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Dans ce premier épisode de "L'Aventure Rosetta," plongez au cœur de la mission spatiale historique qui a marqué l'exploration de notre système solaire. Lancée par l'Agence spatiale européenne, la sonde Rosetta a voyagé pendant plus de 10 ans pour atteindre la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Ce documentaire captivant retrace les défis technologiques, les découvertes scientifiques, et les moments clés de cette aventure fascinante qui visait à percer les mystères de la formation de la vie sur Terre. Une immersion dans l'un des plus grands exploits de l'exploration spatiale moderne.
Transcription
00:00Le 20 janvier 2014, lorsqu'Andrea Accomazzo se rend à l'agence spatiale européenne,
00:12il ne sait pas encore que la sonde Rosetta, qu'il pilote depuis dix ans, entrera dans
00:17l'histoire.
00:18Dans six mois, Rosetta atteindra son objectif, la comète 67P.
00:28Elle couronnera des siècles de recherche scientifique qui questionne la place de l'homme
00:32dans l'univers.
00:33Comment la vie est-elle apparue ? A-t-elle pu émerger ailleurs que sur Terre ? Les questions
00:40qui ont inspiré l'une des missions les plus ambitieuses de l'exploration spatiale.
00:58Ce soir, l'équipe d'Andrea Accomazzo attend que la sonde Rosetta rétablisse contact
01:13après trois ans de silence.
01:14En 2004, Rosetta quittait la Terre pour un voyage de six milliards de kilomètres, emportant
01:27avec elle le travail de milliers d'ingénieurs et deux générations de chercheurs.
01:31Mais après sept ans de voyage, alors que Rosetta se trouvait à plus de 700 millions
01:37de kilomètres du Soleil, l'énergie produite par ses panneaux solaires est devenue insuffisante
01:41pour la maintenir en veille, contraignant Andrea Accomazzo à lancer une procédure
01:45risquée.
01:46Couper tous les systèmes électriques et laisser Rosetta filer dans le système solaire
01:51sans aucun contact avec le directeur de vol.
01:53Ce matin, si tout s'est passé comme prévu, une horloge interne a dû réveiller les instruments
02:03de Rosetta et orienter son antenne vers la Terre.
02:07Au même moment, en Australie et en Californie, deux antennes terrestres ultrasensibles pointent
02:13dans la direction supposée de Rosetta, dans l'espoir de capter son signal.
02:18La communication doit être rétablie à 18 heures.
02:23Le signal doit apparaître sur ses écrans, c'est un analyseur de spectre.
02:27On voit actuellement beaucoup de bruit et lorsque le signal arrivera, on verra de grandes
02:31lignes verticales.
02:32Dans la salle de presse de l'ESA, les scientifiques impliqués dans le projet Rosetta sont venus
02:40assister à l'une des phases les plus critiques de la mission qu'ils ont imaginée il y a
02:44plus de 20 ans.
02:45L'objectif final de Rosetta, c'est approcher une comète à quelques kilomètres d'altitude
02:52l'accompagner pendant plusieurs mois et lâcher un atterrisseur philaé à sa surface
02:58pour analyser sa matière.
02:59Une matière qui aurait été préservée intacte depuis la naissance du système solaire.
03:06Tout se trouve dans le nom de cette mission, Rosetta, comme pierre de rosette, parce qu'on
03:12espère à partir de cette mission, et on peut penser raisonnablement y parvenir, à
03:17la fois comprendre l'origine du système solaire, comprendre peut-être même aussi
03:23la façon dont la vie est apparue sur Terre.
03:27Mais alors que le signal de Rosetta aurait dû apparaître sur les écrans, toutes les
03:33ambitions scientifiques se découvrent dépendantes du démarrage d'un ordinateur, resté éteint
03:38pendant 32 mois dans le froid de l'espace.
03:40Jean-Pierre Bibbring est l'une des figures charismatiques de la mission Rosetta.
03:47Présent dès son origine, il a dirigé la conception de l'atterrisseur philaé, le
03:53module qui devra s'opposer sur la comète.
03:55Toutes les missions spatiales, quelque part, portent toujours une très grande part de risque.
03:58Parce qu'une bonne mission, c'est une mission qui va essayer de coupler l'ambition scientifique
04:02aux défis technologiques.
04:03Donc à chaque fois, on est à la limite de ce que l'on sait faire.
04:06Par exemple, si le réveil ne fonctionne pas, on ne peut rien faire.
04:38Le contact avec la sonde est rétabli, mais pour Andrea Accomazzo, le pilote, les opérations
04:48les plus délicates s'annoncent.
04:50Repérer la comète 67P, un objet de quelques kilomètres de long qui file au fond du système
05:03solaire, diriger la sonde Rosetta vers elle et y déposer un laboratoire destiné à comprendre
05:11les origines de la vie.
05:12Tout ce que l'on fait avec Rosetta, c'est d'essayer de comprendre la spécificité
05:33de ce qui a permis, au moins sur Terre, à la vie d'émerger, pour essayer de comprendre
05:37si c'est très générique et si ce genre de processus est suffisamment générique
05:41pour pouvoir avoir pris place ailleurs dans le système solaire, voire ailleurs dans notre
05:45environnement galactique.
05:47Donc, ce type de recherche se met dans le prolongement de quelque chose qui prend des
05:51racines très profondément dans le questionnement de l'humanité.
05:54On sait aujourd'hui qu'au moment de la formation du système solaire, des milliards
06:04de débris se sont trouvés éjectés très loin du soleil.
06:07Éloignés de la chaleur solaire, ils seraient restés intacts et pourraient contenir des
06:16indices précieux pour comprendre l'évolution de la matière jusqu'aux premières formes
06:20de vie.
06:21Cette matière gravite aujourd'hui sur des orbites encore inaccessibles, au-delà de
06:28Pluton.
