Category
📺
TVTranscription
00:00Saint-Denis, dans le 93, la ville de tous les paradoxes et de tous les fantasmes.
00:07Un monde presque à part, emblématique d'une certaine forme de mal-être à la française.
00:13En première ligne, les médecins et les infirmiers de l'hôpital de La Fontaine doivent quotidiennement faire face à des situations difficiles.
00:24Tous les jours, 300 personnes passent par cette salle d'attente.
00:28C'est 20 fois plus que la moyenne nationale.
00:35Une fois de plus, Thierry, l'infirmier chargé de l'accueil, est débordé.
00:39Son rôle, faire le tri entre tous les patients et repérer les vraies urgences.
00:43Les soirs de week-end, c'est encore plus difficile, car plus d'un quart des patients viennent consulter pour des coups et blessures dus à des bagarres ou des règlements de compte.
00:56Bah, j'aimerais bien voir le jour, là, mais... C'est n'importe quoi.
01:08Son service vient à peine de commencer et déjà un premier patient victime d'une agression.
01:14Alors, vous voulez voir un médecin, monsieur ? Vous voulez qu'on voie un médecin ?
01:24L'individu est alcoolisé et agité. Il a été retrouvé inconscient dans la rue.
01:29Son état paraît inquiétant, alors Thierry préfère qu'il soit rapidement examiné par un médecin.
01:35C'est le docteur Boilem qui prend le relais.
01:44Attends deux secondes.
01:46Alors que le médecin pense la blessure, le patient se confie sur les circonstances de son agression.
01:52Comment ?
02:10Le jeune homme s'en tire avec une fracture du nez. Il repartira le soir même.
02:15Un cas classique pour le docteur Boilem.
02:18Dans cet hôpital, il doit régulièrement soigner des plaies par armes blanches et même des blessures par balles.
02:37Ce soir, le personnel soignant n'est pas au bout de ses peines.
02:41Dans la salle d'à côté, une autre victime d'agression.
02:44C'est Kamel qui va s'occuper des soins.
02:49Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
03:02On vous a agressé ?
03:03D'accord, vous connaissez la personne qui vous a agressé ?
03:07La jeune femme se promenait avec son mari dans le centre-ville.
03:11Quand deux hommes ont tenté de lui voler son sac armé d'une barre de fer.
03:15Heureusement, les premiers examens n'indiquent pas de fracture.
03:19Juste une arcade sourcilière ouverte.
03:21Comme la zone est très difficile à anesthésier, elle devra supporter la douleur.
03:29Quatre points de suture que le docteur Kamel s'efforce de faire rapidement.
03:35L'anesthésie, elle sert à rien, sérieux !
03:38Ça y est.
03:39Putain !
03:41Ça y est, ça y est.
03:43Mon mal limite quand tu m'as mis le cours de barre de fer.
03:47Ça y est, madame, on fait le nœud.
03:52La jeune femme travaille à Saint-Denis depuis cinq ans.
03:54Elle est commerçante.
03:56Ce n'est pas la première fois qu'elle se fait agresser.
03:58Elle avoue même aux médecins prendre des précautions pour se défendre.
04:03Il n'y a pas un jour où je ne me fais pas...
04:05Où on m'emmerde, désolé du terme, on ne m'emmerde pas dans la rue,
04:08dans le métro, dans le train, dans le bus, n'importe où.
04:11Samy, il faut dire, ça fait peur, c'est tout.
04:14Tellement j'ai peur tous les jours, je prends un couteau sur moi pour me défendre
04:18au cas où le jour où je ne l'ai pas, c'est là où je me fais agresser.
04:23La préfecture refuse de donner des chiffres sur la délinquance à Saint-Denis.
04:28Selon l'hôpital, les urgences accueillent chaque week-end
04:31entre 7 et 10 victimes d'agression par jour.
04:35Qu'est-ce qu'il fait, lui, là ?
04:37Non, mais c'est pas possible.
04:39Bagarre, règlement de compte, précarité.
04:47Ce soir, une fois encore, les infirmiers et les médecins vont être très occupés.
04:52Il est un peu plus de 23h, la salle d'attente ne désamplit pas.
04:56La nuit s'annonce chargée.
05:04Célèbre pour son stade et pour sa basilique qui abrite les tombeaux des rois de France,
05:09la cité du 9-3 est aussi réputée pour son école de la Légion d'honneur.
05:14Un pensionnat de jeunes filles très stricte qui tranche avec le reste de la ville.
05:21Car Saint-Denis est aujourd'hui l'une des villes les plus pauvres de France.
05:25C'est aussi la ville qui compte le plus d'immigrés par habitant.
05:29Sur une population de 110 000 personnes, plus de 30 000 sont de nationalité étrangère, selon l'INSEE.
05:43Ce contraste façonne la commune depuis des dizaines d'années.
05:46Elle est aujourd'hui divisée en 3 univers bien distincts qui ont leur propre code.
05:52Au sud, le quartier d'affaires.
05:55Plus d'une cinquantaine d'entreprises du CAC 40 y ont leur siège, attirées par des prix de l'immobilier très attractifs.
06:03Au centre, le quartier commerçant avec la mairie et la basilique.
06:10Plus au nord, ces quartiers défavorisés avec des cités dites sensibles.
06:16Desservie par le métro parisien, la ville offre un fort potentiel.
06:20Pourtant, son taux de chômage à près de 24% est l'un des plus élevés du pays.
06:27Et la délinquance y est deux fois plus importante que la moyenne nationale.
06:30Une criminalité qui donne à la ville une mauvaise réputation.
06:36C'est aussi à Saint-Denis que se sont cachés les terroristes qui ont ensanglanté la France en novembre.
06:42Pendant plusieurs mois, nous avons suivi le quotidien de ces habitants.
06:46Pris en étau entre un communautarisme grandissant et une forte délinquance.
06:53Adjoint au maire, Hakim est un modèle de réussite à Saint-Denis.
06:57Fervent musulman, il a décidé de s'engager au quotidien pour défendre sa communauté.
