Ça vous regarde - Nouvelle-Calédonie : l'apaisement est-il possible ?

  • il y a 2 semaines
GRAND DÉBAT / Nouvelle-Calédonie : l'apaisement est-il possible ?

« Le récap » par Marco Paumier

Lors de son discours de politique générale prononcé le mardi 1er octobre 2024, Michel Barnier a annoncé le report des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie et le fait que le texte sur le dégel du corps électoral ne sera pas soumis au Congrès. Ce texte a été l'étincelle qui a déclenché une vague d'émeutes meurtrières, plongeant l'archipel dans une crise multidimensionnelle depuis le 13 mai 2024. Tiraillé entre loyalistes et indépendantistes, le Caillou se déchire sur le plan économique et social. L'économie néo-calédonienne subit des dégâts estimés à plus de 2 milliards d'euros et une perte d'un quart de son Produit Intérieur Brut. Face à ces annonces de Michel Barnier, le député loyaliste de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf, a annoncé voter la censure du gouvernement alors qu'il fait partie du bloc présidentiel. Le Premier ministre sera-t-il forcé de rétropédaler ?

Invités :
- Sonia Backès, Présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie,
- Emmanuel Tjibaou, député « Gauche Démocrate et Républicaine » de Nouvelle-Calédonie,
- Patrick Roger, journaliste, auteur de « Nouvelle-Calédonie, la tragédie » (éditions du Cerf).

GRAND ENTRETIEN / Valérie Abécassis : chronique intime de la tragédie collective du 7 octobre

Né sous la plume de Valérie Abécassis, « Place des otages » est un témoignage glaçant de la tragédie du 7 octobre 2023. La journaliste retranscrit le déluge des feux du Hamas en Israël en esquissant le traumatisme dont souffre la société israélienne depuis cette date. Dès la première ligne, la narratrice donne le ton du récit qui permet au lecteur de se glisser dans la peau d'une mère française vivant à Tel-Aviv : « Ce samedi-là, le monde a chuté ». Elle résume les faits : « l'hébétude et l'effroi se sont emparés des deux tiers du pays pendant que le dernier tiers, au sud, était démoli par l'attaque surprise la plus barbare que le peuple juif ait connue en Israël au cours de son histoire récente. ». Tout au long de son ouvrage, Valérie Abécassis se confronte à une difficulté majeure : comment décrire l'impensable ?

Grande invitée : Valérie Abécassis, journaliste, auteur de « Place des otages » (éditions du Cerf),

LA QUESTION QUI FÂCHE / Gabriel Attal et Gérald Darmanin sont-ils les « ennemis de l'intérieur » ?

- Jean-Baptiste Daoulas, journaliste politique à « Libération »,
- David Revault d'Allonnes, rédacteur en chef de la revue « L'hémicycle »,
- Stéphanie Dépierre, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00Générique
00:05Bonsoir et bienvenue.
00:07Je suis très heureuse de vous retrouver
00:09dans Savourgarde, ce soir.
00:11Le dossier ultra sensible de la Nouvelle-Calédonie.
00:14On croyait la réforme du corps électoral abandonnée
00:17depuis le discours de politique générale
00:20à l'Assemblée de Michel Barnier.
00:22Hier, au Sénat, le Premier ministre s'est montré plus flou.
00:25L'archipel est depuis des mois plongé
00:27dans une grave crise sécuritaire, économique, sociale.
00:30Comment en sortir ?
00:32C'est notre grand débat ce soir.
00:347 octobre, un an après.
00:37Notre invitée ce soir nous livre un témoignage personnel
00:41sur la société israélienne depuis les massacres du Hamas.
00:45Elle raconte l'horreur, la peur, mais aussi l'espoir.
00:49Journaliste française à Tel Aviv,
00:51elle signe place des otages aux éditions du CERF.
00:54Valérie Abékassis sera avec nous
00:57dans la 2e partie.
00:58La question qui fâche ce soir,
01:00Attal, Darmanin, meilleurs ennemis de Michel Barnier.
01:04Le malaise grandit entre le Premier ministre
01:06et ses alliés macronistes, notamment sur le budget.
01:10Tire croisée à la fin de cette émission
01:12avec nos chroniqueurs.
01:13Voilà pour le sommaire.
01:15Vous savez tout, ça vous regarde. Top générique.
01:27Pouf.
01:29Assiste-t-on à une lutte d'influence
01:31entre Matignon et l'Elysée
01:33sur le dossier inflammable de la Nouvelle-Calédonie ?
01:36Les annonces du Premier ministre
01:38ont manifestement déplu au président de la République.
01:41On va essayer d'y voir plus clair ce soir.
01:43Les versions des discours de politique générale
01:46prononcées à l'Assemblée puis au Sénat divergent.
01:49Est-ce qu'une nouvelle méthode
01:51entre l'exécutif et l'archipel est-elle encore possible
01:54pour sortir de la crise calédonienne ?
01:56Bonsoir, Emmanuel Tchibaou.
01:58Bonsoir à vous.
01:59Merci d'être avec nous ce soir.
02:01Vous êtes député indépendantiste de Nouvelle-Calédonie.
02:04Vous siégez à l'Assemblée au sein du groupe gauche démocrate
02:08et républicaine. Vous êtes le fils de Jean-Marie Tchibaou,
02:11la grande figure historique de l'histoire du caillou,
02:15à la fois artisan des accords de Nouméa, et j'en passe.
02:20Bonsoir, Sonia Dacques.
02:21De Matignon.
02:22Pardonnez-moi.
02:23Vous êtes la présidente de la province sud
02:26de la Nouvelle-Calédonie.
02:27Vous êtes aussi ancienne secrétaire d'Etat à la Citoyenneté.
02:30Bonsoir, Patrick Roger.
02:32On a besoin de votre éclairage ce soir
02:34sur ces processus de négociation sur la crise dans l'archipel.
02:39Vous êtes journaliste des années pour le journal Le Monde
02:42et vous signez Nouvelle-Calédonie, la tragédie.
02:45C'est aux éditions du CERF.
02:47Avant de vous donner la parole,
02:48le récap de ces dernières heures sur le dossier,
02:51Marco Pommier, qu'on accueille tout de suite.
02:54Musique rythmée
02:57...
03:03Bonsoir, mon cher Marco.
03:04Bonsoir, Myriam.
03:05Ce soir, vous revenez sur une annonce
03:07qui en a surpris plus d'un.
03:09Oui, mardi, à la tribune de l'Assemblée,
03:11Michel Barnier a pris soin d'avoir, je cite,
03:14un mot particulier pour la Nouvelle-Calédonie
03:17avec, vous le disiez, une annonce porte.
03:20Le projet de loi constitutionnel
03:22sur le dégel du corps électoral,
03:24adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires,
03:27ne sera pas soumis au Congrès,
03:29comme le confirmera le président de la République,
03:32dont j'ai lu, de Nouvelle-Calédonie,
03:35comme il a l'intention de le faire,
03:39en les réunissant au mois de novembre.
03:42Annonce saluée sur les bancs de la gauche,
03:44alors, cette réforme constitutionnelle,
03:47de quoi parle-t-on, Myriam ?
03:48On rembobine l'histoire.
03:50Pour rappel, il s'agit d'élargir le corps électoral,
03:53le dégeler, en clair, donner le droit de vote
03:57pour les prochaines élections provinciales
03:59aux résidents qui vivent sur l'archipel
04:01depuis au moins dix ans.
04:03Oui, mais voilà, cette réforme,
04:05c'est le point de départ d'une insurrection.
04:07En mai dernier, le caillou, vous le voyez,
04:10connaît ses pires émeutes depuis 40 ans.
04:13État d'urgence, 13 morts,
04:15dont deux gendarmes, plus de 2 milliards d'euros
04:18de dégâts. Pourquoi ?
04:19Parce que cette réforme est vécue
04:21comme un coup de force par les indépendantistes.
04:24Le peuple autochtone kanak a peur d'être marginalisé
04:27dans les urnes.
04:28Alors, Michel Barnier a-t-il donné raison
04:31aux indépendantistes ?
04:32L'élu loyaliste Nicolas Metzdorff, lui, était en colère.
04:36Vous pensez que ça apaise les Calédoniens
04:38de leur dire que vous n'aurez pas le droit de vote
04:41malgré les quatre mois de mobilisation ?
04:43Vous vous êtes fait attaquer
04:45pour que le droit de vote soit retiré.
04:47On vous a brûlé vos maisons, vos entreprises.
04:49Vous avez tenu bon pour obtenir ce droit de vote
04:52et on le retire ou on le fait pas
04:54et on donne raison à ceux qui cassent et brûlent.
04:56On sait que ça apaise.
04:58Cet élu loyaliste de Nouvelle-Calédonie
05:00a une nouvelle raison d'être en colère ce soir.
05:03Oui, pour une différence de traitement.
05:05C'était mercredi à l'Assemblée.
05:07Pendant la séance de questions au gouvernement,
05:10deux députés interpellent le Premier ministre
05:12sur la Nouvelle-Calédonie.
05:14Première question posée par Nicolas Metzdorff.
05:17Écoutez bien qui lui répond.
