La Turquie victime des errements économiques et monétaires d'Erdogan [Alexandre Mirlicourtois]

  • il y a 11 heures
Cela s’appelle revoir totalement sa copie. Aussitôt réélu, le président Erdogan a été contraint à une volte-face dans la conduite de sa politique monétaire menée depuis des années, qui voulait, à rebours de la théorie, que les taux d’intérêt élevés étaient responsables de l’inflation plutôt que son remède. Sa solution, évidemment : les maintenir au plus bas. Les gouverneurs opposés à ce dogme en ont fait les frais, ils ont tous été limogés ! Ce jusqu’au-boutisme a fini par se heurter à la dure réalité économique : l’inflation officielle a atteint des pics à plus de 80%, avec des pointes supérieures à 100% dans l’alimentaire. [...]

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00:00Cela s'appelle revoir totalement sa copie.
00:13Aussitôt réélu, le président Erdogan a été contraint à une volte-face dans la conduite de sa politique monétaire menée depuis des années.
00:21Qui voulait, à rebours de la théorie, que les taux d'intérêt élevés étaient responsables de l'inflation plutôt que son remède.
00:30Sa solution, évidemment, les maintenir au plus bas.
00:34Les gouverneurs opposés à ce dogme en ont fait les frais.
00:37Ils ont tous été limogés.
00:39Ce jusqu'au-boutisme a fini par se heurter à la dure réalité économique.
00:44L'inflation officielle a atteint des pics à plus de 80% avec des pointes supérieures à 100% dans l'alimentaire.
00:51Une fois l'élection passée, une nouvelle équipe d'économistes a été nommée à la tête de l'institution monétaire et du ministère des Finances.
00:59Les décisions n'ont pas tardé.
01:01Le taux directeur est passé de 8,5% à 50% en dix mois.
01:06Un record en si peu de temps qui trahit l'urgence absolue de la situation.
01:11Malgré tout, l'objectif de ramener la hausse des prix à un chiffre d'ici les prochains mois semble encore hors de portée.
01:17Car il faut que l'économie turque digère les effets à retardement des décisions du gouvernement.
01:22Augmentation des taxes sur une large catégorie de biens et de services, hausse spectaculaire du salaire minimum jusqu'en janvier 2004,
01:30à quoi s'ajoute la forte dépréciation de la livre que ce soit vis-à-vis du dollar ou de l'euro et ses conséquences sur les prix des produits importés.
01:40Mais même si le plus dur de la hausse des prix est assurément passé,
01:43l'impact de la persistance d'une inflation haute sera d'autant plus ressenti qu'un autre virage à 180° a été pris.
01:51Celui de la rigueur.
01:53Avec, pelle-mêle, la non-revalorisation du salaire minimum en juillet dernier,
01:58comme cela avait été le cas depuis 2022 pour maintenir le pouvoir d'achat des bas salaires.
02:03La réduction des dépenses publiques avec une coupe de 10% des budgets pour l'achat de biens et de services,
02:08de 15% pour les investissements et la suspension pendant trois ans de la construction d'un nouveau bâtiment public.
02:16Mais c'est aussi la hausse du taux d'impôt sur les sociétés et pour finir, le durcissement des conditions d'octroi des crédits bancaires.
02:25Or, il s'agissait là de l'autre pierre angulaire de la politique de Recep Erdogan.
02:30L'édifice mis en place reposait sur un crédit bancaire dynamique, bon marché.
02:35C'est très efficace pour soutenir la consommation, l'investissement, la croissance,
02:40qui a d'ailleurs été nettement supérieure ces dix dernières années à celle des États-Unis et plus encore de la zone euro.
02:46Une croissance suffisante pour générer assez d'emplois afin d'absorber la hausse de la population active
02:52et faire refluer le taux de chômage vers des niveaux planchers pour l'ensemble de la population, comme pour les jeunes.
02:59Mais une croissance à crédit, dont la conséquence a été l'hyperinflation
03:03et fait fuir les investisseurs étrangers, pourtant essentiels à une économie dont les déficits courants s'empilent depuis des années.
03:12La restauration de la crédibilité de la Banque centrale et de la politique budgétaire devenait donc impératif,
03:18ce qui explique le revirement du Président.
03:21Une crédibilité pour rassurer les investisseurs et les grandes institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale.
03:29Et c'est le cas.
03:30Une croissance tirée par le crédit était la voie la plus rapide pour obtenir des résultats.
03:35Le renouement actuel du chef de l'État montre que c'était une voie sans issue
03:39pour valoriser les nombreux atouts d'un pays au-delà même de sa situation géographique.
03:44Un vaste marché intérieur composé de 85 millions d'habitants, une population jeune, formée, instruite,
03:51une large base industrielle et exportatrice complétée d'un important secteur touristique de qualité.
03:57Et enfin, un tissu entrepreneuriat dynamique et une diaspora importante.
04:02Mais pour l'économie du pays, les dix dernières années s'apparentent bien à une décennie perdue.

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