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Après le scandale "Sciences Porcs" début 2021 et les récentes enquêtes dénonçant l'ampleur des viols et agressions sexuelles à Centrale Supelec ou dans les écoles de commerce, de plus en plus d'étudiants et d'étudiantes dénoncent des cas de harcèlement ou d'agressions sexuelles. Ce documentaire donne la parole à cinq étudiantes ou doctorantes, victimes de harcèlement ou de viol, qui luttent pour que ces violences ne soient plus passées sous silence. Du manque d'action de l'institution à l'activisme des victimes, ce film explore à la fois les conséquences du traumatisme sur la psyché humaine et la réponse souvent insuffisante des pouvoirs publics dans la prévention et la gestion de ces violences.

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Transcription
00:00Dans les campus les plus prestigieux, la parole se libère et c'est parfois la stupéfaction.
00:24Londres de chaque touche, plusieurs IEP, les instituts d'études politiques à Bordeaux, Toulouse ou encore Grenoble.
00:31C'est l'une des écoles d'ingénieurs françaises les plus prestigieuses qui est secouée par la révélation de violences sexuelles.
00:37On parle donc d'une centaine de cas de harcèlement, d'agressions et de viols perpétrés au cours de la dernière année universitaire à Central-Supélec.
00:46Dans des lieux de savoir, des lieux de débat, c'est encore trop souvent l'OMERTA pour protéger l'image des grandes écoles ou des universités.
00:55Et personne dans ces écoles n'est réellement formé à accueillir la parole des femmes victimes.
01:15Merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci,
01:46femme, vie, liberté.
01:56Je viens d'Orléans, j'ai grandi à Orléans,
01:58j'ai fait tout mon lycée à Orléans
01:59et je suis arrivée à Paris quand j'ai eu mon bac.
02:02Ce que je voulais faire quand je suis arrivée en psycho,
02:03c'était clairement de la recherche.
02:05C'était ce que je voulais faire depuis très longtemps.
02:06Depuis que j'étais petite, je voulais faire ça.
02:08Je n'avais pas d'idée très précise dedans,
02:10mais c'était un peu l'idée de base.
02:11Et j'ai commencé ma thèse il y a quatre ans, donc j'étais assez contente de rentrer
02:17dans ce labo, parce que c'était un peu l'accomplissement de ce que je voulais faire
02:24depuis longtemps.
02:25Je suis rentrée à l'université à mes 18 ans à Grenoble, j'ai fait un an, et
02:33puis je suis partie à Toulouse.
02:34La particularité en art, c'est ce truc-là, d'être libérée, d'être ouverte à tout,
02:41en plus il y a un peu ce truc de… Pour faire vraiment du bon art, il faudrait pouvoir
02:49se mettre à nu, devant l'autre, se dévoiler le plus possible, être soit très ténébreux,
02:58soit très extravagant.
03:00Et donc des personnes qui étaient proches un peu de ces profs-là, c'était des personnes
03:03qui étaient dans cette démarche-là, de s'hypersexualiser, de rigoler aux blagues
03:09sexistes, etc., en tout cas de rentrer dans le jeu.
03:12J'ai étudié à Montpellier et j'ai effectué ma thèse à Paris, à l'Institut de biologie
03:19de l'École Normale Supérieure, que j'ai soutenue en 2017.
03:23Quand on est en doctorat, on a une relation généralement assez forte avec sa direction
03:28de thèse, tout simplement parce que déjà c'est la personne qui est censée nous guider,
03:31qui va être essentielle pour l'obtention de notre diplôme, et en cela, il peut avoir
03:38une certaine forme de vie ou de mort sur l'obtention d'un diplôme, sur l'obtention des publications
03:43scientifiques et ensuite même sur la poursuite de carrières, parce que le réseau dont on
03:48hérite quand on fait une thèse avec une certaine personne, il est vraiment très important.
03:54Je viens de Bretagne et j'arrive à Paris à 19 ans, pour ma première année en orthophonie.
04:02On n'est que des filles dans un grand amphi avec un prof qui parle.
04:07C'est un peu ennuyeux, mais finalement c'est plutôt cool.
04:10Et en troisième année, en fait, on commence tout juste nos stages cliniques.
04:14Déjà, je décroche un stage inespéré, parce que vraiment, il n'y en a pas beaucoup
04:18qui étaient prises, et je me dis « mais pourquoi moi, c'est trop bien ! »
04:23Et au final, ça se passe bien les premiers jours, les orthos sont hyper cools, vraiment
04:30le cadre hospitalier, moi, j'adore.
04:32Je voulais rêver d'être comédienne, de travailler dans le théâtre ou dans le cinéma,
04:40et j'ai fait deux premières années de licence art de spectacle à Strasbourg, et j'ai voulu
04:45partir sur Paris pour ma troisième année.
04:47Quand j'arrive à Paris, je suis pleine d'énergie, je crée mon collectif pour pouvoir
04:54faire de la mise en scène, et je me vois être miseuse en scène, tourner dans des grands
04:58théâtres.
05:00On est avant Me Too, j'ai jamais entendu parler de violences sexistes et sexuelles
05:05à la fac, c'était pas un sujet.
05:08Ou en tout cas, quand on imaginait un viol dans un film, c'était un truc de dingue,
05:14et on n'en parlait pas comme quelque chose qui peut arriver à nous toutes et nous tous
05:19comme ça.
05:29Bonjour à toutes et à tous, on se retrouve aujourd'hui pour une conférence de sensibilisation
05:55sur les violences sexistes et sexuelles.
05:58À l'Observatoire, on est une association interfilière d'envergure nationale qui comprend
06:04environ 60 membres répartis un peu dans toute la France.
06:07Au niveau des chiffres clés de notre enquête nationale, qui s'appelle « Parole étudiante
06:12sur les violences sexuelles et sexistes », on a eu plus de 10 000 réponses à cette enquête
06:18dans toute la France et tout établissement confondu.
06:20Nous, ce qu'on retrouve, c'est que la majorité des violences sexistes et sexuelles
06:23vont se passer dans un contexte festif.
06:25Neuf fois sur dix, c'est des proches qui vont commettre des violences à l'encontre
06:29des victimes.