05:19La parole est à M. François-Noël Buffet,
05:22ministre en charge des Outre-mer.
05:24Deuxième question posée par vous, Emmanuelle Thibault.
05:28Et qui vous répond ?
05:30La parole est à M. le Premier ministre.
05:33Applaudissements
05:35Autrement dit, le Premier ministre
05:37prend le temps de répondre à un indépendantiste,
05:40mais pas à un loyaliste.
05:42Il n'en fallait pas moins pour que la polémique éclate.
05:44C'est, on va dire, une fâcherie de forme.
05:47Est-ce qu'on peut dire quand même
05:49que, ce soir, cette réforme,
05:51si contestée du corps électoral, est abandonnée ?
05:54Non, Myriam. Oubliez tout ce que je viens de vous dire.
05:57Ou presque.
05:59Car hier, juste après sa déclaration,
06:01juste après les questions au gouvernement,
06:03Michel Barnier a pris la direction du Sénat
06:06pour faire sa déclaration de politique générale.
06:09La V2 était un peu différente.
06:12Outre les sujets économiques et sociaux du territoire
06:15que je viens d'évoquer,
06:16devront être abordés l'organisation
06:18et les compétences des pouvoirs locaux,
06:21la composition du corps électoral
06:23et son élargissement
06:25pour les prochaines élections provinciales.
06:27Vous l'avez entendu,
06:29le Premier ministre se contente de parler
06:31de composition du corps électoral et de son élargissement.
06:34C'est tout. Myriam, c'est un peu confus.
06:37Cette réforme constitutionnelle est-elle abandonnée, suspendue ?
06:41Peut-être que ce débat vous aidera à y voir plus clair.
06:44Je l'espère. Merci, Marco Pommier.
06:46Emmanuel Chibahou, première question.
06:48Que savez-vous ?
06:49Est-ce que cette réforme électorale est abandonnée ?
06:52J'imagine que vous avez dû faire marcher vos réseaux,
06:56peut-être appeler Matignon ou même l'Elysée.
06:58Est-ce qu'on peut dire que ce dégel du corps électoral
07:02est purement et simplement enterré ?
07:06Alors...
07:07Déjà, merci de l'invitation.
07:09Je vous en prie.
07:11Comment...
07:12Sur le projet de réforme constitutionnelle,
07:15ce qui a été dit,
07:16c'est qu'il ne serait pas soumis au Congrès de Versailles.
07:20Donc enterré.
07:21Pardon ?
07:22Donc abandonné.
07:24Abandonné, c'est...
07:26C'est vous qui utilisez ce terme.
07:28Moi, je reprends juste les termes de M. Barnier.
07:32Euh...
07:33S'il n'y a pas de Congrès, il n'y a pas de réforme.
07:36Vous me l'accordez ?
07:37Je sais pas. Moi, je peux pas parler à la place des gens.
07:40Faites clair.
07:41Oui.
07:42Non, mais c'est factuel, ce que je dis.
07:45Après, à partir du moment où il y a un report
07:47des élections provinciales, on est obligé de réfléchir
07:51à dans quelle mesure ceux qui vont se prononcer
07:53pour les élections provinciales
07:55vont être consultés.
07:57Donc ça nécessite, d'une manière ou d'une autre...
08:00Bien sûr.
08:02...un travail sur les listes électorales.
08:04Sur la composition du corps électoral.
08:06Je pense que c'est l'explication du texte
08:08qui a été donné dans la version...
08:11Deux. Au Sénat.
08:13Voilà, au Sénat.
08:14C'est parce que ces élections vont se tenir
08:16qu'il faudra définir les contours
08:19de qui pourra voter à ces élections.
08:22J'essaye de suivre. Je ne suis pas spécialiste.
08:24Non, mais c'est bien expliqué que c'est aussi
08:27du fait des contraintes juridiques
08:30qui sont rattachées au calendrier
08:32dans lequel on est placé aujourd'hui.
08:34On nous a dit, voilà, 15 décembre,
08:36après ça, on est obligé de reporter.
08:38Les délais, aujourd'hui, étant ce qu'ils sont,
08:41la nécessité de reporter implique nécessairement
08:44qu'on travaille sur...
08:45C'est la deuxième annonce.
08:46Les élections locales, provinciales,
08:49sont reportées à l'année prochaine.
08:51Celle-là n'est pas remise en cause.
08:53Sonia Bakhez, vous êtes devant debout,
08:55depuis le discours à l'Assemblée.
08:57On va prendre cette version-là.
08:59Michel Barnier a quand même dit,
09:00si je suis vos informations,
09:02qu'il n'y aura pas de congrès.
09:04En fait, concrètement, tout le monde sait aujourd'hui,
09:07parce que ça a été dit par le Conseil d'Etat
09:09en décembre 2023, que le corps électoral actuel,
09:12parce qu'il génère des, je cite,
09:14des inégalités graves, ne peut plus être maintenu.
09:17Tout le monde sait,
09:18et c'est la précision apportée au Sénat par le Premier ministre,
09:21qu'il faudra un élargissement du corps électoral.
09:24Vous avez des citoyens en Nouvelle-Calédonie
09:26qui sont venus...
09:28Si je peux me permettre
09:29d'expliquer, c'est simple.
09:31On a 25 000 personnes qui étaient susceptibles d'être inscrites.
09:34Sur ces 25 000 personnes,
09:36il y avait 13 000 personnes nées en Nouvelle-Calédonie,
09:39donc on parle pas de gens qui viennent d'arriver, etc.,
09:42et encore, sur ce qui reste,
09:44on en a la moitié de ce qui reste,
09:46qui sont des conjoints de citoyens calédoniens.
09:48Ce sont clairement des gens installés.
09:50On n'est pas en train de parler d'une arrivée massive
09:53de nouvelles personnes qui voudraient voter.
09:56Donc, l'élargissement, il est juridiquement inévitable,
09:59sans doute politiquement inévitable.
10:01La question, c'est sous quelle forme,
10:03et c'est le débat.
10:04Le congrès...
10:05Le Sénat et l'Assemblée s'étaient prononcés
10:08sur un corps électoral glissant à 10 ans.
10:11Si c'était présenté au congrès de Versailles en l'Etat,
10:14ce serait ça.
10:15S'il y a des discussions qui mènent à un accord
10:17sur un élargissement sous une autre forme,
10:20ce sera un autre texte.
10:21On a l'impression qu'il y a une lutte d'influence
10:24entre Matignon et l'Elysée.
10:26Est-ce que c'est vrai que Michel Barnier
10:28a mis le président de la République sur le fait accompli ?
10:31Il ne l'a pas prévenu, de cette annonce à l'Assemblée ?
10:36Sincèrement, je crois qu'il faut être raisonnable,
10:39ne pas mettre de la polémique là où il n'y en a pas.
10:42Nous, on ne met aucune polémique.
10:44Là, on essaie juste de comprendre.
10:47Compris entre l'explication de Michel Barnier
10:51à l'Assemblée nationale
10:53et son explication, le lendemain, au Sénat,
10:57il n'y a pas de contradiction de fait,
11:00de fait.
11:01Le projet de loi constitutionnel
11:04est abandonné, de fait.
11:06Parce qu'entre-temps,
11:09il y a eu une dissolution de l'Assemblée nationale,
11:12le projet de loi avait été voté dans un premier temps
11:17à l'Assemblée nationale et au Sénat,
11:19mais si maintenant, on convoquait de nouveau un congrès,
11:23ce ne seraient pas les mêmes qui avaient voté le texte
11:27en première lecture à l'Assemblée
11:30et qui se prononceraient pour confirmer leur vote au congrès.
11:35Puisqu'il y a eu une partie des députés...
11:37Donc, voilà, le projet de loi constitutionnel est caduque.
11:42Et Michel Barnier dit bien
11:45que c'est en accord avec le président de la République
11:50que le texte ne sera pas soumis au congrès.
11:52On ne va pas s'étendre sur ces versions qui divergent.
11:56Il n'y a pas de contradiction.
11:57C'est ce projet de loi qui met le feu aux poudres.
12:00Vous êtes d'accord avec moi ?
12:02Les braises étaient attisées depuis très longtemps.
12:05Le projet de loi constitutionnel a servi de déclencheur,
12:11mais le feu couvait depuis...
12:15Ce feu qui couvait, pour bien comprendre,
12:17c'est un feu politique, c'est une révolte politique,
12:20pour des raisons aussi de processus de décolonisation en cours
12:25et de négociation avec l'Etat, qui doit rester impartial,
12:28où c'est un feu plus large,
12:30c'est-à-dire économique, social, pouvoir d'achat.
12:33Il y a d'autres sujets que le politique,
12:35mais on a l'impression, vu de la métropole,
12:38que c'est vraiment une révolte politique.
12:40Vous êtes d'accord avec cette analyse ?
12:45C'est une révolte politique, pour reprendre...
12:48Je vous pose la question.
12:50Pour reprendre au terme,
12:51dans la mesure où les responsables politiques
12:59de Nouvelle-Caïdonie,
13:01qu'ils soient indépendantistes ou non indépendantistes,
13:05depuis la sortie de l'accord de Nouméa,
13:11les référendums qui se sont prononcés
13:13sur le maintien ou non de la Nouvelle-Caïdonie...
