#Bolchegeek Ce que les HUMORISTES ne peuvent VRAIMENT plus dire

  • il y a 3 jours
« On ne peut plus rire de rien » : c'est une vieille rengaine ! La polémique autour d'une blague de Guillaume Meurice a entraîné son licenciement et l'arrêt de son émission la radio publique. Pourtant, certains habituels pourfendeurs de la « cancel culture » ont salué cette décision. Hypocrisie ou problème plus profond ? Petit retour sur notre rapport aux humoristes, à la censure et à la liberté d'expression.

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Transcription
00:00Voilà, alors, article 1 de ces nouveaux statuts de la première chaîne.
00:04Toute personne qui déplait à quelqu'un pour quelques motifs que ce soit,
00:08y compris une tête qui ne revient pas, est virée.
00:11Le 2 mai dernier, l'humoriste français Guillaume Meury s'était suspendu d'antenne
00:15pour faute grave par Radio France, le groupe de radio pour lequel il travaille.
00:19Il risque aujourd'hui le licenciement.
00:21Deuxième article, toute personne qui râle en disant pourquoi on a viré mon pote est virée à son tour.
00:27Bon, je ne sais pas si vous avez vu, mais Guillaume, il n'est pas là.
00:31Et contrairement au souhait de la direction, Gaspard Proust n'était pas disponible,
00:34Michel Neve non plus, Finkielkraut non plus, Bruno Le Maire non plus,
00:36Bardella non plus, Dark Vador non plus, Voldemort non plus.
00:40Vous avez compris.
00:41Troisième article, quand quelqu'un a été viré,
00:45il peut être repris à une condition que la personne qui l'a viré se soit fait virer.
00:52Un père joue un rôle très important auprès des humoristes.
00:55C'est vraiment une soupape formidable, parce que d'avoir des humoristes
00:58qui sont irrévérencieux, qui n'ont aucune notion du respect, du sacré, etc.,
01:04ça fait un bien fou, ça ouvre les fenêtres et ça permet ensuite de proposer d'autres types de programmes.
01:08Le mois dernier, c'était la rentrée médiatique avec son grand mercato des programmes.
01:12Et un des événements, à part la reprise de cette émission pour l'Huma,
01:15c'était l'arrivée de Guillaume Meurice et de ses acolytes sur Nova
01:18après son licenciement du service public dans une affaire qui avait fait grand bruit.
01:21Le tout à la même plage horaire que l'émission
01:24Le Grand Dimanche Soir, victime collatérale de la polémique, est sous le nom de La Dernière.
01:28Comme on avait l'habitude de se faire virer d'à peu près partout,
01:30on allait faire de chaque émission une dernière potentielle.
01:33Comme ça, en plus, cela garantit pour nous de pouvoir tout dire.
01:35On se lâche, quoi. C'est la dernière.
01:37Alors, je vous rassure, on ne va pas repolémiquer sur la blague.
01:40On ne va pas non plus philosopher sur l'humour à base de Bergson.
01:43Non, on va s'intéresser à ces piliers de la culture populaire que sont les humoristes,
01:47les enjeux sociaux autour et l'histoire dans laquelle ça s'inscrit.
01:50L'humour est-il mort ? Et si oui, se retourne-t-il dans sa tombe ?
01:53Comme on aime à le prétendre ? Et surtout, pourquoi ?
01:56Moi, j'ai mon avis, que je ne donnerai pas, car je suis sous-surveillant.
02:10Bon, on ne va pas se cacher derrière notre petit doigt.
02:13Ici, on est à Luma. Et à Luma, on aime bien Meurice, qui le leur rend bien.
02:17Salut la commu ! Je vais vous parler de la fête de Luma aujourd'hui.
02:19Et ce sera donc l'inauguration de la Sandwich de Luma.
02:22Ça, c'est important.
02:23Jean Jaurès, Twitch.
02:25Alors, essayons de ne pas rentrer dans des histoires de goût et de couleur en matière de rigolade.
02:29Là, factuellement, on a quand même un humoriste licencié,
02:32entraînant l'arrêt d'un programme pourtant très écouté,
02:35mais aussi plainte, convocation aux comiquos et menace de mort par paquet,
02:39le tout pour une blague.
