• il y a 2 mois
Progrès récents

Légalisation du mariage pour tous dans de nombreux pays
Augmentation de la représentation LGBTQ+ dans les médias et la culture populaire
Meilleure protection légale contre les discriminations dans certains pays

Défis persistants

Discriminations et violences encore présentes dans de nombreuses sociétés
Inégalités persistantes dans certains domaines (adoption, don du sang, etc.)
Débats sociétaux parfois houleux sur les questions LGBTQ+

Évolution des mentalités

Acceptation croissante de l'homosexualité, surtout chez les jeunes générations
Plus grande visibilité des personnalités LGBTQ+ dans la sphère publique
Développement d'espaces sûrs et inclusifs (associations, événements, etc.)

Enjeux actuels

Lutte contre les thérapies de conversion
Reconnaissance des droits des personnes transgenres
Sensibilisation à la diversité des orientations sexuelles et identités de genre

Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, la "fin du placard" reste un processus en cours, variant considérablement selon les contextes culturels et géographiques.

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Transcription
00:00:00Comment est-ce que vous vous représentez un homosexuel ?
00:00:11Qu'est-ce que vous en pensez d'une manifestation sur l'homosexualité ?
00:00:13Moi, je trouve ça dégoûtant.
00:00:16Pédé, ça se faisait pas quoi.
00:00:18C'était sous-homme, c'était n'importe quoi.
00:00:20Les homosexuels sont trop souvent victimes de l'intolérance.
00:00:23Des tas de gens disent, les homosexuels, il faut les foutre dans les camps de concentration.
00:00:26S'ils avaient une mitrailleuse, ils se taperaient les dents.
00:00:29Vous ne savez peut-être pas qu'une loi du régime de Vichy réprime l'homosexualité.
00:00:35C'était une loi indignée.
00:00:38Un homosexuel est, comme en temps de guerre, un résistant.
00:00:44L'homosexualité est révolutionnaire.
00:00:46C'est-à-dire qu'elle fait changer les rapports sociaux.
00:00:50Papa, maman, ta fille est un bébé.
00:00:53Papa, maman, ta fille est une lesbienne.
00:01:00Dès l'annonce de la candidature de Valéry Giscard d'Estaing,
00:01:03ils se sont mobilisés pour participer à sa campagne, pour coller des affiches,
00:01:06distribuer des tracts ou des gadgets.
00:01:08Toute élection change le cours de l'histoire, mais certaines plus que d'autres.
00:01:13Pour les homosexuels, l'élection présidentielle de 1981
00:01:17pourrait marquer le début d'une nouvelle ère, plus égalitaire.
00:01:22Une manifestation qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes, celle des homosexuels.
00:01:27Il s'agissait à l'occasion de la campagne électorale
00:01:29de demander la reconnaissance du droit à l'homosexualité, je cite évidemment.
00:01:35Dans une France qui l'aurait largement hostile,
00:01:38pour la première fois, 10 000 homosexuels défilent au grand jour
00:01:42pour faire pression sur les candidats à l'élection présidentielle.
00:01:48Les homosexuels estiment que la loi française est beaucoup trop répressive à leur égard,
00:01:52puisqu'elle interdit toute relation homosexuelle avant 18 ans,
00:01:55ce qui n'est pas le cas pour les hétérosexuels.
00:02:00Une différence de traitement, une injustice.
00:02:09Les homosexuels réclament l'abrogation de cette loi qui les discrimine
00:02:14et qui a vu le jour sous le régime de Vichy.
00:02:26En 1942, le gouvernement de Pierre Laval, sous l'autorité du maréchal Pétain,
00:02:32souhaite débarrasser le pays de toute corruption morale et modifie le code pénal.
00:02:40Un petit Alinéa condamne désormais les rapports entre adolescents et adultes du même sexe.
00:02:46Sera puni d'un emprisonnement de 6 mois à 3 ans
00:02:49qui concorda commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature,
00:02:53avec un mineur de son sexe âgé de moins de 21 ans.
00:02:58La majorité sexuelle n'est donc plus la même selon son orientation.
00:03:0321 ans pour les homosexuels, 13 pour les autres.
00:03:08Les rapports homosexuels, même entre jeunes adultes et grands ados,
00:03:12sont considérés comme du détournement de mineurs.
00:03:17C'était revenir, je ne dis pas au Moyen-Âge,
00:03:20mais à l'Ancien Régime.
00:03:21C'était une pression des éléments les plus conservateurs,
00:03:26ceux qui animaient précisément ce qu'on appelait la morale de Vichy.
00:03:31C'était en réalité complète hypocrisie.
00:03:36Ça voulait dire que la société, la République,
00:03:39traitait les homosexuels de façon différente des hétérosexuels
00:03:43et estimait que l'homosexualité était dangereuse.
00:03:46Simone de Beauvoir a été victime de cette loi,
00:03:49sous l'occupation, en 1943,
00:03:52parce qu'elle a été virée de l'Éducation nationale
00:03:56à la suite d'une enquête qui a été menée
00:03:59sur sa relation avec Nathalie Sorokine.
00:04:02C'est la mère de Nathalie Sorokine qui a porté plainte.
00:04:06Bien sûr, Beauvoir, elle était attirée par les jeunes,
00:04:09mais elle avait 17 ans, quand même.
00:04:11Ce n'était pas un bébé.
00:04:13Ses autres amantes aussi avaient 17-18 ans,
00:04:17mais elles n'étaient pas cibles de la loi du détournement de mineurs.
00:04:22Travail, famille, patrie.
00:04:27Dans la France de Vichy,
00:04:30la famille ne s'envisage guère hors mariage,
00:04:34ni sans enfants.
00:04:36La société, c'est la vie.
00:04:39Les prises de position de l'Église catholique
00:04:42sont absolument majeures
00:04:44dans la condamnation de l'homosexualité.
00:04:47C'est-à-dire que, par définition d'ailleurs,
00:04:50les relations sexuelles, même hétérosexuelles,
00:04:53sont condamnées hors du mariage.
00:04:56Alors, pour plus fortes raisons, les relations homosexuelles.
00:05:04Au sortir de la guerre,
00:05:06le général de Gaulle, héros national,
00:05:09va jouer un rôle déterminant.
00:05:12L'homme de la libération du pays
00:05:15ne sera pas celui de la libération des mœurs.
00:05:18Il met fin aux lois liberticides et antisémites de Pétain,
00:05:22mais il maintient les lois homophobes.
00:05:27Les années d'après-guerre sont un moment de très forte réaction
00:05:31de l'Église catholique.
00:05:33Les années d'après-guerre sont un moment
00:05:36de très forte réaffirmation viriliste.
00:05:39Il y a le général de Gaulle qui appelle à redresser le pays
00:05:43en faisant des beaux bébés.
00:05:47De Gaulle va bloquer assez longtemps
00:05:50la libéralisation de la contraception.
00:05:55De Gaulle dit, vous n'allez pas sacrifier la France à la bagatelle.
00:06:03En 1960, Paul Mirguet,
00:06:06ancien résistant et député gaulliste,
00:06:09propose même de durcir la loi à l'encontre des homosexuels.
00:06:13Dans le texte qu'il présente à l'Assemblée,
00:06:16l'homosexualité est qualifiée de fléau social,
00:06:22au même titre que l'alcoolisme ou la prostitution.
00:06:28Et six mois plus tard,
00:06:30cela se concrétise par un nouvel alinéa répressif.
00:06:34La peine encourue pour outrage public à la pudeur
00:06:38sera doublée si elle est perpétrée par un homosexuel.
00:06:43Majorité sexuelle différente depuis Vichy,
00:06:46sanctions plus lourdes en cas d'attentat à la pudeur depuis De Gaulle,
00:06:51deux textes de loi discriminants.
00:06:55À cette époque-là, on est dans les années 60,
00:06:58pédé reste une insulte aujourd'hui,
00:07:01mais c'était pire à l'époque, on n'en parle pas du tout,
00:07:05c'est quelque chose de caché,
00:07:07et dès qu'on en parle, c'est toujours en mal.
00:07:10On n'avait jamais entendu parler de l'histoire des femmes.
00:07:14C'était inconnu aux bataillons.
00:07:16Le féminisme, j'en ai jamais entendu parler.
00:07:19Comment voulez-vous qu'on parle de l'homosexualité ?
00:07:22Mais c'est impossible !
00:07:24C'était un sujet hyper tabou, vous vous rendez pas compte.
00:07:28J'ai été très tôt en révolte
00:07:31contre l'injustice de la différence de traitement entre les garçons et les filles.
00:07:35Je voulais porter les pantalons de mes frères
00:07:38parce que j'avais compris que le statut masculin
00:07:41qui était représenté par les pantalons, pour moi,
00:07:44était nettement plus enviable
00:07:47que celui de devenir une petite fille sage comme une poupée.
00:07:51Je dois avoir 13-14 ans,
00:07:54je suis en vacances avec des copains,
00:07:58et on se baigne dans une rivière,
00:08:01et il y a un garçon, qui était, ma foi, charmant,
00:08:04qui sort de l'eau, et son slip se baisse un peu,
00:08:07et je vois ses poils de pubis.
00:08:10C'est un souvenir érotique.
00:08:12Je crois que, de ce jour-là,
00:08:14je pouvais plus me cacher que j'avais...
00:08:16Ça m'excitait, quoi.
00:08:22Je suis bruyusard, donc j'ai pas beaucoup d'informations.
00:08:25A l'époque, il n'y a pas d'informations sur les homosexuels.
00:08:28Il y a parfois des articles dans des journaux,
00:08:31mais c'était très, très rare.
00:08:33Je me rends compte qu'il y a des affiches,
00:08:35enfin, pas des affiches, mais pour des journaux,
00:08:37comme Détective, etc., où il est écrit en grand lesbienne,
00:08:40et ça a l'air d'être un truc absolument abominable,
00:08:43donc je risque pas de m'identifier à ça.
00:08:45Il n'y a pas de barre, encore, il n'y a rien du tout.
00:08:48Il y a des boîtes fermées,
00:08:50mais je ne fréquentais pas ça,
00:08:52et donc c'est un milieu très fermé
00:08:54dans lequel je n'ai pas encore accès.
00:08:59Je me rends bien compte qu'il y a des petites choses
00:09:01qui font que je suis un peu plus attentive aux filles.
00:09:04Je n'ai pas autour de moi de moyens de me définir, en fait.
00:09:07Il n'y a rien, aucun livre, aucune chose à la télévision
00:09:11pour que je puisse me poser même la question.
00:09:16On était en manque d'images.
00:09:19Les seules images érotiques que l'on trouvait,
00:09:22c'était le rayon sous-vêtement des catalogues de La Redoute, quoi.
00:09:26Ou alors on allait s'incliner devant les esclaves de Michel-Ange
00:09:30au Musée du Louvre, quoi. On n'avait pas...
00:09:38Au niveau homosexuel, un désert culturel.