06:29Mais il arrive qu'un de ces débris soit accidentellement happé à l'intérieur du
06:37système solaire et s'approche de ces chercheurs qui aimeraient tant sonder leurs secrets.
06:42Lorsqu'il se rapproche du soleil suffisamment proche pour que la glace se sublime, alors
06:48il s'entoure de cette énorme chevelure qui fait des millions de kilomètres, alors
06:52que le noyau lui-même fait quelques kilomètres, et il perd à ce moment-là plusieurs mètres,
06:58voire plusieurs dizaines de mètres de sa surface.
07:00Ça ne paraît pas beaucoup, mais sur un objet qui fait quelques kilomètres, ça veut dire
07:03qu'il va faire une centaine d'orbites comme ça et c'est fini.
07:05On appelle ces objets faits de glace et de matière primitive les comètes.
07:15Comme ici, Payson, filmé par l'Observatoire Soho.
07:20Quand vous voyez une comète, pour la comète, c'est son champ du signe, c'est-à-dire
07:24que la comète est en train de disparaître.
07:26L'idée de la mission Rosetta est née suite au dernier passage à proximité de la Terre
07:37de la plus célèbre d'entre elles, la comète de Halley.
07:41Un objet spatial dont chacune des apparitions, tous les 76 ans, marquent l'évolution de
07:46la pensée des hommes sur l'Univers.
07:48Lorsqu'en 1759, conformément aux lois énoncées par Newton et aux prévisions de son confrère
07:55Edmund Halley, une comète apparaît effectivement dans le ciel terrestre, la gravité universelle
08:02est définitivement validée.
08:03Une même force régit les mouvements de tous les objets célestes, une force qui explique
08:09les orbites de la Lune, des planètes ou des comètes, comme elle permet de calculer
08:14le mouvement d'une pomme attirée par la Terre.
08:17Le XVIIIe siècle, pour ça, a fait énormément de choses tout à fait remarquables, en assayant
08:24cette réalité que les lois sont universelles, c'est-à-dire que les mêmes lois, la pomme
08:30et la Lune, mais c'est vrai à toute échelle, obéissent, les objets obéissent aux mêmes
08:34lois.
08:35C'est comme ça que le cosmos est devenu l'univers, c'est universel, c'est-à-dire
08:39que partout, à toute échelle, ce sont les mêmes lois qui opèrent.
08:42À la fin du XXe siècle, aux lois de Newton sur la gravité s'ajoutait la maîtrise
08:56technique de la propulsion spatiale.
08:58Les hommes savaient désormais placer des satellites artificiels en orbite autour de
09:04la Terre et entreprendre des voyages interplanétaires.
09:07En 1986, alors que la comète de Halley s'approchait à nouveau de la Terre, on pouvait, pour la
09:14première fois, voler à sa rencontre lors de missions qui allaient inspirer Rosetta.
09:19Il y a eu une armada de cinq sondes spatiales qui ont été à sa rencontre pour essayer
09:25de comprendre ce que c'est qu'un royaume cométaire.
09:26Ils n'avaient jamais vu ces petits objets, évidemment, on pensait que c'était une boule
09:32de neige blanche.
09:33Ces missions étaient peut-être parmi les plus spectaculaires qu'on ait pu concevoir.
09:36Deux sondes soviétiques, deux sondes japonaises et une sonde européenne nommée Giotto partent
09:43à la rencontre de la comète de Halley.
09:45Jean-Pierre Bibring travaille aux instruments de mesure des sondes soviétiques Vega qui,
09:51les premières, croiseront sa trajectoire.
09:54Annie Chantal Levasseur-Regourd participe à Giotto, surnommée la mission Kamikaze.
10:01C'est à ce moment-là, pour la première fois, qu'on a vu un noyau cométaire.
10:05Giotto s'approche à 600 kilomètres du noyau en plein dégazage, la caméra est détruite
10:11mais elle a pu, auparavant, transmettre ses informations décisives.
10:14Et la comète de Halley remet en cause, cette fois-ci, notre conception de l'émergence
10:22de la vie sur Terre.
10:23Jean-Pierre Bibring Le premier résultat absolument incroyable
10:26qui a été trouvé, et personne ne pouvait le comprendre, c'est que c'est l'objet
10:29le plus sombre qui existe dans le système solaire, c'est plus noir que du charbon.
10:33Alors que c'est fait de glace, qu'est-ce qui fait que cette glace peut être à ce
10:38point absorbante, à ce point sombre ?
10:40La noirceur des comètes découlerait de la présence de molécules de carbone sous une
10:48forme beaucoup plus évoluée qu'on ne l'avait jamais imaginée.
10:52Des molécules dites organiques, peut-être même des acides aminés, les briques élémentaires
10:57de la vie, qui seraient restées prisonnières des comètes avant d'en semencer la Terre.
11:03Cécile Fauré Il est fort possible que ces comètes aient
11:07amené des molécules carbonées complexes, ces molécules carbonées qui ont pu ensuite,
11:14par des processus que l'on n'a absolument pas compris et qui sont certainement fort
11:19compliqués, donner naissance à la vie sur Terre.
11:23Mais lors de ces missions, les instruments embarqués n'étaient pas préparés à
11:27l'analyse de molécules organiques.
11:29Toutes les agences spatiales imaginent alors de nouvelles missions d'exploration de comètes.
11:35En 1993, la plus audacieuse d'entre elles est révélée à la presse par l'agence
11:42spatiale européenne, la mission Rosetta.
11:45Le 30 juillet 2005, Rosetta se posera sur le noyau de la comète.
11:50Rosetta, c'est la mission qui est dotée des instruments et du laboratoire capables
11:55sur place d'analyser ce que c'est qu'une comète.
11:57On voudrait savoir de quoi est fait le matériau de départ à partir duquel, aurait-ce semblablement
12:01en semencer dans les océans terrestres, la vie a pu émerger.
