Ce que veulent les quartiers populaires, avec Rachel Keke, Emilie Lecroq et Olivier Corzani

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Que veulent les quartiers populaires ? Pour en discuter, nous avons invité sur notre plateau Twitch l’ancienne députée Rachel Keke, Emilie Lecroq, présidente du groupe Communiste, Insoumis et Citoyen au Conseil départemental de Seine-Saint-Denis et Olivier Corzani, maire PCF à Fleury-Mérogis.

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Transcription
00:00Les enfants, par exemple, qui ont le BAC, qui n'ont pas d'université,
00:03ou bien les enfants qui sont obligés de chercher des atteignances
00:06pour pouvoir continuer les études, il n'y a pas !
00:08Et ces enfants sont nombreux dans ces quartiers-là,
00:11et même en Angleterre, ils sont nombreux !
00:13Il n'y a pas du tout !
00:14Moi, j'appelle aujourd'hui cette famille-là dans ces quartiers populaires
00:18et en Angleterre, de se mettre ensemble,
00:19pour aller même devant le ministère de l'Éducation,
00:21pour dire que nos enfants, ils vont, je ne sais pas,
00:24ils sont en train d'aller à la perdition !
00:26Aidez-nous !
00:27Que veulent les habitants des quartiers populaires
00:29et comment le gagner avec eux ?
00:31Pour répondre à cette question, à côté de moi, il y a Émilie Lecoq.
00:33Bonjour, Émilie !
00:34Bonjour !
00:35Vous êtes conseillère départementale PCF de Seine-Saint-Denis,
00:38donc même présidente du groupe communiste, insoumis et citoyen
00:43de ce conseil départemental.
00:45Vous êtes également...
00:47C'est les cantons de Saint-Ouen, Saint-Denis,
00:49Ile-Saint-Denis, Épinay-sur-Seine.
00:52Et puis vous êtes également conseillère municipale à Saint-Ouen.
00:54Tout à fait !
00:54Voilà !
00:56L'un de vos combats, c'est bien sûr l'égalité républicaine,
00:58donc vous pourrez développer sur ce thème
01:02et sur les actions que vous avez pu mener au sein du conseil départemental.
01:07Rachel Keke, bonjour !
01:09Bonjour !
01:09Vous étiez, jusqu'à très peu de temps, députée.
01:13Alors, on vous a connu d'abord,
01:16passionnariat des femmes de chambre,
01:18un combat de deux ans victorieux,
01:21c'est ce qui vous a amené en politique.
01:23C'est l'action collective qui vous a amené en politique.
01:25Ensuite, vous avez été députée de la France insoumise,
01:28battue aux dernières élections à 500 voix près.
01:30500 !
01:31Voilà, 500 voix contre un LR soutenu par la Macronie.
01:35Bon, ça ne vous a pas empêché de vouloir continuer à faire de la politique ?
01:38Non, pas du tout !
01:39C'est la lutte qui continue !
01:41Vous êtes ici, vous continuez !
01:43Donc, vous nous parlerez de votre parcours, des luttes collectives
01:46et également, bien sûr, des quartiers populaires où vous vivez, d'ailleurs,
01:49et où vous agissez.
01:50Et puis, à côté de vous, Olivier Corzadi,
01:52maire PCF, le local de l'Étape, de Fleury-Mérogis.
01:56Vous êtes de l'Essonne.
01:58Vous avez été élu à 80% des votants, quand même,
02:01aux dernières élections municipales.
02:04On peut vous saluer de la classe, quand même ?
02:05Oui, oui.
02:06Si, si, on peut ?
02:08C'est correct.
02:09Voilà.
02:10Mais donc, une fois que vous êtes élu,
02:12vous avez fait des trucs, en plus, dans votre ville.
02:13J'ai essayé.
02:14C'est sûr, tout ça.
02:15Et vous nous expliquerez comment, en tant que maire,
02:17on peut imprimer quand même une politique collective.
02:21J'allais dire de gauche, mais évidemment de gauche.
02:23Mais il faut définir une politique au service des citoyens,
02:26au service de la conquête des droits
02:29que certains habitants des quartiers populaires ont perdus.
02:32J'invite chacun à regarder votre intervention
02:35sur les déserts médicaux,
02:36parce que ça a été un de vos combats victorieux, aussi,
02:38pour la ville de Fleury-Mérogis.
02:42Donc, voilà, je pose un peu le débat.
02:45On dirait qu'il n'y a que moi qui parle.
02:46C'est horrible, hein, Théo ?
02:47C'est très bien, mais tu vas leur poser des questions,
02:48et après, c'est lancé.
02:49Ouais, je vais leur poser des questions.
02:51Donc, voilà, le débat, c'est...
02:53Quand on dit que veulent les habitants des quartiers populaires,
02:55c'est quand même une question un peu rhétorique,
02:57parce que, bien évidemment, les quartiers populaires,
02:59c'est juste des gens qui veulent vivre comme tout le monde,
03:00avoir droit, par exemple, à un avenir pour leurs enfants,
03:04un boulot, un logement, pouvoir se déplacer,
03:07pouvoir vivre en sécurité,
03:10pouvoir avoir accès à un médecin quand ils sont malades,
03:13pouvoir aller au théâtre, au cinéma,
03:16pouvoir avoir accès à des équipements sportifs,
03:19enfin, juste la vie, quoi.
03:21Et en fait, parfois,
03:23en discutant avec des habitants des quartiers populaires,
03:24on se dit, eh bien, ils ont renoncé à ces droits
03:27qui, pourtant, sont naturels, normaux et obligatoires,
03:31si on parle d'égalité républicaine.
03:33Et ils se disent, bon, la seule manière
03:36où on peut avoir juste ce qu'il nous faut pour vivre,
03:39c'est soit de s'en aller,
03:40soit de l'obtenir par un passe-droit,
03:42ou par une...
03:44Il faut être pistonné, il faut...
03:46Et en fait, en réalité,
03:49pour vous qui faites tous les trois de la politique,
03:50c'est pas comme ça qu'on fait,
03:52mais comment on fait pour sortir de cet impasse,
03:55pour ramener les gens en politique,
03:58pour que ce fatalisme disparaisse ?
04:01Comment on remobilise pour faire en sorte
04:03qu'avec l'appui des habitants,
04:05vous construisiez des politiques
04:07de plus de droits pour tous ?
04:09Qui veut ?
04:10Voilà, c'est un débat philosophique.
04:12Voilà, rassurez-vous.
04:14Moi, je pense qu'au jour d'aujourd'hui,
04:16le problème des quartiers populaires,
04:17c'est tellement délicat,
04:18parce que moi-même, j'ai vu,
04:19j'ai vu dans un quartier populaire,
04:21chez lui, la rue, avec mes enfants.
04:23Mais aujourd'hui, quand on parle des quartiers populaires,
04:27déjà, les gens, les habitants des quartiers populaires,
04:29parce qu'ils n'ont pas de valeur,
04:30ils n'ont pas de...
04:31Parce qu'il faut aussi dire que
04:33c'est les plus précaires qui vivent dans des quartiers populaires.
04:36Par exemple, ceux qui font le ménage, les brouilleurs,
04:40la majorité sont dans les quartiers populaires.
04:41Et ils n'ont plus confiance en eux,
04:43parce que la politique d'aujourd'hui fait que
04:46on les stigmatise beaucoup, surtout les jeunes.
04:48Les jeunes ne croient plus en rien du tout.
04:50Donc, pour qu'ils puissent croire et rentrer en politique,
04:52c'est tout un travail qu'il faut faire.
04:54Mais moi, aujourd'hui, j'ai l'air de dire que tout est possible,
04:56parce qu'il faut croire en soi.
04:58Et moi, je pense que, finalement,
05:00il faut que les habitants des quartiers populaires
05:03s'organisent, en fait.
05:04Il faut qu'il y ait des réunions,
05:05il faut qu'il y ait plein de choses,
05:07parce qu'aujourd'hui, dans les écoles,
05:08rien ne va.
05:09Dans les hôpitaux, rien ne va.
05:11Mais si on ne croit plus en rien du tout,
05:13eux, quand on dit...
05:14Parce que j'attends souvent de dire
05:16« Ah non, moi, je suis dans un quartier populaire,
05:18ce n'est pas la peine, de toutes les façons,
05:19je n'ai pas de valeur. »
05:20C'est fou !
05:21C'est fou, c'est la politique qui met,
05:24je ne sais pas, un système en place
05:26pour nous déstabiliser.
05:28Moi, j'étais là-bas,
05:29moi, j'habite aujourd'hui dans un quartier populaire,
05:31et je le dis encore,
05:33c'est de là-bas que j'ai commencé ma lutte.
05:35Parce que c'est de là-bas, je vais au travail,
05:36je me lève à 4h du matin,
05:37je prends le premier bus à 5h,
05:39je prends le métro à 5h30
05:41et j'arrive au travail à Ibis,
05:43le Batignolles, à 6h30 ou 7h.
05:45Mais étant là-bas,
05:46ça ne m'a pas empêché de rentrer,
05:48par exemple, dans le syndicalisme,
05:49de lutter, de pouvoir changer ma vie
05:51pour pouvoir m'occuper de mes enfants.
05:53Donc, tout est possible.