00:09:41Je me souviens, la première fois que j'ai découvert Proust,
00:09:45Sodome et Gomorre,
00:09:49je l'ai dévoré.
00:09:52J'avais 17 ans, je l'ai dévoré.
00:09:55Tellement, on me manquait de références.
00:09:58Moi, je n'avais rien comme référence.
00:10:00Je me souviens que j'avais vu avec mes parents,
00:10:02je crois que c'était avec mes parents, le film Mora Venise.
00:10:08Ça, c'était le choc, quoi. Le choc total.
00:10:12Dans ma classe, il y avait un couple homosexuel.
00:10:16De temps en temps, mais de manière vraiment minoritaire,
00:10:20ils avaient droit à quelques colibés de la part de quelques-uns,
00:10:24les PD du coin, des trucs comme ça.
00:10:27Mais c'était vraiment très minoritaire.
00:10:29J'étais nouvel adhérent à la jeunesse communiste,
00:10:32lui était anarchiste, et on avait des discussions politiques
00:10:35à n'en plus finir.
00:10:37Et un jour, ce gars me dit,
00:10:39« Tiens, toi, tu fais partie des gens qui ne nous emmerdent pas
00:10:43sur le fait qu'on est deux homos et tout. »
00:10:47Je dis, « Bien sûr, ça ne me regarde pas, c'est votre affaire. »
00:10:50Il dit, « C'est ça que j'aime chez toi,
00:10:53parce que moi, je réclame le droit à l'indifférence. »
00:10:56J'ai trouvé cette phrase formidable.
00:10:59Dans le pensionnat où j'ai été élevé,
00:11:02il y avait une véritable phobie de la jeunesse.
00:11:05Il y avait une véritable phobie des religieuses
00:11:10qu'entre filles, ça puisse déboucher sur une relation amoureuse.
00:11:15Et là, il y avait un flicage tout à fait important là-dessus.
00:11:22Dans mes amis, dans ma famille proche,
00:11:25il y a des homosexuels qui ne sont pas à l'aise dans leur vie,
00:11:29qui se cachent, qui ont peur du candidaton,
00:11:33qui ont peur de la réaction familiale ou parentale.
00:11:36Je suis conscient de ça.
00:11:39Je ne sais pas encore à l'époque que ce sera un des combats
00:11:42auxquels je participerai avec le plus de passion.
00:11:45Être homosexuel dans la France d'avant 1982,
00:11:50c'est vivre souvent caché,
00:11:53notamment qu'on ne vit pas dans des grandes villes.
00:11:56Et puis, c'est des drames familiaux.
00:11:59« Madame, vous avez un fils. » « Oui. »
00:12:01« Quand est-ce que vous avez su qu'il était homosexuel ? »
00:12:04« Il y a 24 ans. Un jour, il m'a invité chez lui. »
00:12:07« On avait passé une bonne journée. »
00:12:09« Tout d'un coup, il m'a dit que j'avais apporté quelque chose. »
00:12:12« Je suis attirée par les hommes. »
00:12:14« Ça m'a fait un effet fou le royaume. »
00:12:17« Je pensais que c'était un homme. »
00:12:20« Je pensais que c'était quelque chose d'épouvantable. »
00:12:23« C'était un fils. »
00:12:25Le placard, c'est le fait qu'il y a certains homosexuels
00:12:29qui vivent planqués.
00:12:31C'est-à-dire qu'ils vont...
00:12:33C'est le contraire du « coming out ».
00:12:35« Coming out », je vais déclarer que je suis homosexuel.
00:12:38Je vais dire que je suis homosexuel à mon entourage,
00:12:40à ma famille, à tout le monde.
00:12:42J'étais à Brest au moment où j'ai vraiment compris
00:12:45ce que je vivais, etc.
00:12:47Et on était en prépa.
00:12:50Et là, vraiment, ça a été très vite évident.
00:12:55Je ne pouvais pas sortir en disant « je suis homosexuel ».
00:12:59J'ai mis une double vie parce qu'au travail, à l'université,
00:13:03mes amis intimes savaient que j'étais homosexuel.
00:13:08On n'avait pas le drapeau.
00:13:11Ça, c'est arrivé par la suite.
00:13:13Je n'ai jamais eu honte de ça, mais crainte, oui.
00:13:16Crainte d'être dévalorisé, en fait.
00:13:18C'est ça que j'avais peur.
00:13:20Même très longtemps, jusqu'à ce que je fasse mon « coming out »,
00:13:23j'avais peur que je ne sois plus crédible
00:13:26vis-à-vis des gens qui m'admiraient, qui m'aimaient
00:13:29ou qui avaient de l'estime pour moi.
00:13:31Je craignais d'être dévalorisé, oui.
00:13:41On avait des signes de reconnaissance.
00:13:43On marchait dans la rue, on croisait un regard.
00:13:45On montait dans le métro.
00:13:47Il y avait une blague.
00:13:49On avait détourné la publicité pour le métro, la deuxième voiture.
00:13:53Dans le ticket stop ! Dans le ticket stop !
00:13:56Démarquez-vous ! Prenez la deuxième voiture !
00:13:59On se donnait rendez-vous dans la deuxième voiture du métro.
00:14:02Voilà un exemple.
00:14:04On montait dans la deuxième voiture de chaque métro.
00:14:07Là, on regardait.
00:14:09Avec le regard, avec un petit geste.
00:14:11Dans la rue, on croise quelqu'un.
00:14:13On se retourne.
00:14:15On s'arrête.
00:14:17On sourit et hop, on part ensemble.
00:14:20Dans cette France du placard,
00:14:22les homosexuels doivent être discrets.
00:14:26La police veille aux bonnes mœurs.
00:14:29Un baiser, une caresse,
00:14:31et c'est l'interpellation.
00:14:36L'outrage public à la pudeur
00:14:38permet notamment d'incriminer la drague homosexuelle
00:14:41parce qu'il y a un certain nombre de lieux de rencontres
00:14:44pour les homosexuels, des toilettes publiques, des vespasiennes,
00:14:47qu'on appelle les tasses dans le jargon homosexuel.
00:14:54Et en cas d'arrestation,
00:14:56il y a une aggravation de la condamnation,
00:14:58de l'amende ou de la peine de prison,
00:15:00lorsque la relation concernée est homosexuelle.
00:15:07La police est le bras armé de l'homophobie.
00:15:10C'est-à-dire que la police patrouille, arrête, contrôle.
00:15:13Elle débarque dans un bar, dans une boîte,
00:15:16elle emmène un certain nombre de personnes,
00:15:18elle patrouille sur les lieux de drague,
00:15:20les lieux qui sont connus comme étant les lieux de drague.
00:15:24Elle arrête, elle contrôle, elle harcèle.
00:15:26À Paris, il faut savoir que la préfecture de police
00:15:29aurait eu visiblement un fichier homosexuel.
00:15:37J'ai été raflé une fois,
00:15:39donc c'était très tard dans la nuit,
00:15:41je sortais de l'air pas avec des copains
00:15:44et j'avais pas mal bu, j'étais assez gay.
00:15:48Et je suis allé sur une tasse
00:15:50qui était près du square des Batignolles.
00:15:53Et donc là, je traîne,
00:15:55et quand je sors de la tasse,
00:15:57il y avait un quart de flics qui étaient là
00:16:00et qui ramassaient tout le monde.
00:16:02Dans ce panier à salade, il y avait des prostituées
00:16:05et qui m'ont dit,
00:16:07alors t'avais le machin à lèvres,
00:16:09ou non, pas du tout,
00:16:11donc tu risques rien,
00:16:13il n'y aura pas d'attentat à la pudeur.
00:16:18J'ai été ramené au commissariat,
00:16:20je suis resté une heure le temps qu'ils vérifient mon identité.
00:16:23Peut-être qu'à partir de ce moment-là,
00:16:25j'étais fiché comme homosexuel, c'est possible, mais voilà.
00:16:31Chaque fois qu'on se promenait dans la rue,
00:16:34il fallait qu'on regarde vraiment très loin
00:16:37pour voir d'où venait le danger.
00:16:40À Paris, à l'époque, les gens se battaient beaucoup.
00:16:43À la fin des années 70,
00:16:45il y avait les Roquis,
00:16:47les mecs un peu rockeurs,
00:16:49dont le but, c'était de casser l'IPD.
00:16:55Quand on allait en boîte,
00:16:57il y avait toujours le moment quand même très dangereux
00:17:00quand on allait en boîte ou quand on sortait de boîte
00:17:03et qu'on rentrait chez nous.
00:17:07Il y a une forme de violence.
00:17:09Moi, à Quimper, une fois où j'embrassais Annie,
00:17:12il y a un mec qui a voulu nous séparer
00:17:14dans un coin où on était tranquille,
00:17:16où on ne gênait personne.
00:17:18Moi, j'ai reçu un coup de poing dans le dos,
00:17:20une fois, en sortant du métro,
00:17:22en sortant de la rame.
00:17:24Il y a un type qui m'a tapé dans le dos,
00:17:26comme ça, mais une grande violence.
00:17:28La vraie crainte que j'avais,
00:17:30c'était les bandes qui venaient casser l'IPD.
00:17:32Ça existait, ça arrivait,
00:17:34et ça, ça me faisait plus peur que la police
00:17:36parce que c'était plus violent.
00:17:38Il y a plusieurs mecs qui sont arrivés.
00:17:40J'ai entendu des gens crier, des gars crier
00:17:42attention, ils arrivent, ils arrivent.
00:17:44Et effectivement, s'ils venaient casser l'IPD,
00:17:47j'ai commencé à courir.
00:17:49Il y a un mec qui me fait accrocher le pied.
00:17:51Je suis tombé.
00:17:52J'ai eu l'impression que je mettais 24 heures
00:17:54à me relever tellement c'était intense
00:17:56et tellement j'avais peur.
00:17:58Et puis je suis quand même parti en courant.
00:18:00Et voilà.
00:18:01Après, quand j'y ai repensé,
00:18:03je me suis dit qu'on avait été tous là
00:18:06La peur, quoi.
00:18:08Pas la honte, la peur simplement de se faire tapasser.
00:18:11On ne pouvait pas dire que la police était gay-friendly.
00:18:14Tu avais une double peine.
00:18:16Tu t'étais fait casser la gueule
00:18:18et après tu allais pour porter plainte.
00:18:20Généralement, la plainte était sans suite.
00:18:24On n'allait pas essayer de retrouver
00:18:26quels étaient les agresseurs, etc.
00:18:28Donc voilà, c'était double peine.
00:18:31Vous êtes des centaines de milliers.
00:18:35Je le sais.
00:18:37Pourtant, depuis les années 50,
00:18:40quelques voix s'élèvent pour protester
00:18:42contre le sort réservé aux homosexuels.
00:18:45André Baudry, ancien séminariste et prof de philo,
00:18:48crée Arcadie,
00:18:50un mouvement qui se définit comme homophile.
00:18:53Il milite pour le droit à l'indifférence.
00:18:56Alors quels sont ces homosexuels ?
00:18:59Alors quels sont ces hommes qui viennent à votre club ?