12:05Des milliers de scientifiques et d'ingénieurs sont sollicités pour imaginer un laboratoire
12:10spatial automatisé, capable de disséquer la matière d'une comète.
12:15Sur l'orbiteur, Rosetta, un accélérateur de particules qui doit récupérer de la poussière
12:21de comète et analyser sa composition.
12:24Un spectromètre capable de déterminer si l'eau des comètes est de même nature que
12:28l'eau terrestre.
12:29Des caméras haute définition qui devront aider à la navigation et relever la topographie
12:35du terrain en vue de l'atterrissage.
12:38Sur l'atterrisseur, Philae, sept caméras qui devront effectuer le premier panoramique
12:44jamais réalisé d'une comète.
12:46Un outil radiographique pour déterminer sa composition interne et l'instrument COSAQ
12:52qui devra forer la surface et faire chauffer les échantillons récupérés dans des fours
12:57miniatures à la recherche de molécules organiques.
13:00Au total, 22 outils d'analyse équipent la sonde.
13:04Il aura également fallu inventer toute la technologie de navigation.
13:08Des systèmes de communication performant à plusieurs centaines de millions de kilomètres.
13:12Des panneaux solaires de 30 mètres pour les alimenter pendant 10 ans.
13:21Un système d'éjection qui devra propulser l'atterrissage de la comète.
13:26Un système d'éjection qui devra propulser l'atterrisseur à une vitesse exacte.
13:31Ces batteries qui devront fonctionner à moins 150 degrés.
13:35Des harpons qui devront se propulser automatiquement pour l'ancrer à la surface de la comète.
13:45En 2002, les caméras de l'ESA immortalisent le laboratoire spatial Rosetta
13:51et son atterrisseur Philae, ici sur son flanc gauche, juste avant leur départ pour l'espace.
14:03Une mission de ce genre, c'est le travail d'une vie.
14:06L'assemblage de l'instrument dure 5 ans et la sonde voyage 10 ans.
14:10Puis en 2 heures à peine, on découvre si les 15 dernières années n'ont servi à rien ou si c'est une réussite.
14:16Donc oui, il est tout à fait possible qu'après 15 ans, on constate
14:20« Bon ben voilà, ça ne marche pas, on n'a rien. »
14:28Fred Guzman est le responsable de l'outil COSAQ.
14:31Il a lui-même conçu ces fours miniatures destinés à chauffer les échantillons de comètes pour analyser les gaz résiduels
14:38et espérer identifier la trace de molécules organiques.
14:42Peut-être des acides aminés, les briques élémentaires du vivant.
14:48« Si on pouvait constater que sur la comète, il y a des molécules qui se mettraient à germer si elles tombaient au bon endroit.
14:54Un endroit où il y a de l'eau, où il y a une atmosphère, ce serait génial, non ? »
15:00Quelques semaines avant l'arrivée prévue de la sonde à destination,
15:04Fred Guzman se prépare, sur une réplique terrestre de son instrument,
15:08à envoyer des commandes au laboratoire spatial.
15:11Tout comme son collègue, Martin Hilschenbach, responsable de l'accélérateur de particules placé sur Rosetta.
15:19Ils anticipent tous les cas de figure pour analyser au mieux la matière organique des comètes
15:24et peut-être percer le mystère de la vie.
15:30« Quand on cherche des traces de vie, c'est toujours la vie telle que nous la connaissons sur Terre.
15:35La vie telle qu'on la connaît est basée sur la chimie organique.
15:39On ne connaît pas d'autres formes de vie. »
15:46La vie aurait émergé sur Terre, il y a trois milliards et demi d'années,
15:50suite à un assemblage complexe de molécules organiques.
15:57Mais au début du 21e siècle, alors qu'on parvient à lancer des laboratoires spatiaux au fond du système solaire,
16:04on est encore incapable de fabriquer l'organisme vivant le plus primitif.
16:10« Lorsque vous attaquez le problème de l'origine de la vie,
16:13vous attaquez probablement à des derniers mythes qui existent encore intactes. »
16:21Louis Dendecour est astrochimiste.
16:23Il tente de recréer de la vie en laboratoire en imitant les conditions du système solaire à ses débuts.
16:30« On peut définir déjà un système dans lequel il y a forcément de l'eau, pas trop chaude,
16:35de grosses molécules qui soient nécessairement très stables.
16:39Et pour avoir des liaisons chimiques qui soient capables de réagir les unes avec les autres,
16:44il faut pouvoir leur apporter de l'énergie.
16:46Et cette énergie ne peut être en gros que l'énergie des photons du Soleil. »
16:52Les astrochimistes comme Louis Dendecour cherchent à créer de l'énergie.
16:57Les astrochimistes comme Louis Dendecour
16:59cherchent à comprendre comment la matière primitive du système solaire
17:02s'est transformée peu à peu jusqu'à devenir vivante.
17:09« Tous les éléments qui sont ici sur Terre,
17:11tous les éléments dans lesquels nous on est constitués,
17:13je parle des éléments atomiques,
17:15tout ça on sait que c'est fabriqué dans les étoiles.
17:17Donc il n'y a pas de problème,
17:19il y a un lien très fort entre les étoiles, les planètes et ce que l'on est nous. »
17:28On comprend bien aujourd'hui comment les premières formes de vie terrestre
17:32ont évolué progressivement jusqu'à la diversité actuelle.
17:36Les plantes, les mollusques, les chiens, les hommes.
17:42En revanche, juste avant que ne s'enclenche ce processus,
17:45de grandes énigmes subsistent.
17:47Louis Dendecour focalise ses recherches sur cette transition
17:51de la matière inerte à la matière vivante.
17:57« Un, deux, trois ! »
18:03« Allez hop ! »
18:06« C'est tout de même répondre à des questions très angoissantes.
18:10Pourquoi on est là ? Où est-ce qu'on va ?
18:12Pour moi, il n'y a aucun problème.