13:16-"1998".
13:17Non, mais les référendums 2018, 2019...
13:20Le dernier référendum, pendant la crise Covid.
13:23-...sur l'accession de la Nouvelle-Caïdonie
13:27à la pleine souveraineté.
13:32Les responsables politiques locaux,
13:37je le dis devant Sonia Baques,
13:39qui est présidente de la province Sud,
13:42chef de file des loyalistes,
13:45n'ont pas su assumer leur responsabilité,
13:51n'ont pas su déboucher sur un accord global,
13:57une perspective de sortie de l'accord de Nouméa.
14:02J'ajoute juste une chose,
14:05c'est que dans cette révolte,
14:07il y a aussi,
14:09et aussi, bien évidemment,
14:12du côté indépendantiste,
14:15une sorte de remise en cause
14:19de discrédit des responsables politiques,
14:22hein, y compris du côté indépendantiste.
14:26Aujourd'hui, ceux qui représentent,
14:29et c'est ça qui va être l'enjeu principal des mois à venir,
14:32aujourd'hui, ceux qui sont les responsables,
14:35les élus politiques indépendantistes
14:39et non indépendantistes sont remis en cause
14:42par une grande partie de la population,
14:45y compris par la jeunesse indépendantiste.
14:48C'est ça qui se joue aussi dans les mois à venir.
14:51Vous avez entendu Nicolas Metzdorf,
14:54qui siège également à l'Assemblée nationale,
14:57et qui dit que le Premier ministre a cédé aux violences.
15:01Qu'est-ce que vous lui répondez ?
15:03Je n'ai pas à lui répondre.
15:05J'imagine que vous êtes d'accord avec lui, Mme Baques.
15:08Non, mais je suis très surprise de ce qui est dit.
15:11Ici, on a été attaqué, le 13 mai dernier,
15:15avec, exclusivement, pendant les quatre premières semaines,
15:19des insultes à caractère raciste,
15:21en nous demandant de rentrer chez nous,
15:23alors que nous sommes chez nous, nés en Nouvelle-Calédonie,
15:27pour la plupart de plusieurs générations.
15:29C'est évidemment un conflit politique.
15:31C'est évidemment, et ça a été dit par Patrick Roger tout à l'heure,
15:35il y a des déclarations qui ont mis le feu aux poudres.
15:38Il fait partie de l'union caédonienne,
15:40avec Emmanuel Chibahou, président du Congrès.
15:43On a atteint notre quota de Blancs en Nouvelle-Calédonie.
15:46On vous reproche aussi d'avoir beaucoup jeté du feu.
15:49Je n'ai jamais tenu des propos racistes.
15:51En tout cas, il y a des propos considérés comme incendiaires.
15:55Donnez-moi lesquels.
15:56Le 14 juillet dernier, je vais mettre mes lunettes,
15:59parce que je ne vais pas me retrouver dans mes notes,
16:02mais je crois que vous avez dit que le monde canaque
16:05et le monde occidental ne partageaient pas les mêmes valeurs,
16:08que malgré 170 ans de vie commune,
16:10les antagonismes étaient indépassables,
16:13qu'il s'agisse de leur manière de vivre en société,
16:15de leur système politique, féodal pour les uns, démocratique pour les autres.
16:19La réalité, quand on connaît le système caédonien,
16:22le système coutumier est un système féodal.
16:25C'est-à-dire que, concrètement,
16:27quand on est, du verbe naître, chef, on meurt chef,
16:29quand on est sujet, on meurt sujet.
16:31C'est pas la société dans laquelle je veux vivre.
16:34Je souhaite vivre dans une société démocratique
16:37qui valorise le mérite, le travail,
16:39parce que c'est comme ça que la République m'a construite.
16:42Je ne suis pas en train de dire...
16:44C'est pas des propos racistes que dire que nous sommes différents.
16:48Accepter nos différences, c'est au contraire
16:50régler les problèmes de la Nouvelle-Caédonie.
16:53C'est respecter les Mélanésiens.
16:55Vous voulez tous les deux sur ce plateau.
16:57Vous vous êtes beaucoup opposées.
16:59Je pense qu'il faut juste dire
17:01que ce qui est arrivé est un conflit politique,
17:03qu'il y a des propos extrêmement violents et racistes
17:06qui ont été tenus et que ça n'a sans doute pas aidé.
17:09Effectivement.
17:10Qu'est-ce que vous répondez à Sonia Bakesse ?
17:13Vous suggérez une forme de racisme anti-blanc,
17:15c'est ce que vous dites.
17:17Je le suggère. Vous avez passé des images.
17:19On s'est fait traiter de sale blanc pendant plusieurs semaines.
17:22Qu'est-ce que vous répondez ?
17:24Je sais pas. Je dirais que c'est assez primaire
17:27de résumer un conflit politique à un conflit ethnique.
17:32De dire que la société kanak est féodale...
17:35Je sais pas, peut-être Mme Bakesse a des informations dessus.
17:40On n'est pas dans un système de caste.
17:43Ça n'a rien à voir avec la féodalité, le moyen-âge.
17:47Vous vous êtes sentie insultée ?
17:49Pas du tout. Je pense que c'est de la méconnaissance.
17:52C'est de la méconnaissance. J'accepte la méconnaissance.
17:56C'est pas un mal en soi, mais ça veut bien dire
17:58que dans notre pays,
18:00il y a une méconnaissance de la société kanak,
18:03société millénaire,
18:04et qu'aujourd'hui,
18:06d'identifier le fait que l'impasse
18:11nous oblige à dissocier les indépendantistes d'un côté
18:15et les loyalistes de l'autre...
18:18D'ailleurs, d'où viennent les violences ?
18:20Vous les condamnez.
18:21Oui, j'ai toujours condamné.
18:23Il n'y a aucune motion politique des indépendantistes
18:26qui a fait valoir les argumentaires politiques
18:29par la violence.
18:30On va essayer d'avancer sur ce processus de négociation.
18:34Est-ce qu'il est encore en cours ?
18:36Déjà, sur ces derniers mois,
18:38le président de la République, Patrick Roger,
18:40s'est rendu sur place, rapidement, mais il a fait le voyage.
18:44Est-ce que l'Etat a manqué d'impartialité
18:47dans ce dossier ?
18:48Est-ce que depuis qu'Edouard Philippe ne gère plus,
18:51quand il était Premier ministre, le dossier revient de droit,
18:55c'est historique, à Matignon,
18:57il y a eu un problème d'absence de neutralité ?
19:00C'est vraiment ce qu'on retrouve dans les papiers
19:03quand on lit.
19:04On a l'impression qu'il y a eu un problème
19:07même de gestion du dossier par l'Etat.
19:11Il y a un effet incontestable.
19:15Le 13 mai est là pour...
19:19Pour nous le rappeler.
19:21Oui, la méthode mise en oeuvre
19:25depuis 2017
19:29par Emmanuel Macron,
19:31bien qu'il s'en soit réellement emparé
19:34du sujet de la Nouvelle-Calédonie,
19:37mais la méthode a échoué,
19:40hein, pour diverses raisons.
19:44Bon, je m'excuse de le dire devant Sonia Bakker,
19:48qui est...
19:49Pour l'instant, c'est très apaisé.
19:52...qui est ici aussi ce soir,
19:55mais c'est évident que la nomination
19:59de Sonia Bakker...
20:00Au gouvernement ?
20:01Au gouvernement.
20:03Bon, auprès de Gérald Darmanin,
20:07ministre intérieur,
20:09qui a fait que, dans les négociations,
20:13elle était à la fois présidente de la province sud,
20:18chef de file des loyalistes,
20:21et secrétaire d'Etat au gouvernement,
20:24il y avait une sorte de mélange des genres,
20:27de confusion, qui a renforcé
20:31l'idée que l'Etat, le gouvernement...
20:33On va laisser Mme Bakker répondre là-dessus,
20:36parce que vous ne découvrez pas cette critique.
20:39La méthode, en fait, elle est viciée,
20:41parce que vous étiez à la fois juge de parti
20:44et au plus près du ministre de l'Intérieur
20:46qui a écrit le dossier Gérald Darmanin.
20:48Vous l'entendez, ça, avec le recul ?
20:51Je l'ai déjà entendu, mais ce qui est surprenant...
20:54Au sens comprenez, je veux dire.
20:55Ce qui est surprenant, c'est que les trois référendums
20:59ont fait qu'il n'y avait plus
21:00d'indépendantistes, non-indépendantistes.
21:03Le sujet était différent, il était de trouver un nouveau statut.
21:07On a voté trois fois pour rester français.
21:09La démocratie a parlé.
21:10Le dernier référendum...
21:12Ils ont décidé de le boycotter,
21:14donc c'est leur choix.
21:15On ne peut pas contester une élection.
21:17Il faut bien, à un moment donné,
21:19se donner les moyens d'avoir des processus institutionnels,
21:23démocratiques, partagés.
21:24Il y avait le Covid, ce référendum...
21:26Il n'y avait pas de Covid en Nouvelle-Calédonie.
21:29Je ne sais pas si vous savez comment ça s'est passé.
21:32On avait des frontières étanches,
21:34donc il n'y avait pas de Covid en Nouvelle-Calédonie.