02:40Le cas est donc quand même assez sérieux et pourtant, il ne fait pas du tout consensus,
02:45y compris chez des gens qui, d'habitude, ont une peur panique de ce qu'ils appellent la cancel culture,
02:50mais apparemment pas là.
02:51Mais il y en a un qui n'a pas apporté son soutien à Guillaume Meurice,
02:54ça, c'est Alain Finkelkraut.
02:56Il a dit quoi ?
02:56Il était sur BFM TV, on lui pose la question suivante.
02:59Guillaume Meurice est suspendu d'antenne à France Inter,
03:01est-ce qu'il est victime de la cancel culture selon vous ?
03:04Très bonne question.
03:04Vous lui apportez votre soutien ?
03:06Point d'interrogation.
03:07Je ne lui apporte absolument pas mon soutien.
03:09J'ai été étonné qu'aucune sanction ne soit prise contre lui.
03:13Oui, parce qu'il a été auditionné par la police.
03:15Oui.
03:16Les plaintes ont été classées sans suite.
03:17Les plaintes ont été classées sans suite.
03:18Les plaintes ont été classées sans suite.
03:20Vous connaissez cette rengaine.
03:22Maintenant, on ne peut plus rire de rien,
03:24des proches ne pourraient plus faire ça,
03:26voire Coluche serait en prison aujourd'hui.
03:28Évidemment, c'est une variante du « c'était mieux avant ».
03:31Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui,
03:32c'est ce que ces poncifs semblent invoquer d'une grande histoire de l'humour populaire.
03:36Or, si on se resitue dans cette dernière,
03:38au-delà d'une nostalgie fantasmée,
03:40on tombe assez vite sur des problèmes évidents.
03:42À commencer par cette affirmation que, avant,
03:45les grands humoristes, ils pouvaient rire de tout et patati patata.
03:49Eh bien, mon cher et vieux pays, nous voici à nouveau face à face.
03:52Vous vous souvenez du petit sketch de Jean-Yann qu'on a mis au début,
03:55avec les statues de la télé qui leur permettraient de se faire virer n'importe quand ?
03:59Oui, évidemment.
04:00Bon, on ne l'a plus revu après le Jean-Yann.
04:03Enfin, on ne l'a plus revu à l'antenne.
04:05Le sac ne l'a pas non plus balancé d'un pont avec du ciment au pied.
04:08Eh oui, parce qu'avant, c'était l'ORTF.
04:10Et comment vous appelez un pays qui a comme président un militaire avec les 3 pouvoirs,
04:13une police secrète, une seule chaîne de télévision
04:15et dont toute l'information est contrôlée par l'État ?
04:17J'appelle ça la France, mademoiselle.
04:19Et pas n'importe laquelle.
04:20La France du général de Gaulle.
04:21On a tendance à l'oublier avec nos 150 chaînes câblées,
04:24mais jusqu'en 1974, on avait une télé d'État centralisé,
04:28directement sous contrôle du pouvoir.
04:30Et ce n'était pas un secret de polichinelle.
04:31Il y avait le ministre de l'Information qui venait au JT pour dire
04:34« Oui, voilà, on va faire comme ça maintenant ».
04:36Certes, l'histoire en a retenu des vannes audacieuses,
04:39mais il ne faudrait pas croire que c'était sans conséquence à l'époque.
04:41Jean-Yann, il se surnommait carrément le champion en matière de licenciement
04:45après s'être fait virer d'Europe 1, RTL et tiens, France Inter.
04:49Je ne vais pas très loin, mais je suis l'un des seuls à y aller.
04:53S'il y en avait d'autres qui allaient loin, comme moi,
04:55ça serait très bien admis.
04:57Et surtout, il faut voir pourquoi.
04:59Il s'était déjà fait supprimer une émission pour une vanne sur Napoléon.
05:03On a fait ce qu'on a pu, Napo.
05:06On a mis le paquet.
05:07Oui, oui, cette blague-là.
05:09Et puis d'autres encore pires,
05:10comme avoir soutenu les grévistes de l'ORTF en 68.
05:13On nous a fait un procès pour atteinte à la grandeur et au prestige de l'Empire.