05:55Voilà, non, je ne sais pas.
05:56Oui, mais effectivement, tout est possible.
05:59Mais est-ce qu'il y a aussi des solidarités
06:01qu'on n'a pas forcément l'habitude de mettre en valeur
06:03dans certains quartiers populaires,
06:04entre les habitants, entre les familles ?
06:06Donc, il faudrait s'inspirer pour la tirer en politique,
06:09cette solidarité-là.
06:10Moi, je pense qu'il y a quand même un peu de solidarité
06:13parce que côté voisinage,
06:15c'est comme un peu, je peux dire,
06:18on se coutoie, bonjour,
06:20parce que les enfants, entre eux, ça joue, tout ça.
06:22Mais la solidarité, vraiment,
06:24pour qu'on dise qu'il est temps,
06:26il faut qu'on lutte, par exemple,
06:28pour que l'école fonctionne,
06:29ça, il n'y a pas cette solidarité-là.
06:31C'est vrai qu'il y a quelques parents qui le font,
06:34il y a quelques parents qui le font,
06:35mais ça ne suffit pas.
06:37Si, par exemple, on est 20 000 habitants,
06:39normalement, tous les 20 000
06:41doivent se mettre ensemble
06:43pour se battre, pour trouver la solution.
06:45Mais si on laisse 20 000,
06:46si on prend 300, 100 personnes,
06:48mais ça n'a pas de force.
06:50Hop, à 25, il faut l'arrêter.
06:52– Elle, elle l'a fait.
06:54– Il serait juste à agir,
06:55parce que les quartiers populaires,
06:57déjà, en plus, c'est les gens qui sont populaires,
06:59c'est rarement les quartiers,
07:00c'est les gens qui habitent dans les quartiers,
07:01et souvent, ce qu'ils demandent,
07:02c'est juste déjà le droit commun.
07:03C'est-à-dire qu'avant de demander plus,
07:04ils demandent déjà l'application du droit commun
07:06par rapport à leur propre vie.
07:08Quand on prend les questions de déserts médicaux,
07:09quand on prend les questions d'école,
07:10la première chose, c'est de dire,
07:11on veut un estime devant chaque classe
07:15pour pouvoir avancer.
07:16Et ça, on n'arrive pas à le garantir,
07:17par exemple, en Seine-Saint-Denis.
07:18Et c'est déjà un premier débat.
07:19Donc, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
07:21tous les dispositifs de politique de la ville
07:22qui existent et qu'ils essaient d'ailleurs de mettre à mal,
07:25c'est déjà pour pouvoir rétablir
07:26le fait que l'État ne finance pas assez dans ses quartiers
07:29pour faire en sorte que le droit commun soit appliqué.
07:31Et ça, je pense qu'il faut quand même qu'on l'affirme.
07:33C'est-à-dire que les quartiers populaires ne demandent pas plus,
07:35ils demandent déjà qu'on les respecte
07:37pour pouvoir faire en sorte que leurs droits soient respectés,
07:39leurs droits d'accès à l'école,
07:40leurs droits d'accès à la santé,
07:42leurs droits d'accès à la citoyenneté.
07:44Et aujourd'hui, il y a une partie de l'État qui le nie,
07:48pour ne pas dire une grande partie de l'État qui le nie.
07:50Et pourtant, je trouve qu'on a énormément de solidarité
07:53dans les quartiers populaires, énormément.
07:55Moi, je faisais un conseil d'administration
07:57dans un collège de Seine-Saint-Denis qui s'appelle Jean Bigot,
07:59qui est à côté d'une grande cité,
08:02la cité d'Orgemont à Épinay.
08:04Et aujourd'hui, dans le collège,
08:05on a des instituts qui ont décidé de mettre en place
08:07des cours à l'alphabétisation pour les parents
08:11qui sont complètement ouverts sur le quartier
08:13pour pouvoir permettre que ce lieu
08:15ne soit pas qu'un lieu d'école,
08:17mais soit un lieu de vie pour l'ensemble des habitants du quartier,
08:19qu'ils soient des parents, qu'ils soient des enfants,
08:21de façon à ce qu'ils appartiennent à tous.
08:24Et ils vont au-delà de leur mission,
08:26alors qu'eux-mêmes sont en carence
08:27par rapport à leurs conditions de travail
08:30pour répondre aux besoins des habitants.
08:32Et je trouve qu'on est quand même,
08:33contrairement à ce qu'on imagine,
08:35à un niveau de dévouement des gens
08:37par rapport à ce qu'ils font vivre dans leur quartier,
08:39par rapport aux structures où ils sont,
08:41qui est impressionnant
08:42et qui mériterait d'être beaucoup plus reconnu
08:45qu'il ne l'est à l'heure actuelle
08:46pour pouvoir justement prendre en compte
08:47la richesse qui existe dans les quartiers.
08:49Et sur l'école, justement,
08:51vous vous battez pour l'égalité républicaine.
08:53Regardez les chiffres,
08:55il y a 50% des profs absents
08:58qui ne sont pas remplacés en Seine-Saint-Denis.
09:00Il y a 78% de remplacement,
09:03ce qui n'est pas terrible,
09:04ça devrait être 100% dans l'ensemble du territoire.
09:07Mais en Seine-Saint-Denis,
09:08on imagine qu'un sur deux, ça suffit.
09:10On imagine que perdre un an de scolarité
09:12au bout de sa scolarité,
09:13ce n'est pas grave pour ces gamins-là
09:15qui justement, comme hélas,
09:17il y a une corrélation entre le fait
09:19d'être en échec scolaire
09:20et de venir d'un quartier populaire,
09:21il y aurait besoin de renforcer.
09:23Eh bien non, c'est tout l'inverse qui se passe.
09:24Il y a quand même un truc,
09:25on marche sur la tête,
09:26il y a du mépris, c'est au-delà.
09:27Et c'est pour ça d'ailleurs,
09:29en effet, c'est assez scandaleux
09:30que sur le territoire de la Seine-Saint-Denis,
09:32qu'on considère comme un territoire
09:33qui a besoin d'avoir plus d'écoles justement,
09:36puisqu'on considère que c'est un territoire
09:37qui serait insécurisé
09:39et donc qui mériterait d'avoir
09:40une éducation de plus haut niveau,
09:42on ne soit pas capable de fournir
09:43des services publics à la hauteur des besoins.
09:45Donc ça se traduit naturellement
09:46sur le manque de remplacement de profs.
09:48On a quand même des endroits
09:49où à partir de la Toussaint,
09:50les pôles de remplacement de profs n'existent plus
09:53puisqu'ils ont tous mis sur des postes
09:54qui étaient vacants à la rentrée
09:56et qu'il n'y a plus de remplacement de profs possible
09:58à partir de la Toussaint
09:59sur une partie du territoire du département.
10:01Ça se fait aussi sur la question des locaux.
10:03C'est-à-dire qu'on a débattu,
10:05on est le département de France
10:06qui est le moins bien compensé
10:07pour l'entretien des bâtiments sur les collèges par exemple.
10:11Contrairement, pour donner qu'un exemple,
10:13la Seine-Saint-Denis est compensée à 10%
10:15par l'État sur les travaux qu'elle fait
10:16sur les bâtiments des collèges
10:17quand les Ardennes sont compensées à 81%.
10:2081%, 10%.
10:21On voit bien qu'il y a quand même une inégalité
10:22qui est quand même assez flagrante par rapport à ça.
10:25Et ce qu'on a vécu au mois de février,
10:27ce qui était assez formidable,
10:28c'est qu'on a eu un mouvement qui s'est créé,
10:31mais qui s'est créé à partir d'un rapport parlementaire.
10:33C'est-à-dire qui a été d'ailleurs dirigé par Stéphane Peu
10:36et par une députée,
10:37et je pense que c'est important de le dire,
10:38une députée de Renaissance,
10:40puisque ça montre le fait
10:41que s'il soit deux députés de couleurs différentes,
10:43que c'est des faits.
10:44C'est-à-dire que ce n'est pas une exigence,
10:47c'est des faits.
10:48Nous sommes dans une situation inégalitaire
10:50qui est reconnue à la fois par un député PCF
10:52et par une députée de Renaissance.
10:53Et à partir de ce rapport parlementaire
10:55qui montrait ce que vous disiez sur la question
10:57du manque de moyens, du manque de professeurs,
10:59du manque de personnel, du manque d'AESH,
11:01on a un mouvement qui s'est créé à partir des syndicalistes,
11:04une inter-syndicale qui a été large dans le département
11:07et sur lequel les parents d'élèves se sont greffés
11:09et sur lequel les politiques ont également tenté de jouer leur rôle
11:12pour pouvoir exiger un plan d'urgence pour la Seine-Saint-Denis.
11:15Et c'en est où ce plan d'urgence ?
11:16On continue.
11:17C'est-à-dire qu'aujourd'hui, pour être assez proche avec vous,
11:19c'est un plan d'urgence qui demande 358 millions d'euros.
11:21Et à l'heure actuelle, les politiques d'austérité
11:25qui sont menées nationalement
11:26font que l'État refuse d'augmenter le budget.
11:28Attendez, les uniformes, ça coûte combien ?
11:30Je suis d'accord qu'il y a des choix politiques qui sont faits.
11:32Le SNI, ça coûte combien ?