21:37On avait un taux d'incidence inférieur à 50.
21:39Je ne sais pas si vous vous rappelez des chiffres.
21:42La réalité, c'est qu'on pouvait parfaitement
21:44faire un référendum.
21:46Les indépendantistes avaient intérêt à le boycotter.
21:49Vous parlez de ma nomination au gouvernement.
21:51La question qui se posait, c'est est-ce qu'une fois
21:54que la Calédonie s'est déterminée sur son avenir,
21:57il ne doit jamais y avoir de Calédonien
21:59représentant la France, en étant membre du gouvernement ?
22:02Moi, je crois que la Calédonie,
22:04parce qu'elle a décidé de rester française,
22:06pouvait avoir un membre du gouvernement.
22:09Que ce soit moi ou un indépendantiste,
22:11peu importe, mais la Nouvelle-Calédonie
22:13était en Nouvelle-Calédonie.
22:15Comme la société est complètement divisée,
22:17il faisait partie d'un camp. C'était forcément mon cas.
22:20Mais j'ai jamais, dans le cadre de mes fonctions au gouvernement,
22:24mélangé ou parlé de la Nouvelle-Calédonie.
22:26Jamais. Je me suis occupée...
22:28Vous pouvez imaginer qu'on ait pu le croire
22:30et que, d'une certaine façon, ces doubles casquettes
22:33ne soient pas forcément à l'avantage de la négociation.
22:37Je veux bien, mais on ne va pas jeter la pierre
22:39au gouvernement français...
22:41On va avancer dans un instant.
22:42Non, mais juste, Gérald Darmanin a essayé de parler
22:45pendant deux ans et demi avec l'Union calédonienne.
22:48Nous, on a été autour de la table.
22:50Nous, on y a été à chaque réunion.
22:52Gérald Darmanin est venu huit fois,
22:54il a réuni dix fois les élus à Paris.
22:56C'est pas nous qui avons boycotté
22:58le référendum et la discussion.
23:00Nous, on a été là à chaque fois.
23:02Pendant deux ans et demi, ils ont refusé ce débat.
23:05Et à la fin, c'est pas nous qui avons cassé,
23:07c'est les indépendantistes.
23:09...à la crise économique et à la situation dans l'archipel.
23:12Oui, Patrick Rongé ?
23:13Je peux rajouter un mot.
23:16C'est effectivement ce dont je parlais,
23:18cette irresponsabilité, entre guillemets,
23:21ou non prise de responsabilité des élus locaux.
23:25Oui, effectivement, pendant deux ans et demi,
23:28après le troisième référendum,
23:31il y a eu de multiples tentatives de nouer le dialogue,
23:35de mettre tout le monde autour de la table.
23:38Qu'est-ce qui s'est passé ? Pendant deux ans et demi,
23:41jamais l'ensemble des interlocuteurs calédoniens
23:45n'a été capable de se retrouver autour d'une même table,
23:49parce qu'au sein des indépendantistes
23:52comme au sein des non-indépendantistes,
23:55il y a des querelles inextricables
23:58et qui font que les uns ne veulent pas voir les autres,
24:01les uns ne veulent pas s'asseoir avec les autres,
24:04et donc l'incapacité d'aboutir à un accord global
24:07qui aurait peut-être permis d'éviter cette crise.
24:10Ce mot d'accord global, pour les téléspectateurs qui nous regardent,
24:13on veut savoir ce qu'on peut mettre dedans,
24:16jusqu'où l'archipel est dans un statut particulier d'autonomie.
24:20Ca veut dire quoi, accord global, sans forcément passer
24:23dans l'autodétermination et l'indépendance totale,
24:26ou alors avec une date, avec un processus dans le temps,
24:29parce qu'il faut le rappeler, la Nouvelle-Calédonie,
24:32c'est une colonie de peuplement,
24:34et l'ONU dit que c'est un Etat à décoloniser.
24:37Il y a un processus de conciliation ou de concertation
24:40qui est sur la table aujourd'hui.
24:42Vous en faites partie, Emmanuel Kibahou,
24:45il y a Mme Brune Pivet et M. Larcher
24:47pour l'Assemblée et le Sénat qui vont se rendre sur place.
24:50Qu'est-ce que vous attendez
24:52de cette mission de concertation, précisément, aujourd'hui ?
24:56Ce que j'attends, c'est d'abord la méthode,
24:59parce que si on doit reprendre les fils de la discussion,
25:04c'est aussi...
25:07Il y a des démarches qui ont été engagées,
25:09de part et d'autre, par les loyalistes,
25:11par les indépendantistes, par l'Etat.
25:15M. Darmanin est venu huit fois,
25:17il n'a rien amené au bout,
25:19donc c'est le signe que sa méthode n'était pas bonne.
25:22Donc à partir de là...
25:24Pour que le dossier revienne à Matignon,
25:26vous attendez que M. Barnier soit votre interlocuteur.
25:29Là, on a les présidents de l'Assemblée et du Sénat.
25:32C'est une bonne chose, M. Buffet connaît notre dossier.
25:35Le ministre des Outre-mer.
25:36Il était à la Commission des lois.
25:38M. Larcher connaît notre dossier aussi.
25:41Je pense que Mme Buffet a fait plusieurs...
25:44Mme Brandepivé a fait plusieurs visites chez nous.
25:47Ca nécessite aussi des clarifications.
25:49Je veux dire, quand on parle de dire
25:52qu'il y a eu 50 morts en Nouvelle-Calédonie
25:55pour le Covid, c'est pas vrai.
25:57C'est pas vrai.
25:58Le taux d'incidence était inférieur à 50.
26:02Quand on dit que les indépendantistes
26:04ont fait la politique de la chaise vide,
26:07on décide pas de boycotter les discussions
26:09avec le gouvernement.
26:11C'est le cadre dans lequel les discussions se posent,
26:14qui sont remises en question.
26:15C'est pour ça que je dis que ça revient à...
26:18Est-ce que vous êtes confiant ou vous avez perdu tout espoir ?
26:21Là, on va pas se tourner vers le passé.
26:25On essaye de réfléchir à ce qui peut advenir demain.
26:28L'avenir, il s'écrit aussi du fait de la connaissance
26:31et de la maîtrise du passé.
26:33Quand je vois que Mme Bakkes parle de la société canaque
26:36en la qualifiant de féodale, c'est bien le signe
26:39qu'il y a quand même une incompréhension.
26:42C'est là où on se dit, finalement,
26:45il y a nécessité de reposer un cadre qui est nécessaire.
26:49On essaye de se projeter vers l'avenir.
26:52Où allez-vous ?
26:53Vous y participerez déjà, Mme Bakkes,
26:55à cette mission de concertation ?
26:57C'est une question essentielle que vous posez.
27:00On y participera.
27:01Aujourd'hui, le FLNKS a voté une motion
27:05pour dire...
27:06-"Mouvement indépendantiste canaque".
27:09-...qui regroupe l'ensemble des mouvements indépendantistes,
27:12a voté une motion disant qu'ils ne veulent plus parler avec nous,
27:16ils ne veulent parler qu'avec l'Etat.
27:18Donc, déjà, c'est un premier préalable
27:20qui rend difficile la recherche d'un accord global,
27:23à part considérer qu'on n'a pas notre place dans la discussion,
27:27et aujourd'hui, nous, comme depuis deux ans et demi,
27:29nous serons autour de la table,
27:31nous avons fait des propositions extrêmement avancées
27:34en termes d'autonomie, en termes de travail de fond
27:37sur les revendications des indépendantistes.
27:40On n'a pas eu ça en face,
27:41parce qu'à chaque fois, on n'a pas d'interlocuteur.
27:44Pardon, si vous me permettez...
27:46Je vous en prie, allez-y.
27:47Sur la question du caractère féodal,
27:49j'aurais plaisir à en discuter avec Emmanuelle,
27:52mais est-ce qu'on a bien des chefs et des sujets ?
27:55Est-ce que c'est vrai que vous ne voulez parler qu'à l'Etat ?
27:58Vous.
27:59Est-ce qu'il y a une motion qui dit
28:01que vous voulez parler qu'avec l'Etat et pas avec nous ?
28:04Il faut... C'est une motion qui est posée,
28:07parce que le responsable de la colonisation dans ce pays,
28:11si on doit laisser un accord de décolonisation,
28:13c'est l'Etat français.
28:16Oui ou non ?
28:17Oui. On est là, non ?
28:19Donc, à partir du moment où...
28:22Ce n'est pas une manière de botter en touche
28:24en choisissant vos interlocuteurs ?
28:26On ne choisit pas nos interlocuteurs.
28:29Demain, si le président Macron vient,
28:31on discutera avec lui.
28:32Demain, si c'est l'ORN, on discute avec tout le monde.
28:35Vous savez qu'il y a des loyalistes
28:37qui vivent en Nouvelle-Calédonie.
28:39Ils font partie de nous.
28:40Est-ce qu'une sorte de négociation tripartite
28:43entre vous, les loyalistes, et l'Etat, est possible ?
28:46C'est ce que je dis, c'est sur la méthode.
28:48Si l'Etat reprend la main aujourd'hui
28:50les accords politiques ont été signés à trois.
