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00:00Vous écrivez que si, par un coup de baguette magique, un sorcier avait le pouvoir de vous rendre vos bras, vos mains, vos jambes, vos pieds, vous n'en voudriez pas.
00:08Pourquoi ?
00:10Aujourd'hui, j'ai ce corps-là. Il m'a permis de réfléchir autrement sur la vie.
00:17La vie, c'est des rencontres et c'est uniquement basé sur l'amour.
00:22Et je changerais de vie pour rien au monde. Je suis très, très, très heureux.
00:26Derrière son sourire si solaire, Théo Curin cache une détermination sans faille.
00:34Celle qui lui a permis de devenir vice-champion du monde de natation et nageur de l'extrême.
00:40Pourtant, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, la vie l'a cruellement frappé.
00:45Théo a été amputé des quatre membres pour survivre à une méningite foudroyante.
00:49Vous venez d'avoir six ans, le jour où votre vie bascule. Votre mère voit tout de suite que vous n'allez pas bien du tout.
00:55En fait, c'est un mal de tête qui englobe toute ma boîte crânienne, qui redescend même jusqu'à ma nuque.
01:01Et là, on commence à s'inquiéter.
01:03Votre père appelle les pompiers, direction les urgences. Et c'est là qu'après une fonction lombaire, le diagnostic tombe.
01:10Une méningite bactérienne avec un purpura fulminant.
01:12On dit que mon pronostic vital est engagé et forcément, ça fait peur à des parents.
01:18Mais ils sont un petit peu rassurés parce que les médecins nous disent à ce moment-là qu'il existe sûrement des traitements
01:26et qu'au pire du pire, on pourra aussi tenter des amputations parce que la maladie, qu'est-ce que c'est ?
01:32C'est tout simplement mes membres qui se nécrosent petit à petit au niveau de mes mains et mes pieds.
01:37Et ça se propage au fil des heures, au fil des jours.
01:40Voilà, on m'ampute d'une première jambe, on voit que la maladie se stabilise mais elle continue quand même à avancer de jour en jour.
01:48Donc on m'amputera d'une autre jambe, ensuite de mon bras gauche et ensuite de mon bras droit.
01:52Et c'est à la suite de ces quatre amputations que nous avons vaincu cette maladie.
01:58Quelle est votre pensée à ce moment-là ?
01:59Sur le coup, moi j'ai juste l'impression de saisir une nouvelle chance de survivre face à cette maladie.
02:07Donc ok, il va y avoir des séquelles, j'en suis conscient malgré mon jeune âge.
02:11Mais je vais tout faire pour retrouver une vie quasi normale dès ma sortie d'hôpital.
02:18Vos parents sont évidemment dévastés mais votre mère demande alors à une psychologue clinicienne comment se comporter au mieux avec vous.
02:24Et sa réponse sera fondamentale en fait.
02:27Cette psychologue leur a juste dit qu'il fallait m'aimer, qu'il ne fallait pas en rajouter des tonnes et des tonnes.
02:35Et la preuve la plus concrète c'est que je crois que je n'ai jamais vu pleurer mes parents à l'hôpital.
02:41Alors que bon, les images devaient être horribles à voir quand on voit son enfant revenir du bloc avec un membre en moins, avec des cicatrices partout, etc.
02:50Pour autant mes parents ont été super forts parce qu'ils ne m'ont jamais montré de tristesse ou de dégoût.
02:58Et je pense que c'est ce qui a fait ma force aussi.
03:01C'est ce qui va vous rendre si solaire ?
03:03C'est peut-être grâce à ça aujourd'hui que j'ai ce sourire pratiquement quotidiennement.
03:10Oui en fait on a tout de suite eu cette envie de se battre, mais sans en vouloir à la vie.
03:17Pourtant à 6 ans, avec les 4 membres amputés, tout est une épreuve.
03:21Vous devez apprendre à manger seul, mais comment ?
03:25En fait instinctivement j'arrive à utiliser mes bras très rapidement.
03:30J'arrive tout de suite à pincer la fourchette avec mes bras.
03:33Le jour où j'ai réussi à manger mes pâtes tout seul, j'étais le plus heureux du monde.
03:36Le jour où j'ai réussi à manger mes pâtes tout seul, j'étais le plus heureux du monde.
03:40Parce que vous raffolez des spaghettis à la bolognaise de votre mère.
03:43Les spaghettis à la bolognaise, quand on a des pansements partout et qu'on ne sait pas trop comment on va se débrouiller,
03:48c'est tout de suite une scène de crime.
03:50Mais ça a fait rire mes parents, ça a fait rire ma sœur.
03:52Redevenir autonome, c'est tout de suite un challenge.