07:02Et cette ville cosmopolite dont il est très fier.
07:05C'est un plus, on apprend, on voit des choses différentes.
07:08Avec plus de 130 nationalités, la commune détient le record français.
07:12Et ce n'est pas sans conséquences.
07:14Dans le centre-ville, les commerçants ont dû s'adapter à cette nouvelle clientèle.
07:18Le malheur, c'est qu'ici à Saint-Denis, j'ai beaucoup de clients qui s'en vont.
07:22Si je devais revendre, je pense que malheureusement, ça finirait à une boucherie musulmane, je pense.
07:28A l'origine de toutes les crispations, il n'y a pas eu d'inquiétude.
07:31Mais il y a toujours eu des inquiétudes.
07:33Ça finirait à une boucherie musulmane, je pense.
07:36A l'origine de toutes les crispations, le trafic de produits stupéfiants et les violences qui en découlent.
07:42Saint-Denis est devenu un supermarché de la drogue.
07:45Et les policiers peinent à endiguer le phénomène.
07:53Face à cette forte délinquance, les entreprises édifient des forteresses pour sécuriser leurs salariés.
07:59C'est le cas à la Cité du Cinéma, un Hollywood à la française.
08:03C'est un site privé, gardé.
08:06Et on ne peut rentrer que si l'on est invité.
08:10Qui sont ces habitants ?
08:12Comment vivent-ils à Saint-Denis ?
08:14Enquête sur la Cité du 9-3.
08:16Une ville qui ne ressemble à aucune autre.
08:23Longtemps ville industrielle, Saint-Denis est depuis les années 50 une terre d'asile pour des générations d'immigrés.
08:30Cette politique d'accueil a été mise en place par le parti communiste.
08:35C'est lui qui règne en maître sur l'imposante mairie du centre-ville.
08:39Depuis presque un siècle, ce mouvement politique n'a jamais perdu une élection municipale.
08:48Hakim est l'un des adjoints au maire.
08:50Ce matin, il se rend à la mairie pour célébrer des mariages.
08:54Comme souvent dans cette ville cosmopolite, qui compte plus de 130 nationalités, les cérémonies ont un parfum d'exotisme.
09:07La journée de l'adjoint au maire s'annonce chargée.
09:117 mariages sont prévus dans la journée.
09:14Celui-là, c'est pour Bali.
09:17C'est pour moi ?
09:19C'est le deuxième pour Bali.
09:21D'accord.
09:24Il n'y a pas de souci.
09:26Hakim fait partie de ces Français nés en Algérie avant l'indépendance du pays.
09:30Il n'est arrivé en France qu'à 23 ans.
09:33Alors c'est toujours avec une certaine émotion que ce fervent musulman enfile son écharpe tricolore.
09:39C'est une fierté d'être là et qu'il y a de la reconnaissance qu'on peut amener de plus.
09:50Le moment est solennel.
09:52Les futurs époux sont français d'origine maghrébine.
09:55Ils vont s'engager pour la vie devant Hakim.
09:59Madame Farida, consentez-vous à prendre pour mari illégitime époux ?
10:04Monsieur...
10:06Oui !
10:08Et vous, monsieur, consentez-vous à prendre pour femme illégitime épouse ?
10:14Madame Farida...
10:23Oui !
10:24Au nom de la loi, nous déclarons que vous êtes unis par le mariage.
10:28Félicitations et longue vie à vous.
10:41Au rythme des chants traditionnels, les mariés vont poursuivre la fête à l'extérieur.
10:50Dans l'escalier, d'autres attendent leur tour.
10:53La plupart sont issus de l'immigration.
10:56Une fierté pour le maire adjoint.
10:58Chaque nationalité, chaque communauté, même si elle est intégrée dans la société française,
11:04a sa culture, sa façon de faire.
11:08Et donc, c'est un plus.
11:10On apprend, on voit des choses et puis c'est festif, c'est pas monotone, voilà.
11:16Entre Hakim et Saint-Denis, c'est une histoire d'amour.
11:20La ville lui a permis de faire une carrière exemplaire.
11:23En plus d'être maire adjoint, il est professeur dans un lycée technique.
11:27Mais surtout ici, Hakim peut pratiquer sa religion comme il l'entend, un islam sunnite modéré.
11:38Pour le déjeuner, il a décidé d'emmener ses jumeaux, Bilal et Sabrinelle, 10 ans, au restaurant.
11:44Tu veux manger quoi, toi ?
11:46Dans la famille, tout le monde mange halal et à Saint-Denis, ses enfants ont l'embarras du choix.
11:53Installé sur 450 m2 en plein centre-ville, ce fast-food halal est le plus grand d'Europe.
12:02Tu manges quoi, toi ?
12:04Le menu kebab.
12:06C'est l'adresse incontournable de la communauté musulmane.
12:10Ici, le personnel est autorisé à porter le voile et ça ne fait pas débat.
12:16Je me suis pas dit le voile, pas le voile, je me suis même pas posé la question.
12:19Moi, je revenais de Londres, je voulais un job étudiant.
12:22C'est pas la question que je me suis posée en me disant est-ce qu'on va m'accepter ou pas voiler ici ?
12:28Non, j'ai postulé et voilà.
12:31Heureusement qu'il y a des commerces qui sont là pour que ces gens-là puissent travailler.
12:37Celles qui portent un voile, qu'ils ont bac plus 3, bac plus 4...
12:41Enfin, ou bac moins 10. Le problème n'est pas là.
12:45Et elles veulent travailler.
12:49Au McDonald's, y a pas de problème ?
12:50Non, non, je parle en général. Elles peuvent pas.
12:53En France, le port de signes religieux en entreprise est autorisé
12:57tant qu'il ne porte pas atteinte au fonctionnement de l'entreprise
13:01ou qu'il ne pose pas de problème de sécurité.
13:03Mais les femmes voilées se retrouvent bien souvent éloignées du marché du travail.
13:07Des discriminations qui, selon Hakim, favorisent le communautarisme.