11:33Non mais si on fait le calcul, il n'y a pas un truc.
11:35Je suis d'accord avec vous qu'il y a des choix politiques
11:37qui sont faits par rapport à ça.
11:40Oui, vous avez raison.
11:41Non mais on compte en milliards pour les uniformes.
11:43Donc là, 358 millions.
11:46Voilà, ça paraît des sommes énormes comme ça,
11:49mais en réalité, à l'échelle de ce qui est prêt à être dépensé
11:52pour un truc un peu autoritariste et pour militariser la jeunesse...
11:54Tout à fait.
11:55Bon, voilà.
11:56Si je peux juste rebondir, parce que c'est un peu...
12:00Là, en tant que maire, en plus,
12:02c'est toujours le sujet, c'est qu'on a toujours, nous,
12:05dans les villes populaires, les quartiers populaires,
12:08ce que veulent les gens, c'est ce qu'ils se disaient au début,
12:10c'est en fait avoir une bonne éducation pour leurs enfants,
12:14se soigner quand ils sont malades.
12:16C'est des choses extrêmement, finalement, basiques.
12:18Ils demandent pas de luxe ou quoi que ce soit, contrairement à d'autres.
12:22Mais souvent, quand on met en face les sommes,
12:25elles peuvent paraître, quand on les remet individuellement à la personne,
12:28des grosses sommes, mais c'est jamais des grosses sommes.
12:30Et moi, je vois les villes, quand on veut se bagarrer
12:34pour porter des projets,
12:36le nombre de réunions, de dossiers qu'il faut faire,
12:39de temps de travail d'administration pour à la fin obtenir 15 000 euros
12:43ou 20 000 euros, des fois, on se dit même,
12:46gardez-les et on va faire sans vous, c'est même pas la peine.
12:48Donc, on est toujours dans du sous-poudrage qui, finalement, lance rien,
12:52qui permet simplement à ceux qui se sous-poudrent de communiquer,
12:55mais pas de lancer de vraies politiques d'accès aux droits égalitaires sur le territoire.
13:01Si je peux, du coup, juste un peu développer sur un ou deux aspects,
13:08moi, je partage le fait que dans les quartiers populaires,
13:11il y a énormément de solidarité qui se crée sur
13:15soit des problématiques, mais pas que,
13:17sur aussi de l'envie de se retrouver, de se rencontrer,
13:21de vivre des moments tout simplement agréables ensemble,
13:24de permettre à des enfants de partir en vacances.
13:26Enfin, il y a énormément de gisements de solidarité dans les quartiers populaires.
13:31Là où on peut avoir une difficulté, c'est comment on passe
13:35de la solidarité à l'instant T sur un sujet précis
13:39à un projet politique un peu plus global
13:42et comment on passe d'une lutte de quelques centaines de personnes
13:47contre une fermeture de classe à une lutte plus globale des parents,
13:51non pas contre l'enseignant qui essaye de faire ce qu'il peut avec les enfants,
13:55mais en exigeant des remplacements à 100%,
13:59un programme scolaire de qualité, etc.
14:03Là, c'est une difficulté qui n'est pas liée qu'au quartier populaire.
14:06On est dans une société du consumérisme,
14:09on est dans une société du zapping
14:11et les gens dans les quartiers populaires ne vivent pas en dehors de cette société.
14:14Et donc quand ils s'engagent dans quelque chose,
14:18souvent il y a une attente de résultat immédiat
14:21et c'est difficile de s'inscrire dans une lutte plus longue.
14:24Et puis dans le zapping, je veux ça, et puis après ça, et puis après ça.
14:28Sauf que les luttes pour les droits, c'est des luttes longues,
14:30c'est des luttes qui demandent du temps.
14:33Et je pense que ce qu'on souffre plus globalement dans notre société,
14:36à une époque il existait des grands partis politiques,
14:40des grands syndicats, des grandes associations d'éducation populaire,
14:43des grandes associations de parents d'élèves, etc.
14:46qui étaient des relais d'action politique sur le long terme.
14:50Ça aujourd'hui c'est en mouvement.
14:53Certains sont un peu en déclin, d'autres se cherchent un peu.
14:58Et quand il y avait des luttes,
15:01on bénéficiait de tout ce travail d'éducation populaire,
15:04où on travaillait un sujet sur du long terme,
15:07on avait des citoyens qui maîtrisaient aussi bien qu'un étudiant de Sciences Po
15:11un sujet que ce soit l'école ou autre.
15:14Et tout ça, ça contribuait du mouvement social.
15:17C'est aussi ce qui fait un peu la difficulté du mouvement social,
15:20c'est qu'on ne trouve plus aujourd'hui ces relais d'organisation
15:23et qui s'inscrivent dans le long terme.
15:26Après, il faut être optimiste.
15:28On a des gisements, comme je disais, de solidarité, ce qu'on s'est dit.
15:31On a des vrais points de lutte à avoir, et des points de convergence en plus.
15:35Parce qu'il y a besoin d'unité pour mener toutes ces luttes.
15:38Et donc là, je ne vais pas aller plus loin.
15:41Notre discussion, on a encore du temps, elle va évoluer.
15:44Mais bon, voilà.
15:46Moi, je veux rebondir un peu.
15:48Ce que moi, je voulais dire, c'est que concernant les quartiers populaires,
15:52par exemple, comment j'ai été élue ?
15:54Quand j'étais élue à l'époque, il y avait des écoles où il n'y avait pas de profs.
15:59J'étais obligée de voir le ministre de l'Education
16:03où on remplaçait des profs.
16:05Bon, ça, moi, j'étais élue.
16:07Mais ceux qui ne le font pas, parce qu'il y a des députés qui s'en fichent complètement
16:11des quartiers populaires.
16:13Et moi, j'avais décidé de faire le tour des quartiers populaires pendant mon mandat.
16:16J'ai été même dans les zones rurales.
16:18Je suis allée à Caen, je suis allée à Valence, je suis allée à Pépignan.
16:22Mais là-bas, c'est la même situation.
16:24Parce que c'est le même problème que les quartiers populaires.
16:27Parce qu'on parle des quartiers populaires, mais en zone rurale, c'est encore pire.
16:30Et moi, j'ai vu ça.
16:31Maintenant, pourquoi moi, je dis que la solidarité, oui, on va faire une sortie,
16:36on va manger ensemble, on va aller au parc.
16:39Oui, cette solidarité, il y a.
16:41Mais, par exemple, au jour d'aujourd'hui, les enfants, par exemple, qui ont le bac,
16:45qui n'ont pas d'université, ou bien les enfants qui sont obligés
16:48de chercher des atteignances pour pouvoir continuer les études, il n'y a pas.
16:52Et ces enfants sont nombreux dans ces quartiers-là.
16:55Et même en zone rurale, ils sont nombreux.
16:57Il n'y a pas du tout.
16:58Et qu'est-ce qu'on fait ?
16:59Moi, j'appelle aujourd'hui ces familles de ces quartiers populaires
17:02et en zone rurale de se mettre ensemble.
17:04C'est ça qu'on appelle la conversion de la lutte.
17:07Il faut qu'on se mette ensemble pour aller même devant le ministère de l'Éducation
17:10pour dire, nos enfants, ils vont, je ne sais pas, ils sont en train d'aller à la perdition.
17:15Aidez-nous, il faut que ces parents, c'est-à-dire ces pères, ces mères,
17:18trouvent même un jour, ouvrant peut-être un lundi,
17:21on n'est pas obligés d'aller travailler, même perdre 60 euros un lundi,
17:24pour aller dire, je veux que la vie de mon enfant, vous me trouvez une solution.
17:27Et c'est ça, il faut qu'on fasse une violence, je ne sais pas, pour qu'on nous attende.
17:32Pour qu'on nous attende.
17:33Parce que moi, aujourd'hui, je parle, moi, ma fille, elle a été au Canada
17:36parce qu'elle est restée une année sans université.
17:38J'ai tout fait pour qu'elle trouve une université, il n'y en avait pas.
17:41Et j'étais obligée de lui dire, comme tu ne peux pas rester comme ça, tu es intelligente,
17:45pour ne pas aller à l'école, tu fais quoi ?
17:47Trouve-toi une école.
17:48Elle est allée sur Internet, elle a essayé de trouver une université à Mora, les Trois-Rivières.
17:53Et tout de suite, le Canada l'a pris.
17:54Le Canada l'a pris, elle est partie le 27 août pour aller faire ses études.
17:57Et là, elle a commencé ses études.
18:00Il y a combien d'enfants comme ça qui sont là, dans ces quartiers-là ?
18:04On fait quoi ? Demain après, on dit c'est des racailles, après on dit c'est quoi ?
18:07Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que l'État fait ?
18:09Maintenant, si l'État ne veut rien faire, on sait déjà que l'État ne va rien faire.
18:12Mais il faut que ces familles s'organisent.
18:14Après, ce que vous dites là, Rachel, c'est aussi la convergence de plusieurs maltraitances.
18:18C'est-à-dire qu'il y a Parcoursup qui sélectionne,
18:20le fait qu'il y a une crise du logement terrible parce qu'il n'y a pas de construction,
18:23parce qu'il n'y a pas de logement étudiant.