05:17On ne peut pas aimer.
05:18Il y avait une vraie censure, pas l'état.
05:22Et puis il y avait surtout ce qu'on pouvait ou ne pouvait pas dire.
05:25Donc bon, l'image d'âge d'or de la liberté d'expression, on repassera.
05:30Et c'est resté un monopole d'État jusqu'à l'arrivée de la gauche en 81.
05:32Tout ça, ça joue toujours un rôle dans les questions qui nous préoccupent aujourd'hui.
05:36Pour vous dire, quand Sarko a rétabli le fait que le président de France Télé
05:39soit nommé directement par le chef de l'État,
05:41son argument, c'était en gros,
05:43en fait, on a toujours fait comme ça, juste on ne le disait pas.
05:46Donc comme ça, au moins, c'est clair.
05:47À partir de 2013, c'est devenu le rôle du CSA,
05:50dont le président est lui-même nommé par le président de la République,
05:53trois de ses membres par l'Assemblée et les trois autres par le Sénat.
05:56Eh bien, expliquez-nous, pourquoi est-ce que c'est drôle ?
05:58Parce que c'est marrant.
06:03Marrant, mais pourquoi ?
06:04Expliquez-nous, nous ne sommes pas plus bêtes que d'autres et nous aimons rire aussi.
06:07Donc quand quelqu'un, au hasard, la directrice de Radio France,
06:11prend des décisions comme, au hasard, virer un humoriste,
06:14c'est important de parler de qui l'a mise là à la base
06:16et pas juste de débattre du contenu de la blague.
06:19Ou d'autres trucs du style,
06:20est-ce que ça ne serait pas une ancienne conseillère de Sarkozy ?
06:23Toujours au hasard.
06:24Au bénéfice de qui ?
06:26J'ai ma petite idée et je pense que ce n'est pas être complotiste que de dire ça.
06:29Quand on lâche comme ça des « il ne pourrait plus rien dire aujourd'hui »,
06:33en fait, ce n'est pas très sérieux.
06:34Non, ça dissimule au fond deux questions plus concrètes.
06:37Qu'est-ce qu'il ne pourrait plus dire et pourquoi il ne pourrait pas ?
06:40Effectivement, c'est vrai, il y a plein de choses qui ne passeraient plus pareil.
06:44Incroyable, une première dans l'histoire de l'humanité,
06:46la société et la culture ont évolué.
06:49La société avance, je sais que ça vous échappe parfois.
06:52Est-ce que vous connaissez la première blague documentée de l'histoire de l'humanité ?
06:56Ça dit quelque chose.
06:57C'est une blague sumérienne de 1938 avant Jésus-Christ.
07:03Attention, si vous êtes bien assis.
07:05Un chien rentre dans une taverne et dit
07:08« Mais j'y vois rien, je vais ouvrir celui-là. »
07:12Voilà.
07:13On ne pourrait plus dire ça maintenant.
07:15Non, moi non plus je n'ai pas compris.
07:17Mais c'est la première blague de l'histoire de l'humanité.
07:19Peut-être pas de bol, c'est une blague pourrie et c'est celle-là qu'on a.
07:22Souvent, et ça ne vous aura pas échappé,
07:24on balance ces affirmations péremptoires pour défendre des vannes qui,
07:28comme on dit dans le jargon, tapent vers le bas.
07:30En gros, en général, pour se plaindre qu'on ne puisse plus faire telle ou telle vanne
07:34sans être critiqué pour son racisme, son sexisme,
07:37son homophobie, son antisémitisme, etc.
07:39Bon, déjà, se plaindre de ne plus pouvoir taper sur tel ou tel groupe
07:43sans provoquer des réactions outrées, c'est un vieux discours en fait.
07:46Ce n'est absolument pas nouveau.
07:47Par exemple, quand on se moque des Juifs, les Français sont ravis.
07:50Quand on se moque des Noirs, les Français sont ravis.
07:52Quand on se moque des…
07:54Et on dit « Vous avez raison, allez-y, tapez dessus, tapez dessus. »
07:56Puis alors un jour, on parle des Cordonniers,
07:58évidemment on tombe sur un Cordonnier qui se met à hurler en disant
08:02« Et de quel droit les Cordonniers ont donné autant de morts que les autres en 14 ? »
08:07Mais en plus, c'est manifestement à géométrie variable.