06:30En fait, ces données-là, vous les avez récoltées auprès de quel genre d'établissement ?
06:34Est-ce que ça a été plus des écoles de commerce, de médecine, des universités ?
06:38Les établissements qui ressortent le plus dans cette enquête, c'est les universités,
06:43les écoles de commerce et les écoles d'ingénieurs.
06:45Dans certaines grandes écoles, notamment de commerce, on a un exemple qui est un peu
06:50dramatique, mais c'est le fait de BDE qui vont organiser des soirées et qui vont faire
06:59venir les étudiantes en premier dans un bar, les faire boire, et ensuite, dans un deuxième
07:04temps, les garçons qui arrivent dans le bar.
07:07Donc, on place dans une situation de vulnérabilité, voire de soumission chimique, les femmes,
07:12et c'est un contexte qui est très favorable aux violences sexistes et sexuelles.
07:16Et donc là, on va passer aux chiffres vraiment marquants du rapport.
07:19Une étudiante sur dix avait été victime d'agressions sexuelles au cours de ses études.
07:23Et puis le deuxième chiffre important, c'est une étudiante sur vingt qui a déjà été
07:28victime de viols, donc pareil, un chiffre alarmant.
07:32Comment on peut faire pour inciter une victime à parler aux personnes compétentes si la
07:37personne concernée est persuadée qu'il n'y aura aucune réaction par la suite ?
07:42Les phrases importantes à dire quand une victime nous parle, c'est effectivement
07:48« je te crois », « je te soutiens », « tu n'es pas le ou la coupable », ce
07:52genre de phrases qui peuvent paraître anodines et qui pourtant sont importantes dans les
07:56premiers moments des violences et même a posteriori.
07:59Donc à ce moment-là, notre rôle, c'est vraiment le soutien de la victime.
08:02Mais on ne pourra jamais la forcer à intenter par exemple une action en justice ou saisir
08:10une cellule de son établissement, dans la mesure où effectivement elle peut se dire.
08:14De toute façon, ça n'aura pas de suite.
08:17Seuls 11% des répondants indiquent avoir informé leur établissement des faits subis
08:22ou constatés.
08:23Et puis un point important, une perpétuation des VSS dans le monde du travail, c'est
08:28pourquoi on doit dès à présent lutter contre ces violences.
08:40On a deux enseignants, on les a un peu tout le temps, y compris la particularité de leur
09:09manière d'enseigner, c'est de s'arranger sur les emplois du temps, etc. pour être
09:17sur les mêmes salles.
09:18Et en fait, ils font cours ensemble.
09:20Des fois, il y a des situations qui sont isolées et puis des fois, il y a des situations de
09:23groupe.
09:24Ça peut aller effectivement de l'ambiance générale, de malaise, d'humiliation tournée
09:34sur la sexualité.
09:35Il y a du sexisme qui ne dit pas son nom, c'est-à-dire que ça va toujours être les
09:40femmes qui vont être exposées à des remarques, demandées comment telle étudiante suce son
09:46copain.
09:47Il y a une incitation à s'hypersexualiser, à performer nue ou dénudée, avec une tenue
09:55sexy ou autre, parce qu'en fait, très vite, les étudiantes comprennent qu'elles ont une
10:01meilleure note.
10:02Il y a cette étudiante qui fait un poirier et le prof pose un objet sur ses fesses.
10:08Il y a des comportements, des gestes déplacés, des remarques et plus parfois.
10:15J'étais en première année, un jour j'arrive au labo et une stagiaire du laboratoire vient
10:27me voir, visiblement choquée, en me disant qu'elle s'est fait agresser sexuellement
10:33au laboratoire, dans l'animalerie.
10:35Elle en a parlé à sa direction de stage, moi j'en ai parlé à sa direction de stage
10:41aussi et c'est rien passé.
10:43Et j'ai réalisé que sous couvert d'humour, souvent, il y avait de la souffrance durant
10:51le doctorat, du harcèlement moral, du harcèlement sexuel, de la précarité, donc ça m'a donné
10:56envie de vraiment approfondir ce sujet et j'ai décidé d'enquêter moi-même.
11:00Ma thèse était encadrée par une directrice de thèse, qui était la directrice du labo,
11:08qui a une position assez connue en recherche en psychiatrie et un encadrant de thèse qui
11:14bossait au labo aussi et qui est très proche d'elle en termes de recherche, de travail
11:18professionnel.
11:19Ils sont tout le temps ensemble.
11:20A chaque fois qu'il parle des femmes, toutes les femmes c'est soit des salopes, soit des
11:23incompétentes.
11:25Globalement, c'est à peu près ça.
11:26C'est des commentaires sur comment je suis habillée.
11:28Moi, je suis quasiment toujours habillée en robe, en chaussure à talons, donc c'était
11:32la robe, le machin, le truc, des surnoms, des petits trucs, enfin voilà, des trucs pas
11:37très adaptés.
11:38Ce qui est intéressant, c'est de voir que dans plusieurs études, en France ou même
11:43à l'étranger, montrent qu'au niveau licence master, les auteurs d'agressions sexuelles
11:49seront plutôt les camarades de promo.
11:52Le doctorat, c'est différent.
11:54La majorité des auteurs, en fait, ce sont les directeurs ou les directrices de thèses.
11:57Et c'est pour ça que j'ai choisi d'écrire un livre qui est devenu « Comment l'université
12:02broie les jeunes chercheurs ». Je commence à recevoir des témoignages de la Suisse,
12:05de la Belgique, du Royaume-Uni, des États-Unis, de la Côte d'Ivoire, de tout ou plein de
12:10pays qui me disent « Mais le gâchis dont vous parlez, ce n'est pas juste un gâchis
12:14français, c'est un gâchis international. »
12:17C'est un espèce de truc sale qui s'installe et qui perdure, s'immisce un peu dans tout.
12:25Arrête de nous montrer tes seins, pourquoi tu nous montres tes seins, cache tes seins,
12:28des trucs à ce sujet-là.
12:31J'avais l'impression que j'étais une allumeuse de première, que j'arrivais au bureau, au
12:36labo et que je ne sais pas, que je draguais tout le monde, c'était un peu bizarre.
