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Dr Natacha Regensberg de Andreis, secrétaire générale adjointe URPS-Ile de France, invitée de France Bleu Paris, le 2 octobre 2024

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Transcription
00:00France-Bleu-Paris, l'île de France, est le plus grand désert médical du pays.
00:03Cela peut paraître étonnant, mais c'est une réalité pour bon nombre d'entre vous qui nous écoutez.
00:08Plus d'un million et demi de Franciliens n'ont pas de médecin traitant.
00:11Si c'est votre cas, n'hésitez pas à réagir au 01-42-30-10-10.
00:16Et pour en parler, nous recevons un médecin, justement également secrétaire générale adjointe de l'URPS,
00:20l'Union régionale des professionnels de santé.
00:23Bonjour Docteur Natacha Regensberg-Deandreïs.
00:25Bonjour.
00:26Plus des deux tiers des Franciliens vivent dans un désert médical.
00:30Ce n'était qu'un tiers il y a six ans. Comment est-ce possible ?
00:33C'est tout à fait logique.
00:34Nous avons une démographie médicale qui fait que nous sommes de moins en moins de médecins,
00:39que nous sommes une population médicale qui gagne en âge également,
00:42puisque 50% de nos médecins ont plus de 60 ans, et parmi eux, la moitié a plus de 62 ans.
00:48Alors même si les médecins travaillent tard, il y a un quart d'entre eux qui travaillent après 65 ans,
00:53les chiffres sont là.
00:54Et nous avons une population qui a grandi, qui a pris en âge également,
00:58donc avec des pathologies plus lourdes, et malheureusement ça coince.
01:02Une population qui vieillit, des médecins qui vieillissent,
01:05on a l'impression qu'on se dirige vers le scénario du pire,
01:07puisque les médecins partent aussi de l'Île-de-France.
01:10En fait, on est devant un syndrome de Cassandre.
01:12Ça fait des années qu'on alerte sur ce plan-là.
01:15On a eu un numerus clausus, c'est-à-dire des entrées en faculté de médecine
01:18qui ont été restreintes pendant des années.
01:21Lorsqu'on a décidé de l'ouvrir, c'est tout à fait récent et c'était un petit peu tard,
01:25on a d'ailleurs des difficultés pour former les gens qui vont arriver maintenant dans ces études,
01:31et on a prévenu qu'on allait dans le mur, maintenant je pense que nous sommes dans le mur.
01:36Et c'est une réelle situation de crise.
01:39Crise pour tous les patients, et crise pour les médecins également.
01:42Et pour nos auditeurs, est-ce qu'on peut définir ce que c'est qu'un désert médical concrètement ?
01:46Un désert médical, c'est un endroit où on a du mal à voir un médecin,
01:49que ce soit parce qu'il n'y en a pas tout simplement géographiquement,
01:53que ce soit parce que les délais d'attente sont trop longs,
01:55que ce soit parce qu'on n'arrive pas à voir de médecin traitant.
01:59Donc c'est quelque chose qui a une définition un peu complète, je dirais,
02:04et qui touche maintenant l'ensemble en effet de l'Île-de-France,
02:07puisque 97% de l'Île-de-France est considérée comme un désert médical,
02:11avec des disparités bien entendu suivant les endroits.
02:15Il y a des endroits où on a plus par exemple de spécialistes ou plus de généralistes,
02:19mais c'est quelque chose quand même de très très global.
02:22Des départements plus touchés que d'autres par exemple ?
02:24On pense à la Seine-Saint-Denis ou la Seine-et-Marne ?
02:26Absolument, mais il faut savoir que par exemple dans ces départements de banlieue,
02:31on va avoir par exemple beaucoup plus de mal à trouver un spécialiste.
02:34On va avoir plus de spécialistes à Paris, mais moins de généralistes.
02:37Donc les choses malheureusement s'équilibrent un peu.
02:40On le disait, plus d'un million et demi de Franciliens sans médecin traitant.
02:44Quelles sont les solutions ?
02:46Alors, les solutions il y en a.
02:48Tout d'abord il faut préserver ceux qui sont en exercice,
02:50c'est-à-dire leur rendre l'exercice un petit peu plus facile.
02:53Actuellement il faut savoir que les médecins sont la première population en France à se suicider.
02:59Donc on a 44% de sur-risques de suicide,
03:02ça veut dire cinq fois plus à peu près que la population normale,
03:05avec là encore des disparités.