00:19:02Tous. Tous sans exception.
00:19:04Aussi bien des ouvriers que des hommes d'affaires,
00:19:06des magistrats, des prêtres,
00:19:08des jeunes, des vieux, des provinciaux,
00:19:11des intelligents, des non-intelligents,
00:19:13des beaux, des pas beaux, des riches, des pauvres, tout.
00:19:16Et alors, à les entendre au fur et à mesure,
00:19:1810, 15, 20, 50, je me suis dit
00:19:20mais ce n'est pas possible.
00:19:22S'il y a tant d'hommes qui vivent ainsi,
00:19:25il faut faire quelque chose pour eux.
00:19:27Quelqu'un sur une tasse ou ailleurs, je ne sais plus.
00:19:29Et puis, il me parle d'Arcadie,
00:19:31parce que pour rentrer à Arcadie, il fallait me parrainer.
00:19:34Il me parle d'Arcadie et il me propose de me parrainer.
00:19:37C'est comme ça que je suis rentré à Arcadie,
00:19:39que j'ai découvert ce monde extraordinaire
00:19:43où les garçons dansaient ensemble.
00:19:45Je n'avais pas imaginé ça.
00:19:49C'est comme ça que j'ai connu des militants,
00:19:52pour la première fois,
00:19:54parce que jusqu'à présent, il n'était pas question
00:19:57Arcadie, c'est un jalon majeur
00:19:59de l'histoire de l'homosexualité,
00:20:01de l'histoire de l'affirmation de l'homosexualité
00:20:04et aussi de l'affirmation d'une résistance.
00:20:08Il ne doit pas y avoir de racisme homosexuel,
00:20:10il doit y avoir la justice pour tout le monde,
00:20:12les homosexuels parmi les autres,
00:20:14avec les autres, à côté des autres,
00:20:16vivant dans leur famille,
00:20:18et partout ailleurs, à visage découvert.
00:20:22Communication dans les médias,
00:20:24publications, réunions de réflexion,
00:20:27Arcadie fédère jusqu'à 36 000 membres
00:20:31et permet aux gays de sortir de la solitude.
00:20:36André Baudry, son fondateur,
00:20:38parie sur un lent travail de lobbying,
00:20:40poli et policé.
00:20:43Il présentait une homosexualité,
00:20:46un costume cravate, une homosexualité,
00:20:48un dressage qui se voulait
00:20:50la plus discrète possible, etc.
00:20:52Et c'est pas lui qui serait allé se promener
00:20:54main dans la main avec son ami
00:20:56dans les rues de Paris.
00:20:57C'était vraiment, comme on disait,
00:20:59l'homosexualité de papa.
00:21:01C'était d'abord un endroit,
00:21:03la porte, elle était complètement...
00:21:05Il n'y avait pas de fenêtre,
00:21:06il y avait juste un tout petit œilleton
00:21:08pour qu'on sache qui c'est qui était là.
00:21:11Et puis vous rentrez,
00:21:12vous avez que des garçons.
00:21:14Alors vous voyez, on est bien...
00:21:17C'est exactement le club pour homos,
00:21:21que nous, on n'en pouvait plus de ça.
00:21:24Vraiment, ça, on l'a rejeté.
00:21:39Pour la jeunesse bouillonnante de mai 68,
00:21:41Arcadie a fait son temps.
00:21:44Trop discret, trop sage,
00:21:46trop masculin aussi.
00:21:49Les filles, en particulier,
00:21:51rêvent d'un militantisme plus remuant.
00:21:55Au printemps 1971,
00:21:57elle crée le mouvement de libération des femmes.
00:22:00Les lesbiennes y trouvent enfin
00:22:02un espace de liberté et d'expression.
00:22:07La première fois que j'ai lu
00:22:09Le torchon brûle,
00:22:11c'était à la librairie Maspero à Paris.
00:22:15Parce qu'au sous-sol,
00:22:16il y avait toute la presse d'extrême-gauche.
00:22:21Je comprends qu'elles aiment les femmes.
00:22:24Alors qu'elles ne le disaient pas.
00:22:26On aime les femmes, vive les femmes.
00:22:28Non, non, non.
00:22:29C'était le mouvement de libération des femmes.
00:22:31Très bien.
00:22:32Je comprends que c'est là qu'il faut que j'aille.
00:22:36Et un soir, je prends mon petit Solex
00:22:39et je vais le rejoindre au Beaux-Arts,
00:22:41parce que c'est là qu'elle faisait les AG.
00:22:47Sous la coupole des Beaux-Arts,
00:22:49comme au Théâtre de l'Odéon,
00:22:51les féministes bousculent le patriarcat et la misogynie
00:22:54et revendiquent le droit à la contraception et à l'avortement.
00:22:59Il est temps maintenant de passer à une action concrète,
00:23:02puisque nous pensons qu'il y a un large révolutionnaire
00:23:05qui est en train de se faire.
00:23:08Parmi les figures les plus emblématiques,
00:23:10Françoise Dobonne,
00:23:12particulièrement inventive en matière d'action militante.
00:23:17Moi, j'ai fait partie du commando saucisson
00:23:20avec Françoise Dobonne.
00:23:23On était allés boycotter la conférence du professeur Lejeune,
00:23:26qui faisait une conférence contre l'avortement.
00:23:29Il s'agit d'une génération qui prétend s'arroger le droit
00:23:32d'éliminer certains de ses représentants,
00:23:34qui sont très petits.
00:23:36Françoise nous avait dit,
00:23:38vous savez, les armes blanches,
00:23:41si on se fait arrêter, c'est cuit,
00:23:43donc il va y avoir de la casse,
00:23:45parce qu'il y a l'extrême droite qui est là,
00:23:47le service d'ordre et tout.
00:23:49Le seul moyen de s'en sortir,
00:23:51c'est de venir avec un saucisson.
00:23:53Parce que le saucisson, quand tu frappes,
00:23:55ça fait mal.
00:23:57Donc tu ne peux pas être sous l'inculpation,
00:24:00tu vois, d'avoir une arme.
00:24:02Donc on était tous arrivés avec le saucisson.
00:24:06Et alors donc, je peux vous dire que ça chauffait.
00:24:08Et puis à un moment donné, on a été expulsés,
00:24:11et on s'est retrouvés en train de manger les saucissons
00:24:14et de boire un con.
00:24:16Bastons, saucissons, contestations.
00:24:19Ces féministes joyeuses et subversives
00:24:22revigorent le militantisme.
00:24:25Elles sont bientôt rejointes par des activistes gays,
00:24:28séduits par leur méthode radicale.
00:24:31Il y a les copains qui disaient,
00:24:33nous, alors, qu'est-ce qu'on fait, nous ?
00:24:36Nous aussi, on veut participer à votre truc,
00:24:39alors on fait une réunion.
00:24:41Tout ça, c'est dans la clandestinité.
00:24:43Dans un resto tenu par des copines,
00:24:46avec les copains et tout, qu'est-ce qu'on fait ?
00:24:49Et c'est comme ça qu'est né Le Phare.
00:24:52Historiquement, Le Phare a été le premier
00:24:54homosexuel d'action révolutionnaire,
00:24:56donc tout un programme à lui seul,
00:24:58qui était beaucoup plus dans la démonstration,
00:25:00la provocation, mais il en fallait, la provocation.
00:25:02Et puis ça correspond à une époque, voilà.
00:25:05Ils ont contribué aussi à faire avancer
00:25:07le chemin de l'huile, si je puis dire.
00:25:09Être homosexuel, c'est forcément révolutionnaire,
00:25:11dans le sens où ça remet en cause complètement
00:25:14les valeurs morales bourgeoises
00:25:17qui sont le fondement de la société,
00:25:19c'est-à-dire la famille, la production des enfants
00:25:21à la chaîne, etc., etc.
00:25:23C'est tout un processus.
00:25:25Il y avait cette idée encore, un peu naïve,
00:25:27mais on était post-68, donc de révolution.
00:25:30Il y a la révolution qui est dans les têtes de tout le monde,
00:25:33la révolution qui n'a jamais eu lieu, bien entendu,
00:25:35mais il y a une révolution quand même,
00:25:37il y a une révolution des mœurs, très importante,
00:25:39c'est-à-dire qu'on fait partie de ce groupement-là.
00:25:41Pendant, disons, dix ans de ma vie,
00:25:43j'ai continué à accoucher d'une manière
00:25:45tout ce qu'il y a de plus bourgeoise
00:25:47et tout ce qu'il y a de plus réactionnaire
00:25:49avec des femmes.
00:25:58Les militants changent de ton.
00:26:00Ils revendiquent avec ironie
00:26:02le qualificatif de fléau social
00:26:04dont la loi les affuble
00:26:07et multiplient les coups d'éclat.
00:26:12Le plus marquant sera celui porté
00:26:14à l'émission de radio de Mini Grégoire,
00:26:16Salle Pléiel, le 10 mars 1971.
00:26:20L'émission, très populaire,
00:26:22est consacrée au problème de l'homosexualité.
00:26:27Tout se passe en direct et en public.
00:26:30Ici Mini Grégoire, qui vous dit bonjour à tous.
00:26:33Vous entendez la salle Pléiel remplie à craquer.
00:26:36C'est un moment inoubliable.
00:26:38C'était génial.
00:26:40L'homosexualité, ce douloureux problème.
00:26:42Et alors, elle se penchait
00:26:44sur ce douloureux problème.
00:26:46Il y a tout de même une négation de la vie
00:26:48et des lois de la vie dans l'homosexualité.
00:26:50Je pense tout de même qu'on peut répondre ça
00:26:52sans blesser personne, il me semble.
00:26:54À vous, la salle.
00:26:56On parle de l'homosexualité d'une façon absolument horrible,
00:26:58comme s'il fallait la justifier,
00:27:00comme si l'hétérosexualité
00:27:02était quelque chose de naturel.
00:27:04Alors, on sait maintenant parfaitement
00:27:06que tout individu est bisexuel,
00:27:08qu'il n'y a pas de détermination sexuelle.
00:27:12La perturbation de l'émission de Mini Grégoire
00:27:14représente vraiment le projet du phare,
00:27:16c'est-à-dire de prendre la parole à la première personne,
00:27:18de refuser que l'homosexualité soit dite par d'autres,
00:27:20par des médecins, des prêtres, des psychanalystes,
00:27:22et de dire, nous prenons nous-mêmes la parole,
00:27:24nous les homosexuels, nous les lesbiennes,
00:27:26pour dire ce que nous sommes,
00:27:28pour dire comment nous vivons,
00:27:30pour parler de nos désirs, de nos vies quotidiennes.
00:27:32À cette souffrance-là,
00:27:34on ne peut pas être insensible.
00:27:54Nous ne souffrons pas.
00:27:56Liberté, liberté.
00:27:58Ils sont montés sur la scène
00:28:00et elle a été obligée d'interrompre l'émission.
00:28:02Et donc, si vous voulez,
00:28:04c'était un happening.
