C'était l'un des seules en scène les plus remarqué du dernier Festival d'Avignon : Marion Mezadorian revient avec son nouveau spectacle "Craquage" au Théâtre du Marais. Elle est ce matin l'invitée de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mardi-24-septembre-2024-4799570
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00:00Place à vos nouvelles têtes, Mathilde Serrel, ce matin une comédienne et humoriste qui
00:05se débarrasse des noms dits, Marion Mezzadoria est dans notre studio.
00:10On dit de la lavande qu'elle a des vertus apaisantes.
00:17Vous vous avez grandi dedans, près d'Aix-en-Provence, et c'est tout l'inverse qui s'est produit.
00:21Une furieuse envie de dire vous a saisi et poussé à Paris.
00:26Après des années de formation et de scènes intensives, votre nouveau spectacle arrive
00:29au réolé de son succès, cet été en Avignon.
00:32Ça s'appelle « Cracage », tous les jeudis et vendredis à Paris au Théâtre du Marais,
00:36puis en tournée.
00:37Et c'est une ode au pétage de plomb qu'elle est le dernier en date, Marion Mezzadoria.
00:42Mon pétage de plomb à moi ? C'est ce qui m'a donné envie d'écrire le spectacle.
00:48On va dire que j'ai eu mon fils, j'ai eu un petit bébé, et puis je devais à ce moment-là
00:53chercher la thématique de mon nouveau spectacle, et j'ai eu un petit pétage de plomb avec
00:59ma mère et mon père, pas du tout avec l'enfant lui-même.
01:02Donc souvent on me dit « Ah, vous avez écrit sur la maternité, point du tout, sur les
01:05générations de ce qu'on se transmet ». Et donc ça a brillé au niveau des parents.
01:09Mais ça a été tellement salvateur et ça a été…
01:12On vous a mis la pression sur comment faire et vous avez réagi, vous avez totalement
01:17envoyé le déballage, vous avez tout sorti.
01:19J'ai tout sorti.
01:21C'est ça le concept du craquage, c'est votre mère, votre meilleure amie, votre voisine,
01:25votre collègue.
01:26Vous, ce jour-là, vous sentez la goutte de trop, vous déballez tout, ça fait un bien
01:30fou.
01:31Vous vous inspirez de craquages réels et de craquages rêvés.
01:33Oui, exactement.
01:34J'adore, je m'inspire de tout ce que je vois, ce que j'entends, ce que je vis.
01:38Et je vois que ça pète, ça pète un peu partout.
01:41Et surtout on ne dit pas les choses.
01:42Évidemment, on le sait, c'est une phrase un peu facile, mais je me suis rendue compte
01:46de pourquoi est-ce qu'on craque ? C'est parce qu'on n'a pas osé parler avant.
01:51Mais pourquoi est-ce qu'on n'a pas osé parler avant ? C'est qu'est-ce qui se joue
01:53à cet endroit-là ? De quoi est-ce qu'on a peur ? De ne pas être aimé ? D'être
01:57le méchant de l'histoire ? Et je me suis dit, on va aller mettre le point là-dessus,
02:02pourquoi est-ce qu'on ne dit pas les choses en temps et en heure ?
02:05Alors si vous nous écoutez, que vous n'en pouvez plus des groupes WhatsApp, c'est pour vous.
02:10Je coupe tout ! Tout !
02:12Tu coupes quoi ?
02:13Je coupe le groupe WhatsApp de la famille Je Le Quitte.
02:16Comment est-ce qu'il s'appelle déjà ce groupe de merde ?
02:19Où il faut liker toutes les deux secondes les conneries des uns, les emmerdes des autres ?
02:23La troupe Avaloche !
02:24Voilà ! La troupe Avaloche ! Eh ben ça, ça dégage !
02:30Il y a tout qui est sorti là, tu vois, et encore il en reste un peu !
02:36Ça rit, ça pleure en même temps.
02:39On est sur un double moment, c'est souvent le cas du craquage.
02:43Alors il y a une belle gamme de craquages dans le spectacle, vous les rangez comment ?
02:46Il y a des typologies de craquages ? Il y a des bons, des mauvais ?
02:48Oui, c'est ça ! Alors je me suis dit, on ne va pas gueuler pendant une heure, c'est très compliqué.
02:53Donc en fait, on va se rendre compte quelles sont les manières de craquer.
02:57Il y a avouer les choses, très calmement.
03:01Il y a les ruiner.
03:04Oui, c'est ça, il y a le calme, il y a le cri, on bafouille.
03:09Il y a vraiment plein de manières de le faire.
03:11Pendant le spectacle, j'incarne 15 personnages qui explosent.
03:17Vous incarnez pas mal d'hommes.
03:19Il y a un patron de resto en confession, il y a un gynécologue échangiste,
03:23il y a un mec qui enchaîne les meufs et qui s'est fait des implants en Turquie.
03:28J'aime bien !
03:29Vous les avez rencontrés, ceux-là, vous vous êtes dit qu'ils devraient craquer quand même ?
03:32On les connaît bien, ceux-là !
03:34Mais je ne sais pas, Marion !
03:36D'accord, très bien !