03:06Quand on est une femme, on a encore un peu plus de risques.
03:10Il faut alléger, je pense, une partie de nos charges, charges mentales.
03:15Alors il y a les charges qu'on a acceptées, c'est notre métier.
03:17On prend en charge des gens, des gens qui sont malades.
03:19Donc c'est normal d'être impliqué.
03:21Mais on a des charges administratives qui sont monstrueuses.
03:24On a des tentatives de coercition de part et d'autre.
03:29Il y aurait des façons de maintenir l'existant.
03:32Par exemple, en proposant aux médecins qui sont en cumulant plus en retraite,
03:37de pouvoir continuer à cotiser pour leur retraite,
03:39mais que ce soit effectif et pas à fond perdu.
03:41En permettant un allègement de certaines charges,
03:43parce que ces médecins qui sont plus âgés ne peuvent pas travailler à temps plein.
03:48On a les gens, comme je l'ai dit, les charges administratives.
03:50Et puis, on peut aussi aider les jeunes, parce qu'on a tout un vivier, à s'installer.
03:55Et actuellement, les jeunes médecins, pour beaucoup,
03:59rechignent à s'installer en ville,
04:02parce que les conditions ne sont pas du tout attractives.
04:04Donc, redonner de l'attractivité à notre métier,
04:07que ce soit sur le plan financier actuellement.
04:11Un médecin qui veut s'installer, la première question qu'il pose,
04:13c'est est-ce que je vais avoir une aide pour pouvoir m'installer ?
04:16On devrait, lorsqu'on est en libéral, pouvoir vivre de notre métier,
04:19sans avoir besoin de vivre d'aide.
04:21Et on arrive à des choses complètement, des usines à gaz.
04:25On nous dit, ah non, on ne peut pas revaloriser vos actes.
04:27Par contre, on peut rajouter des tas de lettres clés,
04:29suivant la façon dont vous travaillez.
04:32Pour vous donner un exemple,
04:34lorsque l'on doit annoncer à un patient une maladie extrêmement grave,
04:38eh bien, on peut rajouter une lettre clé.
04:40C'est-à-dire que, non seulement, on annonce à un patient
04:43qu'il a un cancer ou une maladie neurodégénérative,
04:45mais en plus, on le fait payer plus cher.
04:47Ce qui, bien entendu, est déconnecté du réel.
04:498h21 sur France Bleu Paris.
04:51On parle des aires médicales aujourd'hui,
04:53puisque notre région, l'Île-de-France,
04:55est le premier des aires médicales de France.
04:56Comment ça se passe pour vous ?
04:57Vous réagissez aux 01, 42, 30, 10, 10.
04:59Il y a Fathia, d'ailleurs, qui nous a appelés à Bagneux.
05:02Et ça fait plusieurs mois que vous cherchez un dermato, vous, par exemple.
05:04Fathia, bonjour.
05:06Bonjour.
05:07Écoute, ça fait plus de cinq mois que j'essaie de prendre un dermato
05:11sur la région parisienne, par Doctolib,
05:13par tous les numéros téléphones inimaginables.
05:16Et après, j'en ai vraiment besoin.
05:19J'ai fini par appeler ma sœur qui habite à Roubaix.
05:21Son généraliste veut bien me prendre en mai 2025.
05:27Je trouve ça honteux qu'on n'ait pas d'accès ni aux services médicins privés,
05:34secteur 1, secteur 2, l'hôpital. Rien du tout.
05:36D'accord. Donc vous, Fathia, en plus, le rendez-vous n'est qu'en mai.
05:39Et en plus, vous devez aller à Roubaix qui, on le rappelle, est dans la banlieue de l'île.
05:42Donc ce n'est même pas en Île-de-France.
05:44Oui, parce que je n'ai pas trouvé d'autre choix.
05:47Je vais finir par avoir un quartier parce que je sais que j'ai un problème.
05:50Merci, Fathia. Merci beaucoup pour votre réaction au 01 42 30 10 10.
05:54Mai 2025, quel est votre conseil ?
05:57Docteur, qu'est-ce qu'on peut faire ?
05:59Alors, c'est vrai que la dermatologie est une spécialité
06:02dans laquelle on manque réellement de médecins.
06:04C'est vrai d'autres spécialités également.
06:06Et le problème, c'est qu'on ne forme pas d'interne
06:09en adéquation avec la demande en ville.