00:28:06Je veux dire, il faut qu'on comprenne
00:28:08que c'était le...
00:28:10ça débordait,
00:28:12c'était le vase qui débordait.
00:28:14C'était pas comme aujourd'hui,
00:28:16on est des victimes du patriarcat,
00:28:18attention,
00:28:20de la répression policière.
00:28:22C'était pas du tout comme ça qu'on se voyait.
00:28:24Il y avait une effervescence,
00:28:26une libération.
00:28:28On se voyait pas comme des victimes.
00:28:30Je pense que Le Phare,
00:28:32c'est une espèce de fulgurance comme ça,
00:28:34qui est devenue un vrai mythe
00:28:36dans le milieu homosexuel,
00:28:38d'un moment
00:28:40de flamboyance, en fait.
00:28:44En 1971,
00:28:46Le Phare va plus loin.
00:28:48Il s'invite dans le traditionnel défilé
00:28:50du 1er mai,
00:28:52jusque-là chasse gardée des syndicats
00:28:54des communistes français.
00:29:00On est au début des années 70.
00:29:02Le Phare,
00:29:04Front Révolutionnaire Homosexuel,
00:29:06vient avec des banderoles.
00:29:08Prolétaires de tous les pays,
00:29:10caressez-vous !
00:29:12Il y avait les gars du PC qui nous regardaient de travers.
00:29:14On osait porter atteinte
00:29:16au prolétariat.
00:29:18Le service d'ordre de la CGT
00:29:20les rejette violemment
00:29:22à l'arrière de la manif.
00:29:24Je me souviens des plaisanteries
00:29:26du service d'ordre.
00:29:28Serrer les fesses,
00:29:30attention derrière.
00:29:32C'est comme ça,
00:29:34c'est une homophobie totale.
00:29:36Caressez-vous !
00:29:38C'était vraiment ce qui manquait au PC.
00:29:40C'était le service d'ordre.
00:29:42C'était les mecs virils du PC.
00:29:44C'est sûr que l'homophobie
00:29:46régnait dans les rangs de la CGT.
00:29:48Pour eux,
00:29:50on n'avait rien à faire avec eux.
00:29:52Les camarades qui ont appris
00:29:54que je devais aller militer à flingues
00:29:56ont dit qu'un PD n'en est pas question
00:29:58en disant que c'était un vice
00:30:00dû à la dégénérescence bourgeoise
00:30:02et qu'il n'était pas question d'admettre.
00:30:04Si j'avais jamais couché avec des ouvriers,
00:30:06c'est un autre rapport que le leur
00:30:08avec leur tract à la porte de la boîte.
00:30:10Longtemps, le Parti communiste français
00:30:12a exprimé des réticences
00:30:14sur tous ces sujets de société.
00:30:16Par exemple,
00:30:18sur le droit à l'amortement.
00:30:20Pourquoi ce conservatisme à gauche ?
00:30:22Il n'y avait pas de débat particulier
00:30:24au PC sur ces questions-là.
00:30:26Il y avait certainement une volonté
00:30:28d'être un parti considéré comme normal,
00:30:30capable de gérer les affaires du pays,
00:30:32donc honorable, si je puis dire.
00:30:34Je crois que la grande préoccupation
00:30:36du PC,
00:30:38c'était de libérer
00:30:40la classe ouvrière
00:30:42de l'oppression du capitalisme.
00:30:44C'était la répartition des richesses.
00:30:46On a du mal à ce qu'en plus,
00:30:48une catégorie définie
00:30:50par une identité sexuelle,
00:30:52ça échappe totalement au marxisme.
00:30:54Quand on parle des homosexuels
00:30:56comme une minorité opprimée,
00:30:58ça rentre difficilement
00:31:00dans les grilles d'analyse communiste.
00:31:02J'ai assisté à un incident.
00:31:04C'est un meeting
00:31:06avec Jacques Duclos,
00:31:08qui était
00:31:10un personnage de légende
00:31:12pour les communistes.
00:31:14Notre parti
00:31:16appelle
00:31:18les Françaises
00:31:20et les Français
00:31:22à répondre non !
00:31:24Et il y a un gars du Phare
00:31:26qui intervient
00:31:28sur la liberté
00:31:30des homosexuels.
00:31:32Qui dit qu'il est homosexuel,
00:31:34il est communiste,
00:31:36et la réaction de Duclos
00:31:38est d'une brutalité
00:31:40mais invraisemblable.
00:31:42Que disez-vous, vous êtes un malade.
00:31:44Ça n'est pas possible.
00:31:46Les communistes sont de vrais hommes
00:31:48qui aiment de vraies femmes.
00:31:50Il y a des remous dans la salle
00:31:52et un tonnerre d'applaudissements.
00:31:54On était dans le fond de la salle,
00:31:56une douzaine de membres
00:31:58des étudiants communistes.
00:32:00On sort, on va au café
00:32:02et on était complètement atterrés.
00:32:04On s'est dit, c'est la position
00:32:06de la direction du parti.
00:32:08On s'est plutôt dit,
00:32:10mais qu'est-ce qui lui prend ?
00:32:14Ces jeunes militants homosexuels
00:32:16et révolutionnaires du Phare
00:32:18parviennent à remuer les consciences
00:32:20jusque dans les rangs communistes.
00:32:24Mais le mouvement atteint rapidement
00:32:26ses limites.
00:32:28Très vite, le groupe va exploser
00:32:30sous forme de désaccords
00:32:32sur la manière même
00:32:34dont il faut penser la libération homosexuelle
00:32:36et sur le fait
00:32:38que les lesbiennes et les femmes
00:32:40contestent la prédominance
00:32:42de la parole des hommes
00:32:44et la reproduction de la domination masculine
00:32:46à l'intérieur du groupe.
00:32:48C'est devenu un bésodrome, le Phare.
00:32:50C'est vrai.
00:32:52Qu'est-ce que vous voulez
00:32:54qu'on y fasse ?
00:32:56Ça ne nous concernait pas.
00:32:58Les lesbiennes
00:33:00quittent le mouvement.
00:33:02Le Phare, affaibli,
00:33:04finit par disparaître
00:33:06en 1974.
00:33:12À la même époque,
00:33:14d'autres types d'actions apparaissent.
00:33:18Moins spectaculaires,
00:33:20tout aussi engagés,
00:33:22mais à une échelle plus locale.
00:33:24Des petits groupes de discussion
00:33:26et d'entraide voient le jour.
00:33:28Ce sont les GLH,
00:33:30les groupes de libération homosexuelle.
00:33:32Ces groupes de libération homosexuelle
00:33:34s'aiment aussi dans toute la France.
00:33:36Il y en a un, puis trois à Paris,
00:33:38avec des scissions,
00:33:40et ensuite dans de nombreuses villes.
00:33:42Il y a un GLH à Lyon, à Marseille,
00:33:44à Rennes, à Bordeaux, à Dijon.
00:33:46On peut dire qu'une forme de mouvement homosexuel
00:33:48se diffuse
00:33:50et se structure dans toute la France.
00:33:52Le rôle d'un GLH,
00:33:54ce n'est pas simplement de créer un lieu chaud,
00:33:56c'est aussi quelque chose
00:33:58qui interpelle les homosexuels
00:34:00pour qu'on sorte du ghetto.
00:34:02Si, ensemble, on ne s'organise pas
00:34:04pour parler fort, exiger un certain nombre de choses
00:34:06et s'imposer, il ne se passera rien.
00:34:08Il y avait des permanences
00:34:10où on recevait des homos isolés
00:34:12qui venaient grossir le groupe.
00:34:14Il y avait des soirées de discussion,
00:34:16des choses comme ça,
00:34:18des choses assez conviviales.
00:34:20Ça m'a permis de m'affirmer
00:34:22comme homosexuel,
00:34:24un trait de caractère comme un autre.
00:34:26Moi, tout de suite,
00:34:28j'ai besoin d'aller dans un groupe de lesbiennes.
00:34:30Et là, d'un coup,
00:34:32j'étais plus seule.
00:34:34D'un coup, j'entendais plein de filles raconter leur vie.
00:34:36Il y avait des choses bizarres qu'elles racontaient,
00:34:38mais quand même.
00:34:40Elles vivaient à trois,
00:34:42elles parlaient de jalousie.
00:34:44Tout ça, c'était incroyable, étonnant.
00:34:46Et aussi, dans ce groupe-là,
00:34:48je me suis fait mes premières copines
00:34:50avec qui je vais militer
00:34:52aussi pendant des années.
00:34:54C'est le début du militantisme réel
00:34:56qui va
00:34:58se diffuser
00:35:00dans tous les pays européens.
00:35:02On est dans une libération
00:35:04de la sexualité,
00:35:06une visibilité
00:35:08de plus en plus accrue.
00:35:10On était juste contents
00:35:12de manifester
00:35:14à ciel ouvert dans les rues de Paris.
00:35:16Il y a les associations
00:35:18qui commencent à se développer.
00:35:20On voit à cette période-là
00:35:22la mise en place d'un tas de choses.
00:35:24L'exemple de la manière
00:35:26dont l'homosexualité atteint l'espace public,
00:35:28c'est le Nouvel Observateur
00:35:30qui consacre 4 ou 5 pages
00:35:32d'autoportraits à Guy Hockenheim
00:35:34qui parle de l'homosexualité,
00:35:36du phare, de sa vie quotidienne.
00:35:38L'homosexualité devient
00:35:40non pas un sujet
00:35:42grand public,
00:35:44mais fait des apparitions
00:35:46dans des médias qu'on dirait mainstream.
00:35:48Bonjour. Comment vit-on
00:35:50son homosexualité aujourd'hui ?
00:35:52Signe des temps, la télévision
00:35:54multiplie enquêtes et magazines
00:35:56sur le sujet.
00:35:58Et pour vous, Dominique, est-ce que ça a été difficile
00:36:00de dire que vous étiez homosexuel ?
00:36:02Ça a été très, très difficile.
00:36:04J'ai mis 20 ans.
00:36:06Pour moi, l'homosexualité, c'est quelque chose de normal.
00:36:08Des émissions parfois maladroites
00:36:10où l'on convoque
00:36:12médecins et psychologues pour
00:36:14comprendre le phénomène.
00:36:16Il faut dire que l'homosexualité
00:36:18est encore officiellement répertoriée
00:36:20comme une maladie mentale
00:36:22par l'Organisation mondiale de la santé.
00:36:24L'homosexualité n'est pas une maladie.
00:36:26Bien entendu,
00:36:28il est des homosexuels malades
00:36:30comme il est des hétérosexuels malades.
00:36:32Mais la France des années 70
00:36:34reste majoritairement
00:36:36très conservatrice.
00:36:3870% des Français
00:36:40se disent clairement hostiles aux pratiques homosexuelles.
00:36:46Il y a 70 ans
00:36:48que je suis dans le quartier que je suis là,
00:36:50ça m'a affecté.
00:36:52Il y avait un quartier qui était propre et il est pourri.
00:36:54Qu'est-ce qu'ils vous ont fait ?