18:13On est là parce qu'on est en fait les enfants du cosmos d'une certaine manière.
18:17On est en droit fil de l'évolution de l'univers. »
18:27Mais que s'est-il passé pour que la matière prenne vie ?
18:36Comme les biologistes parviennent à reconstituer l'évolution
18:39grâce aux restes d'animaux disparus,
18:42les astrochimistes espèrent de l'exploration spatiale
18:45qu'elle leur fournisse des molécules restées intactes depuis des milliards d'années.
18:58La comète 67P, découverte par Shuryumov et Gerasimenko en 1969,
19:04est la cible de la mission Rosetta.
19:07L'expérience la plus complète jamais imaginée pour comprendre les origines de la vie.
19:16En mars 2004, une nouvelle version de l'Ariane 5
19:20est sur le point de décoller avec Rosetta à son bord.
19:23Pendant ce temps, Adam Statt, Andrea Accomazzo, alors âgé de 34 ans,
19:28s'apprête à prendre les commandes de la sonde.
19:31À l'instant où Ariane aura largué Rosetta, le contrôle de l'engin lui reviendra.
19:38« En mars 2004, une Ariane 5 a décollé de Kourou avec Rosetta à bord.
19:43C'était fantastique, un grand soulagement. »
19:53« Quand elle décolle, il y a ce bruit énorme et juste après,
19:57on réalise qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire jusqu'à ce que la sonde soit lâchée avec succès.
20:02Ces heures ont été interminables. »
20:24Deux heures et treize minutes après le décollage, selon l'expression consacrée,
20:29tous les paramètres à bord sont nominaux.
20:44La mission d'Arianespace est accomplie.
20:46Celle d'Andrea Accomazzo commence.
20:49Elle durera 12 ans.
20:54« Si on place sur ce dessin le Soleil ici, au centre du système solaire,
21:00eh bien l'orbite de la comète autour du Soleil ressemble à ça, relativement large.
21:05Ça, c'est la comète qui tourne autour du Soleil.
21:09Si je prends l'orbite de la Terre, qui est notre point de départ,
21:13on a quelque chose qui ressemble à ça.
21:15Ça, c'est l'orbite de la Terre.
21:19Donc vous voyez, l'orbite de la comète est beaucoup plus grande que celle de la Terre.
21:24Ce que le lanceur Ariane 5 a pu nous donner au départ,
21:28c'était quelque chose de légèrement différent de l'orbite de la Terre autour du Soleil.
21:33Donc on est encore très loin de l'orbite de la comète.
21:36Pour que Rosetta puisse atteindre cette orbite,
21:39on utilise une technique connue dans les vols interplanétaires
21:42qu'on appelle l'assistance gravitationnelle. »
21:49Basée sur les lois établies par Newton,
21:52l'assistance gravitationnelle consiste à placer la sonde
21:55dans le champ de gravité de différentes planètes
21:58pour profiter de leur mouvement autour du Soleil et accélérer la sonde.
22:03Car ni l'élan donné par Ariane, ni les propulseurs intégrés à la sonde,
22:08qui ne servent qu'à ajuster sa trajectoire,
22:11ne lui permettent d'atteindre l'orbite de la comète 67P.
22:16« Donc on utilise l'énergie des planètes qui tournent autour du Soleil
22:21pour envoyer Rosetta de plus en plus loin.
22:24C'est comme une chaîne qui attrape Rosetta et la lance plus loin. »
22:32Trois ans après son décollage,
22:34Rosetta entre dans le champ gravitationnel de Mars
22:37pour subir une nouvelle accélération.
22:40« Lorsqu'elle est passée tout près de Mars,
22:42on a mis sous tension nos caméras et on a fait une image que j'aime beaucoup
22:46où on voit Mars au fond, la sonde en premier plan avec son grand panneau solaire.
22:51Et Rosetta qui passe devant, qui voit ça, qui fait une image
22:55et qui ensuite va vers le noyau cométaire,
22:57bon, il y a quelque chose de très émouvant aussi là-dedans. »
23:00Après avoir profité du mouvement de Mars autour du Soleil,
23:03Rosetta quitte son orbite, selon une trajectoire prévue,
23:07pour plonger vers la Terre en novembre 2007,
23:10puis, une dernière fois, en février 2009.
23:15Après cinq années d'une trajectoire interplanétaire savamment compliquée,
23:19Rosetta arrive à l'orbite de la comète 67P,
23:22qui est la plus grande comète du monde.
23:26Après cinq années d'une trajectoire interplanétaire savamment calculée,
23:31la sonde s'éloigne définitivement de la Terre,
23:34avec la vitesse nécessaire pour se placer sur l'orbite de 67P
23:38et la rejoindre au plus loin du Soleil.
23:42« Au cours du voyage interplanétaire de Rosetta,
23:45on a eu la chance de traverser deux fois la ceinture d'astéroïdes.
23:51Il y avait des scientifiques avec nous dans la salle de contrôle
23:54qui, s'ils les chargeaient en temps réel, les donnaient de Rosetta.
23:58Les images arrivaient directement sur leur portable.
24:07L'image m'a saisi. On y voyait l'astéroïde
24:10et il y avait une petite étoile juste derrière.
24:16En regardant attentivement, on a réalisé que c'était Saturne.
24:19On pouvait voir les anneaux de Saturne. C'était fantastique. »
24:25Le 8 juin 2011, alors que son élan la dirige vers l'orbite de la comète 67P,
24:30les systèmes de la sonde Rosetta,
24:33trop éloignés du Soleil pour fonctionner, sont éteints.
24:38Plus aucune communication n'aura lieu avec la Terre pendant 32 mois.
24:46Pendant le voyage de Rosetta,
24:48les équipes scientifiques suivent les avancées des autres agences spatiales
24:52avec l'intérêt et l'inquiétude de concurrents.