13:13A Saint-Denis, Hakim a un nouveau projet ambitieux.
13:17Ouvrir la plus grande mosquée du département.
13:23Cet après-midi, il a rendez-vous avec le futur imam de la mosquée
13:27pour faire un état des lieux du chantier qui a commencé il y a 9 ans.
13:33A quelques centaines de mètres de la basilique des rois de France,
13:36le minaret de la mosquée fait désormais partie du paysage.
13:43Salut, mon ami.
13:44Avec vous.
13:45Ça va ?
13:46Tu vas bien ?
13:47Ça va ?
13:48Ouais, et toi ?
13:49Ahmed est le futur imam.
13:50Les 2 hommes espèrent inaugurer leur nouveau lieu de prière dans quelques semaines.
13:54Mais il reste encore de nombreux détails à régler.
13:57On commence à voir clair.
13:59Le plus gros, il est fait, là.
14:00L'adjoint Omer a vu les choses en grand.
14:02Une salle de prière de 300 m2 réservée aux hommes.
14:06Juste au-dessus, en Mezzanine, l'espace des femmes fait 100 m2.
14:13Au total, cette mosquée magistrale devrait coûter 7 millions d'euros.
14:17Une petite fortune.
14:18Alors pour la financer, Hakim et Ahmed ont dû faire une collecte de fonds par Internet.
14:25On a créé le 1er mosqueton de France.
14:27Ça nous est venu comme ça, l'idée, en disant tiens, on parle de télétons, on parle de sidatons, on parle de tontons, tontons.
14:33J'ai dit ah, tontons, pourquoi pas mettre mosquetons ?
14:36Et là, c'est l'idée, puis bon, on a lancé.
14:38Et c'est vrai que ça a été très bien perçu par la communauté.
14:43Les dons ont majoritairement afflué de France.
14:46Mais 15% de la somme provient de l'étranger, notamment de l'Arabie saoudite.
14:51L'Etat wahhabite a lui-même versé 800 000 euros.
14:56Pour Hakim, comme pour Ahmed, c'était la seule solution pour que cette mosquée sorte de terre.
15:01Une nécessité, selon eux.
15:03Pour pouvoir bien transmettre les valeurs de l'islam, il faut des lieux pour.
15:07Et pour bien étudier, il faut quand même qu'on soit convivial et que les enfants veulent venir.
15:11Pour moi, c'est même un devoir à l'institution ou à l'Etat de, pas de, comment dirais-je, d'organiser l'islam,
15:19mais de l'accompagner de façon à ce que les musulmans peuvent se prendre par la main
15:25pour enlever toutes les ambiguïtés, tout ce qu'on rencontre actuellement.
15:29Et chacun interprète comme il veut cet islam.
15:34Et puis on tombe dans les excès.
15:37Dans quelques semaines, Hakim espère recevoir ici tous les musulmans de Saint-Denis
15:42pour une inauguration en grande pompe.
15:45Dans la ville, la forte présence de populations étrangères n'est pas sans conséquences.
15:51A l'hôpital de La Fontaine, le personnel soignant a dû s'adapter, notamment à la maternité.
15:57C'est l'une des plus grandes de France et aussi l'une des plus complexes.
16:01Car ici, en plus des questions médicales, les médecins doivent constamment composer
16:06avec la diversité de la population.
16:10A 30 ans, le docteur Anne-Charline travaille aux urgences de cette maternité depuis 7 mois.
16:16Et c'est toujours avec un peu d'appréhension que cette jeune interne
16:19commence son service tous les matins.
16:24On se dit qu'il va falloir prendre un café pour assurer la journée
16:27parce que certainement qu'un vendredi, il va y avoir beaucoup de monde.
16:30Mais heureusement, je suis avec Ralph et on va bien travailler.
16:33Son collègue Ralph arrive du Liban. Il est ici pour terminer ses études.
16:37Et s'il est précieux aux yeux de l'équipe, c'est aussi parce qu'il parle arabe.
16:41Une qualité essentielle dans cet établissement.
16:46Dans la salle d'attente, 15 personnes font déjà le pied de grue.
16:49La plupart d'origines étrangères.
16:52Alors avant d'aller à l'hôpital, Ralph doit s'assurer qu'il n'y a pas d'infection.
16:56Il doit être assuré qu'il n'y ait pas d'infection.
17:00La plupart d'origines étrangères.
17:03Alors avant de les recevoir, Anne-Charline se pose souvent la même question.
17:12Ce sera la surprise.
17:16Sa première patiente d'origine syrienne est enceinte.
17:19Elle consulte car elle souffre de forme aux deux ventres.
17:22Venez, asseyez-vous sur la petite chaise verte.
17:25Pour comprendre l'origine de ces douleurs,
17:28Anne-Charline veut d'abord connaître ses antécédents médicaux.
17:31Mais très vite, la consultation se transforme en dialogue de sourds.
17:35Les enfants accouchés normal ou césariennes ? Normal ?
17:39Non.
17:40L'accouchement ? Les bébés ?
17:43La bébé ?
17:44Oui, vos 3 enfants.
17:45La bébé-mère et la bébé.
17:47Normal ?
17:48Heureusement, Anne-Charline peut compter sur son collègue.
17:53Tu peux, par hasard, faire une petite traduction en arabe pour une dame ou pas ?
17:57Oui.
18:09En arabe, le problème est vite réglé.
18:11Rien de grave, juste les symptômes normaux du début de grossesse.
18:15La patiente rentrera chez elle avec une simple ordonnance.
18:22Ici, les médecins ont appris à jongler avec près d'une dizaine de langues.
18:26Mais il y a un sujet sur lequel ils ne transigent jamais, la laïcité.
18:31Bonjour, madame.
18:32Allez-y, entrez.
18:33Au même moment, l'un des collègues d'Anne-Charline, le docteur Ambroise,
18:37reçoit ce couple originaire d'Algérie.
18:40Enceinte, la femme souffre, elle aussi, de maux de ventre.
