L'armée israélienne a revu à la hausse le bilan des pertes dans les combats dans le sud du Liban, déclarant que huit de ses soldats étaient morts dans des combats avec le Hezbollah.
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00:00Et l'on accueille le Général Jean-Paul Palomeros. Bonjour Général, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, ancien commandant allié de l'OTAN.
00:06Merci d'être avec nous face à Patrick Sauss, éditorialiste politique étrangère de BFM TV et Clémence Dibout que l'on va rejoindre dans un instant l'envoyée spéciale de BFM TV en Israël,
00:16tout à fait au nord, au plus près de la frontière avec le Liban, alors que deux jours après le début des opérations terrestres, l'armée israélienne annonce la perte de huit soldats.
00:26Ce sont les premiers militaires israéliens tués depuis le début de cette incursion et d'ailleurs l'armée israélienne a diffusé cette nuit la photo de ces huit militaires, de ces huit jeunes hommes.
00:37Clémence Dibout, est-ce qu'on sait dans quelles circonstances ils ont été tués d'ailleurs ?
00:41Ce que l'armée israélienne a expliqué, c'est qu'ils ont été tués pour une partie d'entre eux par un missile anti-char du Hezbollah tiré en leur direction,
00:52puis ensuite d'autres ont été tués par un tir de mortier alors qu'ils tentaient d'évacuer des blessés.
00:58On a des images de l'armée israélienne qui a publié ces images, ces vidéos de ces corps rapatriés sur la zone et c'est vrai que ce que l'on voit sur ces images,
01:08c'est évidemment que ce sont des terrains vallonnés, exposés et donc extrêmement risqués pour les soldats israéliens.
01:15Alors ça c'est très intéressant Général Palomero, c'est parce que faire la guerre en bombardant des positions du Hezbollah est une chose,
01:22mais la guerre au sol est évidemment une autre. Dans un territoire, on l'a dit, montagneux, difficile, c'est évidemment plus compliqué et extrêmement risqué.
01:32Oui absolument, ça a été l'enjeu d'un débat initial, je sais, au sein de l'état-major israélien, mais ils n'ont pas plus vraiment le choix si vous voulez.
01:42La partie aérienne, elle a été conduite d'une manière remarquable sur ce théâtre, mais la question c'est quel est l'objectif de guerre ?
01:53Est-ce que c'est vraiment d'éradiquer entre guillemets le Hezbollah ? Ça, ça va prendre du temps, c'est quand même le premier groupe terroriste du monde,
01:59ça n'a rien à voir avec le Hamas, donc déjà le Hamas c'était compliqué. Donc deuxième élément, comment s'y prendre ? Et là, il n'y a pas 50 solutions quoi,
02:08il faut aller les déterrer, bien sûr qu'il y a l'aide de l'aviation, bien sûr que les Israéliens sont maîtres en la matière, mais les forces israéliennes,
02:17elles ne sont pas inépuisables.
02:18Mais quand vous dites qu'il faut aller les déterrer, ça veut dire que ce sont, un, l'avant-garde, ce sont les commandos, puis les chars.
02:26Il faut les trouver, essayer de limiter les risques, et puis à un moment donné, ce sont des gens qui sont rompus au combat, ce sont des vrais combattants,
02:35ils agissent, ils sont chez eux, c'est un avantage considérable, et le terrain les favorise, c'est un vaste terrain où ils peuvent se cacher.
02:43Et moi la question que je me pose vraiment, c'est, l'objectif d'Israël est-il de repousser au plus loin possible ce Hezbollah, de l'affaiblir, ça c'est clair, mais à quel prix ?
02:53Il va y avoir un prix à payer Patrick, et on va d'abord évoquer ce que le général disait il y a quelques instants, qui est la topographie des lieux. À quoi ça ressemble ?