08:09Des gens qui tiennent habituellement ce discours ont pu dire que la vanne de Meurice,
08:13elle, elle posait problème.
08:15Précisément pour ces raisons.
08:16Donc, quelle que soit notre position là-dessus,
08:19et contrairement à ce que beaucoup prétendent,
08:21et peut-être s'en sont persuadés eux-mêmes,
08:23ça montre que ce n'est pas une question de principe.
08:25Un principe sacré de l'humour, une sorte de droit universel et inaliénable à la vanne.
08:30Tout le monde a l'air d'accord qu'il y a des traits d'humour nuisibles et critiquables.
08:33C'est toujours relatif, ça s'évalue à l'aune d'autres choses.
08:37Quand j'ai commencé à faire de la radio,
08:38les chansons de Brassens étaient interdites parce que trop vertes et trop crues.
08:42Dix ans plus tard, Paul Naref a chanté « Je voudrais faire l'amour avec toi »
08:46et on s'est aperçu que les parents donnaient 500 francs anciens à leurs enfants
08:51pour acheter des disques, donc que la famille n'était pas choquée
08:55de voir les enfants écouter des choses comme ça.
08:58Alors, prenons un des exemples les plus souvent cités de
09:01« On ne pourrait plus faire ce sketch aujourd'hui ».
09:02C'est évidemment des proches et plus particulièrement ça.
09:06On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle.
09:13Vous pouvez rester.
09:16Bon, déjà, faut pas croire que tout le monde trouvait ça de bon goût à l'époque.
09:19C'était quand même déjà considéré comme un humour assez provoque.
09:22Toujours faire gaffe à ça quand on juge les choses avec le confort de la postérité.
09:25Mais passons.
09:26C'est un peu étrange quand on y pense de choisir cet exemple
09:29parce que, justement, il est passé à la postérité.
09:32Il n'est pas largement considéré comme un truc
09:34qu'il faudrait renvoyer aux poubelles de l'histoire
09:36tellement ça serait un humour scandaleux d'un autre temps.
09:39Et notamment parce qu'il est très clair que ces blagues de des proches,
09:42certes, comme à son habitude, assez grinçantes,
09:45ne consistent pas à stigmatiser un groupe.
09:47Alors, je sais, j'ai dit qu'on ne ferait pas dans l'analyse de vannes,
09:49mais je prends justement cet exemple parce qu'il est évident.
09:53N'empêche qu'on ne montrera pas de l'idée que pendant la dernière guerre mondiale,
09:57de nombreux juifs ont eu une attitude carrément hostile
10:00à l'égard du régime nazi.
10:05Là, il n'y a quand même pas besoin de décortiquer au scalpel
10:08pour comprendre que la blague, ce n'est pas un tacle sur les juifs
10:11qui aurait été hostile envers leurs bourreaux.
10:13Au contraire, tout le monde comprend bien que ce qui serait grotesque,
10:16c'est de leur reprocher ça.
10:17Je pense que beaucoup de gens qui ont que la figure abstraite de des proches à la bouche
10:22feraient bien de se faire une petite séance de remise à niveau.
10:25Parce que chez lui, c'était très présent d'aller trifouiller, via l'humour,
10:29l'esquelette de la tradition antisémite française,
10:31l'hypocrisie vis-à-vis de ça,
10:33et plus particulièrement sur les crimes de la seconde guerre mondiale.
10:36Et on comprend d'autant mieux sa démarche qu'elle est cohérente
10:38avec ce qu'il disait le plus sérieusement du monde.
10:41Je suis né en 1939.
10:43De savoir que je suis né à cette époque-là,
10:45qu'est-ce qui s'est passé vis-à-vis des juifs,
10:47c'est un truc que je n'ai toujours pas compris au sens fort,
10:52de même que je ne comprends pas Dieu.
10:53Que des gens, des administrateurs justement,
10:55aient envoyé des gens, par paquet de mille,
11:00se faire oxyrer au nom du racisme,
11:03à une époque qui est la mienne.