18:43Le docteur doit s'assurer que la mère et l'enfant ne sont pas en danger.
18:48Alors, ce qu'on va faire, c'est qu'il va falloir qu'on vous examine.
18:53Ensuite, on fera une échographie.
18:55Une échographie qui se fera par au-dessus, par le ventre.
18:58Et ensuite, on fera une échographie par voie vaginale, d'accord ?
19:01Qui nous permettra de mieux voir au niveau de l'utérus et des ovaires.
19:05Mais au moment de démarrer l'examen, il y a un problème.
19:08Comment ?
19:13Alors, ça, on peut pas.
19:15De confession musulmane, la femme refuse d'être examinée par un homme.
19:19Le docteur Ambroise se retrouve dans une situation embarrassante.
19:24C'est pas la politique du service.
19:26Si vous considérez qu'il vous faut absolument une femme,
19:30ce n'est pas si urgent que ça.
19:33Et après, il y a des cliniques, vous pouvez aller dans une clinique
19:35pour aller voir si c'est une femme, d'accord ?
19:37Ces demandes sont minoritaires, mais pas exceptionnelles.
19:40L'hôpital a donc dû mettre en place une charte.
19:43Ici, la laïcité n'est pas négociable.
19:46Mais pour ne pas laisser repartir sa patiente sans solution,
19:49le docteur va lui proposer un rendez-vous dans une clinique privée.
19:53Le problème, c'est que c'est payant.
20:03Le médecin craint que sa patiente n'aille pas se faire examiner,
20:06alors il tente tout de même de la convaincre une dernière fois.
20:11Et elle peut saigner.
20:13Et elle peut en mourir.
20:15D'accord ?
20:17Le docteur va finalement avoir gain de cause, en partie.
20:21Ce sera non pour les examens vaginaux,
20:24mais la femme accepte tout de même l'échographie.
20:28L'examen n'est pas suffisant pour évacuer tout risque,
20:31mais les premières constatations sont plutôt rassurantes.
20:34La mère et l'enfant ne semblent pas être en danger immédiat.
20:39Ca, c'est le bébé. On le voit pas bien.
20:41Il est petit. Il est gros comme ça.
20:44D'accord ?
20:46Ce jour-là, la patiente n'acceptera pas la suite des examens.
20:50Une situation que le docteur Ambroise a toujours du mal à admettre.
20:55C'est dangereux. On considère que c'est dangereux,
20:57on essaie de lui expliquer, on prend le temps de lui expliquer,
21:00et on essaie de comprendre pourquoi elle se met en danger,
21:02et on n'y arrive pas.
21:04C'est toujours difficile.
21:09Au même moment, d'autres patients attendent leur tour.
21:15Exercer la médecine à Saint-Denis,
21:17c'est être confronté à des problèmes de culture,
21:20mais aussi à l'extrême précarité.
21:22Ici, un habitant sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté.
21:28L'hôpital de La Fontaine a même sa petite réputation.
21:34On dit que lorsqu'on est passé à De La Fontaine,
21:37on a un peu fait le Vietnam,
21:39tant par l'activité que par la population.
21:42Quand on est passé à De La Fontaine, après, on peut passer partout.
21:45Voilà, on peut passer absolument partout.
21:47S'il vous plaît, il y a De La Fontaine, et ensuite, il y a Mayotte.
21:52C'est vrai, c'est pas un mensonge, c'est pas péjoratif,
21:56c'est très formateur pour les inters, pour les chefs, pour tout le monde.
22:01S'ils sont nombreux à vouloir exercer à Saint-Denis,
22:04ce sont ceux à y rester pour y faire carrière.
22:07D'autant qu'à la nuit tombée,
22:09l'équipe médicale doit affronter l'autre réalité de Saint-Denis,
22:13la violence.
22:15Il est à peine 20h.
22:17A l'accueil, Thierry, l'infirmier, est agacé.
22:25Un homme, victime d'agression, vient d'être amené par les pompiers,
22:28et il est fortement alcoolisé.
22:34On va faire des points de suture à la pommette.
22:36Faut pas voir comme ça, c'est pas bon.
22:40Une plaie de la pommette, une plaie de l'arcade à suturer, mais...
22:44C'est très difficile à gérer.
22:49Je sais pas s'il s'est baissé dessus ou s'il était dans l'eau.
22:53L'homme n'a pas tous ses esprits,
22:55mais apparemment, il semble souffrir atrocement.
23:00Il a reçu un coup de poing au visage.
23:02La blessure n'est pas trop profonde.
23:04Alors en attendant qu'un médecin se libère,
23:06c'est une infirmière qui s'occupe de lui.
23:09Vous avez bu ?
23:31Le patient passera la nuit ici.
23:33Il s'en sortira avec des points de suture et un bon mal de tête.
23:37A côté, Thierry s'occupe d'un autre homme blessé dans une bagarre.
23:42Ce soir, il prendra en charge une dizaine de patients
23:45victimes de coups et blessures.
23:47Derrière cette violence se cache un fléau
23:50qui gangrène tout le territoire, le trafic de drogue.
23:59Saint-Denis est situé aux portes de Paris.
24:01Ici, chaque quartier a sa spécialité.
24:07Dans le centre-ville, c'est le royaume du c**.
24:11L'axe principal de la commune, la rue de la République,
24:15est même devenu le repère des toxicomanes.
24:18Ils sont une trentaine à y survivre.
24:29Cette femme, que nous appellerons Isabelle,
24:32est accro aux c** depuis plus de 10 ans.
24:35Sa journée commence par un brin de ménage
24:37dans ce couloir de parking du centre-ville
24:40où elle dort depuis plusieurs mois.
24:42Elle en a même décoré les murs.
24:51Son histoire, c'est celle d'une descente aux enfers.
24:54D'origine africaine, Isabelle arrive en France
24:57alors qu'elle n'a que 10 ans.
24:59Des années plus tard, un divorce, une mauvaise rencontre
25:02et elle plonge dans le c**.