18:25Donc, si on est pris à Poitiers alors qu'on habite à Paris,
18:28on ne trouvera jamais un logement à moins d'être milliardaire
18:31pour pouvoir envoyer son enfant et payer une chambre.
18:35Il y a vraiment une convergence aussi de plein de structures qui sont défaillantes,
18:43qui font que ça pénalise encore plus ceux qui ont déjà peu de moyens.
18:46Ça ne laisse de chance qu'à ceux qui en ont raisonnablement.
18:49En fait, quand on a les difficultés, on les cumule.
18:52Il n'y a pas des endroits où c'est plutôt le logement, mais tout va bien sur la santé.
18:56Des endroits où c'est plutôt la santé, et particulièrement les quartiers populaires,
19:01les zones rurales que tu as évoquées, c'est des problèmes de logement,
19:05c'est des problèmes d'accès à l'éducation, c'est des problèmes pour avoir un accès aux soins de qualité.
19:10Le médecin, c'est une catastrophe.
19:12Je fais une parenthèse sur le médecin pour parler de fluorhémérogiste
19:15parce qu'hier, j'ai fait un débat sur le sujet des déserts médicaux.
19:18Et on a comparé trois villes.
19:20Fluorhémérogiste, Neuilly-sur-Seine, c'est pris au hasard,
19:23et la ville de Cassis, dans les Bouges-du-Rhône, qui est également prise au hasard.
19:26Et on a comparé le nombre de patients par médecin.
19:29À Fluorhémérogiste, on a 2700 patients par médecin.
19:32À Neuilly, on est à 1700.
19:34Et à Cassis, on est à 1200.
19:36Aujourd'hui, il y a trois médecins à Fluorhémérogiste.
19:38Et donc, si on inversait, si on était autant de patients par médecin que Neuilly,
19:43il n'y en aurait pas trois, il y en aura huit.
19:45Et si on était autant de patients par médecin qu'à Cassis, il y en aurait onze.
19:49Donc, il y a des territoires qui sont en difficulté et qui cumulent les difficultés.
19:54Et il y a des territoires qui ont des facilités et qui cumulent les facilités.
19:58Et ce n'est pas que le fait du hasard.
20:00C'est aussi des choix de dire...
20:02Enfin, moi, il y a un moment, j'ai l'occasion, à chaque fois que je la vois,
20:06de le dire au préfet, aux représentants de l'État.
20:09Il y a aussi des phénomènes de ghettoïsation qui sont organisés par l'État et les bailleurs.
20:14Et qui créent des quartiers où ils concentrent...
20:17Ce n'est plus de la mixité sociale.
20:19Et même s'ils en parlent avec des larmes de crocodile,
20:21ils concentrent des catégories de population qui ont le même à peu près niveau de revenu,
20:26voire les mêmes origines de pays, sans l'assumer.
20:30La dernière fois que j'ai dit ça aux représentants de l'État dans notre département,
20:35ils s'offusquaient en disant « mais c'est complètement illégal, on n'a pas le droit ».
20:38— Ça, c'est une réalité.
20:40— Non, mais c'est se moquer du monde.
20:42C'est une réalité dans tous nos quartiers populaires,
20:44où on concentre des gens qui ont parfois le même nom de famille,
20:49sans être de la même famille, les mêmes niveaux sociaux.
20:52Et ce n'est pas le fait du hasard.
20:54C'est le fait des bailleurs sociaux et de l'État
20:56qui répartissent sur les territoires des populations de même typologie.
21:00Et ça aussi, c'est un vrai sujet.
21:03Le logement social n'est pas de la ghettoïsation.
21:06Dans son idée, c'est de la mixité.
21:09C'est le mélange d'un prof qui vit avec un ouvrier qui vit avec...
21:13C'est ça, l'idée initiale du logement.
21:15— Avec une députée.
21:17— Avec une députée, effectivement. Voilà.
21:20— Mais alors, la question, c'est que...
21:22Enfin, qu'on brûle, là, depuis que je vous entends, c'est...
21:25Par quel bout on attaque quand on est maire ?
21:27Qu'on croise des gens dans la rue tous les jours qui nous disent
21:29« Eh, dites donc ceci, eh, dites donc cela, eh, dites donc j'ai pas de médecin,
21:33eh, dites donc j'ai pas de... Il me faudrait un logement,
21:36eh, dites donc l'école de mon fils, là, et puis la voirie,
21:40et puis les endroits qui sont insalubres,
21:44et puis les problèmes de sécurité », on attaque comment ?
21:48— Bah, d'abord, moi, je pense que la porte d'entrée par des problématiques locales
21:53et d'essayer, en cheminant, d'amener sur les causes profondes
21:58de ces problématiques qu'on retrouve concrètement sur le terrain,
22:01c'est des fils un peu longs à tirer, mais c'est des fils nécessaires.
22:04Parce qu'effectivement, il peut y avoir cette tentation...
22:07Alors, comme tous les services publics d'État reculent,
22:10enfin, voilà, la Poste, c'est une vaste blague,
22:13bon, tous les services publics d'État reculent,
22:16les gens s'adressent naturellement à leur élu de proximité,
22:19et par excellence, le maire,
22:21et de demander au maire de régler tous les problèmes.
22:24Il y a cette tentation, elle existe dans la société,
22:27et bah, il nous faut ça, il nous faut ça, il nous faut ça.
22:30Quand on est un élu qui a la volonté d'amener les gens vers la lutte,
22:35ce dont on essaye de faire modestement,
22:38on part d'une problématique locale,
22:41et on essaye, en construisant des solutions,
22:44de faire évoluer les gens dans la réflexion autour de cette problématique locale.
22:48On parlait de la santé,
22:51on était à deux doigts de ne plus avoir du tout de médecins généralistes dans la ville,
22:55l'action urgente de la commune a permis des médecins généralistes,
22:59mais ça a créé un émoi dans la population et une mobilisation.
23:04De ça, aujourd'hui, un collectif a réussi à se structurer un peu,
23:09informel, très souple dans sa façon d'être,
23:12mais aujourd'hui, il y a la question de la santé publique qui se pose,
23:16au sein de ce collectif, qui est assez divers,
23:19et dont des gens des quartiers populaires,
23:22et qui ont pris conscience que la médecine publique
23:26est une solution plus pérenne et plus durable que des médecins libéraux,
23:30parce que demain, si les médecins libéraux qu'on a décident d'aller ailleurs,
23:33parce qu'ils sont mieux pourvus par la collectivité qui va les accueillir,
23:37qui va leur payer tout le matériel, etc., ils partent.
23:40Et on se retrouve dans la même situation.
23:42Et de ça, on arrive aujourd'hui à une réflexion de centre municipal de santé.
23:46Et de ça, on commence à poser les problèmes de financement de la sécurité sociale,
23:50non pas qu'il y ait des mauvais cotisants,
23:53ou des gens qui coûtent trop cher parce qu'ils veulent se faire soigner,
23:56mais qu'il y en a une infime minorité qu'on ne voit jamais,
23:59qui capte des milliards, et des milliards, et des milliards,
24:02qu'on dégage de remboursements et de la sécurité.
24:06Donc c'est un cheminement long.
24:08Je pense que les raccourcis qui pourraient consister à flatter...
24:14Après, c'est des choix politiques, de quel chemin on prend ?
24:17Mais les raccourcis qui flatteraient simplement le communautarisme,
24:20qui tiraient sur du clientélisme, ça existe dans la société.
24:24Mais je ne pense pas que ce soit les bons chemins.
24:26Je pense que c'est des raccourcis extrêmement dangereux.
24:29Et surtout, ce n'est pas pérenne.
24:31Parce qu'on donne à une personne, mais après, il y en aura dix derrière.
24:33C'est une catastrophe.
24:34Et pour un moment, on ne pourra plus payer.
24:35On ne sert pas à plus un que l'autre.
24:36C'est une catastrophe.
24:37Je pense que...
24:38La Seine-Saint-Denis.
24:39Peut-être rapidement, parce que c'est plus large que la Seine-Saint-Denis.
24:41On a tous des parcours militants.
24:44La première chose, c'est comment on rend les gens acteurs du combat qu'ils sont en train de mener.
24:47Comment on montre qu'il y a des intérêts communs et collectifs.
24:49Moi, je ne donnerais qu'une expérience.
24:51Je m'occupais d'une association des jeunes qui n'avaient pas d'affectation scolaire avant d'être élus dessus.
24:55Et donc, l'idée, c'était qu'on mettait les jeunes ensemble sur le défaut d'affectation scolaire qu'ils avaient à la rentrée.
25:01Et à partir de là, on regardait la palette de formation qui existait dans le département.
25:05Et on allait à l'inspection académique ensemble.
25:07Ou pour réclamer des ouvertures supplémentaires.
25:09Ou pour pouvoir augmenter la palette de formation qui existait.
25:13Et donc, de fait, on rendait les jeunes acteurs aussi de la lutte qu'ils portaient.
25:17Puisqu'on ne le faisait pas à leur place.
25:19Ce n'est pas nous qui allions en délégation à leur place.
25:21C'est eux qui venaient avec nous pour bloquer les ascenseurs, etc.
25:23Mais en tout cas, pouvoir faire entendre leur voix à cette occasion-là pour pouvoir avancer.