11:04Ce n'est pas Léun, ce n'est pas Attila, c'est la semaine dernière.
11:07Alors je n'ai jamais compris, avec ma sensibilité et mon intelligence,
11:11que je ne peux pas comprendre.
11:12Comprendre, je ne dis même pas admettre, mais comprendre.
11:16Vous voyez bien la différence avec prendre pour cible des gens
11:19non seulement dans l'humour, mais aussi dans ses positions réelles.
11:23Ou la différence avec, je ne sais pas, remettre un prix sur scène
11:26à un type qui nie un génocide par un type habillé en victime de ce génocide.
11:30On s'est compris j'espère, parce que pas question que j'affiche ça à l'image.
11:34Bref, je ne dis pas que des proches ne râleraient pas maintenant.
11:36Et vu comment ils le faisaient à l'époque, ce serait étonnant,
11:39d'autant qu'on va être honnêtes.
11:40Les humoristes, à tort ou à raison, en tant que corporation,
11:43ils détestent qu'on leur dise de quoi ils peuvent rire.
11:46En gros qu'on leur explique leur métier, quelle que soit la raison.
11:49Juste, il faut être un peu honnête dans la façon d'invoquer sa mémoire
11:52pour justifier tout et n'importe quoi.
11:54Surtout pour un type qui avait notoirement compris que l'humour, c'est du sérieux.
11:58Alors, le rire, parlons-en et parlons-en aujourd'hui
12:01alors que notre invité est Jean-Marie Le Pen.
12:04J'avais une réflexion un peu sotte avec Biller.
12:06Je lui avais dit, si ce monsieur vient dans l'émission, moi je n'ai plus envie de rire.
12:12Car la présence de M. Le Pen en ces lieux,
12:14voué plus souvent à la gaudriole parajudiciaire, pose problème.
12:18Je n'ai pas envie de rire avec lui.
12:20Et puis finalement, je me suis repris un peu et j'ai réfléchi.
12:24Et j'ai fait ce qu'on appelait un réquisitoire.
12:27Peut-on rire avec tout le monde ?
12:30C'est dû.
12:32Je lui ai répondu, oui, on peut rire absolument de tout.
12:35Mais pas avec tout le monde.
12:37Je veux dire, un nazi en uniforme, un officier SS,
12:39je n'ai pas envie de me taper sur la bedaine pour rire.
12:43En fait, c'est très courant qu'on utilise
12:45« on ne pourrait plus faire ça » de manière totalement fantasmée.
12:49« Prenez le coup de Rabi Jacob maintenant, ça serait interdit. »
12:52Alors ça, je n'ai jamais compris.
12:53Personne n'a jamais rien dit sur Rabi Jacob.
12:56Ça passe à la télé tous les ans depuis un demi-siècle.
12:58Mais bon, allez-y, inventez-vous des indignations.
13:00Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
13:01Puis alors, évidemment, Coluche.
13:04Alors Coluche, lui, il se retourne dans sa tombe.
13:06Il serait au goulag, en prison, à vie, sans eau.
13:08« Parce que vous savez pourquoi les Français ont choisi le coq sportif comme emblème ?
13:13C'est le seul oiseau qui arrive à chanter les pieds dans la merde. »
13:17C'est vrai que, bon, lui, on ne sait pas ce qu'il aurait fait.
13:19Mais il y a des vannes de l'époque qu'on ferait plus ou pas pareil.
13:22Et ça ne concerne pas Coluche spécifiquement, d'ailleurs.
13:24Plus on remonte le temps, plus on était, on va dire, détente sur certains points.
13:29« J'adore ça, les gens différents.
13:31Bon, effectivement, je suis raciste.
13:33Je préfère les jaunes aux noirs, par exemple, tu vois.
13:35Mais ça, c'est un goût personnel. »
13:37On va s'épargner de faire un florilège de décennies de blagues un peu douteuses,
13:41d'accents, de stigmates divers et variés.
13:44Vous connaissez le folklore.
13:45Mais voilà, effectivement, aujourd'hui, on n'aurait peut-être pas la Zoubida.
13:49Et surtout pas en première place du top 50.
13:51Mais c'est peut-être pas plus mal, non ?