28:53Les représentants des loyalistes, du FLNKS
28:56et l'Etat français.
28:57C'est là où on dit que le responsable
29:00de la colonisation, c'est l'Etat français.
29:02Aujourd'hui, on s'est inscrit
29:04dans un accord de décolonisation.
29:06La fin de l'accord de décolonisation s'est marquée.
29:09L'Etat accompagne la Nouvelle-Calédonie
29:11vers sa pleine émancipation.
29:13Juste une question sur l'accord global.
29:15On sent bien qu'on n'en est qu'au début
29:17d'une éventuelle reprise des négociations.
29:20Qu'est-ce que ça veut dire, Patrick Roger ?
29:22Ca veut dire qu'on peut y mettre jusqu'à quoi, précisément ?
29:25Ca veut dire que, maintenant,
29:28il faut imaginer...
29:31Ca aurait peut-être et même certainement dû être fait
29:34avant, mais il faut imaginer
29:37une sortie de l'accord de Nouméa.
29:40Donc...
29:43Concrètement.
29:44Donc, quelles vont être
29:48les relations entre l'Etat français
29:51et la Nouvelle-Calédonie ?
29:54Quel rapport, quelle relation de partenariat ?
29:58Il y a déjà énormément de compétences
30:02qui ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie.
30:05Un accord global, c'est quoi, précisément,
30:08si c'est pas l'indépendance ?
30:10Je sais pas.
30:11C'est l'organisation interne ?
30:13C'est l'autodétermination ?
30:15C'est l'objet de la discussion,
30:16la question de la citoyenneté,
30:19de l'autodétermination,
30:22de... Voilà, c'est tout.
30:24Et qui...
30:25Un accord global qui inclura,
30:29effectivement, aussi, la question du corps électoral.
30:33C'est une question qui est posée
30:36aux indépendantistes.
30:37C'est parfaitement clair.
30:39Je voudrais qu'on garde un peu de temps
30:41pour parler de la situation économique et sécuritaire.
30:44Peut-être que vous n'êtes pas d'accord
30:46sur les interlocuteurs ou les moyens de reprendre un dialogue,
30:50mais vous serez peut-être d'accord sur l'aide que vous attendez
30:53de l'Etat, parce qu'elle se chiffre en milliards.
30:56Les agressions, les violences, les pillages,
30:59l'économie calédonienne est à genoux
31:01depuis le début des émeutes en mai dernier.
31:03L'archipel reste sous très haute tension,
31:06comme nous le montre ce sujet d'Hélène Bonduelle.
31:08Musique douce
31:11...
31:13Thillaux, bassin économique
31:15qu'autrefois prospère, est devenu un village fantôme.
31:19L'épicerie n'ouvre désormais plus que le matin
31:22et la station-service est quasi à sec.
31:25On n'a plus rien et on est incapables
31:27de pouvoir ravitailler.
31:29Si demain, les ambulances ont besoin,
31:31je ne peux plus rien fournir, je n'ai plus rien.
31:34Le dispensaire a fermé
31:36depuis que les deux médecins sont partis.
31:39Trop dangereux.
31:40Seul le pharmacien résiste,
31:42mais pour combien de temps ?
31:44Si je ferme, c'est simple,
31:45je n'ai rien d'autre ailleurs, je suis retraité clodo.
31:51Tout ce que je possédais, c'était ici, je n'ai rien d'autre.
31:54La mine d'extraction de nickel faisait vivre tout le village,
31:58mais elle a été incendiée, détruite pendant les émeutes,
32:01laissant 450 employés sous-traitants au chômage partiel.
32:06Si la mine ne reprend pas,
32:07j'ai peur qu'il y ait une désertification de la commune.
32:10Les gens vont aller s'acheter ailleurs.
32:13Du travail, parce que c'est l'emploi qui fait vivre une commune.
32:17En réalité, c'est tout l'archipel
32:19qui est confronté à une situation économique catastrophique.
32:23Je vous appelle, c'est Francis de Solidarité RS.
32:26Oui.
32:27C'était pour vous dire qu'on vient avec une poche de denrées alimentaires.
32:32Depuis plusieurs mois,
32:34Francis multiplie les livraisons de produits de première nécessité
32:38dans ce quartier sensible de Nouméa.
32:41Vous couchez du lait ?
32:42Oui, c'est ce que je fais.
32:44Avant, on n'avait pas trop besoin, il y en avait des magasins.
32:47Mais comme la plupart des magasins qui restent,
32:50les prix commencent à monter aussi.
32:52Du coup, c'est un peu difficile.
32:54La banque alimentaire calédonienne
32:56dénombre 30 000 bénéficiaires en situation de précarité.
33:00C'est trois fois plus qu'avant les émeutes.
33:03J'espère que le pire n'est pas ce qui va arriver,
33:05mais je ne souhaite pas que les gens, effectivement,
33:09soient violents pour avoir de la nourriture.
33:12C'est pas le but.
33:13Beaucoup de routes sont encore bloquées tout au long de l'île,
33:16empêchant les ravitaillements.
33:18Après les émeutes sur fond politique,
33:21les autorités craignent à présent des émeutes de la faim.
33:24Emmanuelle Chibahou, ça fait froid dans le dos
33:27de voir à quel point cette belle île
33:31a été attaquée, a été dégradée.
33:34Et on sent vraiment la détresse.
33:37Au Sénat, hier, Michel Barnier a dit
33:39qu'un nouveau soutien économique allait arriver.
33:42Il s'est décidé.
33:43Vous réclamez 4,2 milliards.
33:46Qu'avez-vous obtenu exactement ?
33:49A l'heure d'aujourd'hui,
33:51on a juste des annonces.
33:53On a juste des annonces.
33:54Je suis à la commission des finances avec le député Mesdorff.
33:58On s'est inscrits dans cette commission
34:01aussi pour veiller à ce que les engagements
34:03qui ont été pris dans le discours de politique générale
34:07et les paroles de solidarité
34:09qui ont été formulées par les membres du gouvernement...
34:12Quels sont les engagements sur la reconstruction ?
34:15Il n'y a pas eu que des annonces.
34:17Depuis le mois de mai,
34:18il y a eu des aides d'urgence
34:21qui ont été débloquées par Persille
34:25à hauteur de 400 millions d'euros.
34:27C'est quand même pas...
34:29Ensuite, l'enjeu, c'est effectivement
34:32l'enjeu de la reconstruction...
34:34...des territoires.
34:36Il faut mesurer ce que ça représente.
34:38...qui va s'inscrire dans la durée et qui devrait être peut-être
34:42discutée dans le cadre du projet de loi de finances.
34:45Dans le projet de loi de finances.
34:47Les arbitrages se font au niveau politique.
34:49Sauf que vous connaissez l'état de nos finances publiques.
34:53Faites-vous confiance au gouvernement
34:55pour débloquer une véritable enveloppe budgétaire ?
34:58Vous serez d'accord là-dessus pour la reconstruction du caillou ?
35:01On est d'accord, je pense, là-dessus.
35:03On a voté le même plan, même si Emmanuel n'est pas au Congrès,
35:07mais on a voté, effectivement...
35:09En fait, on n'a jamais été autant dépendants
35:11de l'Etat qu'aujourd'hui.
35:13C'est-à-dire que, concrètement, on est en situation...
35:16La collectivité que je préside est à la limite
35:19de la cessation de paiement.
35:20On ne paye plus la Sécu pour 50 000 personnes.
35:23On est dans une situation...
35:24On ne paye plus les subventions aux associations.
35:27Les associations, aujourd'hui, n'ont plus d'argent public.
35:30Elles ne peuvent plus aider les plus fragiles.
35:33La situation est catastrophique.
35:35On a un effondrement qui est démarré
35:37parce qu'aujourd'hui, les banques font appel
35:39aux hypothèques personnelles des chefs d'entreprise.
35:42Si on compte le nombre d'emplois perdus
35:44en deux premières nuits,
35:46c'est comme s'il y avait eu, du jour au lendemain,
35:497 millions de chômeurs en plus en métropole.
35:51Vous voyez l'ampleur de la crise ?
35:53C'est absolument démentiel.
35:55Les chiffres sont impressionnants.
35:57On a besoin, et je crois qu'aujourd'hui,
35:59des groupes parlementaires qu'on a eu l'occasion de voir,
36:02tout le monde est conscient du fait que la Nouvelle-Calédonie...
36:05C'est peut-être par là que ça commencera la reprise du dialogue,
36:09par un déblocage des fonds de l'Etat pour reconstruire l'archivelle.
36:13On s'arrête là. Merci à tous les trois.
36:15C'est toujours trop court.
36:16Ca veut dire que quand on s'arrête et qu'on a envie de continuer,
36:20c'était bien. Merci à vous.
36:22Et à bientôt. Bonsoir, Valérie Abé-Cassis.
36:25Grand plaisir de vous avoir parmi mes invités.
36:27Dans un instant, vous êtes journaliste française à Tel-Aviv,
36:31journaliste culture.
36:33Vous avez basculé, après les massacres terroristes
36:36du 7 octobre, en reporter de guerre.
36:38Vous signez un très beau livre, un récit personnel et documenté,
36:41Place des otages, aux éditions du CERN,
36:44dont on va parler juste après l'invitation de Marion Becker.