03:02Ça pourrait ressembler en partie, au départ, à des espèces de champs d'oliviers, avec des bosquets, il faut les imaginer, des hautes herbes, et puis derrière,
03:11pour l'avoir vu, pour avoir été aussi en Afghanistan, dans le Sahel, un petit peu à ça, c'est-à-dire de la montagne, de la colline, parfois de la rocaille, parfois des bosquets,
03:21et cette idée, lorsque je reprends notamment l'Afghanistan, c'est qu'on n'est pas dans une guerre totalement asymétrique, c'est pas l'armée française dans le Sahel,
03:30avec des types sur des mobylettes, une guerre asymétrique, c'est-à-dire que vous avez une grosse armée conventionnelle qui arrive face à des djihadistes qui sont sur des motos.
03:38On est plutôt, comme avec les talibans, qui sont à la fois un mouvement politique, mais aussi quasiment une armée conventionnelle, c'est-à-dire qu'ils sont vraiment attendus.
03:47Et pour l'avoir déjà vu, en Afghanistan, y compris en hélicoptère, donc avec un petit peu d'altitude, lorsque vous êtes attendu par un ennemi totalement invisible dans les collines,
03:57dans les campagnes, on sait qu'il y a des bunkers qui sont là, on sait que derrière chaque bosquet, il peut y avoir non pas un type qui est prêt à se faire sauter,
04:04mais un type qui est prêt à avancer sur sa position, tout ça est très différent, et bien ça devient difficile, même si vous êtes l'armée...
04:10Donc, général Palomero, ça veut dire qu'il y a des pièges partout, que les embuscades sont possibles, c'est sans doute d'ailleurs dans une embuscade que sont tombés ces huit soldats.
04:17Mais je rajoute une notion, les services de renseignement israéliens ont quand même prouvé ces derniers jours qu'ils avaient un certain nombre de qualités,
04:25là, c'est difficile de repérer où sont les positions du Hezbollah ?
04:30Le renseignement, ça fournit effectivement des informations pour faire du ciblage, beaucoup, ce qu'ont parfaitement fait, je pense, les Israéliens dans cette première phase de préparation et d'attaque du système de commandement et de la chaîne de commandement.
04:46Ça, c'est un atout que les Israéliens ont bien utilisé.
04:50Maintenant, le renseignement, il va vous dire, voilà, on estime que les forces du Hezbollah sont de tel calibre, bien sûr, qu'il y a des endroits un peu critiques, là où sont les stocks d'armement.
05:02Ça, évidemment, si on arrive à les priver de leurs stocks d'armement, c'est mieux, mais on n'empêchera pas que, comme vous le disiez parfaitement, ils sont mobiles, ils connaissent le terrain parfaitement, ils sont préparés...
05:12– Ils sont autonomes, ils n'ont pas besoin d'avoir un commandement qui vient de très très haut.
05:16– Là, sur le terrain, ils sont chez eux, ce n'est pas comme lorsqu'ils sont pris au piège au Liban, où là, ils n'ont pas grand-chose à faire, ils n'ont pas de défense antiaérienne.
05:26Là, ils sont au corps-à-corps, si vous voulez, enfin, en tout cas, au contact.
05:29– Regardez l'Afghanistan, encore une fois, regardez la guerre du Vietnam aussi.
05:32On peut vous trouver des exemples d'armées qui arrivent justement surarmées.
05:36Les Israéliens font la guerre, ce qu'on appelle, en trois dimensions, c'est-à-dire qu'ils ont toujours un drone qui leur montre la topographie.
05:42C'est peut-être ça aussi leur enseignement, c'est qu'on sait que les Israéliens, ils avancent, il y a le capitaine derrière qui a, sur son écran, la vue du haut, tout va bien.
05:51Mais ces types-là, en face, sont entraînés, mobiles, autonomes, on l'a déjà dit, mais en plus...
05:56– Et planqués. – Et totalement planqués.
05:57– Dans les tunnels, oui.
05:58– Et moi, je n'arrive pas encore à savoir s'ils ont le même état d'esprit que, justement, le Vietcong au Vietnam ou certains djihadistes en Afrique.