24:55La sonde spatiale Deep Impact de la NASA tire un projectile
24:59depuis une distance de 8 000 km sur le noyau de la comète Temple 1.
25:03L'impact est filmé par plusieurs sondes et télescopes.
25:12Puis la sonde Stardust, après avoir traversé la chevelure d'une comète
25:16avec une vitesse relative de 20 000 km heure,
25:19revient sur Terre avec quelques poussières de comètes à son bord.
25:28Un laboratoire de la NASA affirme avoir identifié la trace de glycine,
25:33un acide aminé présent chez tous les êtres vivants.
25:37Mais la faible quantité de molécules récupérées
25:40et leur état dégradé par un impact violent
25:43ne permettent pas d'établir avec certitude
25:46que cette trace organique provient bien de la comète
25:48et non pas d'une contamination terrestre.
25:53En 2014, la mission Rosetta est toujours en passe
25:57d'accomplir un exploit sans précédent dans l'histoire.
26:08On sait assez précisément où se trouve Rosetta,
26:11mais on sait beaucoup moins bien où se trouve la comète.
26:15Depuis le réveil de Rosetta,
26:17Andrea Accomazzo peut à nouveau interagir avec la sonde.
26:22Mais à ce stade de la mission,
26:24la position de la comète, déduite d'observation terrestre,
26:27est trop imprécise pour espérer la survoler.
26:32On veut amener Rosetta à seulement quelques kilomètres de la comète.
26:36Mais pour l'instant, on a une incertitude sur sa position
26:39de l'ordre de 10 000 km.
26:42C'est clair que ça ne peut pas marcher.
26:46La seule solution, c'est de photographier la comète
26:49depuis Rosetta pendant la phase d'approche.
26:56La navigation en mode visuel
26:58ne sera possible qu'à partir du moment où les caméras de Rosetta
27:02commenceront à percevoir la lumière renvoyée par la comète.
27:07A l'Institut Max Planck, Holger Sirks,
27:10responsable des deux caméras haute résolution embarquées par Rosetta,
27:14recherche les premiers indices visuels de la comète 67P.
27:18Ces images sont authentiques, non nettoyées,
27:21avec les rayons cosmiques.
27:23Elles sont vraiment dans l'état
27:25où elles nous ont été transmises par la sonde spatiale.
27:29Les images de la comète 67P,
27:32elles sont vraiment dans l'état
27:34où elles nous ont été transmises par la sonde spatiale.
27:39Le fond fixe des étoiles sert de repère dans l'espace.
27:43Ici, telle constellation, repérée sur une image référence,
27:48est superposée à cette même constellation
27:51photographiée par la caméra de Rosetta.
28:03Tous les objets célestes s'ajustent.
28:10Et, à l'emplacement supposé de la comète,
28:13Holger Sirks cherche un nouveau point lumineux,
28:16la trace de 67P.
28:22Et puis un jour, les spéculations deviennent certitudes.
28:25Trois images prises à 24 heures d'intervalle tournent en boucle.
28:30Ce point, au centre, qui se déplace,
28:33c'est la première preuve tangible que 67P est en ligne de mire.
28:38Holger Sirks envoie l'image à toute l'équipe.
28:43On a reçu un e-mail.
28:45On savait exactement ce à quoi s'attendre.
28:47Un point blanc dans un ciel noir parmi des milliers de points blancs.
28:52J'ai pensé aux 17 années écoulées.
28:55Le jour où vous recevez une telle image,
28:57vous vous dites, on est vraiment en train de le faire,
28:59on touche au but, c'est notre comète.
29:01Ce n'est plus une simulation, c'est la vraie.
29:05L'objectif des directeurs de vol,
29:07ne plus lâcher ce point dans l'espace,
29:09se diriger droit sur lui.
29:14Le 21 mai 2014, l'équipe d'Andrea Accomazzo
29:18calcule la modification de trajectoire décisive
29:21pour espérer atteindre la comète.
29:24Une commande est envoyée pour activer ces propulseurs
29:27pendant 7 heures et 35 minutes.
29:31Si les calculs sont exacts,
29:33les images envoyées par Rosetta au fil des jours
29:36devraient enfin dévoiler la forme de cet objet
29:38qui n'a jusqu'à présent jamais été pour les hommes
29:41qu'un point lumineux dans l'espace.
29:54Ce que je trouve fascinant en pensant à Rosetta,
29:57c'est le fait que des hommes, des siècles plus tôt,
29:59alors qu'ils n'avaient pas les moyens technologiques
30:01que nous avons aujourd'hui,
30:03ont été capables de calculer les orbites de planètes,
30:06de lunes, de comètes, extrêmement précisément.
30:09Ce qu'ils ont fait est remarquable,
30:11et j'aimerais que ce que nous réalisons aujourd'hui
30:13puisse être perçu par ces personnes
30:15comme une sorte d'objet de recherche.
30:18Ce qu'ils ont fait est remarquable,
30:20et j'aimerais que ce que nous réalisons aujourd'hui
30:22puisse être perçu par ces personnes
30:24comme un accomplissement de tout le travail
30:26qu'ils ont mené des siècles plus tôt.
30:48Chaque fois, quand on reçoit les premières images
30:50et qu'on s'aperçoit qu'on a dans le champ
30:52exactement ce qu'on avait prévu,
30:54bien sûr, quand on réfléchit d'un point de vue rationnel,
30:56les lois de la physique sont relativement bien établies,
30:59donc ce n'est pas un étonnement sur le fait
31:01que les lois de la gravité sont vérifiées.
31:04Mais c'est toujours pareil,
31:06on a beau y croire, quand on le voit, c'est encore mieux.
31:12Ces images inédites d'un noyau de comète
31:15obtenues après un voyage de dix ans
31:17sont saluées dans le monde entier.
31:21Pourtant, la forme de 67P inquiète.