25:27Et je pense que le premier rôle pour nous en tant qu'élus, c'est de se dire aussi que de toute façon,
25:31si on n'a pas le soutien de la population, si les gens ne sont pas acteurs de la lutte qu'ils sont en train de mener,
25:35on est incapables de la gagner.
25:37Donc, on ne peut pas imaginer qu'aujourd'hui, le pouvoir public soit capable de répondre tout seul
25:43face à la puissance de l'État si on n'a pas un mouvement populaire qui s'empare des choses.
25:47Et le mouvement populaire, il peut être associatif, il peut être syndical.
25:49Mais on a besoin de ce mouvement populaire pour pouvoir soutenir face aux difficultés
25:53auxquelles sont confrontées les gens qui sont dans les quartiers populaires à l'heure actuelle.
25:59Et après, par contre, je pense qu'en tant qu'élu, on a aussi un devoir d'innover.
26:03On parle de la santé des déserts médicaux.
26:07Mais pendant un moment, on parlait aussi de l'accès financier de la santé.
26:11Moi, je prendrais l'exemple de Montreuil, qui a créé la première mutuelle communale.
26:15La première mutuelle communale qui a décidé de dire, en gros, faisons de notre nombre une force.
26:19Donc, on fait adhérer en masse des habitants à une même mutuelle pour faire en sorte de faire baisser les coûts.
26:27Je suis un peu schématique, mais en gros, c'est un prix de gros.
26:29C'est-à-dire qu'on adhère en masse et donc on fait baisser les coûts pour le dentaire.
26:33Et on permet à chacun d'avoir aussi accès à une mutuelle, ce qui n'était pas garanti avant.
26:39Et en vrai, je pense que c'est aussi l'élargissement de la notion de service public
26:43qu'on fait à travers ces événements-là, ce type d'innovation-là,
26:47sur lequel il faut qu'on puisse avancer aussi.
26:50Parce qu'on voit bien qu'entre les besoins d'hier et les besoins d'aujourd'hui, les choses ont changé.
26:54Là, je dis la mutuelle communale, mais je pense à Montaterre,
26:56où il y a eu la Montaterbox aussi sur la question de la fracture numérique.
26:59On a plein d'exemples comme ça qui peuvent exister et qui montrent qu'une façon,
27:03aujourd'hui, pour pouvoir répondre aux besoins des quartiers populaires,
27:05on a besoin de renforcer le service public et d'en faire un élément central pour pouvoir avancer.
27:09Et juste parce que je suis un peu taquine, le fait de demander à chacun de prendre une mutuelle
27:14et d'avoir tous la même mutuelle et d'avoir une mutuelle qui sera moins chère,
27:17ça n'empêche pas de réclamer le 100% Sécu.
27:19Tout à fait. C'est de bon faire.
27:21Il y a une réponse à l'urgence et il y a une réponse à Sécu derrière.
27:24Voilà, exactement ce que vous disiez aussi concernant la santé.
27:27Une réponse à l'urgence, on fait venir des médecins libéraux,
27:29mais on a l'idée d'une médecine publique municipale.
27:32C'est absolument ce qu'il faut faire.
27:35Mais après ça, il y a le rapport à l'État aussi.
27:37C'est-à-dire que les collectivités locales, comme on le sait,
27:40coûtent beaucoup d'argent, elles sont responsables du gros gros trop du budget.
27:44Un pognon de dingue.
27:47On a l'impression que ces communes, ces collectivités locales,
27:54ce n'est pas possible, elles ne font que dépenser de l'argent,
27:56elles ne rapportent rien et c'est de la faute des communautés.
27:58C'est quand même là où vivent les gens.
28:00Vous l'évoquiez tout à l'heure, mais ce n'est même pas compensé.
28:04Elles donnent de l'argent, les communautés.
28:06Il faudrait peut-être un peu rétablir.
28:09Comment on fait pour exiger que l'État finance les besoins des populations ?
28:14Je ne sais pas qui veut se lancer là-dedans.
28:16Moi, je pense que comment l'État va faire pour financer déjà les associations,
28:21les associations aussi qui suivent des familles,
28:23parce qu'il y a des familles qui ne savent pas aller écrire,
28:25et ces associations qui sont là pour les aider.
28:27Ne me lancez pas sur les assos.
28:29Parce que là, allez-y, allez-y.
28:31Ces associations n'ont pas assez de finances pour pouvoir s'occuper de ces familles-là.
28:37Donc moi, je pense que l'État, quand un élu dénonce,
28:42par exemple moi, quand j'étais députée à l'Assemblée nationale,
28:44quand il y a des questions au gouvernement,
28:46quand on dénonce ce qui se passe dans les quartiers populaires,
28:48ils ne prennent pas son sourire en fait.
28:50Ça, je ne sais pas pourquoi ces habitants des quartiers populaires, des zones rurales,
28:54je ne sais pas pourquoi ils sont discriminés.
28:56Moi-même, quand je suis là souvent, je me pose la question.
28:58C'est quoi le but ? Pourquoi ils sont discriminés ? Pourquoi ?
29:01C'est comme si c'était un peuple qui n'est pas en France,
29:04puisqu'ils ne font pas partie du peuple français.
29:08C'est quoi le but ? C'est quoi le problème ?
29:10Pourquoi ces gens sont discriminés ?
29:12Comme je l'ai dit tout à l'heure, les quartiers populaires,
29:15ce sont des gens qui se lèvent tôt le matin.
29:17Qui font les fameux métiers essentiels.
29:19Voilà, les métiers essentiels.
29:21C'est eux qui tiennent ce pays-là debout, il faut le dire.
29:24Ils n'ont même pas le temps de pouvoir s'occuper de leurs enfants,
29:28de pouvoir prendre soin d'eux-mêmes,
29:30à force de s'occuper de l'économie de ce pays-là.
29:33Donc pourquoi en retour, l'État n'est pas reconnaissant ?
29:36C'est quoi le souci ? Je ne sais pas.
29:38C'est pour ça que moi je dis qu'il est temps qu'on s'organise
29:42pour aussi parler à l'État, pour dire,
29:44oui, nous on est là pour l'économie de la France,
29:46on est là pour travailler, on est fiers de travailler pour la France,
29:49mais en retour il faut que la France nous soit reconnaissant.
29:51Soit avec nous, soit avec nos enfants.
29:53Mais si l'État n'écoute pas, qu'est-ce qu'on fait ?
29:56Comme la France est un pays de révolution,
29:58on se met dans la rue, on crie pour dire,
30:01on veut que nos vies soient parfaites.
30:03Et l'État a les moyens de le faire.
30:05Justement, Rachel, vous parliez de votre travail de députée,
30:08vous avez eu des paroles très fortes à l'Assemblée nationale,
30:10vous avez contribué à mettre dans la journée des sujets
30:12qui pouvaient en être absents.
30:14On regarde un petit passage de votre passage
30:17et on en discute après.
30:19Qui a déjà touché 900 euros, 1000 euros ?
30:22Personne !
30:26Personne !
30:28C'est pour ça que vous ne rêvez pas de moi,
30:30je ne vous ai pas dit pas un jour, pas un mois.
30:33Qui a déjà touché 800 euros, 900 euros par mois ?
30:36Personne !
30:38Vous ne savez pas ce que c'est.
30:41Vous ne savez pas la souffrance des métiers essentiels.
30:45Quand vous demandez une augmentation des salaires,
30:47vous parlez, vous n'avez rien à faire ici.
30:52Je vous vois rire tous les trois,
30:54c'est une séquence qui a beaucoup marqué l'espace médiatique.
30:56Est-ce que vous comprenez pourquoi elle a marqué autant ?
31:00Parce qu'il y a beaucoup de personnes
31:03qui sont dans ces métiers précaires.
31:06Moi-même j'ai commencé ce travail avec 400 euros
31:09et on ne peut pas vivre avec ça.
31:11C'était le jour de la niche parlementaire
31:13de la France Insoumise
31:15où on parlait d'augmenter le CIMIC à 1500.
31:18Je suis assise, je vois des députés de la droite,
31:21de l'extrême droite qui disaient non,
31:23il faut une prime.
31:25Et moi je suis assise, je me dis,
31:27c'est de la blague ou quoi ?
31:29C'est-à-dire, à l'Assemblée nationale,
31:31là où on vote les lois pour changer la vie des gens,
31:33les gens ne sont pas d'accord.
31:35Et c'est ça que je me suis levée pour dire non.
31:37Et ça, ça a touché vraiment,
31:39même jusqu'au-delà de la France,
31:41ça a touché vraiment du monde.
31:43Parce que les gens disent,
31:45on fait quelqu'un qui parle de notre part.
31:47On fait quelqu'un qui dit les choses réelles,
31:49parce que je viens de là.
31:51Je sais ce que c'est que de toucher 400, 500 euros,
31:53on ne peut pas vivre avec.
31:55Mais c'est le 800 euros,
31:57c'est ce que touche une assistante.
31:59Même 700, 600, oui.
32:01C'est ce que touche une personne
32:03qui s'occupe des personnes âgées,
32:05les AESA.
32:07Tous les gens qui permettent justement
32:09à des gens fragiles
32:11de ne pas faire partie de la société
32:13et de ne pas mourir tout simplement.
32:15C'est ça.
