Ce vendredi, la chronique « Pourquoi » de l'émission L'Équipe de Greg était consacrée à « l'Affaire Diarra ». Georges Quirino-Chaves est revenu sur la génèse de l'affaire et les conséquences à l'avenir sur le marché des transferts. A découvrir en vidéo.
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00:00Aujourd'hui on est le 4 octobre 2024, retenez bien cette date, mettez une petite croix sur votre calendrier
00:05parce que c'est peut-être une date qui va rester à tout jamais dans l'histoire de notre football et du marché des transferts.
00:11C'était une journée assez chargée, notamment parce que tout s'est joué ce matin dans cette salle austère du Luxembourg.
00:18Ce que vous voyez c'est la cour de justice de l'Union Européenne.
00:21Il était 10h29 exactement lorsque Alexandre Préchat, le président de la deuxième chambre de cette cour, nous a annoncé une bombe.
00:28Alors on a écouté avec Arthur Girand qui m'aide à préparer cette chronique, je ne vais pas vous le cacher, on n'a rien compris quand on a écouté tout ça.
00:34Du coup on a sagement attendu le communiqué de presse en français pour bien comprendre l'épilogue long d'un litige entre la Sanadiara et la FIFA.
00:44L'arrêté qui est long de 42 pages nous dit « Ceux-ci, des règles de la FIFA relatives aux transferts internationaux de footballeurs professionnels
00:53sont contraires aux droits de l'Union Européenne. Les règles en question sont de nature à entraver la liberté de circulation des footballeurs professionnels
01:01qui voudraient faire évoluer leur activité en allant travailler pour un nouveau club. »
01:05Alors quand on a vu ça, on s'est dit tout de suite qu'il fallait absolument qu'on vous explique aujourd'hui dans cette chronique
01:12pourquoi tout simplement l'affaire Diarra va révolutionner le mercato.
01:16Alors pour bien vous expliquer, il va falloir vraiment nous prendre par l'avant, expliquer comme un enfant.
01:20C'est quoi l'affaire Diarra tout d'abord ?
01:22Alors on connaît tous ici la Sanadiara, ancien joueur de l'OM et du Paris Saint-Germain, internationale français, 34 sélections.
01:28Vous connaissez peut-être moins, vous qui nous regardez, son litige avec un club russe.
01:32Regardez, on est en août 2014, la Sanadiara est au locomotive Moscou depuis un an.
01:37Il lui reste trois ans de contrat mais son club n'est pas content de ses performances, il ne joue plus.
01:43Les dirigeants russes souhaitent même baisser son salaire, ce qui est quand même un truc assez rare.
01:49Diarra signale son désaccord et il souhaite même partir et pourquoi pas par exemple aller en Belgique
01:58parce que des clubs comme le Sporting Charleroi se manifestent.
02:00Mais le locomotive estime que Diarra veut arrêter son contrat sans juste cause et réclame 20 millions d'euros.
02:05La FIFA dit qu'un joueur sous contrat ne peut pas partir sans l'aval du club.
02:08Cette situation refroidit le Sporting Charleroi.
02:10Les Belges ne souhaitent pas, comme le prévoit la FIFA, d'être impliqués dans cette indemnité de 20 millions d'euros.
02:14Ils s'exposent en plus à des sanctions sportives qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction de recrutement.
02:18Diarra se retrouve sans club et sans salaire.
02:20Il ne s'engagera qu'un an plus tard à l'OM après avoir payé finalement une indemnité réduite à 10,5 millions d'euros.
02:28Ce qui régit les transferts et met un peu les menottes à Diarra dans cette situation, c'est ça que je vous remontre.
02:36C'est le règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA.
02:40C'est un truc un peu aride, un peu plus de 150 pages.
02:42Vous avez tout lu.
02:44Non, non, sérieux, on n'est pas sérieux.
02:46C'est un règlement injuste pour les joueurs, selon Diarra, qui attaque l'instance internationale.
02:50L'arrêté du jour, en saffeur, signifie tout simplement que ce qui régissait les transferts depuis un petit moment n'est plus valable.
03:00Le système des transferts est complètement remis à plat.
03:02C'est ce que nous ont expliqué ces avocats, Jean-Louis Dupont et Martin Hissel, que l'on a contacté ce matin.
03:08Les règles FIFA, qui sont au cœur du système des transferts, sont nulles et non avenues.
03:15Parce qu'elles violent la libre circulation des travailleurs, mais également la libre concurrence.
03:21Ce qui va permettre aux véritables acteurs, les associations de joueurs, les associations de clubs,
03:28de mettre en place une gouvernance moderne et démocratique.
03:32La convention collective.
03:34Bien sûr, dans les jours qui viennent, on va entendre beaucoup de gens qui vont dire
03:38« Mais qu'est-ce qu'on va faire, le club ? Qu'est-ce qu'on va faire si on ne peut plus vendre des joueurs ? »
03:41Vous ferez mieux, vous ferez plus juste, vous ferez plus efficace.