31:25Sa structure en angle droit et sa surface chaotique
31:28compromettent la phase la plus spectaculaire
31:30de la mission Rosetta,
31:32la première tentative d'atterrissage sur une comète.
31:39Le 23 août 2014,
31:41une réunion est organisée à Toulouse
31:43au Centre national d'études spatiales
31:45pour tenter de trouver un site d'atterrissage.
31:55Les ingénieurs de vol
31:57et les scientifiques responsables de l'atterrisseur Philae
31:59ont eu 15 jours
32:01depuis l'arrivée de Rosetta à destination
32:03pour caractériser une comète
32:05jusqu'alors totalement inconnue.
32:14Il a fallu déterminer sa masse
32:16pour calculer les trajectoires de chute de l'atterrisseur,
32:19étudier son mouvement de rotation
32:22et le temps d'ensoleillement de ses différentes faces,
32:25cartographier précisément le terrain
32:28pour évaluer le risque d'un retournement à l'atterrissage.
32:33Mais les premières confrontations de résultats sont claires,
32:36aucun site ne remplit
32:38toutes les caractéristiques espérées.
32:41Les compromis qui s'imposent accentuent des opinions divergentes,
32:44particulièrement entre les ingénieurs de vol
32:47et les responsables scientifiques.
33:11Le site est la seule chose
33:13à laquelle on peut choisir
33:15un terrain et une capacité à l'atterrissage.
33:17C'est un des paramètres,
33:19les autres doivent être considérés.
33:21C'est pourquoi il y a 70 personnes dans la salle
33:23et pas seulement les flics de vol.
33:40Mais il se trouve que les endroits les plus faciles pour se poser, c'est exactement sur le sommet ici,
33:45parce qu'il y a un énorme cratère qui est rempli de matériaux, qui fait que c'est relativement plat ici.
33:49Et donc c'est ici qu'à priori, les gens qui ne travaillent que sur cette question de la facilité de se poser, aimeraient nous mettre.
33:56Pour les responsables des outils scientifiques, embarqués par l'atterrisseur Philae,
34:01l'enjeu principal consiste à s'assurer que le site choisi, s'il devait être atteint,
34:06soit propice aux expériences qu'ils ont conçues 15 années plus tôt.
34:11Quand on arrive à ce comète, en deux semaines, nous sommes les seuls à pouvoir projeter un modèle de forme sensible,
34:17nous sommes les seuls à pouvoir faire des computations qui font sens.
34:21Dans tout cette conférence, il n'y a pas un seul qui peut projeter une image avec une échelle à côté de lui.
34:26Vous ne savez pas si c'est 20 mètres ou 2 kilomètres.
34:29Si on vise un site particulièrement dur, ou qui présente des éléments à sa surface risqués pour l'atterrissage,
34:36bien sûr, on considère que ce n'est pas judicieux, parce que ça compromet complètement la mission.
34:45Si l'atterrisseur se retourne, il n'y a plus rien à faire, c'est terminé.
34:58Moi, j'aime le Site A. Je sais, ce n'est pas un coin très pratique, ce n'est pas aussi plat.
35:06Mais c'est là que ça se passe, c'est là que la comète fume.
35:15Pendant la nuit, les trajectoires de descente vers chacun des sites pressentis sont affinées.
35:29Les équipes trouveront finalement un compromis avec le Site J.
35:33Un site qui semble être constitué d'une matière très primitive, située sur le sommet de la comète,
35:38mais dont la surface plane est plus étroite que celle espérée par les directeurs de vol.
35:45Il leur reste deux mois pour établir la stratégie de largage.
35:51Cette forme très biscornue de la comète nous complique la tâche,
35:54parce que du point de vue de la gravité, il n'y a pas une gravité constante comme sur une sphère.
35:59Donc, on va avoir des trajectoires extrêmement compliquées, très tordues.
36:05A Toulouse, l'équipe du CNES calcule la position d'où l'atterrisseur Philae devra être largué pour atteindre sa cible.
36:13Philae sera lâché d'une distance de 22 km, deux fois l'altitude de croisière d'un avion de ligne.
36:20Il tombera en chute libre pendant 7 heures sans rien pour le contrôler,
36:24selon une trajectoire dépendante de sa vitesse d'éjection et de la gravité de la comète.
36:36Un mois plus tard, c'est au tour d'Andrea Accomazzo et Bixente Companis d'établir le plan de vol de Rosetta,
36:42pour la mener au point de largage avec la bonne vitesse, à l'instant T.
36:48Mais la distance qui sépare le directeur de vol de la sonde télécommandée complique sérieusement la tâche.
36:55Chaque commande envoyée à Rosetta lui parvient seulement une demi-heure plus tard.
37:00Il faudra pourtant être exact.
37:02De la dernière manœuvre de Rosetta dépend entièrement le point de chute de Philae.
37:09On estime qu'on a pas mal de chances de toucher la surface dans un cercle de 500 m autour du point visé.
37:15Bien sûr, on espère faire mieux, mais il faut faire face à cette réalité.
37:21Si on touche un rocher ou une pente, même de deux ou trois mètres, il n'y a rien qu'on puisse faire.
37:26Ce n'est plus de notre sort.
37:30Au-delà de l'exactitude des calculs, il faudra également de la chance pour parvenir à se poser
37:36et sonder la matière primitive d'une comète.
37:40Tout système laissé à une certaine forme d'abandon va aller vers un désordre croissant,
37:46vers un désordre qui est en quelque sorte mortel.
37:53Or, la vie, c'est exactement à l'opposé de ça.
37:56La vie, en fait, construit de l'ordre et de l'ordre.
37:59La vie, c'est un ordre.
38:01La vie, c'est un ordre.
38:03La vie, c'est un ordre.
38:05C'est exactement à l'opposé de ça.
38:07La vie, en fait, construit de l'ordre à partir du chaos, d'une certaine manière, à partir du désordre.