00:36:56Il y a deux sortes d'homosexuels.
00:36:58Il y a d'abord ceux qui sont malades
00:37:00et ceux qui font ça pour de l'argent.
00:37:02C'est déjà deux choses différentes.
00:37:04Un homme
00:37:06semble pouvoir faire évoluer les mentalités.
00:37:10Lorsqu'il est élu en 1974,
00:37:12Valéry Giscard d'Estaing,
00:37:14plus jeune président de la Vème République,
00:37:16de centre droit,
00:37:18a mené campagne pour une société
00:37:20libérale avancée.
00:37:22En rupture avec la morale
00:37:24figée du gaullisme.
00:37:26Le début du septennat de Valéry Giscard d'Estaing
00:37:28va être marqué par
00:37:30plusieurs réformes.
00:37:32La plus marquante, c'est
00:37:34l'interruption volontaire de grossesse.
00:37:36Mais il y a aussi l'ambition
00:37:38de réformer le code pénal.
00:37:40C'est dans ce contexte
00:37:42qu'un sénateur de centre gauche
00:37:44va demander au Parlement
00:37:46de reconsidérer la loi qui discrimine
00:37:48les homosexuels.
00:37:50Henri Caillavet,
00:37:52un ancien résistant,
00:37:54un libéral et un progressiste.
00:37:56Il était
00:37:58avocat d'origine.
00:38:00Il avait eu à connaître
00:38:02parmi sa clientèle
00:38:04des gens inquiétés
00:38:06pour relations homosexuelles.
00:38:08Il a été
00:38:10tenu au courant
00:38:12de relever
00:38:14de plaques minéralogiques
00:38:16de voitures qui étaient garées dans une certaine rue.
00:38:18C'était insupportable de supposer
00:38:20qu'on pouvait effectivement
00:38:22ficher les gens
00:38:24à partir de leur appartenance
00:38:26sexuelle.
00:38:28Je pense que chacun
00:38:30devrait pouvoir affirmer son homosexualité,
00:38:32vivre sa sexualité.
00:38:34Car les chiffres qui ont été donnés
00:38:36tout à l'heure sont exacts.
00:38:38Plus de 4 millions d'homosexuels en France,
00:38:40ce n'est pas une petite
00:38:42minorité.
00:38:44Il a déclenché
00:38:46le tir immédiatement
00:38:48en déposant une proposition de loi qui a étonné.
00:38:52Sa proposition de loi la voici.
00:38:56La linéa 2 de l'article
00:38:58330 du Code pénal
00:39:00est abrogée.
00:39:02La linéa 3 de l'article
00:39:04331 du Code pénal est abrogée.
00:39:06Autrement dit,
00:39:08il propose la suppression
00:39:10des textes discriminatoires
00:39:12à l'égard des homosexuels.
00:39:14C'est sans compter
00:39:16le conservatisme de la société de l'époque.
00:39:20Ça allait loin.
00:39:22Il y a eu des courriers où il était accusé
00:39:24de tous les maux de la Terre
00:39:26en disant
00:39:28qu'il allait encourager
00:39:30la pédophilie, ce qui était absolument faux.
00:39:32Au niveau des vocabulaires
00:39:34pédophile, pédé,
00:39:36ça commence pareil.
00:39:38La société avait tendance
00:39:40à mettre tout ça sur le même plan.
00:39:44Cette confusion
00:39:46entre homosexualité et pédophilie,
00:39:48on la retrouve jusque dans les génériques
00:39:50d'émissions de grande audience.
00:39:52La thématique homosexuelle
00:39:54y est illustrée par des photos
00:39:56évoquant plutôt la pédophilie.
00:39:58L'amalgame est vite fait.
00:40:02Et ce, d'autant plus qu'au sein
00:40:04de la communauté homosexuelle elle-même,
00:40:06quelques intellectuels militent
00:40:08ouvertement en faveur d'une sexualité
00:40:10libre pour les mineurs.
00:40:12Il y avait
00:40:14toute une série de gens qui théorisaient
00:40:16la sexualité de l'enfant,
00:40:18les enfants
00:40:20sont volontaires.
00:40:22C'est effrayant.
00:40:24Mais si on parle à l'avenir qu'on souhaite,
00:40:26en tout cas, on peut dire
00:40:28qu'on espère quittant à une mixité croissante,
00:40:30à des relations de plus en plus mixtes,
00:40:32c'est-à-dire à des relations
00:40:34entre enfants et adultes,
00:40:36entre gens de même sexe aussi bien que de sexe différent
00:40:38et entre gens de races différentes également.
00:40:40Les pédophiles
00:40:42sont minoritaires chez les militants.
00:40:44Mais ils existent bien.
00:40:46Ils ont même fondé
00:40:48un mouvement,
00:40:50le groupe de recherche pour une enfance différente.
00:40:54Il va y avoir
00:40:56un discours très théorique
00:40:58de la part des uns et des autres.
00:41:00En plus, ils écrivent, ils ont une revue.
00:41:02On est en face
00:41:04avec des personnalités
00:41:06qui ont un discours très fort.
00:41:08Puis le clash
00:41:10va se faire
00:41:12un jour où ils commencent
00:41:14à nous parler de l'organisation et ils nous disent
00:41:18les filles pourront venir
00:41:20avec leurs enfants parce qu'on va faire
00:41:22une crèche.
00:41:24Et puis d'un coup, ils nous expliquent
00:41:26que ce serait le groupe pédophile
00:41:28qui s'occuperait des enfants.
00:41:30Et là,
00:41:32il y a eu un seul cri.
00:41:34Et à ce moment-là,
00:41:36les lesbiennes ont hurlé en disant jamais, pas question.
00:41:38Pas question.
00:41:40Et il y a eu ce nom à ce moment-là
00:41:42qui est significatif.
00:41:44C'est au moment où les droits des homosexuels
00:41:46commencent à être reconnus que les homosexuels disent
00:41:48nous on est homosexuels, on n'est pas pédophiles.
00:41:50La pédophilie, ce n'est pas notre problème.
00:41:52Et ce n'est pas nous.
00:41:54La confusion entre homosexualité
00:41:56et pédophilie effraie les parlementaires.
00:42:00Les propositions du sénateur
00:42:02ne seront examinées que deux ans plus tard.
00:42:04Et les réticences
00:42:06seront énormes.
00:42:12Je ne citerai pas le nom du sénateur.
00:42:14L'homosexualité
00:42:16n'est pas un phénomène inné,
00:42:18mais un comportement qui s'acquiert.
00:42:20Il n'est pas pour autant définitif
00:42:22et peut résulter d'expériences renouvelées.
00:42:24Il ne convient donc pas
00:42:26de les favoriser
00:42:28chez l'être jeune
00:42:30particulièrement vulnérable
00:42:32dans la mesure où sa tendance sexuelle
00:42:34n'est pas encore définitivement fixée.
00:42:38Malgré la ténacité d'Henri Gaillavet,
00:42:40la suppression des articles discriminants
00:42:42ne passe pas en première lecture.
00:42:44Pour les homosexuels,
00:42:46c'est une occasion manquée.
00:42:50Mais les militants ne vont pas tarder
00:42:52à riposter.
00:42:56Ils viennent de se réorganiser
00:42:58au niveau national en fondant le CUAR,
00:43:00le Comité d'urgence
00:43:02anti-répression homosexuelle.
00:43:04Leur objectif
00:43:06est clair, faire pression
00:43:08sur les parlementaires.
00:43:10On a rassemblé
00:43:122 à 3 000 personnes sur la place
00:43:14Insupis pour se diriger vers le Sénat,
00:43:16ce qui était extraordinaire.
00:43:18Il n'y avait jamais eu de manifestation
00:43:20autonome d'homosexuels rassemblant
00:43:22plus de 100 ou 150 personnes.
00:43:24Il s'est passé quelque chose ce jour-là.
00:43:26On a très bien senti qu'il se passait quelque chose.
00:43:28A l'époque, ce n'était pas dans l'air du temps.
00:43:30Les sénateurs
00:43:32tout d'un tout rencontraient
00:43:34sur leur parcours
00:43:36des gens, non pas qui se mettaient
00:43:38en travers, mais qui faisaient pression sur eux.
00:43:40Ce n'était pas dans l'esprit
00:43:42des sénateurs
00:43:44de l'époque, qui voulaient au contraire
00:43:46conduire des réformes,
00:43:48mais sous leur propre responsabilité
00:43:50et en conscience.
00:43:54Sénat, assemblée.
00:43:56Assemblée,
00:43:58Sénat.
00:44:00Il faudra 3 allers-retours.
00:44:04Et le 23 décembre 1980,
00:44:06l'article aggravant
00:44:08les peines pour les homosexuels en cas d'outrage
00:44:10à la pudeur est enfin abrogé.
00:44:12Celui aggravant les peines
00:44:14en cas de rapport entre adultes et adolescents
00:44:16est maintenu,
00:44:18mais les peines sont allégées.
00:44:32Comment réagit-on
00:44:34quand une chape de plomb se soulève ?
00:44:36Début des années 80,
00:44:38quelques bars apparaissent
00:44:40dans le centre de la capitale.
00:44:42Les homosexuels ne se cachent plus.
00:44:44Jusqu'en 1979-1918,
00:44:46les lieux gays
00:44:48étaient dans des endroits
00:44:50fermés, rue Saint-Anne,
00:44:52il faut sonner,
00:44:54il y a le judas.
00:44:56Et c'est vrai que le premier bar
00:44:58gay du Marais qui s'installe,
00:45:00là, c'est un bar qui est ouvert.
00:45:02Donc la visibilité,
00:45:04elle commence.
00:45:06Il y a un bar, puis deux, puis trois.
00:45:08A l'époque, le Marais,
00:45:10c'était pas le quartier le plus chic
00:45:12et le plus extraordinaire.
00:45:14Les loyers n'étaient pas excessifs
00:45:16et c'est pour ça que les gars s'étaient installés là,
00:45:18parce qu'ils arrivaient à trouver des locaux
00:45:20facilement accessibles.
00:45:22Il y avait ce fait de pouvoir être tous ensemble
00:45:24qui était pratique, on pouvait aller
00:45:26d'un bar à l'autre facilement.
00:45:28Néanmoins,
00:45:30il reste une bataille à mener.
00:45:32Faire tomber le dernier article
00:45:34de loi discriminant.
00:45:36Car la majorité sexuelle n'est toujours pas la même
00:45:38selon que l'on est homo
00:45:40ou hétéro.
00:45:42Le combat
00:45:44contre la dernière injustice continue.
00:45:46Et il commence
00:45:48dans la presse.
00:45:50Je pense que
00:45:52le moment des revues
00:45:54qui a été,
00:45:56il y a eu Gay Pied, il y a eu
00:45:58Homophonie, il y a eu Lesbias.
00:46:00Je pense
00:46:02que cet ensemble-là était absolument
00:46:04nécessaire. C'est-à-dire
00:46:06qu'on est avant les réseaux sociaux,
00:46:08etc. Où l'homosexualité
00:46:10elle va passer par cette espèce de géographie
00:46:12de revue.