12:43Je me sentais assez coupable de ce côté-là.
12:50Un jour, je dois aller en consulte avec un des chirurgiens qui travaille là-bas.
12:56Ce n'est pas juste un chirurgien, c'est un chirurgien professeur, c'est assez impressionnant.
13:01Je fais quelques jours avec lui en consultation et il me renvoie quand même de temps en temps
13:08des messages, c'est-à-dire « Comment ça va ? » « Ça se passe bien ton stage ? »
13:13Bizarre de faire ça quand même.
13:15Donc, il m'a recontactée pour me proposer un soir de sortir.
13:22Pourquoi moi, petite étudiante, s'il s'intéresserait à moi ? Mais au final, j'accepte et je
13:29le rejoins ce soir-là dans ce bar.
13:32En fait, je ne sais pas trop ce que je fais là, en fait, je suis.
13:37On sort de ce bar, on se balade et comme par hasard, on se retrouve devant chez lui.
13:41Il me dit « Tiens, j'habite là.
13:44Ça te dit de monter et de… je te fais visiter mon appart, tu vas voir, il est super. »
13:51Donc, je suis impressionnée et un peu pas hyper à l'aise non plus, quoi.
13:59On se pose sur son canapé et là, il m'embrasse.
14:09C'est pas… enfin, il n'est pas pas de main morte, quoi.
14:14Il me touche aussi.
14:15Quand tu as un homme aussi impressionnant devant toi, que ce soit de par son statut
14:22et sa taille, sa corpulence et tout le reste, on se dit « Je ne bouge plus, moins je bouge,
14:33moins ça fera de vagues. »
14:35Je me laisse faire.
14:38Je ne suis plus du tout actrice, je sais qu'à un moment, il prend ma main pour que ce soit
14:43moi qui le touche.
14:44On monte dans sa chambre et là, je crois que c'était une des pires nuits de toute ma vie, en fait.
14:55J'avais juste envie que ça se termine le plus vite possible et que je parte.
15:00Et en même temps, je me sentais coupable parce que c'est moi qui suis montée chez lui.
15:06Je sens encore son poids sur moi, son souffle dans mon cou.
15:16Il finit dans ma bouche.
15:19Vraiment jusqu'au bout.
15:23Jusqu'au bout.
15:24Je ne me suis jamais aussi sentie aussi sale, aussi chose.
15:31Je suis en licence troisième année théâtre et avec mes camarades, deux de mes camarades,
15:40un garçon et une fille, on boit chez moi et on fait notre soirée.
15:44Il n'y a pas eu de flirtes, d'embrassades, rien du tout.
15:55C'était vraiment une camaraderie.
15:59On s'est posés tous les trois et on était arrachés.
16:03C'était le moment où il fallait dormir.
16:06Je suis quasi endormie avec l'alcool, le joint et d'un coup, je sens un doigt à l'intérieur de moi.
16:15Il sent que je me crispe et il l'enlève vite comme s'il ne s'est rien passé.
16:20Et du coup, j'avais ce truc que je connaissais bien puisque ça m'était déjà arrivé.
16:28D'être dissociée et de ne pas pouvoir bouger son corps et d'être dans l'attente que ça s'arrête.
16:38Quand je rentre, je ne sais pas trop ce qui s'est vraiment trop passé.
16:46J'ai des flashs de la soirée qui reviennent.
16:48Je me demande ce que j'ai fait, ce qui s'est passé, pourquoi j'ai fait ça.
16:53J'ai des flashs, mais pas comme si c'était moi qui étais dans ce corps-là.
16:58Je m'en rappelle en racontant, mais je ne me vois pas dans mon corps.
17:03Je termine mes études, je suis dans une très mauvaise passe et j'ai tous ces souvenirs qui me hantent.
17:10Et je décide de parler sur les réseaux sociaux.
17:14Et dans ce cadre-là, j'ai un ami qui vient me voir et qui me dit qu'il a entendu parler de l'association Women Safe.
17:23Et du coup, j'ai été orientée vers d'abord d'un côté une psychologue et de l'autre côté vers des juristes
17:29pour pouvoir poser la question si je porte plainte, comment ça se passe.
17:35Et j'ai vu une juriste et deux avocates, quelque chose comme ça.
17:44Je vous en prie, installez-vous, mettez-vous à l'aise, soyez confortables.
18:05Je me présente, je suis Elodie, l'infirmière d'accueil et de coordination à l'association.
18:14Ici, on fonctionne en pluridisciplinarité, c'est-à-dire avec plusieurs professionnels.
18:18Il y a des infirmières, des psychologues, des médecins et tout un pôle juridique avec des juristes et des avocats.
18:25J'ai un problème avec mon directeur de thèse qui a commencé dès la première année de ma thèse.
18:34En vrai, il insistait beaucoup parce qu'après toutes nos réunions, chaque fois il disait
18:41« Ah, il faut prendre des bières après, il faut manger ensemble, il faut déjeuner ensemble, il faut dîner ensemble. »
18:53Après, pendant nos rencontres, il fermait toujours sa porte dans son bureau, c'était un petit bureau.
19:03Je me souviens qu'un jour, lui était dans ce bureau et moi, j'étais un peu plus loin, dans un coin.
19:13Je me souviens qu'il m'a dit « Ah, approche-toi, je ne vais pas te manger. »
19:17Je me souviens que quand il m'expliquait des choses sur nos algorithmes ou sur la recherche en général,
19:25il me faisait des petits caresses sur le dos, il me touchait sur les jambes, même sur le visage
19:34parce qu'il voulait enlever la poussière que j'avais eue sur le visage.
19:40Je comprends effectivement au travers de ce que vous nous racontez que vous souffrez beaucoup.
19:45Si vous nous en donnez l'autorisation, nous on a la possibilité de faire le lien avec l'administration,
19:51déjà de, un, pour les informer de votre situation, et puis ensuite, dans un deuxième temps,
19:58de voir quelles actions est-ce qu'on peut mener pour intervenir sur votre situation.
20:03D'accord.
20:10Nous avons signé des conventions avec plus d'une dizaine d'universités d'Île-de-France.