38:14L'émergence de la vie a longtemps trouvé pour seule explication possible
38:18l'intervention d'un être divin
38:21ou un hasard miraculeux.
38:24Si c'est du hasard, c'est totalement impossible.
38:27On donne souvent un peu l'analogie.
38:29Vous prenez toutes les pièces d'un Boeing 747, vous les envoyez en l'air et ça retombe.
38:33Vous avez le Boeing 747.
38:35Donc, c'est totalement impossible.
38:40Louis Dendecourt espère trouver la loi qui explique comment la matière s'est organisée
38:45jusqu'à lancer l'évolution du vivant.
38:50Maintenant que l'on connaît de mieux en mieux
38:53les conditions qui ont prévalu à l'apparition de la vie sur Terre,
38:56je pense que d'ici une dizaine d'années, le problème devrait être résolu.
39:04L'aboutissement de ces recherches sur les origines de la vie
39:08établirait que l'apparition de formes vivantes découle d'une loi universelle.
39:13Un processus logique de transformation de la matière
39:17qui se serait enclenché partout dans l'univers où l'environnement y est propice.
39:25Un élément liquide, comme l'eau,
39:27de l'énergie, comme la lumière d'une étoile,
39:30et des molécules organiques, comme celles que pourraient contenir les comètes.
39:42Dans douze heures, Philae doit se séparer de Rosetta,
39:46le point d'orgue d'une mission lancée il y a plus de vingt ans.
39:51La première tentative d'atterrissage sur une comète
39:54suscite un intérêt médiatique exceptionnel.
39:57Au centre de contrôle de l'Agence Spatiale Européenne,
40:001500 journalistes, venus du monde entier,
40:03s'apprêtent à relater en direct le déroulé des opérations.
40:08Dans une salle adjacente, Jean-Pierre Bibbring et Holger Sirks
40:11préparent leurs équipes à la séquence de largage.
40:14Les images de leurs caméras, posées sur Philae et sur Rosetta,
40:17joueront un rôle crucial pour suivre les opérations.
40:20Demain, lui, il va être responsable de la séquence de largage.
40:24Demain, lui, il va être responsable de la caméra sur l'orbiter,
40:28nous, sur le lander.
40:30Et donc, voilà, deux heures après, il devrait nous faire une image
40:33et nous, on fera son image, on mettra ça ensemble.
40:36Voilà. Super.
40:42Andrea Accomazzo s'isole de l'effervescence médiatique
40:46pour vivre les 24 heures les plus intenses de sa carrière.
40:51Mais les images des caméras placées dans la salle de contrôle
40:54seront suivies en direct dans le monde entier.
41:03Dans la nuit, l'ordre de largage a été confirmé.
41:12À 8h35, temps universel, Philae est éjectée.
41:17Mais sur Terre, personne ne le sait encore.
41:23Désormais, le rôle de Rosetta consiste à maintenir la communication
41:27entre Philae et la Terre.
41:31Dans la salle de contrôle de Darmstadt,
41:33Andrea Accomazzo attend que le signal confirmant la séparation
41:37parcourt les 28 minutes-lumière,
41:40les 500 millions de kilomètres qui le séparent de la sonde.
41:47Yes !
41:51C'est le point de non-retour.
41:53Plus aucune intervention n'est possible avant l'atterrissage.
42:00Klim Shuryumov a été invité à suivre sur place
42:03l'atterrissage sur la comète qu'il a découverte un demi-siècle plus tôt.
42:09Dans les salles de réception de l'ESA,
42:11on s'échange des informations qui filtrent.
42:13Une première mauvaise nouvelle est reliée.
42:17Il y a une petite chose qui est négative,
42:20c'est que le thruster ne fonctionne pas.
42:22Le système de propulsion qui doit plaquer Philae sur le sol de la comète
42:26au moment de l'impact ne fonctionne pas.
42:31Pour s'ancrer à la surface de la comète,
42:33Philae ne peut plus compter que sur ses deux harpons
42:36qui doivent se déclencher automatiquement au contact du sol.
42:42Ce qu'on attend d'une minute à l'autre,
42:44c'est le premier cliché pris par Philae.
42:46Les scientifiques, sollicités par la presse,
42:48profitent de cette attente impuissante
42:50pour rappeler l'objectif de la mission Rosetta.
42:52C'est un objet qui nous raconte notre histoire...
42:56Alors qu'il est en direct à la radio avec Annie Chantal Levasseur-Regour,
43:00Jean-Pierre Bibring reçoit un message de l'équipe Philae.
43:03Je profite d'être à l'antenne pour vous dire
43:05que je viens de recevoir en temps réel
43:07la toute première image qui a été prise.
43:09On voit effectivement notre sonde.
43:12Elle est dans l'ombre et on voit la lumière qui se réfléchit
43:14sur les instruments à l'extérieur.
43:16C'est très émouvant parce que pour la première fois,
43:18on s'est séparés de notre engin
43:20et on voit celui qui nous a portés pendant dix ans jusqu'à ce point-là
43:23s'éloigner de nous.
43:28Les images envoyées par Rosetta confirment
43:30que les trois pieds de Philae se sont correctement déployés.
43:43La caméra ROLIS, située sous Philae,
43:46annonce une trajectoire parfaite.
43:53On peut imaginer qu'à l'heure de la comète,
43:56l'atterrissage a déjà eu lieu,
43:58mais comme il faut après une demi-heure
44:00pour que les ondes électromagnétiques nous arrivent,
44:03de toute façon, on n'en sait rien.
44:07Les yeux sont rivés sur les écrans
44:09où s'affiche le visage du directeur de vol, Andrea Accomazzo.
44:14On attend l'expression de sa joie pour saluer une première historique.
44:37À 17h03, à l'heure exacte calculée par l'équipe de vol,
44:41les signaux télémétriques annoncent
44:43que Philae a touché le sol de la comète.