00:46:14Et où
00:46:16on va donner une visibilité,
00:46:18une existence et on va pouvoir
00:46:20faire le lien en fait.
00:46:24Des intellectuels comme
00:46:26Michel Foucault ou René Scherrer
00:46:28publient des tribunes dans Libération
00:46:30ou Le Monde pour apporter leur soutien
00:46:32à la lutte homosexuelle.
00:46:34Yves Navarre reçoit le
00:46:36Prix Goncourt pour le jardin d'acclimatation.
00:46:38Un pamphlet cinglant
00:46:40contre l'homophobie.
00:46:42Cette visibilité nouvelle,
00:46:44la communauté gay entend bien la mettre
00:46:46à profit.
00:46:48Tout un débat
00:46:50a lieu au sein des mouvements homosexuels,
00:46:52au sein des groupes homosexuels,
00:46:54au sein de la presse homosexuelle aussi
00:46:56pour trouver la meilleure manière
00:46:58de peser dans le débat politique
00:47:00à l'approche de l'élection présidentielle.
00:47:10Mitterrand a voulu que le Parti Socialiste
00:47:12avant 81 soit une énorme machine
00:47:14à brasser
00:47:16des propositions, des réflexions
00:47:18et à intégrer
00:47:20des intellectuels et tous les
00:47:22milieux de la société. Et donc le Parti Socialiste
00:47:24d'avant 81, c'est une
00:47:26formidable machine à produire, à produire
00:47:28des idées, à produire des propositions.
00:47:30Un des grands axes du projet
00:47:32politique de François Mitterrand, et ce qui va
00:47:34le porter au pouvoir, ça va être les libertés.
00:47:36Je pense que vraiment c'était
00:47:38un humaniste
00:47:40sincère, entouré de
00:47:42femmes et d'hommes. Robert Van Atter,
00:47:44bien sûr, Jacques Lang.
00:47:46Mais lui-même était un homme
00:47:48pleinement ouvert à
00:47:50toutes ces questions, plus qu'ouvert.
00:47:52Pour lui c'était naturel, c'était normal.
00:47:54Il considérait que la vie
00:47:56devait être
00:47:58reconnue à travers son
00:48:00extraordinaire diversité.
00:48:02Avant 81,
00:48:04j'ai mené combat avec d'autres
00:48:06pour préparer, disons,
00:48:08l'éventuelle gouvernance
00:48:10si nous l'emportions aux élections.
00:48:12Avec des écrivains,
00:48:14Michel Foucault et Yves Navarre,
00:48:16avec lui nous avons
00:48:18mené des actions,
00:48:20j'ai imaginé pour l'après-81
00:48:22toute une série d'initiatives.
00:48:24Donc j'étais
00:48:26immergé dans tous ces combats
00:48:28pour les droits des étrangers,
00:48:30pour les droits des femmes,
00:48:32pour les droits des homosexuels, pour les droits
00:48:34en général. Nous participions
00:48:36en particulier à des réunions
00:48:38assez passionnantes dans un endroit
00:48:40qu'ils appelaient le Palace.
00:48:42Le Palace, au cœur de Paris, c'est l'endroit
00:48:44à la mode. Il faut s'y montrer,
00:48:46il faut y être vu.
00:48:48Mais pour cela, il faut plaire à Edwige,
00:48:50la dame blonde qui tient la porte.
00:48:52C'est un endroit animé
00:48:54par un personnage extraordinaire
00:48:56qui s'appelait Fabrice Emmer.
00:48:58Et là, on discutait,
00:49:00on échangeait, et finalement,
00:49:02pour moi, le Palace a été
00:49:04le lieu où
00:49:06beaucoup ont
00:49:08apporté leur soutien à François Mitterrand
00:49:10en raison
00:49:12de ses engagements pour les femmes
00:49:14et pour les homosexuels et pour l'ensemble
00:49:16des minorités, comme on dit.
00:49:24Au début de la campagne
00:49:26présidentielle, aucun candidat
00:49:28ne prend position pour la cause homosexuelle.
00:49:30Mais un trublillon
00:49:32va changer la donne.
00:49:40La candidature de Coluche est quelque chose d'extrêmement
00:49:42importante à l'époque
00:49:44pour un peu bousculer,
00:49:46comme un outsider qui vient bousculer le champ politique.
00:49:48C'est pas compliqué. Celui qui votait à droite
00:49:50d'habitude, pourquoi il recommencerait ?
00:49:52On lui a fait des promesses qu'on n'a pas tenues.
00:49:54Celui qui votait à gauche, on lui a fait gonfler
00:49:56des espoirs qui n'ont jamais éclaté.
00:49:58Et puis maintenant, il va voter pour qui ?
00:50:00Je ne prends pas ce qu'il vote pour, mon cul.
00:50:02Il faut se souvenir que Coluche avait publié un appel
00:50:04où il appelait tous les laissés-pour-compte
00:50:06de la politique.
00:50:08Coluche candidat, j'appelle
00:50:10les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques,
00:50:12les pédés, les femmes, les parasites,
00:50:14les jeunes, les vieux, les artistes,
00:50:16à voter pour moi, tous ensemble pour leur foutre
00:50:18au cul avec Coluche,
00:50:20le seul candidat.
00:50:22Mais Coluche, bien loin des 500
00:50:24signatures nécessaires pour se présenter,
00:50:26jette l'éponge avant même le
00:50:28premier tour de l'élection.
00:50:30Qui, désormais,
00:50:32pour jouer les porte-voix ?
00:50:341981
00:50:36promet le même scénario
00:50:38que 1974.
00:50:40Un second tour annoncé
00:50:42entre le président sortant, Valéry Giscard d'Estaing,
00:50:44qui semble avoir dit
00:50:46son dernier mot sur la loi,
00:50:48et François Mitterrand,
00:50:50qui ne s'est pas encore ouvertement positionné sur le sujet.
00:50:54Les militants redoutent que la cause piétine.
00:50:56Alors, pour marquer
00:50:58les esprits, le 4 avril,
00:51:00ils se réunissent à Paris
00:51:02pour manifester.
00:51:04Une manifestation
00:51:06qui a rassemblé plusieurs
00:51:08milliers de personnes sur le parvis du centre
00:51:10Georges Pompidou à Beaubourg. Il s'agissait
00:51:12à l'occasion de la campagne électorale de demander
00:51:14la reconnaissance du droit à
00:51:16l'homosexualité, je cite évidemment.
00:51:18Ils sont 10 000.
00:51:20Du jamais vu.
00:51:22Oui, on est
00:51:24nombreux. Et on est nombreux
00:51:26à être.
00:51:28Et puis, c'est vrai que moi,
00:51:30je me souviens de la banderole de tête quand je l'ai vue.
00:51:32Wow.
00:51:34D'un coup, il y avait un truc
00:51:36énorme. Voilà.
00:51:38Je me rappelle être monté sur le toit d'une camionnette
00:51:40à Maubert-Miquelité pour voir le nombre de personnes
00:51:42et me dire, voilà,
00:51:44il se passe quelque chose.
00:51:46C'était un événement. Il n'y avait jamais eu autant d'homosexuels
00:51:48dans la rue à Paris.
00:51:50C'était bon.
00:51:52Je pense qu'on était plein, ce jour-là,
00:51:54à se dire, j'y vais, il faut absolument que j'y sois.
00:51:56On sentait qu'il y avait quelque chose
00:51:58qui pouvait changer avec la gauche
00:52:00si la gauche prenait
00:52:02en compte notre parole.
00:52:04Ça veut dire qu'on est
00:52:06aussi nombreux à accepter
00:52:08d'être vus dans la rue
00:52:10comme homosexuels.
00:52:12Et ça,
00:52:14c'est une force.
00:52:16Cette manifestation a aussi,
00:52:18on l'avait fait avant les élections
00:52:20pour peser sur les élections
00:52:22et ça a servi, effectivement, de détonateur.
00:52:24François Mitterrand
00:52:26osera-t-il prendre clairement
00:52:28position ?
00:52:32L'avocate Gisèle Halimi, figure du féminisme,
00:52:34le convie à l'entre-deux-tours
00:52:36devant un parterre de militantes.
00:52:40François Mitterrand, vous avez-vous
00:52:42accepté d'être parmi nous,
00:52:44devant sept micro-féminins,
00:52:46tout près
00:52:48de nos griffes ? Franchement,
00:52:50quel effet ça vous fait ?
00:52:52Je crois.
00:52:56Dire que je me sens à l'aise
00:52:58serait présomptueux.
00:53:00Lors de cette réunion,
00:53:02et pour la première fois,
00:53:04le candidat prend officiellement position.
00:53:08Il s'engage pour la dépénalisation
00:53:10de l'homosexualité,
00:53:12au prétexte qu'il ne s'agit pas
00:53:14de se mêler des mœurs
00:53:16des autres et reprenant ainsi
00:53:18l'esprit de grande tolérance
00:53:20et de grande neutralité
00:53:22de la révolution française.
00:53:24Pour les mouvements homosexuels,
00:53:26la décision est claire et nette.
00:53:28C'est un appel à voter François Mitterrand
00:53:30et à faire battre le candidat de droite,
00:53:32Valéry Giscard d'Estaing,
00:53:34qui a refusé de prendre position
00:53:36sur cette question.
00:53:38La presse homosexuelle appelle
00:53:40à voter François Mitterrand.
00:53:42Dans l'entourage de Giscard,
00:53:44un certain nombre de personnes
00:53:46commençaient à se demander
00:53:48pourquoi François Mitterrand
00:53:50n'avait pas voté François Mitterrand.
00:53:52Ils n'ont rien fait,
00:53:54mais il y a eu un peu de tiraillement
00:53:56vers la fin.
00:53:58Je me souviens du soir
00:54:00où Fabrice Emmer,
00:54:02le directeur du Palas,
00:54:04a eu ce courage,
00:54:06de dire à tous les gens réunis
00:54:08qui appartenaient
00:54:10à tous les milieux de la société
00:54:12« Je voterai François Mitterrand
00:54:14parce qu'il sera
00:54:16notre protecteur,
00:54:18notre défenseur,
00:54:20parce qu'il est avec nous. »
00:54:22Je me souviens, il y avait Yves Navarre
00:54:24qui venait d'avoir le prix Goncourt
00:54:26qui est venu parler
00:54:28et François Mitterrand
00:54:30c'était notre candidat.
00:54:32Et c'était vraiment
00:54:34un candidat qui était pro-gay.
00:54:36C'était clair et net.
00:54:38La position de Mitterrand
00:54:40produit une très forte impression,
00:54:42même un très fort choc,
00:54:44auprès des homosexuels
00:54:46mobilisés depuis des mois
00:54:48contre ces articles du Code pénal.
00:54:50Et contre plus généralement
00:54:52l'ensemble des discriminations
00:54:54qui visent les homosexuels.