13:53« C'est peut-être un peu raciste, quoi. »
13:55« Ah, je vous jure ! »
13:56« Peut-être un peu, voilà, c'est...
13:59Peut-être un peu raciste, quoi. »
14:00Sauf que les trucs que Coluche pourrait plus dire,
14:03dont parlent les gens qui sortent sa H24,
14:05eh ben en gros, il parle de cette liberté d'expression-là.
14:08Versus la liberté d'expression de celles et ceux qui trouvent que ça craint un peu.
14:12Là encore, ça pourrait être bon de rappeler que Coluche, en civil,
14:16c'est les restos du cœur, le soutien à la gauche et parrain de SOS Racisme.
14:20« Je pense que c'est bien qu'on dise, ben voilà, les uns vivent comme ça,
14:23les autres vivent comme ça, et puis apprenons à vivre ensemble avec nos différences.
14:26Je crois que c'est vachement bien.
14:28Je crois que ça, c'est bien ressenti par la jeunesse, d'ailleurs.
14:30Le côté positif de l'affaire,
14:32et puis le côté tolérant d'accepter les différences et même de les aimer. »
14:36Mais sinon, vous en voulez des exemples de choses que Coluche pourrait vraiment plus dire ?
14:42« Oui, je sais, j'ai l'air un peu con.
14:45Ah non, mais l'uniforme, il est pour beaucoup, hein.
14:48Eh ben, j'ai remarqué, les gens, plus il y a de flics autour d'eux, plus ils ont peur.
14:54Du coup, là-dedans, c'est dans les manifs.
14:56Ah non, mais on fait gaffe, on tape avec le plat de la main dans le dos.
15:00Comme ça, ici.
15:01Ça fait vachement mal, mais ça fait pas de traces.
15:05Non, hé, déconnez pas, on va se faire piquer.
15:07Ben, déconnez pas, parce que les mecs, quand ils ont des traces, après, ils peuvent porter plainte, hein.
15:11On a dit, pour porter plainte, il faudrait qu'ils viennent au commissariat, ouais, c'est l'art.
15:16Hein ? Ah oui, parce que nous, on nous apprend à reconnaître les mecs louches, hein.
15:19On fait des stages avec les chiens et tout.
15:21Euh, si vous voulez, celui-là, il était pas franchement louche,
15:24mais il était franchement basané, hein. »
15:27Non seulement en sketch, mais aussi en vrai.
15:30« Et ça, c'est un mort ou un blessé par jour par la police depuis le 1er janvier.
15:34Donc, effectivement, ça m'intéresse. »
15:35Ah ça, c'est bizarre, c'est pas cet exemple-là qu'ils citent en général, hein.
15:38Vous imaginez les réactions à ça, maintenant ?
15:41« Expliquez-moi ce que les policiers foutent dans le dos des Arabes avec un revolver à la main,
15:44et à chaque fois, ils tombent. »
15:45« La police, elle, tue, vous avez regretté de dire cela ? »
15:48« Pas du tout. »
15:49« Vous n'avez pas regretté ? »
15:49« Non, parce que la police tue. »
15:50« C'est la vérité. »
15:51« Bah, la police tue, bien sûr. »
15:52« Racontez-moi pourquoi, du moment où il y a une raison, moi, je suis d'accord.
15:55Le problème, c'est qu'il n'y a pas de raison.
15:57C'est ça, le problème. »
15:58Gérald Darmanin a décidé de porter plainte.
16:00Le ministre de l'Intérieur qui parle de propos insultants et indignes.
16:04« Enfin, il y en a une, en fait, oui.
16:06C'est que les policiers se croient extrêmement couverts. »
16:08« Toutes celles et ceux qui mettent une cible dans le dos de nos policiers,
16:13de nos gendarmes, me trouveront en travers de leur route. »
16:16Et ouais, c'est aussi pour ça que ce choix d'exemple, il est très parlant culturellement.
16:20On se planque derrière les figures les plus célébrées
16:23en leur donnant l'image qui nous arrange.
16:24Mais les gars, assumez, hein.
16:26On vous entend vachement moins dire
16:27« on ne pourrait plus faire la Zoubida »,
16:29« Michel Aide ne pourrait plus faire ça ».
