de moi soit
40:48peace, serein
40:50et si c'est ça, moi ça m'apportera toute la sérénité
40:52dont j'ai besoin pour prendre le départ
40:54Un mot sur les prévisions
40:56de derniers jours
40:58comment tu vas bosser, tu parlais de Pierre tout à l'heure
41:00j'imagine
41:02que t'as une bible météo
41:04sur les grandes tendances de chaque secteur
41:06que tu vas emporter avec toi
41:08qui t'a prévu
41:12des tutos
41:14pour chaque
41:16portion
41:18dans les derniers jours
41:20avant le départ, vous allez
41:22travailler
41:24des trajectoires, jusqu'à où, jusqu'à quand
41:26comment ça va se passer
41:28je t'avoue que la météo
41:30avant le départ
41:32je ne l'ai jamais vécu pour une course
41:34aussi longue
41:36mais je pense qu'elle va se passer
41:38comme les autres courses
41:40l'objectif c'est de rien changer
41:42à nos rituels
41:44qu'on a eu sur les courses précédentes
41:46donc moi je vais travailler toujours de la même façon
41:48il y aura
41:50un briefing avec le pôle Finistère course au large
41:52qui donnera les tendances générales
41:54qui donnera
41:56la stratégie générale
41:58mais avec des bateaux totalement différents
42:00parce qu'on est mélangé avec les foilers
42:02et donc après je vais affiner ça
42:04avec Tanguy, le glatin
42:06avec Pierre Leroy
42:08qui est mon boat captain et météorologue
42:10et une fois que j'ai toutes ces informations
42:12je refais un petit tour de piste avec Jean Le Cam
42:16pour mettre en adéquation ce que j'ai compris
42:18de la situation météo
42:20avec le comportement à avoir sur le bateau
42:22en tant que marin
42:24pour le départ d'un marathon
42:26donc je recoupe toujours un peu
42:28à la fin avec Jean
42:30sur les premières manœuvres
42:32l'état d'esprit dans lequel il faut se mettre
42:34en adéquation avec la météo
42:36et je pense que là on travaillera exactement de la même façon
42:38On termine avec
42:40tes souvenirs à toi perso
42:44de spectateur, d'amateur
42:46peut-être du Vendée Globe
42:48c'est la 10ème édition cette année
42:50il y a plein d'histoires
42:52plein de skippers qui ont marqué plein de gens
42:54à des moments différents, on se rend compte justement
42:56depuis le début de la semaine avec tous ces témoignages
42:58qu'on a là, que tout le monde n'est pas impressionné
43:00par les mêmes choses mais que
43:02il y avait quand même des
43:04moments clés dans la course qui ont marqué
43:06des skippers et qui justifient
43:08parfois leur présence sur la ligne là aujourd'hui
43:10Toi, est-ce qu'il y a des histoires
43:12qui t'ont accompagné, est-ce qu'il y a des
43:14choses que tu as regardées à posteriori
43:16en étant impressionné ?
43:20Là comme ça, à chaud
43:22il y a deux images qui me reviennent
43:24la première c'est que
43:26François Gabart
43:28avec le bateau
43:30que j'ai aujourd'hui, avec lequel
43:32il gagne le Vendée Globe
43:34sur le départ de la course
43:36il y a plein de Zodiac
43:38et moi je suis avec des copains
43:40pour assister au départ et on est le
43:42dernier Zodiac à quitter
43:44cet Imoquin
43:46et voir ce bateau là
43:48partir avec un marin en solitaire
43:50ça avait vraiment imprimé mon esprit
43:52et donc de me retrouver
43:54quelques années plus tard
43:56alors qu'à l'époque je ne connaissais
43:58vraiment rien à la course au large, c'était un univers
44:00qui était complètement inaccessible
44:02me retrouver sur ce même bateau
44:04pour partir en solitaire
44:06je trouve ça magique
44:08tu vois
44:10et puis le deuxième c'est que
44:12je me souviens
44:14des arrivées
44:16je suivais le Vendée Globe
44:18et je me souviens être allé
44:20avec ma copine de l'époque
44:22en voiture, on avait dormi dans la tente
44:24et on avait assisté à l'arrivée
44:26donc il y avait Jean Le Cam qui était arrivé
44:28il y avait Amédéo qui était là aussi
44:30il y avait une succession de toutes ces arrivées
44:32la ferveur qu'il y avait
44:34et voilà
44:36qui moi m'ont probablement fait arriver
44:38et donné envie de s'accroître
44:40donc ouais
44:42c'est un peu ça, les souvenirs qui reviennent
44:44et je crois que le dernier en date
44:46c'était le départ du dernier
44:48Vendée Globe, où il n'y avait personne
44:50et j'avais la chance
44:52d'être invité sur une navette
44:54et d'ailleurs le speaker
44:56de la navette c'était Éric Bélion
44:58et donc
45:00il décrivait ce départ
45:02et voilà
45:04je me rappelle de ce départ
45:06en catimini
45:08parce que très peu de spectateurs
45:10et du coup hyper émouvant parce que tu disais
45:12les mecs qui partent pour faire ce tour du monde
45:14ils le font vraiment
45:16pour les bonnes raisons
45:18parce qu'il n'y a personne pour les acclamer
45:20et donc c'était un départ plein d'humilité
45:22plein de sobriété
45:24et du coup hyper émouvant
45:26avec la patrouille de France qui passait devant
45:28et moi à ce moment là
45:30j'étais déjà en train de penser au Vendée Globe
45:32et je crois que ça a été le coup de grâce
45:34j'ai envie de vivre ça
45:36et voilà j'espère que dans quelques semaines
45:38je vais vivre ça