32:17Pour toucher 1500 euros,
32:19il faut faire trois boulots.
32:21Parce que tu commences à 6h, tu finis à 9h,
32:23tu rentres dans le bureau,
32:25après tu vas aller travailler un autre côté,
32:27et tu finis à 21h, tu arrives chez toi.
32:29Tu n'as même pas le temps d'éduquer tes enfants.
32:31Même pas le temps.
32:33C'est devenu une accusation
32:35qui fait qu'on va pouvoir retirer les aides sociales
32:37parce que les gosses ont fait des bêtises.
32:39Exactement.
32:41Ils n'ont rien à dire.
32:43C'est pour ça qu'il faut qu'on s'organise,
32:45pour pouvoir nous imposer,
32:47pour qu'on puisse nous respecter,
32:49respecter nos enfants.
32:51C'est vrai.
32:53Juste, je fais une parenthèse,
32:55ce n'est pas notre débat,
32:57mais sur les finances des collectivités,
32:59je suis légèrement concerné par le sujet.
33:01Il y a une différence fondamentale
33:03entre moi et le ministre des Finances,
33:05qui donne des leçons à tout le monde,
33:07c'est que moi, j'ai voté toujours
33:09des budgets équilibres,
33:11parce que c'est la loi et elle m'est oblige,
33:13que lui, jamais.
33:15Les collectivités, je le redis,
33:17on est sur une chaîne avec un peu d'audience,
33:19si ce n'est dans l'investissement,
33:21mais du coup, c'est comme qu'on investit dans sa maison,
33:23c'est vertueux.
33:25Sinon, elles ont des budgets à l'équilibre
33:27et pas liés aux défaillances de l'État en permanence.
33:29Sinon, moi, évidemment,
33:31je m'inscris complètement dans le propos
33:33et en fait, ce qui me faisait sourire aussi
33:35dans cette image,
33:37c'est que, en fait,
33:39j'ai envie de dire, je vais même élargir
33:41au Nouveau Front Populaire,
33:43on est des gens pragmatiques,
33:45on est des gens du terrain.
33:47Contrairement à ce qu'ils veulent faire penser.
33:49Ils pensent qu'à chaque fois, sur les plateaux télé,
33:51souvent, on les entend dire
33:53« Vous n'êtes pas dans le réel ».
33:55Mais on est dans le réel, on est les pieds dedans en permanence.
33:57Et là, c'est un discours de vérité du réel.
33:59Et ça, d'abord, ça fait du bien.
34:01Ça contribue de la mobilisation
34:03aussi des quartiers populaires,
34:05puisqu'on est dans ce sujet.
34:07Et il y a un sujet sur lequel, moi, je suis sensible.
34:09Tu parlais de dignité.
34:11Les habitants des quartiers populaires,
34:13ce n'est pas des victimes.
34:15Ils ne demandent pas à ce qu'on les excuse de tout.
34:17Ils veulent être respectés pour ce qu'ils sont.
34:19Moi, avant tout, quand je vais,
34:21quand je circule dans ma ville,
34:23ou quel que soit le citoyen que je peux croiser n'importe où,
34:25je vois un Français.
34:27D'où qu'il vienne, quel qu'il soit.
34:29Et donc, je vois un Français.
34:31Pleinement Français.
34:33Et donc, il y a des Français très bien,
34:35il y a des Français avec qui je suis d'accord,
34:37des Français avec qui je ne suis pas d'accord.
34:39Et je ne vais pas l'excuser de tout
34:41parce qu'il vient d'un quartier populaire,
34:43je vois une personne qui doit avoir
34:45les mêmes droits que tout le monde.
34:47Et à partir de là, s'il y a une inégalité de traitement,
34:49quelle que soit sa provenance
34:51ou sa couleur de peau,
34:53il y a un problème dans le pacte républicain.
34:55Je pense que, moi, en tout cas,
34:57j'en parle parfois aussi comme ça
34:59partout, mais particulièrement
35:01à Fleury-Mérogis.
35:03Les gens, ils ont besoin de se sentir
35:05respectés pour ce qu'ils sont.
35:07Et ils sont avant tout des habitants de la France.
35:09Qu'ils aient la carte d'identité ou pas, ils travaillent.
35:11Ils veulent que leurs enfants soient bien éduqués.
35:13Et ils veulent être traités comme tout le monde.
35:15Ils veulent de l'égalité.
35:17Et de l'égalité et de la dignité.
35:19Pour moi, ce n'est pas une notion marginale.
35:21Evidemment,
35:23ça s'inscrit dans tout ce qu'on dit,
35:25mais c'est quand même assez fondamental.
35:29Ils ont besoin de cette dignité,
35:31ils la revendiquent, ils ont raison.
35:33Ils ne sont pas moins citoyens que n'importe lequel
35:35et ils ne sont pas plus victimes que n'importe quel autre.
35:37– Mais ils sont plus exploités.
35:39– Le discours que tient Rachel
35:41à l'Assemblée,
35:43c'est aussi,
35:45pour être considéré, il faut aussi être payé correctement.
35:47Et aujourd'hui, on voit bien
35:49que dans les entreprises particulièrement de ménage
35:51ou, j'ai envie de dire, caissière,
35:53ou même à ESH, l'objectif c'est quand même
35:55de réduire le prix de la main d'œuvre
35:57et donc de faire en sorte d'exploiter des gens.
35:59Et c'est pour ça, ce n'est pas une méconnaissance
36:01du mal-vivre qu'ils ont.
36:03C'est surtout une envie d'exploiter toujours plus
36:05pour aller plus loin et réduire la marge du travail.
36:07C'est une idéologie,
36:09on en a une autre,
36:11puisqu'aujourd'hui, l'objectif pour nous, c'est de faire en sorte
36:13que le travail de chacun soit considéré
36:15pour qu'il se sente aussi considéré dans la société.
36:17Parce que la première chose pour être considéré,
36:19c'est qu'on puisse reconnaître le travail qu'on fait,
36:21surtout quand on fait des métiers d'aide comme cela.
36:23Et on voit bien qu'on a une divergence profonde
36:25entre la droite et la gauche sur ces questions-là
36:27pour pouvoir avancer et c'est le combat
36:29que tu as pointé à l'Assemblée Nationale
36:31au travers de ton intervention et à mon avis,
36:33c'est pour ça qu'elle était aussi si fortement reconnue.
36:35Pour une fois, on a vu quelqu'un leur dire en face
36:37et personne ne leur dit jamais en face
36:39puisqu'à priori, à l'Assemblée,
36:41c'est tellement peu mixte
36:43qu'effectivement, vous étiez la seule à avoir vécu ça
36:45dans l'hémicycle.
36:47Quand je les parle comme ça,
36:49en dehors de l'hémicycle,
36:51les macronistes, ils me disent
36:53« oui, tu sais, ma grand-mère, elle a été femme de mineur,
36:55on sait ce que c'est, allez voter pour changer la vie. »
36:57Il faut aller voter
36:59parce que, comme je l'ai dit,
37:01j'ai l'habitude de dire aux gens qui m'approchent
37:03qu'il faut s'intéresser
37:05à la politique pour comprendre.
37:07Moi, aujourd'hui, des femmes de ménage,
37:09je ne savais pas que j'allais un jour arriver
37:11à l'Assemblée Nationale pour savoir que c'est
37:13à l'Assemblée Nationale où on vote les lois
37:15et où on change la vie des gens à l'Assemblée Nationale
37:17et qu'il y a trois boutons.
37:19On veut que la vie de telle personne change,
37:21tu votes pour, tu votes contre ou tu t'abstiens.
37:23Je ne savais pas.
37:25Depuis qu'on a gagné cette lutte,
37:27je suis rentrée en politique, mais ça m'a ouvert l'esprit.
37:29J'ai commencé à comprendre beaucoup de choses
37:31pour dire que si vraiment
37:33les politiciens veulent changer
37:35la vie des gens, ils peuvent le faire.
37:37Pourquoi ? Parce qu'en appuyant sur un bouton,
37:39oui, on veut que la vie des gens change.
37:41On veut que ces métiers essentiels
37:43soient mieux payés, on veut que
37:45le CIMIC soit augmenté.
37:47Si tout le monde est d'accord, on appuie sur un bouton
37:49et ça change la vie des gens.
37:51– Après, il faut être un nombreux
37:53à pousser le même bouton.
37:55– Exactement.
37:57Il y a le capitaliste
37:59qui tape sur les faibles,
38:01qui ne veut pas que tout le monde soit pareil.
38:03Donc c'est un problème aussi.
38:05– Oui, c'est sûr.
38:07Il y a aussi un problème, il ne faut pas se le cacher,
38:09dans certains quartiers populaires,
38:11c'est le problème du trafic
38:13qui gangrène certains quartiers populaires,
38:15qui gangrène certains immeubles,
38:17qui gangrène certaines rues.
38:19À Saint-Ouen, on le sait bien.
38:21À Floride, j'imagine aussi.
38:23Dans votre quartier, vous aussi.
38:25Alors là, il y a
38:27le tout répressif
38:29qui est en place depuis 40 ans.
38:31On n'arrête pas de faire des opérations
38:33coup de poing,
38:35de pénaliser maintenant les consommateurs
38:37avec les fameuses amendes forfaitaires.