03:46Mais ça, il va falloir l'écrire.
03:48Il va falloir l'écrire et se mettre surtout autour de la table avec la FIFA,
03:52notamment, qui a réagi aujourd'hui dans un communiqué.
03:54Alors évidemment, il ne parle pas de défaite, vous l'imaginez.
03:57C'est dit le pied du communiqué, c'est « La FIFA analysera la décision en coordination avec d'autres parties prenantes »
04:01avant de faire d'autres commentaires.
04:03Donc on est quand même visiblement assez d'accord pour un tour de table,
04:06pour une nouvelle convention collective des transferts.
04:08En tout cas, c'est ce que souhaite la FIFPro, qui est le syndicat des joueurs,
04:11qui a porté ce combat.
04:13David Terrier est le président de la FIFPro Europe.
04:16Lui, il pense tout simplement que l'on vit, c'est ce qu'il nous a dit, une révolution.
04:20Les transferts sont finis.
04:21Ça, c'est définitivement terminé.
04:23La décision, elle est claire.
04:24Elle dit que les transferts, ce n'est plus possible.
04:27Nous devons trouver un nouveau modèle avec les clubs,
04:30avec les représentants des joueurs que nous sommes
04:33et redéfinir un nouveau modèle de système des transferts,
04:37mais qu'on pourra peut-être appeler autrement,
04:40avec un système solidaire où on l'appellera comme on veut.
04:43Ce n'est pas la fin des petits clubs ou des moyens clubs
04:47qui ne pourront plus vendre des joueurs, bien au contraire.
04:49Mais nous devons travailler ensemble pour trouver des solutions.
04:52Les mots sont forts quand même.
04:54David Terrier, c'est quelqu'un d'important.
04:55Quand il dit les transferts, c'est fini.
04:57Il faut l'écouter, donc il faut travailler avec tout le monde visiblement,
04:59tous les acteurs sociaux, pour fixer un nouveau système des transferts.
05:03Les championnats européens ont réagi aujourd'hui.
05:05Ils se sont réunis dans un syndicat où il n'y a pas la Liga seulement.
05:08Cette décision aura un impact majeur sur l'avenir du marché du travail de football.
05:11L'inclusion des représentants des ligues et des syndicats de joueurs
05:14devant la gouvernance internationale devient désormais juridiquement essentielle.
05:17Quand on voit leur réaction, on voit bien que c'est important
05:19pour tous les championnats désormais.
05:21Joël Gébril qui s'inquiète.
05:23Les transferts, c'est terminé et tout.
05:24Concrètement, ça change quoi ?
05:26On a posé la question à quelqu'un qui a un peu plus de connaissances que nous.
05:30C'est Pierre Rondeau qui est économiste du sport.
05:33Ce qui change déjà avant de fixer un nouveau cadre,
05:36c'est le statut du footballeur qui va évoluer.
05:39Les joueurs étaient des actifs financiers.
05:41En tout cas, ils étaient comparables à des actifs financiers.
05:43Effectivement, avec cet arrêté, ils reprennent, entre guillemets, le pouvoir.
05:48Ils retrouvent une forme d'humanité.
05:51Ils deviennent des salariés à part entière
05:53qui ne peuvent pas être valorisés, valorisables par des clubs,
05:56qui ne sont pas vendus comme des produits financiers
05:58ou comme des biens meubles, comme des biens immobiliers.
06:02Ils sont des salariés.
06:04Ils peuvent librement rompre leur contrat
06:06sans que le club propriétaire puisse récupérer une indemnité de transfert très importante.
06:11Le football va changer, mais il va véritablement changer.
06:14Le football, il va changer.
06:16Ça veut dire que les footballeurs vont devenir comme vous et moi et vous qui nous regardez.
06:20C'est-à-dire que s'ils ont un CDD et qu'ils rompent leur contrat,
06:23ils vont dépendre désormais du cadre juridique national du pays où ils sont
06:26et non pas d'une instance juridique en Suisse
06:29qui décide d'être au-dessus de toutes les lois de l'Europe.
06:32Alors, on a échangé avec Bruno Satin.
06:34Il est agent de joueurs, donc lui, il est vraiment dans le business
06:37qui va certainement évoluer.
06:39Lui, il est plutôt méfiant, vous allez voir.
06:41Il s'interroge surtout sur l'impact que cela peut avoir sur l'industrie.
06:44Nous, Français, Club Français,
06:48on vit quand même, pas essentiellement,
06:51mais enfin majoritairement des transferts vers l'extérieur.
06:56Si demain, il n'y a plus de transferts,
06:58il va falloir totalement se réinventer
07:01et dès qu'il va y avoir un gamin qui a un tant soit peu de talent,
07:06il partira ailleurs.
07:08Donc, le danger, c'est encore de renforcer les plus forts
07:12et ceux qui ont le plus de moyens au détriment des plus petits.