25:05A peine le ménage terminé,
25:07le manque commence déjà à la ronger.
25:22Le c**, c'est un mélange de c** et d'ammoniaque.
25:26Une drogue hyper addictive et destructrice.
25:31Quelques minutes d'absence
25:33avant un brutal retour à la réalité.
25:37Aujourd'hui, Isabelle n'aura pas le temps de fumer toute sa dose.
25:40Elle est dérangée par un autre consommateur de c**.
26:03Les cris ont rameuté d'autres toxicomanes.
26:06En bas de l'escalier,
26:08ils sont une demi-douzaine à s'être rassemblés.
26:11Alors Isabelle préfère décamper au plus vite
26:14car sous l'emprise du c**,
26:16ils sont imprévisibles et un rien peut déclencher une bagarre.
26:25Elle passe la majeure partie de son temps dans ce parking.
26:28Elle y a ses petites habitudes.
26:34Pour payer sa dose de c**, Isabelle fait la mendicité.
26:38Chaque jour, c'est son obsession à récolter la somme
26:42qui lui permettra de s'acheter sa drogue à la nuit tombée.
26:51Il est 22h.
26:53Dans le centre-ville, c'est le début d'un étrange manège.
26:56La plupart des toxicomanes se dirigent vers le même endroit.
27:00A deux pas de la rue de la République,
27:02la rue du Corbillon,
27:04c'est ici que les terroristes du 13 novembre 2015
27:07avaient trouvé refuge.
27:09C'est ici que se trouve le squat
27:11où ils achètent leur dose.
27:16Nous décidons de les suivre en caméra cachée.
27:19A la porte, un homme filtre les entrées.
27:23...
27:29Après quelques minutes de négociation,
27:31nous parvenons à nous faufiler à l'intérieur.
27:38Nous retrouvons Isabelle en pleine discussion avec cet homme
27:42qui porte une doudoune bleue.
27:44C'est le dealer.
27:53...
27:56Avec 3 autres toxicomanes,
27:58Isabelle passera la nuit ici à fumer du c**.
28:01Chaque soir, elle répète le même scénario inlassablement.
28:06A Saint-Denis, la lutte contre ces trafics
28:09est devenue la priorité des forces de l'ordre.
28:12Dans un territoire où le taux de chômage
28:15atteint 40 % chez les jeunes,
28:17le trafic de drogue est un secteur économique parallèle
28:20qui générerait beaucoup d'argent,
28:22près d'un milliard d'euros sur tout le 93,
28:25selon une étude du parc et de Bobigny.
28:27Un jackpot pour les délinquants, un casse-tête pour les policiers.
28:37Au commissariat central du 93,
28:39les policiers de la BAC territorial
28:41sont chargés de combattre la délinquance
28:43dans tout le département.
28:45Mais régulièrement, ils concentrent leurs efforts à Saint-Denis.
28:50C'est parti, t'es en position ou quoi ?
28:56Leurs missions peuvent être périlleuses,
28:58alors par mesure de sécurité,
29:00ils ont tenu à rester anonymes.
29:03Ça va ? Bonjour.
29:04Bonjour.
29:06A leur tête, le capitaine que nous appellerons Benoît.
29:10Aujourd'hui, avec ses hommes,
29:12il a décidé de patrouiller dans les quartiers nord de la ville,
29:15une zone contrôlée par les dealers
29:17où le trafic se déroule au vu et su de tous.
29:22Pour les arrêter,
29:23les policiers tentent de les surprendre en flagrant délit,
29:26mais face à eux, les trafiquants sont très organisés.
29:32À peine arrivés au pied de la cité,
29:34des cris retentissent.
29:39Ils crient parce que vous arrivez, c'est ça ?
29:41Voilà.
29:42Tous ceux qui sont capuchés, en fait, c'est des pus.
29:45Nous, on appelle ça des pus, du coup, parce qu'ils disent pus.
29:47Et donc, en fait, là, le dealer, qui est peut-être là,
29:50peut-être dans ce bâtiment-là, il est en train de s'arracher.
29:54Sa pu est en fait le cri d'alerte des dealers
29:56pour prévenir de l'arrivée de la BAC.
29:59Je viens de rentrer dans Jaurès.
30:02Face à eux, cet homme penché à la fenêtre de la voiture bleue,
30:06les policiers le soupçonnent de vendre des produits stupéfiants.
30:09La course poursuite s'engage aussitôt.
30:15Mais dans ce labyrinthe, pas facile de s'y retrouver.
30:203 minutes de course folle, et à l'arrivée, le suspect a disparu.
30:28L'équipe parviendra seulement à mettre la main sur cet homme
30:31venu s'approvisionner.
30:38Comme vous voyez, il y a des gens qui sont là.
30:40Il y a des gens qui sont là.
30:43Comme vous voyez, il y a pas mal d'issues.
30:45Ca court à notre arrivée, donc on sait pas qui a fait quoi.
30:48Il y a des gens qui courent pour rien juste parce qu'ils nous ont vus,
30:51juste parce qu'ils ont entendu qu'on arrivait.
30:53Et donc c'est difficile, après, de cibler qui est qui.
30:56Et donc là, en l'occurrence, pour l'instant, on n'a pas grand-chose.
30:59Les poches vides, l'individu ne sera pas interpellé.
31:03Les policiers effectuent régulièrement des saisies record.
31:12Mais de l'aveu même du capitaine, c'est une guerre sans fin.
31:16En fait, c'est une telle ressource financière
31:19qu'ils renonceront jamais à ça.
31:22Parce que c'est une manne...
31:24C'est une manne pour les voyous,
31:26mais c'est parfois également une manne, c'est malheureux à dire,
31:29mais pour les familles, pour tout ça, quoi.
31:32C'est une source de revenus, quoi.
31:34Pour un chou, ça peut aller de 30 euros à 50 euros
31:36avec un grec et une canette.
31:38Il leur faut pas grand-chose.
31:39La journée ?
31:40Oui.