36:47Si on vous invite, Valérie Abé-Cassis,
36:50c'est pour témoigner de la vie en Israël depuis le 7 octobre.
36:54...
36:56Car vous avez écrit, mise en mots,
36:58ce que vous avez vécu depuis presque un an,
37:02les alertes à la roquette.
37:04-"À 10h32, à la 3e sirène sur Tel-Aviv,
37:07ma fille est arrivée.
37:08Elle lit, parle, écrit l'hébreu.
37:11Elle a donc vu les mots
37:12« Hamas », « attaque », « terroriste »,
37:14« infiltration » passer sur son téléphone,
37:17et elle a vu le fil info.
37:19Ces mots jetés en rafale dans le salon et sous les sirènes
37:22occupent tout l'espace, et je ne comprends pas.
37:24Je lui répète la même chose.
37:26Mais de quoi tu parles ?
37:27-"Vient ensuite l'effroi et la stupeur
37:30face aux images, à l'horreur.
37:32Dans place des otages, vous vous livrez.
37:35C'est votre vérité à vous,
37:37la journaliste installée depuis 2017 à Tel-Aviv.
37:41Après l'attaque du 7 octobre,
37:43vous avez fait le choix de rester et de poursuivre votre métier.
37:47Vous lâchez votre émission culturelle sur I 24 News
37:50pour informer sur le terrain.
37:52Vous êtes régulièrement en direct depuis la place des otages,
37:56ce point de ralliement des familles.
37:58Vous racontez dans votre livre
38:00comment les familles des otages se sont mobilisées
38:02pour demander leur libération.
38:05Puis vous avez couvert les marches,
38:06les manifestations pour faire pression sur Benjamin Netanyahou.
38:10« Bring them home », c'est le cri de ralliement.
38:16Ce livre consigne également les réflexions qui vous traversent,
38:19votre questionnement sur la vie et l'avenir dans ce chaos en Israël.
38:24Comment va grandir votre petite-fille,
38:26les enfants israéliens, dans cette vie rythmée
38:29par les attaques au couteau et les attentats ?
38:31Ce sentiment d'insécurité plane tout le long de votre récit.
38:36Bienvenue sur ce plateau, Valérie Abekassi.
38:38Merci.
38:39Cette journée du 7 octobre qui vous a marquée à jamais,
38:43comme tous les Israéliens,
38:44vous la racontez de manière très personnelle.
38:47Vous êtes avec votre petite-fille, ce matin-là,
38:50dans cet appartement un peu déglingué
38:52d'un quartier du sud de Tel Aviv.
38:54Les sirènes retentissent. Il est 6h30 du matin.
38:57Vous ne parlez pas l'hébreu.
38:59Française ayant grandi dans une Europe sans guerre,
39:02ce matin-là, vous êtes à l'ouest, dans le brouillard.
39:05Exactement. Merci, déjà, pour ce sujet,
39:08pour cette invitation.
39:09Oui, ce matin-là, c'était du silence absolu
39:13et de l'incompréhension.
39:15J'étais avec la petite, comme tous les vendredis,
39:17ma petite-fille et ma fille venaient dîner chez moi.
39:20Samedi matin, à 6h30, on a entendu cette sirène,
39:23cette espèce de mugissement, un bruit terrible
39:25qui vient du fond de la terre.
39:27On n'a pas compris.
39:28On s'est levées mécaniquement.
39:30Je me souviens de ce moment qui restera toute ma vie.
39:33On s'est levées, on n'a pas réfléchi.
39:35Il fait chaud, donc on a mis un T-shirt, un foulard,
39:38et on est descendus comme deux automates,
39:40sans se parler, sans allumer la lumière,
39:43à l'image de mon immeuble,
39:44qui est un immeuble assez délabré.
39:46Vous n'avez pas d'abri personnel.
39:48On s'est retrouvés sur les marches et on a attendu.
39:51C'est votre fille qui parle hébreu,
39:53qui vous sort un peu de la torpeur.
39:56Les alertes tombent, attaques terroristes,
39:58infiltration, vous changez d'abri, il faut partir,
40:01les roquettes s'abattent dans le sud du pays,
40:03il faut bien se figurer les choses toutes les minutes.
40:07C'est à peu près toutes les heures sur Tel Aviv
40:09et le pays va plonger dans un effroi absolument dingue.
40:13En découvrant, et vous le décrivez bien dans le livre,
40:16en direct, live, l'épouvantable.
40:20Oui, c'est-à-dire que, je pense,
40:22dans l'histoire de la retransmission en direct,
40:24on n'a jamais vu ça.
40:26Je cite deux exemples dans le livre,
40:28mais on ne l'a jamais vu.
40:29On est maintenant tous sur Instagram,
40:31sur les réseaux sociaux.
40:33Ce jour-là, il y a plus de 60 points d'entrée de terroristes
40:36dans ce qu'on appelle l'Hotef, le sud du pays,
40:38le sud d'Israël, dans ces frontières définies.
40:41Ils sont arrivés comme ça, par le sud.
40:43Il y a eu des intrusions avec des ailes volantes,
40:46qui passaient sous les radars,
40:48avec des tenailles pour défaire des grillages,
40:50pour défoncer les grillages avec des tracteurs, voilà.
40:54Il y a eu comme ça une arrivée de plus de 1 000 terroristes
40:57surarmés dans une violence dingue et qui a remonté.
41:01Ces images-là ont remonté aussi sur la Nova Fest.
41:04On a commencé à les voir,
41:05donc on a vu en direct et à la fois des horribles images
41:09et des appels au secours.
41:10Les gens étaient chez eux, dans leurs abris,
41:13et communiquaient et demandaient de l'aide,
41:15notamment aux présentateurs télé.
41:17C'est comme si on avait pu discuter
41:20avec les victimes du Bataclan.
41:22En direct, à la télévision, on passait des appels
41:25de gens qui disaient
41:26que leur père était venu, qu'ils allaient venir les sauver,
41:30et d'autres qui disaient que leur père, leur mère,
41:33venaient les sauver, les aider.
41:34On les voyait dans des abris, c'était horrible.
41:37J'ai la chair de poule,
41:38parce qu'il y en a encore 110 qui sont en otage.
41:42Ce sentiment même qu'en touchant l'écran,
41:44des vies pouvaient s'arrêter.
41:46Dès le 8 octobre, vous commencez à écrire,
41:48vous prenez des notes, de journaliste culture,
41:51vous basculez en reporter, en direct, de guerre, donc.
41:54Vous n'avez jamais pensé partir ?
41:56Si, je l'écris, bien sûr que si.
41:59Bien sûr que si. Pourquoi ?
42:01Pourquoi ma petite fille, qui a 10 ans,
42:03qui est une espèce de porcelaine, elle va vivre ça ?
42:06Pourquoi on est obligés d'aller ?
42:08On a dormi dans un abri, dans une maison,
42:10le 2e soir, on a bougé avec un sac.
42:12Pourquoi vous restez pour travailler ?
42:15Il y a un déclic, vous le racontez à l'aéroport.
42:18Il y a trois choses.
42:19La première, c'est que le père de ma petite fille est venu,
42:22il a loué un appartement avec un abri, elle était protégée.
42:26La deuxième, c'est que ma fille m'a dit...
42:28Elle est née en France, je ne suis pas née en France.
42:31Si on part, ils ont gagné.
42:33Les gens qui sont morts pour l'établissement de cet Etat,
42:36ils sont morts deux fois.
42:37Ca tiltait, mais ça rentrait pas, c'est une discussion qu'on avait.
42:41Mes amis me disaient de rentrer à Paris.
42:43J'ai été le troisième jour à l'aéroport.
42:46A l'aéroport, il y avait un exode horrible.
42:48Les exodes, dans les aéroports, c'est terrifiant.
42:51J'entendais de la musique, j'entendais des chants.
42:54Je me disais, mais qui chante ?
42:56J'étais aux arrivées, et j'ai vu une allée de jeunes gens,
42:59jeunes filles, avec des guitares, des bonbons,
43:02qui accueillaient tous les jeunes militaires.
43:04Des jeunes qui étaient en vacances,
43:06qui avaient reçu sur leur téléphone
43:08une convocation urgente. Ca m'a fait pleurer,
43:11mais c'était merveilleux.
43:12Deux salles, deux ambiances.
43:14Ils sont venus, et je suis restée, évidemment.
43:17Ce qui frappe dans votre récit, c'est le sens du détail.
43:21Vous arrivez, dans la pire des tragédies,
43:24à trouver une petite note d'humour,
43:27d'une forme de cocasserie, je dirais,
43:29dans ce qu'il y a de pire.
43:31Vous racontez, par exemple, à la morgue,
43:33le site de Choura, qu'on peut trouver
43:36des infirmières épuisées,
43:37jouées à des jeux vidéo.
43:39C'était dingue.
43:41C'est-à-dire que cette morgue, la Choura,
43:44c'est l'une des morgues, c'était un spectacle épouvantable.
43:48Il y avait, d'abord, des manifestations de solidarité.
43:51Il y avait une vingtaine de Juifs religieux noirs,
43:54d'origine africaine, qui étaient là.