00:54:56« Dans quelques secondes,
00:54:58vous allez connaître
00:55:00le nom du Président de la République. »
00:55:02Le 10 mai 1981,
00:55:04je suis devant mon poste de télévision.
00:55:06« Je suis à Caen,
00:55:08avec ma mère, mon père, mes frères,
00:55:10mes sœurs, mon grand-père,
00:55:12et ma tante. »
00:55:14Quand on a vu le front des Guernies
00:55:16apparaître à la télévision,
00:55:18on a eu deux secondes en disant
00:55:20« Pourvu que ce ne soit pas le front de Giscard, non ! »
00:55:22Le sommet de la tête, je me souviens très bien
00:55:24et qu'on descend, c'est pas c'est Mitterrand ou Giscard.
00:55:26« François Mitterrand
00:55:28est élu Président de la République. »
00:55:30C'est Mitterrand.
00:55:32Il y avait du champagne qui était sur la table.
00:55:34Le champagne a été rangé.
00:55:36« Rue de Marignan,
00:55:38chez les Giscardiens.
00:55:40Le silence
00:55:42de la défaite maintenant confirmé. »
00:55:44C'est l'autre, c'est formidable,
00:55:46c'était youpi, c'était la fête.
00:55:48C'est moi qui lui ai appris en le soir qu'il était élu.
00:55:50Donc c'est pour moi un souvenir
00:55:52évidemment qui a marqué ma vie de manière considérable.
00:55:54« Les automobilistes
00:55:56ont entendu la radio et beaucoup
00:55:58se dirigent vers la Bastille où le Parti Socialiste
00:56:00a donné rendez-vous aux supporters de François Mitterrand
00:56:02pour une grande fête. »
00:56:04Le soir du 10 mai, moi j'étais place de la Bastille
00:56:06et on était là et on était
00:56:08sous la banderole du QR.
00:56:10Et puis là on disait on veut un ministre à la condition
00:56:12de guerre, enfin on était
00:56:14très contents.
00:56:16C'était un moment
00:56:18assez extraordinaire.
00:56:20On avait le sentiment que là tout d'un coup
00:56:22il y avait un politique qui ne portait
00:56:24aucun jugement moral
00:56:26sur le fait d'être homosexuel.
00:56:28« Guépier, le lendemain de l'élection, titre
00:56:30François Mitterrand, 7 ans de
00:56:32bonheur, point d'interrogation quand même.
00:56:34Mais bon, on aura rendez-vous très
00:56:36vite au ministère de l'Intérieur
00:56:38avec Gaston Deferre.
00:56:40Et on aura également rendez-vous
00:56:42au ministère de la Santé. » « La première décision
00:56:44elle est prise par son ministre
00:56:46de l'Intérieur, Gaston Deferre, par une circulaire
00:56:48envoyée à tous les services de police
00:56:50qui demande l'arrêt
00:56:52de la répression qui vise
00:56:54les lieux homosexuels.
00:56:56Qui demande l'arrêt
00:56:58du fichage des homosexuels. »
00:57:00« Dès le mois de juin
00:57:0281, moins d'un mois
00:57:04après l'élection présidentielle,
00:57:06Edmond Hervé interpelle
00:57:08l'OMS
00:57:10pour demander à l'OMS
00:57:12de sortir l'homosexualité
00:57:14de la catégorie des maladies
00:57:16mentales. Ce que l'OMS ne fera
00:57:18d'ailleurs que 9 ans plus tard
00:57:20en 1990. »
00:57:22Ces premières mesures,
00:57:24adoptées en un temps record,
00:57:26satisfont les homosexuels.
00:57:28Reste le plus délicat
00:57:30inscrire
00:57:32cette ambition dans la loi.
00:57:34Et c'est une nouvelle fois,
00:57:36Gisèle Halimi, élue
00:57:38entre temps députée sous la bannière socialiste,
00:57:40qui va faire bouger les lignes.
00:57:42« En décembre 1981,
00:57:44la disparition du dernier
00:57:46article du Code pénal arrive
00:57:48lors du jour de l'Assemblée nationale.
00:57:50C'est une proposition
00:57:52qui émane des parlementaires
00:57:54lors du jour parlementaire et alors
00:57:56saturée par une série de réformes
00:57:58initiées par le gouvernement socialiste.
00:58:00C'est une proposition
00:58:02dont la rapporteuse est Gisèle Halimi,
00:58:04qui est débattue
00:58:06par l'Assemblée nationale un dimanche.
00:58:08« La parole est à Madame Halimi,
00:58:10rapporteur de la Commission des lois.
00:58:12Mes chers collègues,
00:58:14on peut se demander
00:58:16avec le recul
00:58:18comment les députés français
00:58:20ont pu légiférer
00:58:22pour réprimer l'homosexualité.
00:58:24Car s'il est un choix
00:58:26individuel par essence et devant
00:58:28à toute codification,
00:58:30c'est bien celui de la sexualité. »
00:58:32Ce débat est
00:58:34l'aboutissement de toutes les mobilisations
00:58:36qui ont eu lieu les mois et les années précédentes.
00:58:38Entre 1981
00:58:40et 1982, tout bouillonne.
00:58:42Moi, je suis assistante parlementaire
00:58:44depuis juin 1981
00:58:46et je vis tout ça
00:58:48et évidemment le débat à l'Assemblée nationale.
00:58:50Quand vous avez un casting
00:58:52entre Raymond Forny,
00:58:54qui préside la Commission des lois,
00:58:56qui est déjà une figure
00:58:58des combats féministes,
00:59:00et quand vous avez une personnalité
00:59:02aussi emblématique
00:59:04que Robert Badinter,
00:59:06vous avez
00:59:08un casting étonnant.
00:59:10Ça n'empêchera pas
00:59:12Jean Foyer,
00:59:14qui avait été garde des Sceaux
00:59:16de De Gaulle,
00:59:18d'être le porte-voix de l'opposition
00:59:20avec
00:59:22des propos
00:59:24qui aujourd'hui,
00:59:26si j'ose dire,
00:59:28on regarde ça avec des yeux écarquillés.
00:59:30Il y a eu un débat assez vif
00:59:32avec
00:59:34le
00:59:36représentant éminent
00:59:38de la droite
00:59:40Gaulliste conservatrice.
00:59:42C'était l'une des personnalités politiques
00:59:44les plus importantes du Ménélois.
00:59:46Un département
00:59:48très marqué par l'influence
00:59:50de l'Église catholique
00:59:53C'était un très bon
00:59:55juriste,
00:59:57et M. Foyer et moi,
00:59:59nous avons croisé le fer
01:00:01sur cette question.
01:00:03Ah, les vieux messieurs
01:00:05qui viendront
01:00:07à la porte des lycées
01:00:09pour s'emparer
01:00:11de quelques lycéens et les sodomiser.
01:00:13Je dis, mais
01:00:15les mêmes vieux messieurs,
01:00:17s'ils vont à la porte des lycées
01:00:19et qu'ils séduisent
01:00:21des jeunes filles
01:00:23et qu'ils les emmènent pour les sodomiser,
01:00:25ça ne vous dérange pas ?
01:00:30Aux côtés de Jean Foyer,
01:00:32l'opposition, droite et centre réunis,
01:00:34fait bloc contre la proposition.
01:00:38Notre devoir, quand même,
01:00:40c'est de traduire
01:00:42les espoirs de nos électeurs.
01:00:44Les problèmes, c'était l'emploi,
01:00:46comme d'ailleurs aujourd'hui le pouvoir d'achat.
01:00:48La famille
01:00:50a beaucoup d'importance.
01:00:52Un homme, une femme, des enfants.
01:00:54Et puis le respect des traditions,
01:00:56le fait d'aller à l'église le dimanche.
01:01:00C'est dans cet hémicycle,
01:01:02pour partie épidermiquement hostile
01:01:04à l'homosexualité,
01:01:06que le garde des Sceaux s'avance.
01:01:10Quelques mois plus tôt,
01:01:12à la même tribune,
01:01:14il a fait abolir la peine de mort.
01:01:16Sera-t-il trouvé la même éloquence
01:01:18pour défendre la dépénalisation définitive
01:01:20de l'homosexualité ?
01:01:24J'improvisais.
01:01:26Je n'ai pas lu un texte.
01:01:28J'improvisais.
01:01:30Ce jour-là, les bonnes fées de l'éloquence
01:01:32étaient présentes.
01:01:36Quel type de société dans l'histoire,
01:01:38et aujourd'hui encore,
01:01:40toujours marquée par l'arbitraire,
01:01:42l'intolérance,
01:01:44le fanatisme
01:01:46ou le racisme,
01:01:48a constamment pratiqué
01:01:50la chasse à l'homosexualité.
01:01:52Cette discrimination
01:01:54et cette répression-là
01:01:56sont incompatibles
01:01:58avec nos principes,
01:02:00ceux d'un grand pays de liberté.
01:02:04Et puis, au moment,
01:02:06je me souviendrai toujours,
01:02:08au moment où,
01:02:10porté par ainsi l'inspiration,
01:02:12j'écris après tout
01:02:14« Il n'est que temps d'ailleurs,
01:02:16à cet égard,
01:02:18de prendre conscience
01:02:20de tout ce que la France
01:02:22doit aux homosexuels
01:02:24comme à tous ses autres citoyens
01:02:26dans tant de domaines. »
01:02:28Et alors là,
01:02:30ce que personne n'avait prévu
01:02:32établit notre éclaté
01:02:34en applaudissements.
01:02:42Scandale.
01:02:44Depuis la Révolution française,
01:02:46c'est interdit dans l'enceinte
01:02:48de l'Assemblée ou du Sénat
01:02:50de manifester son opinion
01:02:52pour les spectateurs.
01:02:54« Président, frappe du marteau,
01:02:56c'est intolérable,
01:02:58je vous fais évacuer. »
01:03:00Très bien.
01:03:02Et puis,
01:03:04un mouchoir,
01:03:06un petit mouchoir blanc,
01:03:08peut-être de
01:03:10Baptiste de Dantel,
01:03:12est tombé des tribunes.
01:03:16Il devait y avoir un spectateur
01:03:18enrhumé.
01:03:20Et d'un seul coup, tout le monde
01:03:22regardait le mouchoir.
01:03:24Les députés,
01:03:26le président,
01:03:28le ministre,
01:03:30tout le monde regardait ce mouchoir,
01:03:32comme ça, qui tombait tout doucement
01:03:34vers les banquettes.
01:03:36Le 20 décembre 1981,
01:03:38l'Assemblée nationale vote
01:03:40l'abrogation du dernier article
01:03:42qui réprimait les actes
01:03:44dits « contre nature »
01:03:46avec mineurs du même sexe.
01:03:48327 voix pour,
01:03:50155 contre.
01:03:52Mais pour que la loi
01:03:54soit enterrinée,
01:03:56il reste une ultime étape,
01:03:58convaincre le Sénat.
01:04:00Le Sénat est très conservateur
01:04:02dans ce domaine.
01:04:04Très conservateur.