06:06Est-ce qu'ils ont cet esprit de suicide, de martyr où, au pire du pire, on se fait sauter ou est-ce qu'ils ont vraiment la volonté de repousser et d'être comme une armée ?
06:15Parce que là aussi, ils sont chez eux.
06:17Le Hezbollah avait communiqué hier en disant qu'on a repoussé, on a attaqué.
06:21– Clémence Dibou, le risque aussi, la toile de fond pour l'armée israélienne, c'est 2006.
06:27Ça va, c'était un traumatisme pour de nombreux soldats israéliens.
06:30Vous pouvez bien nous rappeler ce qui s'était passé ?
06:34– Oui, je peux vous livrer deux sentiments généraux qu'on nous a transmis.
06:38Hier, on était avec une jeune israélienne quand on a appris la mort de ses soldats.
06:41Je vous cite brut sa citation, elle a dit « Merde, l'opinion publique ne va pas supporter ».
06:45Et puis, on était allés voir il y a quelques jours ces personnes évacuées du Nord pour qui le but de guerre, c'est de les faire revenir sur leur territoire.
06:52Et même eux, ils nous ont expliqué qu'ils étaient pour des frappes aériennes mais que les combats corps-à-corps terrestres, ils le craignaient.
07:00Pourquoi ? Et bien parce qu'effectivement, vous l'avez dit, en 2006, il y a eu une incursion de l'armée israélienne au Liban.
07:06Et en moins d'un mois, il y a eu plus d'une centaine de soldats morts.
07:09Et c'est vrai que ça n'a pas vraiment été compris dans l'opinion civile israélienne.
07:14Ça a été très coûteux en vie humaine parce que souvent, comme c'est le cas en ce moment,
07:18ce sont des jeunes conscrits qui sont envoyés au front dans des conditions difficiles parce que c'est parfois du corps-à-corps.
07:24Et on sent dans l'opinion israélienne que c'est une corde sensible et qu'on n'a pas envie de voir des soldats mourir encore.
07:30Je vous rappelle un chiffre. Depuis le 7 octobre, 716 soldats israéliens sont morts.
07:36Général Palomero, est-ce que cet aspect psychologique, cette mémoire de 2006, peut peser sur l'état d'esprit des soldats qui sont en opération en ce moment ?
07:44Les soldats, ils vont au combat, ils sont entraînés pour ça, ils sont formés.
07:48Mais ça doit peser aussi dans l'esprit, me semble-t-il, de certains chefs militaires
07:54qui savent très bien que commencer une bataille terrestre de cette nature, c'est une chose,
08:01la terminer avec des objectifs qui me paraissent quand même un tout petit peu flous et un petit peu trop généraux
08:08pour pouvoir en faire vraiment une stratégie et donc une tactique.
08:14Ils font de leur mieux, ils se battront avec courage, mais il faut s'attendre à des pertes.
08:19Il n'y a pas de misère, je pense que les Israéliens le savent et ils l'ont accepté.
08:24C'est plus la même chose, on est dans une phase nouvelle.
08:27Il faut rappeler quand même l'objectif d'Israël, ce qu'on n'a pas fait pour l'instant,
08:30c'est restaurer cette zone de sécurité au sud du Liban pour permettre le retour de ses quelques 68 000.
08:3568 000, mais attention, restauration.
08:37On fuit le 7 octobre, enfin après le 7 octobre, en raison des bombardements d'Huezbola.
08:40Oui, mais je rappelle, ce sont les militaires qui gagnent la guerre,
08:43mais ensuite ce sont les politiques qui signent la paix pour tout le monde.
08:47Et cette solution politique, on ne la voit absolument pas.
08:49De quoi parle-t-on ? Ce sont des villages non pas d'Huezbola, mais des villages chiites.
08:53Qu'est-ce qu'on en fait après ? Quand bien même le Huezbola est parti,
08:56ce sont des gens qui vont avoir une rancœur incroyable, comme dans tant de guerres,
09:00des gens qui vont se regarder avec beaucoup de haine, sans doute pour des générations.