43:56Ils avaient installé des tables, distribué des sandwichs,
43:59des bonbons, des gâteaux à toutes ces familles
44:02qui attendaient, avec une brosse à dents,
44:04un T-shirt, une basket, de faire matcher des ADN.
44:07Est-ce que mon enfant, mon père, mon grand-père,
44:10que je vois dans un corps en plastique blanc,
44:12est-ce que ce serait là ?
44:14Dans cet espèce de contexte de folie,
44:16il y avait des infirmières, des gens épuisés,
44:19le responsable de la police, qui fait 1,90 m,
44:21un homme, baraque, qui se mettait à pleurer.
44:24À côté, il y avait des femmes épuisées,
44:26elles jouaient à Tetris.
44:28Au loin, il y avait une maçonneuse-batteuse,
44:30et c'était dingue !
44:32C'est une manière de garder un filet de vie,
44:35malgré tout, qui s'infiltre.
44:36J'ai noté... J'ai pas l'habitude de faire ce métier
44:39de reporter de guerre, donc je notais tout ce que je voyais.
44:43C'est ça.
44:44Vous décrivez aussi une société israélienne
44:46qu'on sait quand même dure et fracturée,
44:49qui bascule dans un élan de solidarité
44:51et d'entraide absolument incroyable.
44:53Ce sont des kilomètres d'attente pour aller donner son sang.
44:56Ce sont des start-upeurs qui mettent leur réseau high-tech
45:00à disposition pour les otages et pour leurs familles.
45:02Cette place des otages,
45:04vous y avez passé des heures chaque jour.
45:07Décrivez-nous là.
45:09C'est un endroit qui, d'habitude, est évolu à l'art contemporain,
45:13puisque c'est vraiment l'entrée du musée d'art moderne de Tel Aviv.
45:16Le troisième jour,
45:18quelqu'un qui avait perdu... Enfin, pas perdu,
45:21dont on avait kidnappé la femme et les trois enfants,
45:24a posé sa sèche en face du musée d'art moderne.
45:26Il y a le QG de l'armée.
45:28Vous savez quoi ? On a son visage, le voilà.
45:31Il s'appelle Avishai Brodouch, pancarte.
45:34Ma famille est à Gaza.
45:36Avishai, il a mis cette pancarte.
45:38Moi, ça m'émeut, parce que la femme d'Avishai
45:41et ses trois enfants ont été libérés,
45:43et voilà, mais il y en a d'autres.
45:45Et Avishai, assez rapidement, toutes les...
45:47C'est merveilleux. Vous vous rendez compte ?
45:50C'est fou. C'était dans les quatre des deux négociations.
45:53Avishai a mis sa chaise à ce moment-là.
45:55De tout le pays, en tout cas de Tel-Aviv,
45:57ont conflué des gens qui ont commencé à se manifester.
46:00Après, cette masse s'est déplacée devant le musée
46:03et, assez rapidement, ça s'est organisé.
46:05Cette plage, c'est un endroit incroyable de larmes,
46:09de cris, de manifestations, de commémorations.
46:12On y danse, parce que la prof de danse
46:14de la sœur d'une des otages vient donner des cours de danse.
46:18On y prie, on y voit un rabbin, un ultra-orthodoxe,
46:20avec une corne de bélier.
46:22On y voit des babakous laïcs qui jouent de la guitare,
46:25des jeunes, des personnes... J'ai vu des évangélistes,
46:28j'ai vu des chrétiens musulmans.
46:30C'est aussi grâce à cette place que, finalement,
46:33la question des otages s'impose à Benyamin Netanyahou,
46:36dont on peut douter qu'au départ, ça a été sa priorité.
46:40Je voudrais vous parler quand même d'un moment,
46:42dans votre livre, il y aurait plein de scènes à raconter.
46:46Dans le Sud, vous êtes exactement en face de Gaza,
46:48dans une communauté agricole où travaillaient les Palestiniens.
46:52Vous entendez la guerre, la vraie guerre,
46:54celle d'Israël, a fait, à Gaza,
46:57des dizaines de milliers de morts.
46:59Gaza, oui, et vous avez cette phrase,
47:01c'est plus fort que moi,
47:03je n'ai pas de place pour l'autre côté.
47:06Mon cerveau n'y arrive pas.
47:08Ca veut dire quoi, ça ?
47:10On ne peut pas reconnaître, quand on a vécu ça,
47:12avec les Israéliens, la douleur de l'autre,
47:15l'empathie est impossible.
47:16Vous savez, même les plus grands militants pour la paix,
47:20notamment Grossman, qui a donné une interview,
47:22il y a un moment donné, les mots, nous n'avons plus les mots.
47:26Je ne parle même pas de camp politique,
47:28nous n'avons plus de mots, nous n'avons plus eu de mots.
47:31C'était compliqué.
47:32-"Le suicide des mots", vous dites.
47:34Je n'avais plus de mots, donc j'étais là,
47:37à Nativ, à Assara, c'est là que des terroristes
47:39sont entrés en aile volante.
47:41J'étais avec un type qui me montrait un abri
47:45qui avait été défoncé.
47:47Il me parlait des morts, je voyais ce village
47:49qui était merveilleux à l'origine,
47:52qui était dévasté, je vois en face des fumées,
47:54je n'ai pas de mots, je ne peux pas,
47:56mais je le dis, vraiment, c'est pas que j'ai pas d'empathie,
48:00je n'y arrive pas.
48:01Maintenant que je suis en France, les choses sont différentes.
48:04Il faut penser la douleur, sinon, où est-ce qu'on va aller ?
48:08Il faut la penser, cette douleur,
48:10et je suis sûre qu'il y a une population palestinienne,
48:13une population libanaise, iranienne,
48:15qui ne demande qu'à vivre avec nous,
48:17et là, ce jour-là, je ne pouvais pas.
48:19C'était impossible.
48:20C'est d'une forme de franchise
48:22qui fait d'ailleurs l'intérêt de ce récit.
48:25Merci beaucoup, Valérie Abékassi.
48:27Place des otages, c'est donc à lire aux éditions du Serre.
48:30Et je crois savoir qu'il est sélectionné, c'est ça ?
48:34J'ai appris ça tout à l'heure,
48:35il est sélectionné sur la liste du Renaudot Essai.
48:38Je suis heureuse et en même temps, j'ai envie de pleurer
48:41parce qu'il y a beaucoup de morts derrière ce livre,
48:44beaucoup de corps qui ne sont pas revenus.
48:46C'est une vraie douleur.
48:48Bonne chance à vous.
48:49Tout de suite, pour terminer,
48:51c'est la question qui fâche, bien sûr,
48:53avec nos chroniqueurs qu'on accueille.
48:55SOUS-TITRAGE SOUS-TITRAGE
48:57Générique
48:59...
49:04Et une question qui fâche ce soir
49:06avec des fines lames du journalisme politique.
49:10A ma droite, Jean-Baptiste Daoulas de Libération.
49:12Bonsoir, Jean-Baptiste.
49:14David Revaud-Dallon de l'hémicycle.
49:17Et Stéphanie Despierres, ma consoeur d'LCP.
49:19On est prêts ? Voici la question qui fâche.
49:26La question qui fâche nous est inspirée
49:28par la déclaration matinale et cash de Gérald Darmanin.
49:32Le budget tel qu'il est annoncé me paraît inacceptable.
49:35Pour l'ancien ministre des Comptes publics,
49:38les hausses d'impôts, c'est non.
49:39Il y a au moins 4 augmentations d'impôts.
49:41La 1re, c'est la suppression des allégements de charges.
49:44Le 2e sujet, c'était l'augmentation
49:46de l'impôt sur les sociétés.
49:48Là, il faut bien savoir que nous sommes
49:50dans le niveau de l'impôt sur les sociétés de François Hollande.
49:54On retourne à l'ère socialiste de François Hollande.
49:57C'est catégorique, et pourtant, Michel Barnier
49:59n'a pas encore présenté son projet de loi de finances,
50:02simplement les grandes lignes.
50:04La situation de nos comptes demande aujourd'hui
50:07un effort ciblé, limité dans le temps,
50:10un effort partagé dans une exigence de justice fiscale.
50:14Il n'y a pas que Gérald Darmanin qui s'inquiète.
50:17Il y a aussi une grande partie des députés ensemble
50:20et leur patron, Gabriel Attal,
50:22qui ne rate pas une occasion de marquer son opposition.
50:26Moins de dépenses et certainement pas plus d'impôts.
50:29Nous ne ferons rien, nous ne soutiendrons rien
50:32qui puisse se faire au prix de la croissance de notre pays.
50:35Ce qui agace un peu le flegmatique Michel Barnier.
50:38Je serai très attentif à vos propositions
50:42d'économies supplémentaires.
50:44Très attentif.
50:45Applaudissements
50:48Pour faire face à un déficit que j'ai trouvé en arrivant.
50:52Voilà.
50:54Gérald Darmanin, Gabriel Attal, c'est à qui dira le plus fort non,
50:59comme une alliance de circonstances entre deux hommes pourtant rivaux.
51:03Gabriel Attal, Gérald Darmanin sont-ils désormais
51:07les ennemis de l'intérieur pour Michel Barnier ?
51:10C'est vous qui commencez une question qui fâche,
51:13signée par l'excellente Stéphanie Despierres.