01:04:06Et trois fois de suite,
01:04:08il a refusé le vote
01:04:10de la suppression du délit
01:04:12d'homosexualité.
01:04:16Là, il y avait
01:04:18des affrontements
01:04:20denses, étendus.
01:04:24Le Sénat va vouloir maintenir
01:04:26cette répression de l'homosexualité
01:04:28et va voter contre le texte de loi.
01:04:30Et à nouveau,
01:04:32il y a trois navettes parlementaires
01:04:34qui s'éternisent,
01:04:36trois navettes parlementaires
01:04:38entre l'Assemblée nationale
01:04:40et le Sénat,
01:04:42avec une contestation
01:04:44forte dans les discours
01:04:46et dans les prises de parole.
01:04:48Non, ce n'est pas surprenant
01:04:50parce qu'il y a aussi au Parlement
01:04:52une sorte d'habitude
01:04:54qui est que quand on est opposant,
01:04:56on s'oppose.
01:04:58Et du coup,
01:05:00le débat parlementaire...
01:05:02Ils étaient plus de 15 000 militants
01:05:04de tous les groupes français
01:05:06qui participaient à cette marche pacifique
01:05:08qui a traversé Paris cet après-midi.
01:05:10Pour faire pression à nouveau
01:05:12sur l'opinion publique
01:05:14et sur les partis politiques
01:05:16pour qu'enfin le dernier article
01:05:18du Code pénal soit abrogé.
01:05:20Enfin, en quatrième lecture,
01:05:22le 27 juillet 1982,
01:05:24l'Assemblée nationale
01:05:26vote définitivement l'abrogation.
01:05:30C'est la fin
01:05:32de 40 années de placard.
01:05:34Une révolution.
01:05:36L'an 1
01:05:38d'une nouvelle ère.
01:05:48Qu'il ou elle soit
01:05:50homosexuel,
01:05:52bisexuel,
01:05:54transsexuel
01:05:56et même hétérosexuel,
01:05:58ils veulent pouvoir décider
01:06:00librement.
01:06:02Il y a un vrai bouillonnement.
01:06:04C'est l'époque où un jour avec
01:06:06un gaie-pied, le vent très bien.
01:06:08C'est l'époque où l'exposition
01:06:10des petites annonces,
01:06:12des sites de rencontres,
01:06:14les bars, les lieux de rencontres
01:06:16se multiplient.
01:06:18Ça pousse comme des champignons
01:06:20à Paris.
01:06:22Il y a la radio,
01:06:24salut les pédés !
01:06:28Au 10e étage d'un immeuble
01:06:30du 20e arrondissement,
01:06:32fréquence gaie,
01:06:34une radio qui s'adresse
01:06:36à la communauté homosexuelle
01:06:38de l'île de France.
01:06:40Plus de 100 bénévoles,
01:06:42souvent des chômeurs,
01:06:44y travaillent,
01:06:46permettant à la station
01:06:48d'émettre 24h sur 24.
01:06:50Il y a quand même
01:06:52une grande participation
01:06:54de la communauté homosexuelle.
01:06:56La France, tout d'un coup,
01:06:58prenait l'avance par rapport
01:07:00à certains pays voisins.
01:07:02Il ne faut pas oublier
01:07:04qu'à cette époque-là,
01:07:06beaucoup de personnes
01:07:08sont arrivées en France,
01:07:10d'Amérique latine,
01:07:12d'autres pays où la situation
01:07:14pour les personnes gaies et lesbiennes
01:07:16était vraiment très difficile.
01:07:18Là, on a la confirmation
01:07:20et après,
01:07:22il y a toutes les autres luttes
01:07:24qu'il va falloir mener.
01:07:26Ces luttes, dans l'insouciance
01:07:28des années 80,
01:07:30personne ne les voit venir.
01:07:32Peu importe alors que les couples
01:07:34homosexuels n'aient aucun statut.
01:07:36Peu importe qu'ils n'existent pas
01:07:38au regard de la loi.
01:07:40Pourquoi s'inquiéter du lendemain
01:07:42quand on a l'éternité pour soi ?
01:07:46Mais une épreuve imprévisible
01:07:48a bouleversé.
01:07:52Le sida se manifeste
01:07:54par des atteintes variées
01:07:56où l'organisme ne se défend plus
01:07:58contre des attaques de microbes
01:08:00ou de virus.
01:08:02L'arrivée du sida,
01:08:04c'est une douche froide.
01:08:06C'est horrible.
01:08:08Au début, les gais ne veulent pas y croire.
01:08:10Ce n'est pas un déni,
01:08:12mais c'est de dire que ce n'est pas possible.
01:08:14On s'est libérés.
01:08:16C'est un coup d'arrêt
01:08:18à une sorte d'insouciance
01:08:20à un sexuel.
01:08:22Tout d'un coup,
01:08:24c'est une sorte de paradoxe
01:08:26et d'ironie énorme.
01:08:28C'est au moment précisément
01:08:30quand on commence
01:08:32à être plus heureux
01:08:34dans la condition d'homosexuel
01:08:36qu'arrive ce risque énorme
01:08:38qui vient en plus de loin,
01:08:40de l'étranger.
01:08:42C'est d'autant plus difficile
01:08:44à cerner.
01:08:46C'est ce qui va apprendre
01:08:48à cette communauté
01:08:50à se défendre
01:08:52et à se mobiliser
01:08:54sur quelque chose
01:08:56qui est vraiment primordial,
01:08:58c'est-à-dire la survie
01:09:00des personnes.
01:09:02Vont mourir des gens jeunes
01:09:04qui sont frappés par la maladie.
01:09:06Et ces gens jeunes
01:09:08vont envoyer un message
01:09:10terrible.
01:09:12Par exemple,
01:09:14ce qu'on va comprendre très vite
01:09:16avec le sida,
01:09:18c'est que si on n'est pas marié,
01:09:20s'il n'y a pas un lien reconnu,
01:09:22on n'aura pas le droit d'aller
01:09:24à l'hôpital voir la personne
01:09:26avec qui on vit
01:09:28si les parents ne veulent pas
01:09:30les proches de la famille.
01:09:32Des compagnons
01:09:34qui se trouvent
01:09:36éjectés de l'appartement
01:09:38qu'ils partageaient
01:09:40avec leurs amoureux
01:09:42chassés par les familles
01:09:44qui ne peuvent même pas
01:09:46récupérer des objets personnels,
01:09:48qui vivent dans le dénuement
01:09:50le plus total
01:09:52parce que l'élément du couple
01:09:54qui était celui qui apportait
01:09:56le salaire
01:09:58est décédé.
01:10:00Les gens se disent
01:10:02que ce n'est pas possible.
01:10:04On ne peut pas laisser des gens
01:10:06malades et être mis dehors.
01:10:08La revendication du Pax
01:10:10s'est arrivée avec le Sida.
01:10:12Le Pax,
01:10:14pacte civil de solidarité,
01:10:16offre aux couples homosexuels
01:10:18comme aux autres la possibilité
01:10:20d'organiser leur vie commune.
01:10:22Le changement radical du Pax,
01:10:24c'est de considérer que le couple
01:10:26peut être un homme et une femme
01:10:28mais aussi deux hommes ou deux femmes.
01:10:30Ça a été, si j'ose dire,
01:10:32pour les conservateurs
01:10:34de tout poil, pour les réactionnaires,
01:10:36pour les forces qui ne supportaient pas ça,
01:10:38ça cassait le modèle.
01:10:40C'est-à-dire que la famille
01:10:42devait être constituée
01:10:44et continuer à être constituée
01:10:46d'un homme et d'une femme
01:10:48si possible mariés
01:10:50avant la naissance
01:10:52des enfants.
01:10:54Cette demande de normalisation
01:10:56a été mal perçue.
01:10:58Mais avant,
01:11:00il y avait moins de manifestations d'hostilité
01:11:02parce que quand on est dans le placard,
01:11:04on ne dérange personne.
01:11:06Les homosexuels
01:11:08sortent du placard.
01:11:10Mais avec l'annonce
01:11:12de ces nouveaux droits,
01:11:14les homophobes sortent eux aussi.
01:11:22Contre le Pax en 1999.
01:11:28Contre le mariage pour tous en 2013.
01:11:34Malgré l'imposante mobilisation
01:11:36des Français les plus réfractaires,
01:11:38les deux textes sont votés.
01:11:40Personne aujourd'hui
01:11:42ne les remet en cause.
01:11:44Officiellement, du moins.
01:12:04Il y a toujours du chemin à faire.
01:12:06Il y a toujours des préjugés.
01:12:08Sans doute des discriminations
01:12:10dans telle ou telle entreprise.
01:12:12Évidemment, il n'y a plus
01:12:14de discrimination légale.
01:12:16Et ça, pour moi, c'est l'essentiel.
01:12:1840 ans après,
01:12:20quand je vois que deux femmes
01:12:22ou deux hommes peuvent se tenir
01:12:24le bras à la main et s'embrasser
01:12:26amoureusement dans l'espace public,
01:12:28je vois
01:12:30que les choses ont changé.
01:12:32Bien sûr, les choses ont bougé.
01:12:34Heureusement, on a réussi
01:12:36à faire bouger énormément de choses.
01:12:38On ne peut plus dire qu'on n'existe pas.
01:12:40Dans sa famille, tout le monde
01:12:42a des homosexuels.
01:12:44Tout le monde a des collègues homosexuels.
01:12:46On a changé les choses.
01:12:48Aujourd'hui, il y a encore des gens
01:12:50qui sont dans le placard.
01:12:52Il y a des gens qui ne vont pas le dire,
01:12:54qui vont mener cette double vie.
01:12:56Dans certains quartiers,
01:12:58il y a des situations sociales,
01:13:00des réticences,
01:13:02des méfiances
01:13:04et parfois des mises en danger
01:13:06de personnes qui
01:13:08voudraient pratiquer ouvertement
01:13:10le choix de leur sexualité.
01:13:12Il y a encore
01:13:14dans ce monde
01:13:16des sociétés
01:13:18
01:13:20l'homosexualité
01:13:22est réprimée durement.
01:13:24Et ça, ça continue.
01:13:26Ça se perpétue dans le monde
01:13:28où nous sommes.
01:13:30J'ai toujours grandi avec cette idée naïve
01:13:32qu'on ne pouvait pas perdre les droits.
01:13:34C'est vrai que j'ai entendu ça
01:13:36toute ma vie.
01:13:38Oui, les droits, on peut les perdre.
01:13:40Et je n'y ai jamais cru.
01:13:42Et là,
01:13:44pour la première fois, je suis en train de me dire
01:13:46oui, en effet, les droits, on peut les perdre.
01:13:48Encore aujourd'hui,
01:13:50il y a une homophobie particulièrement violente,
01:13:52voire des retours d'une homophobie extrêmement forte.
01:13:54Aujourd'hui,
01:13:56aider un enculé, c'est encore une insulte.
01:13:5840 ans plus tard,
01:14:00voyez ce qu'il en reste.
01:14:56Une vidéo sans sous-titrage n'est pas une vidéo

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