20:14Elles permettent à ces universités aujourd'hui de s'appuyer sur une écoute très professionnalisée
20:20et qui va évidemment laisser l'anonymat possible à une victime qui veut être prise en charge
20:26dans le cadre des violences sans pour autant en saisir son université.
20:30En 2019, on n'était pas du tout sur le même raisonnement, le même engagement des universités
20:37parce qu'elles n'y avaient pas mesuré peut-être le nombre de victimes réelles dans leurs universités.
20:44Il faut prendre et s'engager à voir tous les premiers entrants dans les universités
20:50pour les sensibiliser aux violences sexuelles et sexistes.
20:53Et à ces questions-là, les premières questions que l'on peut poser
20:56lors des temps de sensibilisation avec ces nouveaux entrants, c'est
21:00qu'est-ce que le harcèlement pour vous ?
21:02Avez-vous déjà été témoin de violences ?
21:04Vous seriez surpris, au début de ces sessions, on a dix doigts qui se lèvent sur une trentaine de personnes.
21:10Qu'est-ce qui bloque encore ? C'est peut-être les mentalités,
21:13c'est peut-être l'intergénérationnel dans ces universités
21:15parce que vous avez des personnes d'un certain âge qui doivent prendre conscience
21:18que les violences sexuelles et sexistes, c'est un vrai débat dans l'université.
21:23Et on est encore confronté à des prises de position qui ne sont pas tout à fait adaptées,
21:27mais ça devient de plus en plus rare.
21:34Le lendemain de mes trente ans, en 2020, j'ai fait une tentative de suicide.
21:43C'était plutôt un appel à l'aide, on va dire, mais je hurlais
21:48et je voulais en finir. C'est là que j'ai eu ma psychiatre, spécialiste du stress post-traumatique,
21:54de psychotrauma, qui m'a diagnostiquée.
21:58Et j'ai commencé à avoir des médicaments parce que je ne pouvais plus vivre sans médicaments.
22:19On a eu une altercation en début d'année avec ces deux enseignants.
22:23En l'occurrence, j'ai eu une altercation le premier jour de leur entrée, d'ailleurs,
22:28sur des questions de précarité étudiante, de santé, de plein de choses qu'ils faisaient,
22:36qu'ils voulaient rentrer en conflit.
22:38Et c'était une altercation extrêmement virulente,
22:41qui d'ailleurs a donné lieu à un courrier de signalement à l'administration.
22:45C'est à ce moment-là que la direction du département m'a encouragée
22:48à continuer à récolter des témoignages.
22:53Le truc, c'est que plus on creuse et plus on a de témoignages,
22:56et plus on a de témoignages qui sont édifiants.
22:59On est dans le jus de l'enquête et donc on ne se rend pas trop compte aussi
23:03qu'on est en train de se sacrifier moralement, mentalement, psychologiquement ou autre.
23:12Ces expériences, elles ont un peu bousillé ma carrière
23:14parce que d'une part, j'ai eu un impact sur ma santé.
23:19Donc forcément, quand on a une mauvaise santé, c'est compliqué professionnellement.
23:25Et aussi parce que quand j'ai fini par parler et que j'ai parlé sur les réseaux sociaux,
23:30je me suis rendu compte qu'il y avait une omerta et que ça dérangeait
23:35et que je me suis retrouvée blacklistée du milieu du théâtre.
23:38J'étais la fille qui peut-être dit la vérité, peut-être ment, peut-être est folle et infréquentable.
23:50Il y a eu le contre-coup de ce dossier, il y a eu la peur,
23:53il y a eu plein de choses qui se sont mélangées,
23:56qui ont fait qu'à prendre des risques, à ne pas aller en cours pour faire ce dossier
24:02parce qu'on a peur d'y aller ou autre,
24:04parce qu'en fait, on n'a pas les bonnes notes qu'il faut et donc on redouble.
24:10À la suite de ça, j'ai perdu un an de bourse quand je suis arrivée sur Montauban.
24:16Et c'était l'équivalent de 3 200 euros, ce qui n'est pas négligeable.
24:21En plus des heures qu'on n'est pas payées pour faire le taf d'enquête et d'écoute et tout ça.
24:31Je n'ai plus jamais voulu le revoir.
24:32J'ai vécu une phobie, c'est de le recroiser dans les couloirs de l'hôpital.
24:38Je me cachais derrière mes mètres de stage dès qu'on marchait dans un couloir pour ne pas le recroiser.
24:44Je n'allais plus en stage les jours où je savais que lui travaillait.
24:48J'ai fait plus de crises d'angoisse depuis ça et surtout en allant à mon stage.
24:55Déjà que prendre le métro, ce n'était pas évident.
24:58Je fais plus attention aux hommes qui sont à côté de moi.
25:03Surtout les vieux, du coup.
25:06Les vieux de 40 ans, je fais pas mal aimer m'asseoir à côté d'eux dans le métro.
25:11Alors qu'avant, ça ne m'aurait pas du tout gênée.
25:13Il y a une aura autour de certains hommes qui, je ne sais pas,
25:21ça me replonge dans ces moments qui n'étaient pas agréables.
25:27Je pars dans ces cas-là.
25:30Je remets le voile.
25:45Quand je vais au labo, ça commence à l'entrée du métro où je pleure, généralement.
25:54Quand j'arrive là-bas, j'essaie de ne plus pleurer parce que je croise des patients.
25:57Les gens que je vois en consulte, je trouve que ce n'est pas forcément une bonne idée de pleurer devant ces patients.
26:01J'ai rassemblé les indices chez moi qui s'étaient accumulés depuis quelques années.
26:05Par exemple, j'ai eu des maladies de peau, j'ai eu des trucs qui me sont sortis, j'ai perdu mes cheveux.
26:09Un jour, j'avais un trou dans le crâne de cheveux de stress.
26:15J'ai commencé à arrêter de m'habiller, arrêter de me maquiller, arrêter de me laver pour aller au boulot.
26:20D'ailleurs, j'ai eu aussi des commentaires sur comment je m'habillais quand je ne m'habillais pas bien,
26:24quand j'étais sapée comme un sac en jogging.
26:27Parce qu'ils sont passés où les talons ?