03:56Et près d'un an après l'amputation de vos 4 membres, c'est le grand jour.
04:00Le jour où je fais mes premiers pas avec mes petites prothèses en carbone,
04:09j'ai l'impression de renaître une nouvelle fois et de refaire une deuxième fois mes premiers pas.
04:15Et c'est très fort les premiers pas.
04:17C'est incroyable comme sensation.
04:20Une sensation de liberté sans nom.
04:23Ce qui va être le plus cruel, c'est d'affronter les regards des gens.
04:27Vous racontez votre première sortie au supermarché.
04:30A quel regard êtes-vous confronté ?
04:32On me regarde comme si je suis un extraterrestre.
04:35Maman cache les yeux de son enfant comme s'il était en train de regarder un film d'horreur.
04:41Mais en fait pas du tout, c'était que moi.
04:43Et là je prends une claque parce que c'est méchant.
04:48Il y a les moqueries des adolescents aussi dans ce supermarché.
04:51Oui, j'entends au loin des jeunes qui rigolent.
04:55Vous entendez l'un de ces adolescents dire le fameux « pas de bras, pas de chocolat ».
04:59Oui, c'est la première fois que j'entends cette phrase.
05:05Pas de bras, pas de chocolat.
05:07Aujourd'hui ça me fait rire, ça me fait marrer.
05:10Parce que j'ai les armes pour.
05:12Alors qu'avant je n'étais pas prêt à ça.
05:14Il y a un homme qui va beaucoup compter pour vous, c'est Philippe Croizon.
05:17Lui aussi amputé des quatre membres.
05:19Bien connu pour ses incroyables défis sportifs comme la traversée de la Manche.
05:22Vous allez lui écrire, le rencontrer.
05:23Et là, vous qui aviez une phobie de l'eau, allez surmonter cette peur pour relever les défis les plus fous.
05:30Pourquoi l'eau ? Pourquoi la natation ?
05:32La natation ça va être le seul sport qui va me permettre de me déplacer comme tout le monde.
05:37Quand j'arrive à la piscine, j'enlève mes prothèses ou je descends de mon fauteuil et je me déplace comme n'importe qui.
05:42Et j'ai une sensation de liberté, de légèreté que je n'ai pas au quotidien.
05:47Je me suis entraîné à nager mais je me suis aussi entraîné à m'accepter aussi quelque part.
05:51Vous gagnez l'or au championnat de France alors que vous n'avez pas 14 ans.
05:56Puis vous êtes sacré vice-champion d'Europe et même double vice-champion du monde.
06:01C'est pas rien.
06:03Non, c'est dingue.
06:05C'est évidemment beaucoup de fierté.
06:07Et puis, en novembre dernier, vous vous lancez un défi plus personnel.
06:10Traverser à la nage le lac le plus haut du monde, le lac Titicaca dans la Cordillère des Andes, à 3812 mètres d'altitude.
06:17Vous allez former un trio de nageurs en totale autonomie, donc avec une embarcation de 500 kilos à tracter sur 122 kilomètres.
06:26Cette embarcation, on la tractait à la nage tous les jours.
06:28Vous nagez dans une eau glaciale.
06:30Elle faisait 10 degrés, oui.
06:32Elle n'était pas très chaude, effectivement.
06:34On a fait face à des tempêtes avec des creux d'un mètre cinquante sur un lac.
06:39Je ne pensais pas que c'était possible.
06:41On a eu des orages, la foudre qui est tombée à des dizaines de mètres de nous.
06:46On a vraiment cru y passer plusieurs fois.
06:50Et c'était horrible, en fait, parce que moi, dans ma tête, j'allais là-bas pour faire un défi sportif, pour battre un record, mais pas pour mettre ma vie en jeu.
07:00Et c'était flippant.
07:02Vous accomplissez votre exploit après 11 jours de traversée.
07:06À l'arrivée, quelle est votre première pensée ?
07:09Je suis soulagé parce que j'ai eu peur d'abandonner, j'ai eu peur d'échouer.
07:13Donc non, c'est un soulagement énorme et beaucoup de fierté.
07:17Vous écrivez que si par un coup de baguette magique, un sorcier avait le pouvoir de vous rendre vos bras, vos mains, vos jambes, vos pieds, vous n'en voudriez pas.
07:25Pourquoi ?
07:27Aujourd'hui, j'ai ce corps-là.
07:30Il m'a permis de réfléchir autrement sur la vie.
07:34Et la vie, c'est des rencontres et c'est uniquement basé sur l'amour.
07:39Et je changerais de vie pour rien au monde.
07:41Je changerais de vie pour rien au monde.
07:43Je suis très très très heureux.