51:15Si on commence par Gérald Darmanin,
51:17puisque c'est lui qui, sur le budget,
51:19a dit que les impôts augmentants, ça ne passe plus,
51:22il se réserve même la possibilité de voter
51:25contre la loi de finances, c'est dire.
51:27Posture ou conviction ?
51:28Complètement posture,
51:30car la question qui est posée à Gérald Darmanin,
51:33ce n'est pas de savoir s'il va voter le budget,
51:35c'est de savoir s'il va voter la censure.
51:37Ce gouvernement minoritaire va devoir faire appel
51:40à l'article 49-3, qui est bien connu des Français,
51:43pour faire passer ce budget.
51:44La question qui est posée, ce n'est pas
51:46si vous allez voter article par article
51:49ou pour le budget à la fin,
51:50c'est si vous faites chuter le gouvernement.
51:52Personne ne pense que Gérald Darmanin
51:55va faire chuter le gouvernement.
51:56David Rambodalot, pourquoi il fait monter les enchères ?
51:59C'est quand même l'ADN, le bilan économique d'Emmanuel Macron.
52:03Il n'y a que de la posture,
52:04il n'y a que de 2027 derrière tout ça ?
52:07Vous avez raison de rappeler que s'il y a un totem et un tabou
52:10qui anime le président de la République,
52:12c'est la préservation de son bilan économique,
52:15budgétaire et surtout fiscal.
52:16Le régalien, à la rigueur, peu importe,
52:18la composition du gouvernement, peu importe.
52:21Dans les deux ou trois derniers mois
52:23qui ont présidé à la nomination du Premier ministre
52:26et à la composition du gouvernement,
52:28on ne touche pas à son bilan fiscal.
52:30Pourquoi est-ce que Darmanin, j'en viens à votre question,
52:33est-ce qu'il y en a dessus ? Je ne crois pas que ce soit
52:36pour défendre le bilan d'Emmanuel Macron,
52:38mais évidemment, il prépare la suite des opérations.
52:41Cette majorité, c'est comme une assemblée générale
52:43de petits actionnaires.
52:45Vous avez le groupe Bayrouiste, Edouard Philippe,
52:48les LR, les amis de Gabriel Attal, les amis de Gérald Darmanin,
52:51et chacun, quand il estime que son action
52:53n'est pas assez rentabilité,
52:55quand la rentabilité n'est pas assez bonne,
52:57il hausse le ton. Je suis d'accord avec Jean-Baptiste.
53:00Il y aura un 49-3. Ils ne voteront pas la censure,
53:03mais en attendant, mettre un peu de bazar...
53:05Chacun construit son identité politique.
53:07Il faut cultiver son capital politique.
53:10Gérald Darmanin en a remis une couche.
53:12Il s'est adressé à son groupe de députés.
53:14C'est une bataille de leadership.
53:16On a envoyé un message au député.
53:18Il dit que la défense de l'opposition,
53:20c'est la défense de notre groupe.
53:22Il essaie de se poser en leader du groupe.
53:24Il y a une rivalité avec Gabriel Attal.
53:27Beaucoup de rivalités.
53:28Ca lui permet de dire aux troupes d'Ensemble pour la République
53:31que je défends le bilan,
53:33je défends ce pour quoi vous vous êtes battus.
53:35Je défends l'essence du macronisme
53:37en refusant des hausses d'impôts sur les sociétés, etc.
53:40Il le dit. Il est urgent de défendre notre cohérence et l'emploi.
53:44Il emmène beaucoup de députés macronistes avec lui ?
53:47Une grande partie des députés macronistes.
53:49On sait qu'une partie de ceux de l'aile gauche
53:52sont partis de ce groupe-là.
53:53Certains sont un peu ouverts à l'idée de taxer
53:56les plus favorisés, les ménages.
53:58Beaucoup sont réticents à cette idée de taxer les entreprises.
54:01Ils sont dans cette logique.
54:03Une fronte pour ne pas briser les investisseurs.
54:06Jean-Baptiste ?
54:07C'est une situation assez cocasse.
54:09Hormis le fait d'être rivaux et de viser 2027,
54:12Gabriel Attal et Gérald Darmanin ont un autre point commun.
54:15A eux deux, ils ont été ministre des Comptes publics
54:18pendant 4 ans.
54:19Ca va bien les leçons sur le budget.
54:21Ca va bien les leçons de vouloir empêcher
54:23le nouveau Premier ministre de régler la facture
54:26qu'ils ont laissée. C'est assez cocasse.
54:28C'est aussi assez cocasse que Renaissance,
54:31qui se positionne plus à gauche,
54:33que Les Républicains,
54:34est en train de vouloir empêcher un Premier ministre
54:37issu des Républicains de mettre des hausses d'impôts,
54:40qui est une hérésie pour la droite.
54:42On est par-dessus tête.
54:43On n'en perd notre attenté.
54:45Ce que jouent Gérald Darmanin et Gabriel Attal,
54:48c'est de dire que dans le bilan de Michel Barnier,
54:50ils ne prendront que ce qui les arrange.
54:53Tout le reste, tout ce qui est impopulaire,
54:55et c'est confortable dans leur position,
54:58c'est que Barnier fait le sale boulot
55:00et va régler le déficit comme il peut.
55:02Ils pourront dire que ces hausses d'impôts impopulaires,
55:05ce n'est pas eux.
55:06Tout a très mal commencé avec Michel Barnier.
55:10Oui, ça a très mal commencé avec la déclaration,
55:13la passation de pouvoir dans un premier temps,
55:16où Gabriel Attal faisait une déclaration de politique générale.
55:19Première petite pique de Barnier, la deuxième, on vient de la voir.
55:23C'est assez piquant, tout ça.
55:25Ce qui est intéressant, puisqu'on est dans l'économie,
55:28permettez-moi d'utiliser cette métaphore entreprenariale.
55:31Les joint ventures, c'est une association de deux entreprises
55:35qui peuvent avoir un intérêt à s'allier.
55:37Puisqu'on parle d'amitié, d'ennemis et d'amis,
55:40Gérald Darmanin et Gabriel Attal ne se supportaient pas
55:43dans les derniers mois.
55:44J'étais à l'Assemblée mardi.
55:46C'était très intéressant de les voir,
55:48ils étaient non seulement à côté, mais copains,
55:51ils avaient l'air d'être extrêmement proches,
55:53partageant certaines exaspérations,
55:55trouvant que le discours du Premier ministre était trop long.
55:59Tout ça est assez inquiétant pour la solidité de la majorité.
56:02Le budget, c'est l'acte fondateur de toute majorité.
56:05Et pour les Français, aussi,
56:07qui attendent des hommes politiques au niveau de l'intérêt général.
56:11Il n'y a pas que les impôts,
56:12il y a aussi la non-indexation des retraites.
56:15Emmanuel Macron a soigné tous les retraités depuis sept ans.
56:18Il va perdre un peu de pouvoir d'achat.
56:20Darmanin a dit OK.
56:21Il y en a beaucoup qui redactent.
56:23Un deuxième sujet qui arrive, c'est l'immigration,
56:26qui est déjà mise sur le devant de la scène par Bruno Retailleau.
56:30Deuxième point de fracture très important dans la majorité.
56:33Dernière question pour terminer. Le tout-à-l'égo, ça va durer ?
56:37Forcément ? C'est inévitable ?
56:38Oui, évidemment, ça va durer.
56:40Plus on s'approche de 2027, plus ça va s'intensifier.
56:43Une des erreurs de Michel Barnier,
56:45ou une des fautes premières,
56:47c'est d'avoir laissé tous les poids lourds
56:49à l'extérieur du gouvernement.
56:51Vous avez François Bayrou, Laurent Wauquiez,
56:53Edouard Philippe.
56:55Ma dernière question sera pour vous, Stéphanie.
56:57Il a la carapace pour résister à toutes ces flèches,
57:00Michel Barnier, à tous ces frondeurs, dans son camp ?
57:03On va voir. On dit que ses talents de négociateur
57:06sont son avantage, son argument premier
57:08pour être à Matignon.
57:10Après, il va vraiment falloir qu'il arrive à manager ses égos.
57:13On sent que tout le monde est très éruptif
57:16et chaque fois s'engouffre dans la brèche
57:18pour le contester,
57:19donc il va vraiment falloir qu'il y aille pas à pas,
57:22étape après étape, comme un bon montagnard qu'il est.
57:25-"Madeuvre à tous les étages", vive la Savoie.
57:28Merci beaucoup pour cette question qui fâche.
57:31Avant de se quitter,
57:32sachez qu'LCP est partenaire du festival de la fiction,
57:35du documentaire politique, qui commence à la baule,
57:39avec cette année,
57:40LCP qui présente les combats méconnus de Simone Veil
57:43aux produits avec Nova Productions,
57:45écrit par Dominique Missical,
57:47réalisée par Caroline Dussin.
57:49Ce film, vous aurez la chance de le voir sur LCP en janvier,
57:52avec, évidemment, un débat de Jean-Pierre Gracien.
57:55Ces invités, c'est fini.
57:57Très belle soirée. A demain.
57:59Merci à vous.
58:00SOUS-TITRAGE ST' 501

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