38:39On a l'impression que tout change
38:41mais rien ne change.
38:43La France reste le pays où on consomme le plus.
38:45Je parle du cannabis, je pense uniquement à cette…
38:47parce que c'est quand même la principale
38:49drogue
38:51qui est soumise au trafic.
38:53Donc la France
38:55est le pays
38:57où on réprime le plus
38:59et où on consomme le plus.
39:01Il y a un truc qui ne va pas.
39:03En Allemagne, ils ont fait une loi
39:05pour tenter de l'égaliser.
39:07On sait qu'en Espagne, au Portugal,
39:09tous nos voisins essayent de trouver d'autres solutions.
39:11Et nous, quand on entend
39:13le ministre démissionnaire
39:15de l'Intérieur,
39:17c'est toujours…
39:19Il n'y a aucune autre voie
39:21qui est explorée que
39:23de mettre du bleu
39:25des gendarmes, des opérations coup de poing,
39:27une répression.
39:29Et on n'est pas sûr qu'en plus, cette répression touche
39:31vraiment les flux financiers liés à ce trafic.
39:33Mais c'est vraiment
39:35les petits trafiquants, ceux qu'on voit.
39:37Vous habitez
39:39tous dans ces quartiers, vous êtes forcément
39:41au courant comme on l'est tous.
39:43C'est quand même délicat, c'est quand même compliqué
39:45parce que ça pourrit vraiment la vie des gens.
39:47Il faut dire les choses.
39:49C'est une vraie grande graine.
39:51Ça va profondément jusqu'à la racine.
39:53Ça impacte des familles
39:55entières.
39:57Ça détourne des enfants à 12, 13, 14 ans
39:59de l'école.
40:01Évidemment,
40:03c'est un milieu violent.
40:05Donc, c'est
40:07un vrai sujet. Là encore,
40:09moi, j'oppose le pragmatisme
40:11à l'idéologie. On sait ce qui s'est passé depuis
40:1340 ans, c'est que tous les ministres successifs
40:15de l'Intérieur, ou les gouvernements, ou les premiers
40:17ministres, ou les présidents
40:19ont toujours annoncé
40:21avec nous, on va être encore plus dur,
40:23on va être encore plus dur pour flatter un électorat.
40:25Électorat qui y croit,
40:2740 ans après.
40:29Et si, effectivement, il n'y a pas de
40:31changement radical politique,
40:33on peut déjà écrire les scénarios
40:35des futurs ministres de l'Intérieur et autres,
40:37je vais être encore plus dur face
40:39au deal, tolérance...
40:41Alors, ça fait 40 ans qu'on fait de la tolérance zéro.
40:43On va arriver à la tolérance négative à force,
40:45parce qu'on fait de la tolérance zéro.
40:47Donc,
40:49on a le scénario qui va se dérouler.
40:51Il faut être dur face aux...
40:53Moi, je propose, d'un point de vue pragmatique,
40:55j'assume complètement de dire
40:57qu'on a besoin, non seulement de l'égaliser
40:59pour assécher le trafic, parce qu'au final,
41:01à chaque fois qu'on démantèle
41:03un début de réseau ironé le lendemain,
41:05parce que les gamins sont là,
41:07et que les dealers sont présents,
41:09et que le réseau se refait immédiatement,
41:11qu'il faut
41:13l'assécher par la racine,
41:15qu'il faut amener ça, pas simplement en disant
41:17on légalise et après, débrouillez-vous.
41:19Il faut contrôler la filière,
41:21il faut axer une filière de prévention forte.
41:23Il y a toute une politique à mettre en place.
41:25Ça libérait du temps de policier,
41:27ça libérait du temps de justice,
41:29ça libérait des moyens financiers.
41:31Ça fait un autre rapport aussi
41:33et à la police et la police au quartier.
41:35Ça apaise un peu la tension générale.
41:37Et pour autant...
41:39Enfin, ça fait 40 ans qu'on loupe.
41:41Ça fait 40 ans qu'on échoue.
41:43Il y a aujourd'hui plus de points de deal que de McDo.
41:45Mais souvent, c'est livré ensemble.
41:47Il faut le dire.
41:49Et ça gangrène vraiment
41:51des familles entières.
41:53C'est absolument dramatique.
41:55Et donc, il faut choisir une autre solution.
41:57Arrêter d'être
41:59un hamster qui est dans sa roue,
42:01qui tourne, qui tourne, qui tourne,
42:03et qui ne change jamais d'option.
42:05Moi, là-dessus, j'ai un vrai parti pris.
42:07Moi, je vais...
42:09On ne peut pas traiter du débat
42:11sur la question du trafic de drogue
42:13si on le liait à la question sociale aussi.
42:15Moi, je l'ai vu à Saint-Ouen.
42:17Le nombre de familles qui avaient des dettes de loyer
42:19et qui, pour subvenir à cette question-là,
42:21se retrouvaient sans dette de loyer
42:23parce que soudain, elles rentraient dans le trafic
42:25et qu'elles n'avaient plus le choix.
42:27C'est une question sociale,
42:29mais c'est aussi une question de menace.
42:31Et je le dis d'autant plus que souvent,
42:33c'est des femmes seules avec enfants.
42:35Et donc, ça pose aussi la question
42:37des monoparentales féminines dans les villes
42:39qui sont particulièrement plus souvent
42:41soumises au trafic parce qu'elles sont
42:43considérées plus fragiles
42:45et donc plus attaquées par les trafiquants eux-mêmes
42:47par rapport à ces questions-là.
42:49Donc, si on pose le débat de la légalisation,
42:51il faut aussi poser la question du débat social qui va avec
42:53parce que la légalisation du cannabis
42:55sera remplacée
42:57par autre chose demain
42:59si on ne traite pas la question sociale
43:01puisque autre chose prendra le pas
43:03dans les cités, mais pas que dans les cités
43:05c'est partout dans une ville.
43:07Moi, à Saint-Ouen, c'est partout dans Saint-Ouen,
43:09je le dis assez clairement.
43:11Et donc, il faut pouvoir traiter
43:13les deux ensemble.
43:15La question de la légalisation,
43:17la question sociale et la question sécuritaire.
43:19Il y a des réseaux derrière, il y a des réseaux violents
43:21et il y a des réseaux mafieux
43:23qui existent pour de vrai dans ces trafics
43:25et qui sont dangereux.
43:27On a eu des morts à Saint-Ouen
43:29régulièrement et pas des morts
43:31douces, des morts très très violentes
43:33qui se sont faites.
43:35Et donc, quand on réclame
43:37plus d'OPJ,
43:39par exemple en Seine-Saint-Denis, puisqu'on en manque
43:41par rapport aux autres territoires de France,
43:43c'est pas pour rien. C'est aussi parce qu'on
43:45est en inégalité par rapport à ces questions-là
43:47et qu'on est considéré aussi
43:49comme un département où on sait que le trafic de drogue
43:51est des fois plus important qu'autre part.
43:53Et je dirais un dernier mot.
43:55On ne peut pas traiter de la question,
43:57et tu le disais Olivier, sans traiter également
43:59de la question de la prévention.
44:01Il n'y a pas un conseil départemental en France
44:03qui ne crie pas sur la question de l'aide sociale à l'enfance.
44:05Toutes les aides sociales à l'enfance dans tous les territoires
44:07sont mal traitées, sont mal menées,
44:09on n'arrive pas
44:11à faire face à la situation
44:13et plus la situation sociale s'aggrave,
44:15plus l'aide sociale à l'enfance est prise
44:17à la gorge et moins elle arrive
44:19à faire ce travail de prévention aussi pour sortir
44:21des gamins des trafics dans lesquels ils sont rentrés.
44:23Et donc je pense que vraiment, si on veut
44:25traiter de la question du trafic de drogue,
44:27il faut prendre toute la palette qu'elle englobe
44:29et qu'elle est large et qu'elle répond aussi
44:31à un vrai besoin pour le coup dans les quartiers populaires.
44:33Oui mais elle a tout à dire,
44:35c'est vrai parce que
44:37par exemple les enfants,
44:39moi par exemple quand un enfant me dit je cherche du boulot,
44:41j'ai envie de travailler,
44:43et qu'il n'y a pas de boulot pour lui, il fait quoi ?
44:45Il fait quoi ? Il va se mettre à la drogue ?
44:47Et les enfants par exemple
44:49quand ils se poussent dans les écoles
44:51de 10 à 11 ans, qui sont livrés à eux-mêmes dans la rue,
44:53il n'y a même pas d'éducateur pour pouvoir
44:55les récupérer, pour les accompagner,
44:57mais ces enfants à la fin, ils se promènent
44:59tout seuls et là la rue les récupère.
45:01C'est facile.
45:03Donc qu'est-ce que fait l'Etat ?
45:05C'est bien vrai de dire, on va mettre
45:07la sécurité, on va lutter contre ça
45:09et comme elle a dit, s'il n'y a pas de social direct,
45:11ça ne marche pas.
45:13C'est bien de faire de la communication
45:15comme ça à la télévision, mais il faut être
45:17sur le terrain pour vraiment travailler,
45:19pour pouvoir trouver des solutions.
45:21Et si l'Etat veut,
45:23l'Etat peut.