26:30C'était le reste, ça ne m'allait jamais.
26:33Certaines personnes vont dire qu'il suffit de changer de direction d'hôtesse.
26:37En théorie, c'est possible.
26:38En théorie, on peut changer de directeur d'hôtesse.
26:41Dans les faits, c'est compliqué.
26:43C'est compliqué parce que, déjà, encore faut-il trouver notre directeur ou notre directrice d'hôtesse
26:51sur le même sujet ou sur un sujet assez proche.
26:53Les milieux de recherche sont des petits milieux dont tout le monde se connaît.
26:59Donc, le fait d'avoir un directeur ou une directrice qui accepte de prendre la doctorante de notre personne,
27:05ça peut être une déclaration de guerre, tout simplement.
27:08C'est peut-être un compte de se retrouver dans un labo de psychiatrie et de se retrouver en dépression.
27:13Ça, c'est clair.
27:15Mais le comble supérieur, c'est que l'une de mes directrices d'hôtesse est psychiatre.
27:21Il était clair et net que je n'étais pas bien, malgré qu'on en ait parlé, qu'il ne s'est jamais rien passé.
27:28Mais je me suis accrochée parce que je me suis dit qu'il me restait quelques mois avant la fin de la thèse
27:33et que j'avais fait le plus gros.
27:35Je ne savais pas.
27:36Là, maintenant, je regrette quatre ans après parce que je vois les conséquences que ça a eues.
27:39J'ai clairement surestimé ma capacité de résistance à ce genre de choses.
27:45Soit on fait le dos rond.
27:48Certains choisissent de faire ça en disant « j'ai vécu ça », mais j'ai trop souffert pour m'arrêter maintenant.
27:55Sauf que parfois, en fait, oui, on a beaucoup souffert, mais c'est le moment où il faut s'arrêter
27:58parce que sinon, on va se casser, tout simplement.
28:02D'autres qui se disent « tant qu'il, je pars, ma santé vaut plus que ça et finalement, est-ce que j'ai vraiment envie de cette carrière-là ?
28:08Je veux dire, je n'ai pas envie d'être dans ce monde de requins, je n'ai pas envie. »
28:12C'est un deuil, malgré tout.
28:38Bon, alors, ça fait déjà un petit moment qu'on se voit.
28:54La première fois, c'était en septembre, suite à du harcèlement sexuel de la part de ton directeur de thèse.
29:00Voilà, on a pu voir que ça s'est un petit peu apaisé avec le temps, depuis.
29:04Oui, un petit peu.
29:06En fait, Women's Safe, ils ont parlé avec l'administration de la Sorbonne et ils m'ont appelée.
29:14C'est bien parce que je ne devrais pas répéter toute l'histoire.
29:18Ils étaient très gentils avec moi.
29:19Ils m'ont dit qu'ils m'écroient, qu'ils n'en doutent pas de tout ce que j'ai dit.
29:27C'est super, tout ça.
29:28C'est-à-dire qu'ils ont quand même entendu ce que tu avais à dire et ça, c'est bien.
29:34Oui, c'est bien.
29:35Donc, depuis, il y a quand même eu des changements, il me semble, c'est ça ?
29:38Oui, parce qu'ils m'ont...
29:39Justement, ils m'ont demandé ce que je voulais faire.
29:43Si je voudrais rester avec lui, avec un accompagnement, ou si je voudrais changer.
29:49Après beaucoup de pensée, j'ai décidé de changer de directeur.
29:56C'était le meilleur choix pour moi.
29:59Comment ça se passe, alors ?
30:00L'ambiance est très différente.
30:02Le superviseur, il ne part pas avec leurs étudiants de façon si personnelle.
30:09Il ne sort pas avec eux pour boire du verre.
30:13C'est vraiment là que j'ai réalisé que ce n'était pas du tout normal, ma situation avant.
30:19Ça aide quand tu connais qu'il y a des gens comme Women's Safe ou des élus dans l'université
30:27qui vont t'aider si besoin.
30:30Je me disais tout le temps que je suis forte, je suis dynamique, je peux le faire toute seule,
30:37je n'ai pas besoin de personne.
30:41Ça va passer si je me rends plus forte et je ne pense pas trop.
30:49C'est là.
30:50Si tu ne fais pas le travail, c'est toujours dans ton cerveau et dans ton corps.
30:54N'oublie pas.
30:56Tu ne peux pas faire semblant qu'il n'y ait rien qui s'est passé.
31:02Malheureusement.
31:04Au début, on a surtout travaillé sur la question de la psyché, de ce qui se passe dans la tête.
31:09Mais comme tu l'as dit, il y a quand même des choses qui sont reliées au corps.
31:12C'est le premier à recevoir l'information quelque part, avant qu'on le conscientise réellement.
31:16Maintenant, d'expliquer un peu au corps comment ça fonctionne et de l'aider à se détendre un peu,
31:22redescendre en tension physique, pour pouvoir rééquilibrer un peu le corps et l'esprit.
31:28Il y a les lundis, il y a le karaté et il y a aussi la danse-thérapie.
31:33Ok, très bien.
31:36Super, merci beaucoup.
31:38C'est bon ?
31:40Ok, c'est noté.
31:53On retrouve souvent un sentiment de culpabilité chez les victimes en général.
31:58Souvent lié à la situation qui reste difficilement acceptable,
32:02mais aussi du fait de certaines non-réactions.
32:06C'est-à-dire que beaucoup de victimes nous disent « je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai pas réagi,
32:09je n'ai pas hurlé, je n'ai pas dit non, je ne l'ai pas repoussé, voilà, je n'ai rien fait.
32:14Ou alors, au contraire, je l'ai des affaires.
32:17Le stress, à la base, nous aide à gérer ces situations-là.
32:21Mais il y a des situations où le stress est beaucoup trop élevé.
32:25Il dépasse totalement notre seuil de tolérance au niveau chimique.
32:29C'est-à-dire qu'il va, tout d'un coup, arrêter de produire du stress
32:33et produire, au contraire, de l'acétamine et de la morphine.
32:37Donc, ce sont des anesthésiens très puissants.