31:41Ou un vendeur, ça dépend si c'est un point de blanche
31:44ou de l'herbe ou de la résine.
31:46Ça peut aller, pareil, de 50 à 100, 150, 200, 200 euros la journée.
31:49Tout dépend du rendement, du point de deal, tout simplement, en fait.
31:53Drogue, violence, pauvreté.
31:56Ce cocktail explosif a créé une tension constante dans la ville.
32:01Mais ces dernières années,
32:03Saint-Denis a su offrir un tout autre visage.
32:08Depuis l'ouverture du Stade de France en 1998,
32:11des dizaines d'entreprises du CAC 40
32:14ont peu à peu élu domicile de l'autre côté du périphérique.
32:18Mais en choisissant de s'installer ici,
32:20elles ont dû prendre des mesures de sécurité draconiennes
32:23pour protéger leurs salariés.
32:26Ils sont chaque jour 27 000 à travailler
32:29dans ce nouveau quartier d'affaires au sud de la ville.
32:36Parmi eux, Brigitte Ségal.
32:38Tous les matins depuis un an,
32:40elle quitte son domicile des beaux quartiers parisiens
32:42pour se rendre à Saint-Denis.
32:46Moi, j'adore venir ici.
32:49J'adore venir ici, j'adore mon bureau.
32:54Brigitte travaille à la Cité du cinéma,
32:57une entreprise unique en France
32:59qui attire les plus grandes stars de la planète.
33:0262 000 m2 flambant neuf,
33:05entièrement dédiés au 7e art.
33:07Comme la plupart des sociétés installées à Saint-Denis,
33:10cette Hollywood à la française est ultra sécurisée.
33:13Avant d'y entrer, il faut montrer patte blanche.
33:18Bonjour!
33:25C'est bon?
33:28Ça, c'est systématique.
33:30C'est un site privé, gardé,
33:33et on ne peut rentrer que si l'on est invité
33:36ou si on travaille ici, si on a une raison d'être ici.
33:40Après la fouille, Brigitte doit encore passer
33:43une dernière barrière avec son badge.
33:46Si ce lieu est si bien gardé,
33:49c'est qu'il renferme des trésors.
33:51Derrière ces grandes portes métalliques
33:53se cachent des plateaux de tournage.
33:55Ils ont été imaginés et conçus
33:57par le réalisateur français Luc Besson.
34:00Partout dans la cité, on retrouve sa marque,
34:03comme ces maquettes qui ont servi
34:05à tourner ses plus grands succès
34:07et d'autres qui font aussi l'admiration des visiteurs
34:10autorisés à pénétrer les lieux.
34:12Je trouve que de voir les voitures
34:14me fait rêver. On se rappelle de plein de choses.
34:16C'est vrai que c'est beau, on les voit pour de vrai,
34:18donc ça a existé pour de vrai,
34:20la Doloréane a existé pour de vrai.
34:22Allez, en golfette.
34:24Elles sont pas belles, mes golfettes ?
34:27Mais elles sont magnifiques.
34:29Le matin, Brigitte fait sa tournée d'inspection
34:32pour saluer ses clients,
34:34des producteurs qui paient une petite fortune
34:37pour réaliser leur film ici.
34:40Donc là, nous approchons du plateau 1.
34:44On se tourne en famille.
34:46Donc je vais suivre les instructions
34:48du régisseur général.
34:50Ne pas faire... Ne pas commettre d'impairs.
34:53Coupe les portables.
34:55Coupe les portables.
34:57Absolument. Hop.
34:59En famille, c'est une série humoristique
35:02bien connue des téléspectateurs.
35:05Action !
35:07Les aventures quotidiennes des Kervélecs,
35:103 générations de Français
35:12tiraillés entre petits tracas et gros soucis.
35:15En coulisses, Brigitte s'assure
35:17que ses clients sont satisfaits.
35:20Bonjour ! Comment tu vas ?
35:22Très bien. Tu vas bien ?
35:24Oui, très bien.
35:26Rien ne laisse à penser que nous sommes au coeur
35:29de l'une des villes les plus violentes de France.
35:31D'ailleurs, la plupart des personnes
35:33qui travaillent à la Cité du cinéma
35:35ne connaissent de Saint-Denis
35:37que ses plateaux de tournage.
35:39Brigitte en tête.
35:41Je suis allée une fois seulement dans Saint-Denis
35:44à la mairie.
35:46Donc c'était une mairie comme une mairie.
35:49Donc j'avais pas... J'ai pas eu de problème,
35:52mais moi, je ne suis pas très familière
35:55avec Saint-Denis.
35:57Et pour cause.
35:59Comme la plupart des entreprises de Saint-Denis,
36:02la Cité du cinéma fonctionne à huis clos.
36:04Les 500 salariés du site
36:06ont à disposition 2 restaurants,
36:08une salle de sport
36:10et même une crèche.
36:12Un village en miniature.
36:14Je vais vite faire un petit tour dans la zone.
36:16Et pour ceux qui ne viennent pas au bureau
36:18avec leur voiture,
36:20un service de navette a été mis en place
36:22jusqu'à la station de métro la plus proche.
36:25Bon, ben, moi, j'y vais.
36:27A demain ! Bonne soirée !
36:2918 h.
36:31Les employés quittent le travail.
36:33Au pied des bureaux, un chauffeur les attend
36:36pour les emmener jusqu'au métro,
36:38situé à moins de 500 m.
36:40Un service VIP indispensable
36:42pour assurer leur sécurité.
36:44Soyons honnêtes, ça a été un petit peu mis en place
36:47pour ça, au départ, parce qu'il y a eu quelques agressions.
36:50Mais bon, après, franchement,
36:52pour avoir fait le trajet des milliers de fois...
36:55Voilà, ça partait comme partout, en fait.
36:57C'est un peu ça, le problème.
36:59Par ici, en pensant qu'on va se faire agresser
37:01en sortant de la cité du cinéma.
37:03C'est vrai que le soir, c'est un gain de temps.