16:31« Comment je dois m'exprimer, là ? »
16:33Quoique, Pascal Praud, il le fait, lui.
16:35Pourquoi c'est pas Tex votre étendard ?
16:37Regardez, lui aussi, il a fait des vannes qu'on ne peut plus faire.
16:40Ah ouais, c'est sûr, Tex, c'est moins prestigieux.
16:42Mais assumez un peu votre héritage.
16:44Ou, si vous voulez celui des grands noms, prenez-les en entier.
16:47Et ouais, on devrait peut-être remettre un peu ça sur la table.
16:49Parce que parmi les piliers de l'humour populaire,
16:52on met moins en avant une des grandes traditions
16:54qui s'est un peu perdue et qui ferait des esclandres pas possibles aujourd'hui,
16:58vanner les racistes et les fachos.
17:00Tenez, au lieu de vous emmerder à lire tout ça artre,
17:03vous achetez un exemplaire de Minute,
17:05pour moins de 10 balles, vous avez à la fois la nausée et les mains sales.
17:10Peuple est mort pour les trafiquants de drogue !
17:16Peuple est mort pour les trafiquants d'armes !
17:22Euh, non, non...
17:24C'est pas ce que je voulais dire !
17:25Pas pour les trafiquants d'armes !
17:27Si on veut jouer à ce jeu-là,
17:28imaginez seulement les réactions de la fachosphère
17:30sur les plateaux, dans la presse.
17:32On se moque des honnêtes français,
17:34propagande multiculturaliste, pro-migrante et anti-France,
17:38voire racisme anti-blanc.
17:40Tout le bingo !
17:41Mais ça, c'est l'humour des bobos parisiens méprisants !
17:43Et ça rapporte à qui tout ça ?
17:45Je vous le demande, au Métec, au Bicourt, au Rastakwer, j'ai pas raison ?
17:48Mais si !
17:49Bien sûr.
17:50Eh ben, vous savez quoi ?
17:51Moi, je suis de la campagne du 87,
17:52et chez moi, on vénérait Fernand Reynaud.
17:55Parce que, un peu comme Bourville,
17:56c'était le représentant d'une tradition de comique rurale populaire
18:00qui avait atteint les grands médias sans être comme les parigos.
18:02C'est un peu la génération d'avant ceux dont on vient de parler.
18:05Et ça, là...
18:06J'aime pas les étrangers.
18:09Qui vient de manger le pain des Français ?
18:11Dans le village où on habite, on a un étranger.
18:15Quand sa femme passe, la tête passe,
18:17avec ses petits-enfants qui baissent la tête.
18:19Je lui dis ça, ça, là, c'est des étrangers.
18:22Ne bouffez le pain des Français.
18:24Ça, c'est 72.
18:26Va-t'en, étranger !
18:27Il m'a répondu Général Paul.
18:30Ils sont montés sur un bateau.
18:32Ils ont été loin au-delà des mers.
18:35Et depuis ce jour-là, dans notre village,
18:38on mange plus de pain.
18:42Il est fait boulanger !
18:44Alors, attention, c'est pas juste pour faire du retournement de « c'était mieux avant »
18:48ou dire que les gens, à l'époque, ils étaient pas racistes.
18:50C'est même plutôt l'inverse si on suit les études sur les évolutions des mentalités.
18:54Une des choses qui a changé, notamment,
18:55c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup plus de diversité dans les humoristes eux-mêmes.
18:59On doit tous se bagarrer, ce que j'appelle le syndrome Smaïne.
19:04Il y a eu Smaïne dans les années 90.
19:09Et en fait, Djamal est arrivé.
19:11Et dans l'inconscient collectif, il ne peut en rester qu'un.
19:15Il pouvait pas... Il y en avait deux, donc forcément, il fallait qu'il y en ait un qui...
19:18Et même, je me rappelle, moi, d'Ardisson qui disait...
19:21Djamal a volé, en rigolant comme une vingtaine, a volé la place de Smaïne.
19:25Tu vois ? C'est terrible.
19:26Mais chez beaucoup des grands humoristes, même dans cet écosystème de l'époque,
19:30se moquer des réacs, c'était la base.