32:39À une telle puissance, je dirais, soit similaire ou bien similaire,
32:43À une telle puissance, je dirais, soit similaire ou bien similaire,
32:47à une anesthésie générale pour une opération à cœur ouvert.
32:51Et c'est là que le bœuf laisse, parce que les personnes ne le savent pas.
32:55Les personnes restent tétanisées, elles ne savent pas ce qui leur arrive.
32:59Et derrière, on va les faire culpabiliser là-dessus.
33:01Alors que c'est avant tout une réaction biologique de survie.
33:04Il y a cet effet de sidération, donc c'est le choc, à ce moment-là.
33:08Et l'effet d'après qui peut arriver, c'est la dissociation.
33:11C'est-à-dire qu'avec ce choc, avec tous ces anesthésiens que vous avez dans le corps,
33:15vous ne ressentez plus ce corps.
33:17Comme sous l'anesthésie générale, vous ne ressentez plus vos mains,
33:19vous ne ressentez plus vos émotions, il n'y a plus rien qui se passe.
33:22Au niveau psychique, au niveau cérébral, ça va être exactement la même chose.
33:25Et ce sont là les personnes qui disent, je ne ressens plus mes émotions,
33:27je ne ressentais plus mon corps, je ne sais pas pourquoi, je ne pouvais plus parler.
33:30C'est souvent ça qui pousse et qui contribue à cette culpabilité.
33:33Et c'est quelque chose qu'on déconstruit assez rapidement ici,
33:36lorsqu'on explique les mécanismes qui se mettent en place,
33:39les mécanismes de survie, aussi bien psychique qu'au niveau biologique.
33:42Et ça, petit à petit, ça fait redescendre cette culpabilité.
34:01J'ai dit oui, dans un sens.
34:03Je ne suis pas légitime de le dénoncer sur quoi que ce soit.
34:08Et j'en ai même parlé à un moment avec lui, en lui disant,
34:11sur le ton de la rigolade, que ce qu'il avait fait, quand même,
34:14au début, c'était un peu déplacé et que j'aurais pu en parler au RH.
34:19Et il m'a dit tout naturellement que, de toute façon, il aurait nié
34:22et que ça l'aurait étonné qu'on le croit plus moi que lui.
34:28Je n'en ai pas parlé à la fac, je n'en ai pas parlé à l'hôpital.
34:33Je n'ai jamais pensé à porter plainte,
34:35parce qu'en fait, je ne me sens pas du tout légitime de porter plainte.
34:38C'est difficile de dénoncer parce qu'on ne sait pas
34:42comment vont réagir les personnes qui sont en face.
34:45Ce qui est pointé du doigt, c'est juste les faits.
34:48Et les faits, c'est que tu as couché avec lui.
34:51Alors que les faits, ce n'est pas ça.
34:54Les faits, c'est qu'il a couché avec moi.
34:56Moi, je n'étais pas là.
35:01J'ai écrit un mail au directeur du département,
35:04où j'ai fait mes études,
35:06et j'ai écrit un mail à la chargée de l'égalité femmes-hommes.
35:12Personne ne m'oriente vers un dispositif.
35:15A l'époque, je ne savais même pas qu'il existait des psychologues dans les facs.
35:19Il n'y a pas de conséquences pour mes agresseurs par rapport à mes mails à la fac.
35:23Mais j'ai fait l'effort et ça m'a demandé énormément d'énergie
35:27d'aller déposer toutes mes plaintes.
35:30Il y en a deux qui ont été classées et une qui est encore en cours.
35:33Ce n'est pas normal.
35:38Les victimes ne sont pas entendues et les violeurs ne sont pas jugés.
35:45C'est une impunité totale.
35:48À force de discuter avec des étudiants en arts plastiques,
35:51on arrive à 17 témoignages écrits au total.
35:55La présidente de l'université décide d'ouvrir une section disciplinaire
36:01et d'instruire le dossier.
36:04Les deux sections disciplinaires indépendantes ont rendu un verdict
36:08qui qualifiait les faits d'un enseignant et de l'autre
36:13de harcèlement émoral et sexuel.
36:17Ce qui est un peu rare dans ce cas de figure,
36:20c'est que les deux sections disciplinaires,
36:23sans s'être consultées, ont donné la sanction la plus élevée,
36:26c'est-à-dire être virées à vie de l'enseignement supérieur et de la recherche.
36:31Cette décision n'est jamais vue.
36:33En fait, il y a des sanctions,
36:35mais il faut savoir que la sanction minimum, c'est le blâme.
36:38C'est bien souvent aussi ce qui est donné.
36:42Quand il y a un blâme, en réalité, il n'y a pas vraiment de recours qui est fait.
36:46Par contre, quand ça va un peu plus loin,
36:48une suspension d'un an, deux ans,
36:50il y a un recours au CNESER qui est donc une instance supérieure
36:56au national qui surplombe un peu toutes les universités,
37:01qui est une voie de recours dans le cas de sanctions disciplinaires
37:05pour les enseignants, mais aussi pour les étudiants.
37:08En juillet 2022, les deux enseignants sont relaxés par le CNESER.
37:14Ils peuvent réintégrer l'enseignement supérieur,
37:18c'est-à-dire qu'ils peuvent revenir à l'université pour enseigner.
37:22Et après, quand on lit le bulletin officiel et le rendu,
37:27c'est exaspérant au possible
37:31qu'il n'y ait encore une fois aucun élément de témoignage,
37:35qu'il n'y ait rien des auditions qu'on a pu passer.
37:39C'est affligeant et ça nous a mis en colère.
37:43Même s'il y a des décisions courageuses qui sont prises dans les universités,
37:50en fait, quasi systématiquement,
37:53quand c'est une sanction un peu lourde,
37:56le CNESER casse la décision
37:58et ça assure une impunité quasi totale
38:02pour les enseignants qui harcèlent, qui agressent.
38:06Moi, j'ai écrit à l'école doctorale pour leur dire comment ça se passait pour moi.
38:11On m'a demandé est-ce que tu veux qu'on intervienne, j'ai dit non.
38:14J'avais peur des conséquences que ça pourrait avoir si je le faisais.
38:19Et au final, c'est exactement ce qui s'est passé.
38:22C'est-à-dire que mes collègues Tézard se sont manifestés auprès de la FAC.