07:16Donc ça, on le saura quand tous les acteurs du football
07:19seront réunis pour fixer un nouveau cadre des transferts,
07:21donc une nouvelle convention collective,
07:23comme le souhaite, je vous le disais, le syndicat des joueurs.
07:25On parle de séisme, on l'a entendu, de révolution,
07:28même du niveau de l'arrêt Bosman.
07:30Ça va vraiment révolutionner le marché des transferts, oui ?
07:33Oui, en tout cas, c'est ce qu'il semblait.
07:35Souvenez-vous, effectivement, vous avez parlé de cet arrêt Bosman.
07:37Les plus jeunes, peut-être, ne savent pas.
07:39À chaque fois, ils entendent parler de ça.
07:40Jean-Marc Bosman, qui est un moneste défenseur belge,
07:42que vous voyez à l'image, saisit la justice il y a 29 ans
07:45car son club de Liège l'empêche de signer à Dunkerque.
07:47Son conflit, en fait, va changer la face des effectifs en Europe.
07:51Un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes
07:53sur son litige va permettre, derrière, la libre circulation
07:56des joueurs au sein de l'Union européenne.
07:58Concrètement, l'arrêt Bosman, avant, c'était
08:00les effectifs des clubs européens étaient éliminés à 3 joueurs étrangers
08:03et les clubs pouvaient demander une indemnité
08:05à leurs joueurs en fin de contrat.
08:07C'est quand même un truc fou quand on y pense aujourd'hui.
08:09Aujourd'hui, après l'arrêt Bosman, il n'y a plus de limite
08:11pour les joueurs européens et plus d'indemnités en fin de contrat.
08:14Si, aujourd'hui, vous connaissez ces clubs
08:17avec peut-être que des joueurs étrangers,
08:19vous, les plus jeunes, avant, ce n'était pas possible
08:21d'avoir un joueur comme le Real Madrid
08:22avec, je ne sais pas, parfois, 11 titulaires
08:24qui ne sont pas espagnols.
08:25Même si ça arrive quand même assez rarement.
08:27L'importance de Platini à la juive, à l'époque, c'était très important.
08:30C'est vrai, mais du coup, à l'époque, il y avait une autre valeur
08:32peut-être du joueur étranger, la place qu'il pouvait prendre
08:34dans un effectif.
08:35Alors, figurez-vous que maître Jean-Louis Dupont,
08:37que vous avez entendu tout à l'heure,
08:38c'était l'avocat de Jean-Marc Bosman à l'époque
08:41qui avait obtenu cet arrêté.
08:43Pour lui, ce qui s'est passé aujourd'hui
08:45est plus important encore que ce qui s'est passé
08:47il y a 29 ans.
08:49L'arrêt d'aujourd'hui est sans aucun doute
08:53à une portée bien plus grande que l'arrêt Bosman.
08:57La cour indique que la FIFA n'a pas de mandat public
09:02pour réguler un marché du travail au sein de l'Union européenne.
09:05Là, maintenant, il y a un vide
09:07parce que ces règles ont disparu.
09:10C'est l'effet même de l'arrêt.
09:11Ces règles n'existent plus.
09:13À l'instant où on se parle.
09:15Mais ce vide ne signifie pas le chaos.
09:20Ce vide signifie simplement
09:22que des acteurs plus légitimes
09:25vont devoir réguler ce marché du travail.
09:31Bon, ça va être un bon bazar encore en tout cas
09:33pendant un moment.
09:34On va en débattre, évidemment, nous, dans quelques instants.
09:37Mais là, ça n'a rien à voir dans tout ça.
09:39Oui, parce qu'on parle de lui.
09:40C'est vrai qu'on ne l'a pas entendu.
09:42On ne l'a pas vu forcément.
09:43Ces avocats avec qui on a échangé ce matin,
09:45nous ont dit qu'ils avaient parlé avec lui.
09:46Évidemment, il était question de grandes victoires
09:48pour l'Asana Diara.
09:50Leurs avocats, justement, ces avocats,
09:52ils se souviennent d'une prise de parole
09:54qu'il avait eue au tout début de cette affaire, l'Asana Diara.
09:56Est-ce que ça signifiait pour lui
09:58de partir dans ce litige ?
10:01J'ai eu une carrière.
10:03J'ai bien gagné ma vie.
10:05Et c'est ce qui me permet d'aller au bout de ce combat.
10:07Alors que la plupart des petits joueurs, entre guillemets,
10:11eux, leur combat judiciaire,
10:13il s'arrête avec la sentence du TAS.
10:16Ils ne peuvent pas aller plus loin.
10:18Et donc, je le fais évidemment pour moi,
10:21mais aussi pour tous ceux qui ne peuvent pas le faire.
10:24Voilà. Donc, l'Asana Diara,
10:26comme Jean-Marc Bausman peut-être...
10:28L'arrêt d'Ira.
10:29Il y aura l'arrêt d'Ira.
10:30Il va peut-être devenir, du coup, un nouveau symbole
10:32des droits des footballeurs qui ont été augmentés aujourd'hui.