03:38Je vois ces hommes, je vois ces femmes, je n'ai pas envie de jouer que des femmes.
03:44J'ai envie de jouer tout ce que je vois et ce que j'entends.
03:46C'est la chance, c'est la force du théâtre.
03:48À l'écran, c'est autre chose.
03:49Je joue ce que je suis.
03:51Mais au théâtre, c'est formidable !
03:53Et ça vous est venu dès le début ?
03:54Parce que quand vous étiez petite, vous faisiez des spectacles délicats coups pour la famille.
03:58Vos parents travaillent dans les marchés.
04:00Vous êtes aussi beaucoup inspirée de la clientèle, des gens qui passent, etc.
04:04On va écouter votre modèle absolu, Elie.
04:07Oui, je suis inscrite sur la liste des auditions.
04:09Sarfati, S.A.R.F.R.T.I.
04:14Ben oui, j'ai une formation classique, jazz, danse contemporaine, danse de caractère.
04:23Oui, je chante, je danse, je fais des comédies musicales.
04:28Comment ? Oui, 35 ans.
04:31Célibataire, oui.
04:33Oui, célibataire.
04:35Qu'est-ce que je fous avec un mec ?
04:38Pour lui laver sa culotte, qu'il crève, c'est mieux.
04:41L'inégalable fortune et S.A.R.F.R.T.I. délicat coup.
04:44C'était au Cirque d'Hiver en 1997.
04:47Vous vous avez répété par cœur ce spectacle.
04:49Vous le connaissez mot pour mot.
04:50C'est une vieille VHS, je crois.
04:52Oui, j'adore.
04:53Moi, je suis d'origine arménienne et sicilienne.
04:58J'ai grandi à Marseille.
04:59Autant vous dire que dans la famille, ça parle avec les mains, ça gueule.
05:02On le craquage.
05:03J'imagine le craquage.
05:04Du coup, j'ai l'image maintenant.
05:05La famille craquage.
05:06On est déjà sur un format qui fait du bruit.
05:09Comment on arrête ce bus qui va à toute vitesse ?
05:12Quand Elikaku est arrivé dans le salon, j'ai compris que tout le monde était réuni.
05:17Ça faisait marrer tout le monde.
05:18Je me suis dit, lui, il a un pouvoir qu'il faudrait choper.
05:21Et surtout, c'est des textes qui étaient aussi dramatiques.
05:24Parce que quand je vois Elikaku qui fait Madame S.A.R.F.R.T.I.
05:27et qui dit « t'as intérêt à te marier, c'est la honte d'être célibataire ».
05:31Il y a vraiment un côté, écoute, le viol conjugal, c'est pas très grave.
05:34Mais pour nous, c'est la honte si jamais tu restes célibataire.
05:36C'est des textes hyper violents.
05:37Mais c'est tellement fort et tellement drôle qu'il fait passer des choses qui, moi, m'ont marqué.
05:42Et j'ai gardé cette violence et cette dramaturgie dans l'écriture.
05:46Et par contre, dans le jeu, l'outil du rire.
05:48Oui, parce que quand vous êtes arrivé à Paris, vous avez fait les cours Florent.
05:51Vous avez une carrière de comédienne dramatique aussi.
05:54Et c'est vous qui avez insisté vraiment pour aller dans le rire.
05:57Est-ce que ça marchait plutôt pas mal les rôles dramatiques ?
05:59Une question justement sur vos origines arméniennes.
06:01Il y a le personnage de votre grand-mère que vous faites parler, je crois, dans le spectacle.
06:05Qui parle français, arménien, russe, grec et turc.
06:09Elle n'aime pas qu'on dise nétro-éthnique à la place de génocide.
06:12Et elle pense qu'on descend des baklava et pas des kouniamans.
06:15Mais elle dit aussi qu'il faut craquer.
06:18Craquer, c'est parler avant l'oubli.
06:20Oui, c'est ça.
06:22On va dire qu'effectivement, j'incarne 15 façons de craquer et de dire les choses.
06:27Et je conclue aussi le spectacle comme ça.
06:29Bon, ça ne spoil rien, mais c'est ça aussi.
06:31C'est dire craquer finalement.
06:33C'est juste dire les choses avant qu'il y ait des regrets.
06:36Avant qu'on oublie l'histoire aussi.
06:39Oui, qu'on oublie l'histoire, qu'on oublie...
06:42Parce qu'on a l'impression que le silence est plus fort.
06:45Moi, dans ma famille, il y a ce tabou du génocide.
06:47On n'en parle pas.
06:49C'est, allez, on a réussi à arriver en France, on s'est intégrés, tais-toi.
06:52Maintenant, on avance, d'accord ?
06:54Et puis, j'avais l'impression qu'en passant au rire, c'était aussi faire un affront à ceux qui sont morts.
07:00On n'a pas le droit d'être heureux.
07:01Si, si, allez, on y va, on va en parler, on va tout faire.
07:03Je vais tout faire péter.
07:05Écoutez, c'est le thème du spectacle.
07:07Le craquage, c'est parti.
07:09Marion Mézadorian, c'est tous les jeudis et vendredis, 19h, entre Théâtre du Marais à Paris.
07:13Et puis, en tournée, bonne route à vous.