38:27Elles en ont parlé à l'école doctorale.
38:29Pas de violence sexiste, mais de harcèlement moral.
38:32Et elles ont autorisé la FAC à agir.
38:35Donc la FAC est intervenue en allant voir les directeurs et co-directeurs
38:41et en disant si ça, ça, ça, ça va pas.
38:44Et elles se sont fait saquer derrière.
38:47Le harcèlement permet à des chercheurs qui se sentent menacés,
38:50notamment par des femmes, d'éliminer la concurrence
38:53parce qu'elles vont partir, parce qu'elles n'en peuvent plus,
38:58ou alors parce qu'elles vont être discréditées.
39:00Et en fin de compte, grâce à ce fonctionnement-là,
39:03ils vont gripper les échelons, ils vont atteindre des postes à responsabilité.
39:06Et ensuite, ces personnes-là vont recruter des personnes en dessous d'elles
39:13qui vont les protéger.
39:15Donc ces personnes-là vont finir quasiment intouchables.
39:19Prendre la parole, c'est possible, au sens où il est possible de dire à la FAC,
39:22il est possible de dire à son directeur de thèse,
39:24ça va pas, il me parle comme ci, il me parle comme ça, ça s'est déplacé,
39:27ça, ça va pas, c'est possible, mais en fait, ça n'a soit pas d'impact
39:30au sens où dénoncer une violence auprès des gens qui te l'imposent,
39:34ça n'a pas de sens.
39:37Dénoncer une violence auprès de gens
39:41qui ne peuvent pas agir plus haut que les gens qui t'imposent la violence,
39:46ça n'a pas de sens non plus.
39:49Mais sinon, ce genre de choses-là, en fait, c'est tellement banal.
39:53Enfin, je veux dire, ça fait partie du diplôme.
39:57Moi, c'est ce qu'on m'a expliqué, c'est que si tu veux avoir ton diplôme,
40:00oui, il va falloir que tu chiales, il va falloir que t'entendes
40:03telle personne qui fait un commentaire sur tes seins, tes fesses,
40:06et l'intégralité de... Enfin bref, ça fait partie du diplôme.
40:10Peut-être même plus que le reste, en fait.
40:13Au vu des personnes que j'ai pu rencontrer,
40:16au vu de toutes les personnes avec qui j'ai pu discuter,
40:19on voit que la réponse de l'université, elle n'est pas suffisante.
40:22Elle est loin d'être suffisante.
40:25C'est bien de financer des campagnes d'affichage,
40:28c'est bien de financer des cellules d'écoute dans certains endroits,
40:31mais est-ce que c'est fonctionnel ? Ça, c'est notre question.
40:34Certaines universités, les retours vont être plutôt positifs.
40:37Ils comprennent à peu près le boulot.
40:40Dans d'autres universités, c'est des cellules qui existent sur le papier,
40:43mais qui n'existent pas du tout.
40:46Ou alors avec des personnes qui ont à cœur de bien faire,
40:49mais qui ne sont pas formées.
40:52Donc on voit bien que l'argent qu'on a mis sur la création
40:55des cellules d'écoute, il n'est pas suffisant,
40:58parce qu'il faut aussi qu'ils s'accompagnent de recrutement.
41:01Il faut qu'ils s'accompagnent de formation.
41:04Les associations sur place voient bien qu'il y a encore plein de problèmes,
41:07donc il faut aussi collaborer avec les assos.
41:10Quand elles font remonter des problèmes, il faut les prendre en compte.
41:34Le CLASH a été créé en 2002,
41:37d'abord comme un collectif de doctorantes en sciences sociales,
41:40et c'est devenu une association en 2003.
41:43On est un collectif anonyme,
41:46parce que si on sait qui est au CLASH,
41:49nos carrières sont finies.
41:52Ça met en danger tout le collectif,
41:55et derrière, toutes les victimes qu'on accompagne.
41:58On le précise très rapidement,
42:01quand on a des victimes qui nous contactent,
42:04on ne fait pas d'accompagnement juridique ni psychologique,
42:07puisqu'on n'est pas formé à ça.
42:10Notre champ d'expertise, c'est les procédures disciplinaires,
42:13ou tout ce qui peut se passer au sein de l'université.
42:16La nouveauté ces dernières années,
42:19c'est qu'on se prend des plaintes en diffamation
42:22par des présumés agresseurs,
42:25qui sont visés par des enquêtes disciplinaires
42:28et que nous, on a porté,
42:31qui sont professeurs des universités la plupart du temps.
42:34Aujourd'hui, on se rend au tribunal judiciaire de Paris,
42:37parce que l'association, le CLASH,
42:40a été attaqué en diffamation par un professeur des universités.
42:43Suite à une lettre ouverte qu'on a écrite,
42:46on a reçu des témoignages au début de l'année 2020
42:49concernant cet enseignant,
42:52avec des faits qui s'apparentent à du harcèlement sexuel,
42:55à du harcèlement moral,
42:58voire même à des agressions sexuelles.
43:01Ces victimes avec qui on est en contact,
43:04nous expliquent qu'elles ont connaissance
43:07d'une quinzaine de témoignages concernant cet enseignant.
43:10L'université avait connaissance d'un certain nombre de témoignages
43:13vis-à-vis de cet enseignant,
43:16mais dans le même temps, l'autorisait à soutenir
43:19et donc à obtenir l'habilitation
43:22de devenir directeur de thèse,
43:25alors même qu'au sein de l'université avait lieu une enquête
43:28mais qui n'avait pas encore rendu ses conclusions.
43:31Non seulement ce prof est toujours en poste,
43:34mais la soutenance qui lui a permis d'encadrer des thèses a eu lieu.
43:37De son avis, elle s'est très bien passée.
43:40De son avis toujours, la lettre ouverte qu'on a publiée
43:43n'a eu aucune incidence sur le fait
43:46que maintenant il peut encadrer des thèses.
43:49Pour l'audience, il a même reconnu publiquement
43:52que le CLASH faisait du bon travail.