06:11On forme des internes en adéquation avec ce qui se passe à l'hôpital.
06:14Et l'hôpital n'a pas la possibilité de former
06:17beaucoup, beaucoup plus de médecins.
06:19C'est pour ça qu'une de nos propositions,
06:21c'est de permettre la maîtrise de stages en ville.
06:23C'est-à-dire que les internes viennent dans des cabinets de ville.
06:26Il faut rappeler que tous les médecins ont été formés à l'hôpital
06:28et ont enseigné eux-mêmes, de façon justement à répondre à cette demande.
06:32On a d'ailleurs, on organise,
06:35il y a depuis une douzaine d'années maintenant,
06:37des permanences d'aide à l'installation
06:39où on rassemble autour d'une table
06:41tous les acteurs qui aident à l'installation des internes.
06:44La CPAM, l'Ordre des médecins,
06:47l'URPS Médecins Libéraux,
06:49parfois les régions également,
06:51pour justement conseiller et amener les gens à s'installer.
06:54Un dernier mot, vous défendez la visite à domicile.
06:57L'URPS a même réalisé une enquête en Ile-de-France.
07:0072% des médecins généralistes font des visites,
07:04mais beaucoup souhaitent arrêter, vont arrêter, c'est ça ?
07:07En fait, on est devant un paradoxe.
07:09Quasiment tous les médecins disent qu'il faut préserver la visite à domicile.
07:12Or, c'est une visite qu'on a eu tendance à faire disparaître,
07:15et c'était une volonté, en disant,
07:17il faut arrêter les visites à domicile des médecins,
07:19puisque dans d'autres pays, ce ne sont pas des médecins qui le font,
07:21mais par exemple des paramédics.
07:23Donc on a fait disparaître les possibilités de faire ces visites,
07:25d'une part en les dévalorisant totalement,
07:28d'autre part, les conditions de circulation à Paris,
07:31je ne vous apprends rien,
07:33et en Ile-de-France sont absolument terribles,
07:35donc faire une visite à domicile,
07:37ça prend au minimum trois fois plus de temps qu'une consultation.
07:41Alors, qu'est-ce qu'il faut faire ?
07:43D'une part, peut-être aider les médecins à circuler et à se garer,
07:46ce qui n'est pas le cas, mais c'est la première chose.
07:48Deuxièmement, revaloriser cette visite.
07:50Actuellement, une visite à domicile,
07:52elle est valorisée à hauteur de 36,50 euros,
07:55pour une heure et demie à peu près.
07:58C'est ce que ça prend lorsque c'est un médecin généraliste qui fait une visite.
08:01Les urgentistes qui circulent plus facilement et plus fréquemment,
08:04c'est un petit peu plus court.
08:06Donc, 32,50 euros sur lequel vous avez minimum 50% de charge avant impôt,
08:11qui veut faire ça ?
08:13Donc, on fait ça pour les patients historiques
08:15qu'on a pris en charge, qu'on n'a pas envie d'abandonner,
08:17et même là, je dois vous dire,
08:19j'ai dû abandonner des patients qui habitaient rue de Rivoli
08:21et que je ne pouvais pas aller voir en visite à domicile,
08:23et il faut comprendre que c'est toujours un deuil pour un médecin de dire non.
08:27Merci Docteur Natacha Regensberg d'avoir été l'invité d'ici ce matin.
08:31Je rappelle que vous êtes secrétaire générale adjointe
08:33de l'Union Générale des Professionnels de Santé en Ile-de-France.
08:37Et je dis également que sur notre site francebleu.fr,
08:40on peut donner ses idées sur comment mieux se soigner en Ile-de-France
08:43et notre consultation citoyenne.
08:45Belle journée à vous.
08:46Une grande consultation citoyenne dédiée à vos solutions
08:49pour faire avancer notre système de santé.
08:51Nous vous mettrons en avant vos solutions lors de notre journée spéciale.
08:54Ce sera le 8 octobre prochain.
08:56N'hésitez pas.
08:57Quelles solutions pour être mieux soigné en France ?
08:59La grande consultation de France Bleu.
09:01Et d'ailleurs, sachez que mieux respecter le personnel médical
09:03arrive pour l'instant en tête des suggestions de nos auditeurs
09:06pour être mieux soigné en France.
09:08N'hésitez pas à aller voir France Bleu.

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