37:05En partant à 19h, 20h, ça dépend.
37:07C'est vrai que c'est pas très agréable,
37:09cette allée de scène à nuit, quoi, en fait.
37:12Comme la cité du cinéma,
37:14la plupart des entreprises ont leur propre navette.
37:17Aux heures de pointe, leur va-et-vient est permanent.
37:20Et pour protéger les salariés
37:22qui préfèrent se rendre à pied au métro,
37:24des médiateurs surveillent leurs allées et venues.
37:27Aujourd'hui, le quartier d'affaires
37:29est le moins dangereux de la ville.
37:31Il attire toujours plus d'entreprises,
37:33car ici, les prix de l'immobilier
37:35sont parmi les plus bas d'Ile-de-France.
37:38A l'allocation, le mètre carré de bureau
37:41vaut une vingtaine d'euros par mois.
37:43C'est presque 3 fois moins cher qu'à Paris.
37:47S'il y a autant de bonnes affaires à Saint-Denis,
37:50c'est notamment parce qu'en matière de tarifs immobiliers,
37:53c'est la municipalité qui impose sa loi.
37:58...
38:02A la mairie, une équipe d'employés municipaux
38:05est spécialement chargée de réguler le marché.
38:08Une pratique assez exceptionnelle en France.
38:11A droite de l'image, cet homme s'appelle Didier Payard.
38:14C'est l'ancien maire de Saint-Denis.
38:17Bonjour, Stéphane.
38:19Et voici Stéphane Peu, en charge des affaires immobilières.
38:25...
38:28Allez, à bientôt.
38:30A 54 ans, c'est l'un des hommes les plus influents de Saint-Denis.
38:34Car avec une dizaine d'employés,
38:36c'est lui qui a la main sur les 40 000 logements
38:39du parc immobilier de la ville.
38:41Et voilà la petite start-up.
38:44Moi, je signe, mais celui qui a instruit tout, c'est lui.
38:48Leur mission, passer au crible tous les biens mis en vente à Saint-Denis.
38:52Et aussi étonnant que cela puisse paraître,
38:55s'ils estiment que c'est nécessaire,
38:57ils peuvent empêcher une transaction
38:59en utilisant leur droit de préemption.
39:02C'est un droit dont disposent tous les maires de France
39:05pour réaliser de grands projets immobiliers.
39:08S'il n'y a pas de lot, la vente se fait.
39:11Et s'il y a un lot, eh bien, on préempte.
39:13Ca arrive quelques fois.
39:15Ca arrive quelques fois.
39:17Le droit de préemption permet à Stéphane Peu et à son équipe
39:20d'être prioritaires sur les autres acheteurs lors d'une vente.
39:23Sa municipalité fait alors une offre d'achat à un prix plus bas.
39:27Et il est difficile pour un vendeur de contester.
39:32Dans sa ville, Stéphane Peu utilise cette loi à tour de bras.
39:37L'an dernier, il a préempté pas moins de 50 biens.
39:41Toutes les villes sont pas obligées
39:43d'avoir des droits de préemption renforcés.
39:45Nous, on a un droit de préemption renforcé.
39:47Ca veut dire que toutes les ventes doivent être visées par la mairie.
39:52Je dessine toutes, toutes les ventes.
39:54Ca s'appelle pas contrôler le marché, ça ?
39:58Ca s'appelle gérer avec précision une ville.
40:06Si Stéphane Peu met en oeuvre cette politique,
40:09c'est pour plusieurs raisons.
40:11La 1re, c'est la lutte contre les marchands de sommeil.
40:17A Saint-Denis, c'est un fléau.
40:19Plus de 8 000 logements insalubres sont exploités
40:22par des propriétaires peu scrupuleux
40:24qui s'enrichissent sur le dos de locataires démunis.
40:28Ce matin, l'adjoint au maire doit inspecter un hôtel en pleine rénovation
40:32qui a été préempté et racheté à l'un de ces marchands de sommeil.
40:38Bonjour.
40:39On fait la petite visite ?
40:42Le bâtiment de 4 étages fait 560 m2.
40:46Stéphane Peu projette d'y aménager 13 logements comme celui-ci.
40:50Ca, c'est un F3, ça.
40:52Auparavant, l'hôtel était composé d'une vingtaine de chambres de 9 m2
40:57que le propriétaire louait 650 euros par mois.
41:01Un scandale pour l'élu qui a mis fin à cet écœurant business.
41:05On a fait ce qu'il fallait pour sortir le propriétaire,
41:08pour mettre un terme à cet hôtel qui en était pas un
41:13parce que c'était suroccupé, insalubre, pas entretenu.
41:18Il y aurait eu un incendie dans cet hôtel,
41:21ça aurait été absolument dramatique.
41:26En 6 ans, grâce aux droits de préemption,
41:29la mairie a pu réhabiliter 247 logements insalubres.
41:33Mais il y a une autre raison qui pousse Stéphane Peu à utiliser cette loi.
41:38C'est la lutte contre l'inflation et la spéculation.
41:42Le droit de préemption lui permet de réguler le marché
41:45et de plafonner un prix au mètre carré à 4500 euros.
41:51Aujourd'hui, ce qui nous importe, c'est que le salariat,
41:54dans la diversité des professions supérieures,
41:57des cadres intermédiaires, des couches moyennes,
41:59puissent vivre dans cette ville.
42:01Et pour qu'ils puissent y vivre, il faut qu'on puisse avoir
42:05des logements de qualité à des prix raisonnables.
42:10Cette politique de contrôle des prix a permis à des habitants démunis
42:14d'accéder à la propriété.
42:16Mais elle a des effets pervers.
42:18Elle ne favorise pas la mixité sociale.
42:20Rares sont les foyers aisés qui s'installent à Saint-Denis.
42:25Et ceux qui investissent dans la cité du 93 s'en mordent parfois les doigts.
42:30C'est le cas de Warigermat.
42:34A 43 ans, cet ancien trader possède à Saint-Denis
42:38plusieurs biens immobiliers, notamment cette petite boutique
42:41qui est aujourd'hui fermée.