45:25Est-ce que l'Etat ne fait pas
45:27esprit pour ne pas trouver des solutions
45:29pour nos enfants, pour les amener
45:31dans le deal de la drogue ?
45:33Demain, Venez et Diquez, c'est des racailles.
45:35Est-ce que l'Etat ne fait pas esprit ?
45:37Parce que comme j'ai dit, le parcours, ça fait que les enfants
45:39ne font rien. On voit dans d'autres familles,
45:41souvent, elle a dit,
45:43ils n'ont même pas de moyens pour payer le logement.
45:45Les loyaux ont augmenté, c'est super cher.
45:47Les familles qui vivent avec 600, 500 euros
45:49qui n'arrivent même pas, même avec la CAF,
45:51ça ne suffit pas. Et les enfants,
45:53souvent, il y a des familles
45:55qui sont dans des loyers, dans des petites maisons,
45:57ils sont surchargés.
45:59L'enfant, il fait quoi ? Moi, je vais aller
46:01vendre la drogue, je peux avoir l'argent facilement
46:03pour pouvoir aider ma famille. Donc, il y a une réalité
46:05qui est là. Et qu'est-ce que fait l'Etat ?
46:07Il ne faut pas que l'Etat nous endorme
46:09pour dire, oui, je cherche de la sécurité,
46:11je vais lutter contre ça,
46:13mais au fond, l'Etat ne fait pas le travail.
46:15Donc, c'est pour amener les jeunes dans ce
46:17truc de deal, pourquoi on les amène dans les prisons,
46:19dans les trucs, pour s'en débarrasser ?
46:21Mais ça ne fonctionne pas, en fait.
46:23Moi, je pense qu'il faut que
46:25toutes les petites se mettent ensemble pour pouvoir
46:27trouver cette solution, pour pouvoir aider ces jeunes-là.
46:29C'est important parce que les jeunes,
46:31ils dégradent leur vie sans le savoir.
46:33Et comme il a dit tout à l'heure, Olivier,
46:35il y a des familles qui...
46:37Parce que quand ton enfant est tué dans la rue, abattu dans la rue,
46:39c'est vraiment difficile.
46:41Donc, quelle solution qu'on peut
46:43trouver pour régler ce problème-là ?
46:45Ça commence par l'école.
46:47On se bat pour l'école, on se bat pour des classes
46:49qui permettent à 40 élèves
46:51que les enfants ne soient pas déscolarisés
46:53parce qu'ils sont largués.
46:55Ensuite, c'est des éducateurs de rue,
46:57c'est des moyens pour la protection judiciaire
46:59de la jeunesse, j'ai bien dit protection,
47:01ce volet qui est complètement
47:03évacué de tout.
47:07En fait, tous les services
47:09de protection de l'enfance
47:11sont saccagés. Il y a d'ailleurs une mobilisation
47:13le 25 de tous les acteurs
47:15de la protection de l'enfance, j'en profite pour le dire.
47:17Mais ça, par exemple, les familles
47:19pouvaient arrêter de travailler et
47:21accompagner ces éducateurs pour cette manifestation.
47:23Pourquoi pas ?
47:25Parce qu'il s'agit de leurs enfants,
47:27il s'agit de nos enfants.
47:29Tu es là, tu vas lutter avec eux,
47:31les éducateurs,
47:33pour qu'en plus l'État ou le peuple
47:35puissent vous entendre. Mais si on les laisse
47:37tous seuls, alors que nous, on va
47:39vaquer à nos occupations, il n'y a pas
47:41de force dans ce qu'ils font.
47:43C'est vrai, les éducateurs se battent,
47:45les non-spécialistes aussi, ils en prennent plein
47:47dans la gueule. On a vu
47:49une éducatrice qui a tapé
47:51un enfant, on ne sait pas ce qui s'est
47:53passé. Peut-être qu'elle en a
47:55marre, on ne sait pas dans quelle situation elle était.
47:57C'est qu'elle a fait, ce n'est pas bon de taper un enfant,
47:59mais on ne sait pas le pourquoi.
48:01On va laisser l'enquête
48:03faire son erreur. Voilà, exactement,
48:05on va laisser l'enquête, mais pour dire que
48:07les éducateurs aussi sont fatigués
48:09moralement, physiquement.
48:11Et c'est l'État qui permet en fait
48:13de créer cette division
48:15entre les familles
48:17et les enseignants.
48:19Mais est-ce qu'aujourd'hui, on va accepter ça ?
48:21On va dire, vu qu'on est chez nous,
48:23ça ne nous intéresse pas, on laisse l'État faire.
48:25Moi, je pense qu'il est temps que les quartiers populaires
48:27et les zones rurales s'organisent,
48:29de sortir surtout de cette
48:31discrimination raciste
48:33parce qu'il y a un problème
48:35de fond qui nous détruit.
48:37Mais il faut qu'on se mette ensemble,
48:39comme on dit, l'union fait la force, pour qu'on puisse trouver des solutions
48:41ensemble. Juste pour information,
48:43il nous reste à peu près 3 minutes.
48:45J'aimerais absolument qu'on parle un peu des assos.
48:47Parce que là, il y a un gros...
48:49Vous avez eu à peu près 30 secondes chacun, je pense.
48:51Allez, 45 secondes chacun. Allez, je fais
48:5345 secondes d'introduction. On a un problème
48:55avec les associations.
48:57Parce qu'en fait, c'est vrai que le tissu associatif
48:59s'est beaucoup débité pour des questions de
49:01financement. Il n'y a plus de financement,
49:03de fonctionnement d'associations, de citoyens
49:05d'associations, de gens comme vous et moi.
49:07Les associations ont aussi été
49:09financiarisées. On a maintenant
49:11des actions à impact social, on a des
49:13grosses associations, des gros
49:15groupes qui vont faire des
49:17actions dans les quartiers, des actions
49:19ponctuelles. Moi, on m'a beaucoup parlé
49:21de Zèbre, je ne sais pas quoi,
49:23qui rafle tous les marchés, parce que c'est des marchés
49:25d'appels à projets. Ils restent
49:273 mois, ils se cassent quand l'action est finie
49:29et il n'y a plus rien. Donc il y a aussi
49:31peut-être, en tant qu'élu, à se battre
49:33pour qu'on ne soit pas dans
49:35cette financiarisation
49:37de ce qui est, franchement, le cœur
49:39de la citoyenneté, c'est-à-dire le monde associatif.
49:41Quel début ?
49:43La première forme d'alliance
49:45pour aller vers le politique, en fait.
49:47Olivier ? Émilie ?
49:49Moi, si vous voulez, je lance...
49:51Enfin, vas-y.
49:53On a un vrai débat. C'est-à-dire qu'on a des associations
49:55qui, aujourd'hui, structurent nos quartiers,
49:57qui sont dépendantes des appels à projets
49:59qui sont lancés par les collectivités, ou par l'État,
50:01ou par des institutions.
50:03Ça ne permet pas d'inscrire leur travail sur du long terme.
50:05Et ça devient une difficulté.
50:07Je suis désolée, mais une femme solidaire,
50:09quand elle met en place des écrivains publics,
50:11elle ne va pas réinventer ça
50:13à chaque appel à projets. C'est un travail de long terme.
50:15Et qu'aujourd'hui,
50:17le fait de le financer via des appels à projets
50:19ne permet pas de l'inscrire dans la durée, et donc détruit
50:21le lien aussi, en partie, de ces associations-là
50:23avec les habitants des quartiers,
50:25et donc les empêche de structurer de façon collective.
50:27On m'a beaucoup parlé des francs-moisins
50:29où les petites assos ont été remplacées, et où il n'y a plus
50:31ce lien où il y a la locale au pied
50:33de l'immeuble, et les gens y vont, quoi.
50:35Oui, mais ces associations, aujourd'hui,
50:37beaucoup se ferment parce qu'il n'y a pas
50:39de moyens. Je pense qu'il faut que l'État
50:41donne encore plus de moyens à ces associations-là,
50:43parce qu'ils font un travail tellement formidable.
50:45Dans ma tournée des quartiers populaires,
50:47j'ai vu des associations qui sont
50:49vraiment là. Souvent, eux-mêmes, ils prennent leur propre
50:51fonds pour pouvoir aider ces familles-là.
50:53Dans ces associations, ça ne sert à rien de les éteindre.
50:55Il faut leur donner les moyens
50:57pour plus suivre ces familles, parce qu'ils en ont besoin.
50:5920 secondes,
51:01et après, on poursuivra
51:03la discussion à chaque fois.
51:05On a l'impression qu'on demande la lune. En fait, c'est quelques
51:07milliers d'euros à chaque fois par association,
51:09et à l'échelle du pays, c'est quelques millions. En fait,
51:11dans le budget de l'État, c'est 0,000.
51:13Donc, voilà.
51:15Les quartiers populaires, comme tout le monde,
51:17si je peux mon mot de la fin,
51:19il y a un sujet de dignité, et ils réclament
51:21de la dignité, et ils sont français
51:23avant tout, et ils ont le droit d'avoir
51:25cette dignité. Et de l'argent, il y en a ?
51:27Il y en a largement.
51:29Pour le reste, il y en a beaucoup.
51:31Pour ceux qui font des trous de 7 milliards.
51:33Merci beaucoup à tous les quatre
51:35d'avoir participé à ce plateau.

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