43:55Et donc l'enjeu pour nous aujourd'hui,
43:58c'est de ne pas être condamné en diffamation
44:01et d'avoir aussi l'opportunité
44:04de montrer à quel point ces procédures
44:07sont une manière d'essayer de nous faire taire,
44:10de faire taire l'une des très rares associations
44:13qui se mobilisent sur les questions
44:16de violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur.
44:19Donc il y a un gros enjeu en fait.
44:30Peu importe le délibéré,
44:33ne vous manifestez pas de réaction.
44:36On acquiesce et on sort tranquillement
44:39et on parlera s'il faut faire appel en fonction.
44:42On a fait le plus dur, vraiment.
44:47On a vraiment de la chance.
44:50Oh la la, vraiment.
44:53Soulagée, soulagée.
44:56La relaxe, enfin.
44:59Ah ouais, là je leur ai expliqué la motivation,
45:02mais c'est énorme.
45:05Et par ce communiqué, vous n'avez fait que reprendre
45:08cette mission d'intérêt général qui vous a été remise
45:11par le ministère, parce que vous faites un travail
45:14reconnu par toutes les instances que les instances ne font pas elles-mêmes
45:17et vous servez à faire avancer les choses.
45:20Et le tribunal l'a mis noir sur blanc.
45:23Donc là maintenant, vous restez focus, vous restez dans le truc
45:26parce que les femmes à la fac, elles ont besoin de vous
45:29parce que ce n'est pas normal et parce que vous faites un bon travail,
45:32ce qui est reconnu.
45:36Donc, j'ai eu le diagnostic en septembre 2020
45:39de stress post-traumatique complexe.
45:42Et c'est là que j'ai commencé à me soigner.
45:45Je me reconstruis comme je peux
45:48avec mes passions,
45:51la photo, le cinéma,
45:54la musique,
45:57la danse,
46:00le sport,
46:04du coup, je travaille depuis chez moi,
46:07sur moi-même, sur le quotidien d'une personne malade
46:10et c'est un peu thérapeutique quand même.
46:13Je prends énormément de médicaments
46:16pour mon stress post-traumatique
46:19et pour mon endométriose
46:22et c'est tous les jours, tous les matins, tous les soirs.
46:25Le fait de montrer les médicaments,
46:28ça montre qu'il y a un réel souci de santé.
46:31Les gens se rendent mieux compte.
46:34Ah oui, elle ne dit pas juste qu'elle a subi tout ça,
46:37elle a aussi tout un suivi,
46:40une allocation adulte handicapée,
46:43des tonnes de médicaments à prendre,
46:46une vie abîmée.
46:49Je me suis remise au dessin.
46:52J'ai arrêté pendant un moment,
46:55après ce dossier
46:58et en fait, je me suis remise
47:01quand je suis allée à Montpegant.
47:04Toulouse, pour moi, c'était évident,
47:07il fallait que je parte,
47:10je ne pouvais pas rester avec les enseignants
47:13qui savaient, etc.
47:16Tout ça a créé une sorte de crispation
47:19et j'ai arrêté de dessiner pendant un moment
47:22et là, dans le cadre de mes études,
47:25j'ai pu reprendre le dessin
47:28et c'est super chouette.
47:31Du coup, je fais plein de bâtiments,
47:34de logements, d'aménagements et j'adore ça.
47:47Après mon arrêt, j'ai pris des traitements
47:50pendant 6 mois qui m'ont changé la vie.
47:53Je vais aller au bout de ma thèse.
47:56Je travaille dans les cafés
47:59parce que j'aime bien qu'il y ait du monde,
48:02j'aime bien qu'il y ait de la vie autour.
48:05Donc j'ai continué de la faire
48:08et je vais la soutenir et je vais la terminer.
48:11Mais je ne veux plus faire de recherche.
48:14C'est fini ça.
48:17Je considère que le coût que j'ai payé
48:20est largement trop important
48:23par rapport à ce que ça m'a rapporté.
48:26En termes de santé, oui.
48:29Quand tu penses au suicide à cause du boulot,
48:32ça n'a pas de sens du tout.
48:35Mon conseil, c'est de maintenir la pression.
48:38Avec les années qui passent,
48:41il commence à y avoir des changements.
48:44Il faut miser sur la force du collectif.
48:47Des associations locales, des associations nationales,
48:50des syndicats, des groupes de parole.
48:53Ne pas rester isolé, ne pas rester seul
48:56et ne surtout pas avoir l'impression
48:59qu'on est les seuls à vivre ça.
49:12J'ai des projets d'écriture que je suis en train de mettre en place
49:15et de concrétiser plus sérieusement.
49:18Avec la fin de la thèse et la pause que je vais prendre,
49:21j'aimerais bien essayer de voir si ça peut donner quelque chose.
49:24Essayer de suivre un truc qui me plaît à fond au niveau professionnel.
49:27On verra ce que ça donnera ou pas.
49:30Mais en tout cas, un truc qui soit personnel,
49:33qui soit à moi, que je puisse faire,
49:36que je sache faire, que j'ai envie de faire,
49:39c'est le collectif.
49:49Je reprends ma vie en main
49:52en faisant des choses que j'ai décidé de faire,
49:55que j'ai envie de faire
49:58et que personne d'autre ne décide pour moi.
50:01J'essaie d'apprendre à m'écouter.
50:04J'ai repris la danse.
50:07Ça me permet de m'évader,
50:10de revivre,
50:13même juste de sentir mon corps qui bouge
50:16d'une façon, de le sentir léger,
50:19même de le voir beau
50:22quand il danse.
50:25Je sens que ça me fait du bien.
50:28Je sens que ça fait du bien à moi, mon corps,
50:31et à nous remettre ensemble,
50:34et j'ai commencé cette année le cabaret.
50:37C'est pas évident toujours
50:40de danser comme ça.
50:43C'est une façon d'exprimer sa féminité à fond.
50:46Mon corps qui est sensuel,
50:49mais sans chercher l'approbation
50:52d'un autre homme en face
50:55et de juste être sensuel pour moi-même.
50:58Le regard qu'ils peuvent porter sur nous,
51:01ils passent complètement à la trappe.
51:04C'est hyper libérateur.
51:31Sous-titrage Société Radio-Canada
52:01Sous-titrage Société Radio-Canada

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