42:47C'est un local dans un immeuble haussmanien.
42:50Il fait 71 mètres carrés.
42:52Il y a une grande pièce principale avec une grande vitre.
42:56Ca, c'était la 2e pièce qui sort de bureau.
42:59Et derrière, il y a encore une autre pièce.
43:02Wari a acheté ce local commercial il y a 13 ans.
43:06Il l'a payée 89 000 euros.
43:08Pendant des années, il l'a louée à un assureur.
43:102 300 euros par mois.
43:12Une bonne affaire, en apparence seulement,
43:15car lorsqu'il a voulu le vendre, la mairie s'y est opposée
43:18et elle l'a préemptée.
43:21Je voulais le vendre 360, ce qui n'est pas cher.
43:24Et il me propose 180 000 euros.
43:27Je perds théoriquement 180 000 euros.
43:30Je sais pas, ils doivent penser que je travaille dans le pétrole,
43:32que l'argent, je le ramasse.
43:34Voilà. Il m'a proposé 180 000 euros en moins.
43:37Normal. C'est dégueulasse.
43:40Parce qu'ils interviennent dans la vente entre 2 particuliers.
43:45Sans aucune raison valable.
43:49Le seul recours, c'est la justice,
43:51mais les procédures peuvent durer plusieurs années.
43:54Alors, à contrecoeur, Wari a préféré retirer son bien de la vente
43:58et il a refusé la proposition de la mairie.
44:02Pourquoi la municipalité a-t-elle décidé de préempter son bien ?
44:06Wari a sa théorie.
44:08Pour lui, l'encadrement des prix
44:10vise à décourager les foyers plus aisés
44:12qui voudraient s'installer dans la ville.
44:15C'est une politique de ghettoïsation.
44:17C'est... On critique toujours les villes riches,
44:20comme Neuilly ou comme le Rincy,
44:23qui ne veulent pas de pauvres ou de logements sociaux,
44:26mais on oublie souvent qu'il y a des villes comme Saint-Denis
44:30qui ne veulent pas de cadres moyens.
44:32Ce n'est pas leur électorat.
44:34L'électorat qui va arriver, le nouvel électorat,
44:37de cadres moyens ne vote pas communiste.
44:39Ils votent socialiste, ils votent centriste, ils votent à droite,
44:42mais ils ne votent pas communiste, très peu,
44:44à part quelques intellectuels, voilà,
44:46mais sinon, quelques bougos qui sont artistes,
44:48mais ils ne votent pas communiste.
44:50Beaucoup de villes sont passées à droite
44:52parce qu'il y a eu une classe moyenne qui est arrivée.
44:56La politique mise en oeuvre par les élus de Saint-Denis
45:00a-t-elle pour objectif de favoriser
45:02l'accueil des populations plus démunies,
45:04plus promptes à voter communiste?
45:07Il y a quelques années, Stéphane Peu, l'adjoint au maire,
45:10avait déclaré dans un hebdomadaire français
45:13qu'avec 5000 foyers bobos de plus dans la ville,
45:16son parti perdrait le pouvoir.
45:18Il a par la suite démenti avoir tenu ses propos.
45:21Mais à Saint-Denis,
45:23le taux de pauvreté est aujourd'hui
45:252 fois plus élevé que la moyenne nationale.
45:28Et paradoxalement, la création du quartier d'affaires
45:31dans le sud de la ville n'y a rien changé.
45:34Rares sont les habitants de Saint-Denis
45:36à être embauchés dans ces entreprises.
45:38Chaque jour, 2 mondes se côtoient
45:41sans jamais se rencontrer.
45:47A l'autre bout de la ville, l'ambiance est à la fête.
45:52Bonjour.
45:54C'est aujourd'hui qu'Hakim inaugure sa nouvelle mosquée.
45:58Un événement qui devrait faire date.
46:00Les travaux ne sont pas encore tout à fait terminés,
46:03mais l'adjoint au maire a tenu à marquer le coup
46:06en organisant une journée porte ouverte.
46:11Tu vas bien?
46:12Ca va.
46:13C'est le grand jour, c'est le jour J.
46:18Ahmed est l'imam.
46:20Pour lui comme pour Hakim,
46:22cette mosquée est l'aboutissement de 10 ans de travail.
46:25Alors c'est avec émotion que les 2 hommes accueillent leurs invités.
46:29Des habitants du quartier et des élus locaux comme Stéphane Peu
46:33qui ont tenu à être présents pour afficher leur soutien au projet.
46:36C'est important pour la ville
46:38parce qu'on est une ville qui depuis 120 ans
46:41est une ville d'immigration, d'intégration
46:46et il faut que chacun vive ensemble
46:51avec ses cultures de référence.
46:54C'est ici qu'il faut réussir la laïcité du 21e siècle.
46:57C'est à Saint-Denis, c'est en Seine-Saint-Denis.
46:59C'est ça le défi qui est le nôtre.
47:01Le vrai défi, il est dans nos territoires.
47:03Il est ici de réussir à montrer que ça peut marcher.
47:06Stéphane, on va faire le guide là.
47:08Cet après-midi, dans tous les esprits, la même crainte.
47:11La montée du radicalisme islamique
47:13et la vague d'attentats qui touchent la France entière.
47:16Mais pour l'heure, Hakim et Ahmed
47:19profitent de leur petit moment de gloire.
47:21Hier, on a construit la basilique de Saint-Denis.
47:23Aujourd'hui, on a construit la grande mosquée de Saint-Denis
47:25qui fera partie du patrimoine de la ville de Saint-Denis.
47:29Une fois de plus, on vous remercie pour votre participation
47:32et votre venue.
47:37En ouvrant la plus grande mosquée du département,
47:39Saint-Denis écrit une nouvelle page de son histoire.
47:43Mais entre violence et pauvreté,
47:45les défis à relever sont encore nombreux
47:47pour que ces 110 000 habitants parviennent à vivre ensemble.