45:07Pourtant, un problème majeur perturbe le programme.
45:15Une minute après que sa joie a déclenché la liesse de millions de personnes,
45:19Andrea Accomazzo est alarmée par de nouvelles informations.
45:36Celle-ci ne descend pas.
45:39L'élevation n'a pas descendu.
45:42C'est probablement dû à l'explosion.
45:48C'est un jour d'enthousiasme, de bonheur et de fascination.
45:53C'est incroyable !
45:55C'est incroyable !
45:58Les mesures d'illumination des panneaux solaires de Philae
46:02indiquent que l'atterrisseur ne s'est pas stabilisé.
46:06La situation de Philae est incertaine.
46:16Deux heures après l'impact, on attend toujours l'image promise,
46:20le pied d'un laboratoire posé sur une comète.
46:23Mais la preuve tangible du premier atterrissage cométaire ne vient pas.
46:27La seule chose qui est certaine, c'est qu'il est arrivé sur le noyau.
46:31On ne sait pas s'il est resté.
46:35On ne sait pas s'il est resté, mais je...
46:43Pendant ce temps, l'analyse des images permet peu à peu
46:46de reconstituer le fil des événements.
46:49Après une chute de sept heures, Philae a touché le sol de la comète
46:53à dix mètres du point visé.
46:55Les calculs des équipes de vol se sont avérés parfaits.
46:58L'impact au sol, visible sur ces images prises par Rosetta, en atteste.
47:04Mais les harpons de Philae ne se sont pas déclenchés.
47:08Il a rebondi.
47:10Cette image, prise dix minutes après l'atterrissage,
47:13est devenue une vraie catastrophe.
47:16Il a rebondi.
47:18Cette image, prise dix minutes après l'impact au sol,
47:21est la dernière sur laquelle Philae est visible.
47:25La suite de sa trajectoire est déduite des instruments de mesure.
47:29L'atterrisseur, dont le poids est équivalent à celui d'un objet d'un gramme sur Terre,
47:33se serait élevé à plus d'un kilomètre d'altitude.
47:38Et à 19 heures, Rosetta, passée de l'autre côté de la comète,
47:42ne peut de toute façon plus établir de contact avec l'atterrisseur.
47:48Il faudra attendre 7 heures, demain matin,
47:51lorsque Rosetta se lèvera sur l'horizon de la comète,
47:54pour savoir si Philae s'est reposé, en état de marche,
47:58ou s'il a disparu.
48:05Dans la salle de contrôle, après dix ans de mission,
48:08on ne sait pas si on est l'auteur d'une première mondiale
48:11ou si l'aventure est terminée.
48:41Quand je suis arrivé ce matin, à 7 heures,
48:44on était seul, pas de pression, personne d'autre.
48:53Et j'ai vu le signal de l'atterrisseur surgir exactement à l'heure attendue.
49:00L'atterrisseur était en vie, la machine était sur la comète,
49:04elle avait survécu toute seule pendant plus de dix heures.
49:08L'émotion que j'ai ressentie était tellement profonde,
49:11vous ne pouvez pas imaginer.
49:16Le 13 novembre 2014, à 7 heures,
49:19les images envoyées par Philae parviennent enfin sur Terre.
49:23Un de ces trois pieds, un de ces deux pieds,
49:26un de ces deux pieds, un de ces deux pieds,
49:29un de ces deux pieds, un de ces deux pieds,
49:32un de ces deux pieds, un de ces deux pieds,
49:36Un de ces trois pieds, posé contre cette roche noire,
49:39cette matière primitive, témoins de nos origines.
49:52300 ans après Newton et les premiers calculs d'orbite cométaire,
49:56un engin humain a touché le sol d'une comète.
49:59La mission de l'agence spatiale européenne est saluée partout dans le monde,
50:03comme un exploit sans précédent depuis le premier pas de l'homme sur la Lune.
50:23Après deux nuits presque sans sommeil,
50:26les principaux acteurs de la mission découvrent qu'ils ont attiré l'attention du monde.
50:33Je parle à Sylvain.
50:50Jean-Pierre Bibbring, responsable scientifique de Philae.
50:55Holger Sierks, responsable des caméras de Rosetta.
51:00Stéphane Oulamec, directeur des opérations de Philae.
51:08Et Andrea Accomazzo, le pilote,
51:11se retrouve pour raconter au monde l'aventure Rosetta.
51:30Coincés à l'ombre d'une falaise,
51:33Philae ne pourra pas recharger ses batteries comme prévu.
51:36Avant qu'elles ne s'épuisent, dans une soixantaine d'heures,
51:39le maximum d'instruments sont activés.
51:42Les trois quarts des données scientifiques prévues parviennent sur Terre
51:45et une dernière commande est envoyée.
51:48Les panneaux solaires de Philae sont réorientés
51:51pour optimiser leur exposition.
51:54Les ingénieurs espèrent que le peu d'énergie cumulée de jour en jour
51:57suffira à relancer la machine avant la fin du voyage de Rosetta
52:00programmé en décembre 2015.
52:05Mais déjà, après l'exploit technique,
52:08les révélations de la mission Rosetta sont relayées
52:11par les plus grandes revues internationales
52:14comme au temps d'avancées scientifiques majeures.
52:17Quant aux expériences sélectionnées au milieu des années 90
52:20pour la mission Rosetta...
52:23Les données de la sonde Rosetta
52:26qui continuent d'arriver dans les laboratoires
52:29confirment l'abondance et la variété de molécules organiques complexes.
52:41Jamais, depuis la mission Rosetta,
52:44les êtres humains n'ont été si proches d'expliquer
52:47comment la matière s'est organisée pour engendrer la vie.
52:50Ça c'est vraiment l'évolution de l'univers.
52:54Un processus qui, au fur et à mesure qu'on parvient à le comprendre,
52:57révèle son caractère à la fois universel et exceptionnel.

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