19:33Et ça, ils aiment vraiment pas.
19:35Parce que c'est redoutable et ils le savent.
19:37Ce que je dis souvent, c'est...
19:39Ce qui a fait Bolloré, quand il est arrivé à Canal,
19:41c'est qu'il a dégagé l'investigation et l'humour.
19:43C'est les premiers trucs qu'il dégage.
19:45Il supporte pas, ça.
19:46Y a un côté un peu épidermique de...
19:48Ils se soumettent pas à nous, ils rient de nous.
19:51Vous voyez pourquoi ?
19:51Débattre des blagues, certes, ça a son importance,
19:54mais l'humour, c'est pas juste une histoire de mentalité qui change,
19:57de générations qui rigolent plus de ci ou de ça.
19:59Y a un contexte, comme dirait l'autre.
20:01Par exemple, on a déjà développé ici, sur le contexte culturel,
20:04après des événements traumatiques, avec l'exemple du 11 septembre,
20:06qui explique pourquoi la société est plus sur les nerfs sur ces questions
20:10en apparence frivole.
20:11Et aussi comment elles peuvent être plus instrumentalisées,
20:13comme on en a parlé, là, dans la précédente émission.
20:16Si Pro, il peut exiger la mise au banc d'un humoriste le lundi,
20:19ce n'est pas simplement Meurice qui mérite d'être sortie de l'antenne,
20:23c'est peut-être aussi sa direction.
20:25Et se plaindre qu'ils ne peuvent plus rien dire le mardi.
20:27Je vois que les artistes, aujourd'hui, sont très prudents.
20:29Pourquoi ? Parce qu'il y a souvent des coups à prendre
20:31lorsqu'on donne son avis sur l'actualité.
20:32C'est vrai, c'est pour ça que je ne dirais pas grand-chose là-dessus.
20:35Est-ce que c'est simplement de la mauvaise foi,
20:37ou que, dans le premier cas,
20:38c'est pas vraiment la vanne qui lui posait problème ?
20:41Tu pourrais ne pas défendre les Palestiniens à l'antenne,
20:43ça serait bien.
20:44Ben pourquoi ?
20:45Je défends pas les Palestiniens.
20:46J'ai défendu les Palestiniens.
20:48Ouais, ouais, non.
20:49Tu dis que tu les comprends.
20:51Peut-être que si la direction de France Inter a agi comme elle l'a fait,
20:54c'est pas tant en réaction à la blague
20:56que ça concernait un des programmes qu'elle essayait depuis un moment
20:59de pousser vers la porte pour des raisons politiques.
21:01Désolé, je sais pas comment le dire sans que ça fasse truc
21:04méga pas drôle de marxiste chiant, donc bon.
21:07L'humour, comme tout le reste,
21:09dépend de ses conditions de production.
21:11C'était valable pour les vannes du bouffon payé par le roi,
21:14comme ça l'est aujourd'hui.
21:15Alors, avant de se poser la question de
21:17est-ce qu'il n'y a pas un peu des rabat-joie qui s'offusquent de rien,
21:20ça serait peut-être prioritaire de se poser la question
21:23des conditions d'un humour grand public
21:25à un moment où les médias privés sont très largement
21:27aux mains d'industriels prosélites
21:29et les médias publics dans celles d'un État
21:31de plus en plus acquis à ces mêmes intérêts.
21:33Ça, ça a des effets très concrets,
21:35ça s'inscrit dans une problématique qui dépasse l'humour
21:38et ça n'a pas l'air d'être parti pour se calmer.
21:41C'est incroyable comme tant de parangons de la liberté d'expression
21:45Je pense que des tweets méchants, c'est de la censure,
21:47mais des milliardaires qui possèdent les journaux,
21:49c'est la presse libre.
21:50Un tweet grinçant qui te traite de réact devant 3000 personnes,
21:54c'est la censure, la cancel culture, c'est littéralement Staline.
21:58Par contre, un appareil médiatique à plusieurs milliards
22:00où les personnes les plus riches au monde
22:02décident de ce qui passe à l'écran,
22:04ça c'est la liberté d'expression,
22:05des journalistes courageux,
22:07c'est le marché des idées.

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